Conférence présentée durant la
réunion de la Congrégation de la Doctrine de la Foi en présence des présidents
des commissions doctrinales de la conférence épiscopale d'Amérique Latine
(Guadalajara, Mexique, mai 1996).
Dans les années 80, la théologie de la libération apparut, sous
ses formes les plus radicales, comme le défi le plus pressant lancé à la foi de
l'Eglise, défi qui réclamait une réponse et une clarification. Car elle offrait
une réponse nouvelle, plausible et en même temps pratique à la question
fondamentale du christianisme : la question de la Rédemption. Le mot libération devait exprimer d'une manière
différente, plus compréhensible, ce que le langage traditionnel de l'Eglise
appelait Rédemption. En fait, en arrière-plan, c'était toujours la même
question : nous faisons l'expérience d'un monde qui ne correspond pas à un
Dieu de bonté. La misère, l'oppression, le règne d'injustices de toutes sortes,
la souffrance du juste et de l'innocent sont les signes du temps — de tous les
temps —. Et chacun souffre : nul ne peut dire de ce monde et de sa propre
vie : « arrête-toi, tu es si beau ». La théologie de la
libération, à partir de notre expérience, intervenait en disant : cette
situation, qui ne doit plus durer, ne peut être surmontée que par une
transformation radicale des structures de notre monde, qui sont des structures
de péché et de mal. Si donc le péché exerce son pouvoir sur les structures, et
que par elles la montée de la misère est programmée d'avance, alors on ne
saurait le renverser par la conversion individuelle, mais seulement par le
combat contre les structures d'injustice. Mais ce combat, est-il dit, doit être
un combat politique, car c'est grâce à la politique que les structures peuvent
être consolidées et préservées. Ainsi, la Rédemption devient un processus
politique, dont la philosophie marxiste montre le chemin. Elle devient une
tâche, mieux encore, un devoir pour les hommes de se prendre en main eux-mêmes,
et par là elle se transforme en une espérance tout à fait pratique : la
foi passe de la théorie à la praxis, et devient action concrète,
rédemptrice, dans le processus de libération.
La chute des systèmes politiques
européens inspirés par le marxisme fut une sorte de crépuscule des dieux pour
cette théologie d'une praxis politique rédemptrice : c'était précisément
là où l'idéologie marxiste de la libération avait été appliquée dans toutes ses
conséquences, que s'était développée cette radicale privation de liberté dont les
horreurs sont devenues visibles au grand jour dans toute leur crudité. Là où la
politique se veut être rédemption, elle promet trop. Là où elle veut faire le
travail de Dieu, elle ne devient pas divine, mais démoniaque. Les événements
politiques de 1989 ont aussi modifié le scénario théologique. Jusqu'alors, le
marxisme avait été la dernière tentative d'élaboration d'une action dans l'histoire
se voulant de portée universelle. Il croyait savoir comment s'élabore
l'histoire du monde et par là pensait pouvoir montrer comment cette histoire
pouvait être mise définitivement sur la bonne route. Le fait qu'il se soit
fondé sur des méthodes apparemment strictement scientifiques, remplaçant la foi
par la connaissance et la connaissance par l'action, lui conférait son
extraordinaire fascination. Toutes les promesses non tenues des religions
semblaient enfin remplies grâce à cette praxis politique scientifiquement
fondée. La chute de cette espérance devait entraîner une immense désillusion
qui est loin d'être acceptée. On peut donc penser que de nouvelles formes
d'images du monde inspirées par le marxisme se présenteront encore à nous. Pour
le moment, nous ne pouvons que rester dans l'expectative : l'échec du seul
système scientifique proposant une solution aux problèmes de l'homme ne peut
que justifier le nihilisme ou du moins un relativisme total.
Le relativisme, philosophie dominante
C'est ainsi que le relativisme est
devenu maintenant de fait un problème central pour la foi. Il ne se manifeste
pas seulement comme une sorte de résignation devant l'immensité de la vérité,
mais il se définit également de manière positive par les concepts de tolérance,
de liberté et de reconnaissance par le dialogue, concepts qui resteraient
limités si l'on supposait une vérité valables pour tous. Le relativisme
apparaît en même temps comme le fondement philosophique de la démocratie,
reposant sur le fait qu'il n'est permis à personne de prétendre connaître le
juste chemin de la vérité ; la démocratie fonde son existence sur la
reconnaissance mutuelle de toutes les voies, qui sont autant de fragments
d'expériences en vue d'un monde meilleur, et sur la recherche d'une communauté
de dialogue, qui va jusqu'à englober les rivalités de connaissances
contradictoires. Dans ce cadre, un système de vérité serait essentiellement un
système de positions qui se comprennent d'autant mieux qu'elles sont davantage
relativisées, qui de surcroît dépendent de circonstances historiques et qui
doivent demeurer ouvertes à de nouveaux développements. Une société libérale
serait une société relativiste ; ce n'est qu'à cette condition qu'elle
pourrait rester libre et ouverte vers l'avenir.
Dans le domaine politique, cette
conception est très largement justifiée. Il n'y a pas de vérité unique en
matière d'option politique. Ce qui est relatif, la construction d'une
communauté humaine organisée librement, ne peut être absolu ; penser de
cette façon, c'est là l'erreur du marxisme et des théologies politiques. À vrai
dire, on ne peut guère arriver à grand-chose, dans le domaine politique, avec
un relativisme total : il existe une injustice qui ne peut devenir la
justice (par exemple tuer des innocents, refuser à des individus ou à des
groupes le droit à la dignité humaine et aux conditions de vie correspondantes) ;
il y a une justice qui ne peut devenir injustice. On ne peut donc dénier un
certain droit du relativisme dans le domaine politique et sociologique, mais le
problème se pose quand il s'établit lui-même sans limitations. Mais ce
relativisme s'applique également, de manière tout à fait consciente, au domaine
de la religion et de l'éthique. Je ne peux souligner que par quelques allusions
les développements qui déterminent aujourd'hui le dialogue théologique. La
théologie pluraliste des religions
s'était déjà développée progressivement depuis les années 50, mais elle se
trouve maintenant entraînée au centre de la conscience chrétienne 1.
Dans un certain sens, elle occupe — en termes de pression exercée par sa
problématique et de présence dans les espaces culturels les plus divers — la
place de la théologie de la libération dans les décennies précédentes ; de
plus, elle présente avec cette dernière de nombreux points communs et tente de
lui donner une forme actuelle et renouvelée. Elle présente de nombreuses
nuances, il n'est donc pas possible de la définir par une formule brève et d'en
résumer l'essentiel. D'un côté, elle est un enfant typique du monde occidental
et de ses modes de pensée philosophiques, mais de l'autre elle touche aux
intuitions philosophiques et religieuses de l'Asie, particulièrement du
sous-continent indien d'une manière étonnante, au point que le contact entre
ces deux mondes lui donne actuellement une impulsion particulière.
Le relativisme en théologie - la
christologie revue et corrigée
Ces traits sont clairement visibles
chez l'un de ses fondateurs et représentants éminent, le presbytérien américain
J. Hick, dont le point de départ philosophique se trouve dans la distinction
kantienne entre le phénomène et le noumène : nous ne pouvons jamais voir
la vérité ultime en elle-même, mais seulement sa manifestation dans notre mode
de perception, à travers différents prismes. Tout ce que nous percevons n'est
pas la réalité véritable, qui existe en soi, mais en est un reflet à notre
mesure. Ce concept que Hick avait d'abord tenté de formuler dans un contexte
christologique, il le transforma, après un séjour d'un an en Inde, en une
nouvelle forme de théocentrisme, par le jeu, selon ses dires, d'une « révolution
copernicienne » de la pensée. L'identification d'une figure historique
unique, Jésus-Christ, avec le Réel en
soi, le Dieu vivant, est désormais rejetée comme une régression vers le mythe.
Jésus est consciemment relativisé comme un génie religieux parmi d'autres. L'Absolu ne peut advenir dans l'histoire,
il ne peut y avoir que des modèles, des formes idéales, qui nous mettent sur
une toute autre voie, selon laquelle rien dans l'histoire ne peut être saisi en
soi. Il est clair que l'Église, les dogmes, les sacrements doivent sans tarder
perdre leur caractère inconditionnel. Faire un absolu de ces moyens si limités,
les considérer comme rencontres véritables avec la vérité, valables pour tous,
d'un Dieu qui se révèle, cela signifie que le particulier est érigé en absolu
et que par là on manque le caractère infini du Dieu tout autre.
De ce point de vue, qui s'étend bien
au-delà des théories de Hick, croire qu'il existe réellement une vérité, qui
s'impose et demeure valide dans l'histoire elle-même, de la figure de
Jésus-Christ et de la foi de l'Eglise, est considéré par la pensée dominante
comme une sorte de fondamentalisme, qui apparaît comme le véritable agresseur
de l'esprit de la modernité et la menace fondamentale contre ses bienfaits
suprêmes, la tolérance et la liberté.
C'est ainsi que la notion de
dialogue, qui avait une signification très importante dans les traditions
platonicienne et chrétienne, a pris un sens tout à fait différent. Elle est
devenue à la fois la quintessence du Credo relativiste et l'antithèse de la conversion et de la mission : le
dialogue, dans sa signification relativiste, revient à placer l'opinion
particulière, c'est-à-dire la foi personnelle, au même niveau que les
convictions des autres, et à lui refuser par principe d'être plus vraie que les
opinions des autres. Ce n'est que si je présuppose fondamentalement que l'autre
pourrait avoir autant ou davantage raison que moi, qu'un véritable dialogue
peut avoir lieu. Le dialogue devrait être un échange entre des positions
placées par principe au même niveau et donc mutuellement relatives, le but
étant de parvenir à un point culminant dans la coopération et l'intégration
entre les différentes formes de religion 2. La dissolution
relativiste de la christologie et encore plus de l'ecclésiologie devient alors
un commandement central de la religion. Et pour en revenir à Hick : la foi
dans une divinité unique, nous dit-il, conduit au fanatisme et au
particularisme, à la dissociation de la foi et de l'amour ; c'est cela
précisément qu'il faut vaincre 3.
Le recours aux religions de l'Asie
Dans la pensée de J. Hick, que nous
considérons ici comme un représentant éminent du relativisme religieux, se
rejoignent d'une façon tout à fait remarquable la philosophie post-métaphysique
européenne et la théologie négative de l'Asie, pour laquelle le divin ne peut
jamais se dévoiler dans le monde des apparences dans lequel nous vivons :
il se montre toujours dans des reflets relatifs et demeure lui-même au-delà de
tous les discours, au-delà de tous les concepts, dans une transcendance absolue
3. Les deux philosophies sont en elles-mêmes fondamentalement
différentes depuis leur point de départ jusqu'à l'orientation qu'elles
proposent à l'existence humaine. Cependant, elles semblent se confirmer
mutuellement dans leur relativisme métaphysique et religieux. Le relativisme
a-religieux et pragmatique de l'Europe et de l'Amérique peut emprunter à l'Inde
une sorte de consécration religieuse, dont le renoncement aux dogmes semble
mieux respecter la dignité du secret de Dieu et de l'homme. Inversement, le recours des pensées européenne et américaine à la vision
théologique et philosophique de l'Inde renforce le relativisme et les multiples
formes religieuses qui appartiennent à son héritage. Il semble donc nécessaire
à la théologie chrétienne en Inde d'ôter à l'image du Christ sa singularité,
qui relève d'une vision typiquement occidentale, et d'y placer au même niveau
les mythes indiens de rédemption : le Jésus historique (c'est ainsi que
l'on pense aujourd'hui) est somme toute aussi peu le Logos que n'importe quelle
autre figure historique de salut 5. La revendication du relativisme
d'être le signe de la rencontre des cultures, en tant que véritable philosophie
de l'humanité, lui donne une force de pénétration, à l'Est et à l'Ouest, qui ne
semble permettre, comme on l'a déjà indiqué plus haut, aucune résistance.
Quiconque s'y oppose se place en adversaire non seulement de la démocratie et
de la tolérance, mais aussi des commandements fondamentaux de la réciprocité
entre les hommes ; il persiste obstinément à donner la prééminence à sa
propre culture occidentale et se refuse à la réciprocité des cultures, qui est
manifestement l'impératif de l'heure. Qui veut en rester à la foi de la Bible
et de l'Eglise, se voit en premier lieu poussé dans un no man's land culturel ;
il doit d'abord redécouvrir la « folie de Dieu » (1 Corinthiens 1,
18) pour reconnaître en elle la véritable sagesse.
Orthodoxie et orthopraxie
Pour pénétrer la sagesse qui se
trouve dans la folie de la foi, il est utile, si nous cherchons au moins à nous
assurer de son commencement, de voir à quoi sert la théorie relativiste des
religions de Hick et sur quelle voie elle conduit les hommes. En dernière
analyse, la religion, pour Hick, signifie que l'homme passe de l'état centré sur lui-même du vieil Adam à
l'existence centrée sur la réalité de
l'homme nouveau, et sortant du Soi
propre pour rejoindre le Tu du
prochain 6. Cela sonne bien, mais à l'examen le contenu est creux et
sans signification, tout autant que l'appel à l'authenticité lancé par
Bultmann, et qu'il avait emprunté à Heidegger. De ce fait, on n'a plus besoin
de la religion. Ressentant cette lacune, l'ancien prêtre catholique P. Knitter
a essayé de surmonter la vacuité d'une théorie religieuse réduite en fin de
compte à un impératif catégorique par une synthèse concrète, nouvelle et plus
consistante entre l'Asie et l'Europe 7. Il
propose de donner à la religion une expression plus concrète en reliant la
théologie pluraliste des religions aux théologies de la libération. Le dialogue
inter-religieux devrait par là être radicalement simplifié et en même temps
devenir plus efficace, en se fondant sur un présupposé unique : « le
primat de l'orthopraxie sur l'orthodoxie »8. Placer la praxis au-dessus de la connaissance relève
certes d'un bon héritage marxiste, mais le marxisme se contente de concrétiser
seulement ce qui résulte logiquement du silence de la métaphysique : là où
la connaissance est impossible, il ne reste plus qu' à agir. Mais Knitter
affirme : On ne peut atteindre
l'absolu, mais seulement agir. La question est : Pourquoi en fait ?
Comment puis-je agir de manière juste, si je ne sais absolument pas ce qui est
juste ? La chute du régime communiste repose précisément sur le fait que
l'on a transformé le monde sans savoir ce qui était bon ou mauvais pour lui ;
sans savoir dans quelle direction on devait le changer pour qu'il devienne
meilleur. La pratique pure n'est pas la lumière.
C'est le moment ici d'examiner de
façon critique le concept d'orthopraxie. L'histoire des religions avait établi
que les religions de l'Inde ne connaissent aucune orthodoxie, mais seulement
une orthopraxie ; on suppose que c'est par là que ce concept est entré
dans la théologie moderne. Mais dans la description des religions de l'Inde, il
avait un sens tout à fait précis : on voulait dire par là que ces
religions n'avaient pas à connaître un enseignement de foi obligatoire et de
portée générale, et que l'appartenance à ces religions n'était pas définie par
l'acceptation d'un credo déterminé. Cependant ces religions connaissent un
système d'actes rituels qui sont considérés comme nécessaires au salut et qui
sépare les croyants des non-croyants. Le croyant ne se reconnaît
pas à un contenu de foi précis, mais par l'observance scrupuleuse d'un rituel
qui embrasse toutes les dimensions de la vie. Ce que signifie l'orthopraxie, ce
qui est également l'agir juste, est
déterminé très précisément : un code de rituels. D'autre part, le mot orthodoxie avait presque la même
signification dans l'Église primitive et dans les Églises d'Orient. Car dans le
suffixe doxie, la doxa n'était
bien sûr pas entendue dans le sens d'une opinion
— pour les Grecs les opinions sont toujours relatives — . La doxa était
comprise essentiellement comme gloire,
glorification. Être orthodoxe, cela
signifie connaître et pratiquer la véritable manière dont Dieu veut être
glorifié. C'est aussi le culte et, à partir du culte, la vie elle-même. Il
s'agit là d'un pont solide qui pourrait permettre un dialogue fructueux entre
l'Est et l'Ouest.
Mais revenons à la signification du
terme orthopraxie dans la théologie
moderne. Personne ne pensait ici à l'observance d'un rituel. Le mot a pris un
sens nouveau, qui n'a rien à voir avec les représentations authentiques de
l'Inde. Une chose reste : si l'exigence d'orthopraxie doit avoir un sens
et ne point dissimuler un refus de l'obligation, alors il doit exister une pratique
commune, connaissable par chacun, qui dépasse le discours général du centré sur soi et du tourné vers le prochain. Si l'on exclut
le sens rituel que lui donne l'Asie, alois la praxis peut être comprise dans un sens éthique ou politique. Dans
le premier cas, l'orthopraxie devrait présupposer un ethos dont le
contenu soit clairement défini. Il est clair que cela serait complètement exclu
dans un débat éthique relativiste : il n'y a tout simplement pas de bien
ou de mal en soi. Si au contraire l'on comprend l'orthopraxie dans un sens
sociopolitique, alors se pose de nouveau la question de ce qu'est une action
politique juste. Les théologies de la libération, qui sont animées par la
conviction que le marxisme nous dit clairement ce qu'est la juste praxis
politique, peuvent utiliser la notion d'orthopraxie dans son véritable sens.
Ici la question n'est pas de savoir ce qui est facultatif, mais de connaître
une forme adaptée à tous de la praxis juste ; c'est là la vraie
orthopraxie, qui peut rassembler la communauté et se séparer de ceux qui
rejettent la juste manière d'agir. C'est dans cette mesure que les théologies
de la libération imprégnées de marxisme étaient, d'une certaine manière,
logiques et conséquentes. Comme on le voit, cette orthopraxie repose cependant
sur une orthodoxie (au sens moderne) précise, un système de théories
obligatoires concernant la voie vers la liberté. Knitter reste proche de ce
principe quand il dit que le critère de distinction entre l'orthopraxie et la
pseudopraxie, c'est la liberté 9. Cependant on se doit de nous
expliquer, de manière convaincante et pratique, ce qu'est la liberté et quel
est le but de la véritable libération de l'homme : ce n'est sûrement pas
l'orthopraxie marxiste, comme nous venons de le voir. Une chose pourtant est
claire : les théories relativistes débouchent vers le facultatif et se
rendent elles-mêmes superflues, sinon elles prétendent donner des règles
absolues, qui désormais s'identifient à la praxis et établissent un absolutisme
où en fait elles ne peuvent trouver leur place. De fait, il est vrai
qu'aujourd'hui en Asie les concepts de la théologie de la libération sont
visiblement proposés comme des formes de christianisme qui correspondent
davantage, du moins le suppose-t-on, à la spiritualité asiatique, et situent le
noyau de leur action dans la sphère politique. Là où le mystère ne compte plus,
c'est la politique qui devient religion. Et cela est sans aucun doute
profondément opposé à la vision religieuse originelle de l'Asie.
Le New Age
Le relativisme de Hick, Knitter et
des théories apparentées est basé, en fin de compte, sur un rationalisme qui
affirme que la raison — au sens kantien — est incapable d'une connaissance
métaphysique 10. La nouvelle fondation de la religion ne peut
réussir que d'une manière pragmatique avec une connotation plus éthique ou plus
politique. Cependant, il existe aussi une réponse consciemment anti-rationaliste
à l'expérience du tout est relatif,
qui se rassemble dans les multiples strates du New Age 11. La sortie
du dilemme du relativisme n'est désormais plus cherchée dans une nouvelle
rencontre du Moi avec le Tu ou le Nous, mais dans la subversion du Sujet, dans le retour extatique dans le ballet cosmique. Semblable
en cela à la gnose antique, ce chemin se prétend en harmonie totale avec tout
ce qu'enseigne et revendique la science, et exploite les connaissances
scientifiques de toute nature (biologie, psychologie, sociologie, physique).
Mais en même temps il offre en arrière-plan un modèle entièrement
anti-rationaliste de la religion, une mystique
moderne : l'Absolu n'est pas à croire, mais à expérimenter. Dieu n'est pas
une personne qui se tient en face du monde, mais l'énergie spirituelle présente
dans le Tout. La religion signifie l'harmonie de mon Moi avec la totalité
cosmique, la victoire
sur toute séparation. K.H. Menke caractérise de façon très juste ce
retournement spirituel de l'histoire qui se produit par là, quand il dit :
« Le sujet qui voulait tout soumettre à soi-même, désire désormais s'élever
dans le Tout » 12. La
raison objectivante — comme nous le dit le New Age — nous ferme le chemin vers
le mystère de la réalité ; le être-moi
nous isole de la plénitude de la réalité cosmique, il détruit l'harmonie du
Tout et est la cause véritable de notre non-rédemption. La rédemption se trouve
dans la limitation du Moi, dans l'immersion dans la plénitude du vivant, dans
le retour au Tout. On recherche l'extase, l'ivresse de l'infini, qui peut se
trouver dans la musique enivrante, dans le rythme, la danse, la frénésie de la
lumière et des ténèbres, dans la masse humaine. Ici ce n'est plus seulement la
voie de la modernité vers la domination du moi qui est rejetée ; pour être
racheté, c'est l'homme lui-même qui doit se laisser rejeter. Les dieux sont de
retour. Ils sont devenus plus crédibles que Dieu. Les rites primitifs doivent
être renouvelés, en eux le Moi est initié aux mystères du Tout et libéré de
lui-même.
Il existe plusieurs causes à ce
renouveau des religions et cultes pré-chrétiens qui aujourd'hui sont recherchés
de diverses manières. S'il n'y a pas de vérité commune qui soit valable
précisément parce qu'elle est vraie, alors le christianisme n'est qu'une
importation de l'extérieur, un impérialisme spirituel, qu'il est de notre
devoir de renverser, au même titre que ses équivalents politiques. Si le
contact avec le Dieu vivant de tous les hommes ne se trouve pas dans les
sacrements, alors ce sont des rituels vides, qui ne nous disent et ne nous
donnent absolument rien, au mieux ils nous font sentir le numineux qui existe
dans toutes les religions. Il semble alors plus sensé de chercher l'origine,
plutôt que de se laisser imposer ce qui est étranger et périmé. Et avant tout,
si la « sobre ivresse » du mystère chrétien ne peut nous faire goûter
à Dieu, alors la véritable ivresse des extases réelles doit nous saisir, sa
passion nous emporter et au moins pour un moment nous transformer en dieux,
pour ressentir dans l'instant le désir de l'infini et nous faire oublier la
misère de la finitude. Plus la vanité des absolutismes politiques devient évidente,
plus puissante devient l'attraction de l'irrationnel, le renoncement à la
réalité de la vie quotidienne 13.
Le pragmatisme dans le quotidien de
l'Église
À côté de ces solutions radicales et à
côté du grand pragmatisme des théologies de la libération, il y a cependant le
pragmatisme terne de la vie quotidienne de l'Église, où apparemment tout
continue normalement mais où en réalité la foi s'étiole et sombre dans le
mesquin. Je pense à deux phénomènes qui me préoccupent. D'abord, il y a cette
tentative qui, à différents degrés, cherche à étendre le principe de majorité à
la foi et aux mœurs, afin de démocratiser
définitivement l'Église. Ce qui n'est pas évident pour la majorité ne peut pas
être obligatoire, paraît-il. Mais quelle majorité, en fait ? Y aura-t-il
demain une majorité semblable à celle d'aujourd'hui ? Une foi dont nous
pouvons décider nous-mêmes le contenu n'est en aucune façon une foi. Et il n'y
a aucune raison pour qu'une minorité se laisse dicter sa foi par une majorité.
La foi et sa praxis, ou bien vient du Seigneur par l'Église et le ministère
sacramentel, ou bien n'existe pas. L'abandon de la foi par beaucoup repose sur
le fait qu'il leur semble que la foi pourrait être décidée par n'importe
quelles instances, et serait une sorte de programme politique ; celui qui
détient le pouvoir décide de ce qu'il y a à croire, et il ne reste plus qu'à
prendre soi-même le pouvoir dans l'Église ou bien — de manière plus évidente et
logique — de ne plus croire.
L'autre point sur lequel je voudrais
insister touche à la liturgie. Les différentes phases de la réforme liturgique
ont pu laisser croire que la liturgie pouvait être modifiée de façon arbitraire.
S'il existe quelque chose qu'on ne peut changer, ce sont, dans tous les cas,
les paroles de la consécration. Mais on peut changer tout le reste. L'idée
suivante est logique : si une autorité centrale peut le faire, pourquoi
les instances locales n'en auraient-elles pas le droit ? Et si les
instances locales le peuvent, pourquoi pas en fait la communauté elle-même ?
Elle devrait s'exprimer et se retrouver dans la liturgie. Après les
orientations rationalistes et puritaines des années 1970 et aussi 1980, on en a
assez aujourd'hui des liturgies discursives et on préférerait une liturgie de
la vie, qui se rapproche très vite des tendances du New Age : on cherche
l'ivresse et l'extase, et non pas la logikè latreia, la rationalis
oblatio (le service divin fondé sur la raison, le Logos) dont parle Paul et
avec lui la liturgie romaine (Romains 12, 1).
J'admets que j'exagère ; ce que
je dis ne correspond pas à la situation normale de nos communautés. Mais les
tendances sont là. Et c'est pourquoi la vigilance est recommandée, afin que
nous ne recevions pas par mégarde un autre Évangile — une pierre à la place du
pain — que celui que nous offre le Seigneur.
Les tâches de la théologie
Ainsi nous nous retrouvons dans une
situation tout à fait unique : la théologie de la libération avait cherché
à donner au christianisme, fatigué des dogmes, une nouvelle praxis, par
laquelle la rédemption devait finalement se produire. Mais cette praxis a laissé
derrière elle des ruines au lieu d'apporter la liberté. C'est ainsi que sont
restés le relativisme et la tentative de s'arranger avec lui. Mais ce qu'il
nous propose est de nouveau si vide, que les théories relativistes cherchent de
l'aide du côté de la théologie de la libération, pour que nous devenions
capables de le pratiquer. Enfin le New Age affirme : laissons de côté
l'expérience manquée du christianisme, revenons plutôt aux dieux, nous n'en
vivrons que mieux. Mais beaucoup de questions se font jour. Prenons la plus
pratique : pourquoi la théologie classique s'est-elle trouvée sans défense
devant ces processus ? Où se trouvent les points faibles par lesquels elle
a perdu sa crédibilité ?
Je voudrais citer deux points qui
s'imposent dans les écrits de Hick et Knitter. Les deux en appellent à
l'exégèse pour justifier leur éloignement de la foi chrétienne : ils
disent que l'exégèse a prouvé que Jésus lui-même ne se considérait pas comme le
Fils de Dieu, comme un Dieu incarné, mais qu'il fut progressivement considéré
comme tel par ses disciples 14. Pour aller plus loin, les deux —
Hick plus clairement que Knitter — en appellent à l'évidence philosophique.
Hick nous assure que Kant avait prouvé de manière incontestable que l'absolu ne
peut pas être connu dans l'histoire et que rien de tel ne peut se présenter tel
quel dans l'histoire. À cause de la structure de notre connaissance, ce
qu'affirme la foi chrétienne ne peut pas exister, selon Kant. En conséquence,
les miracles, les mystères et les moyens de salut sont superstition, comme Kant
nous l'explique dans son ouvrage La Religion dans les Limites de la Raison
pure 15.
En fait, il me
semble que la question de l'exégèse et des limites et possibilités de notre
raison, d'après les présupposés philosophiques de la foi, indiquent le point
critique de la théologie contemporaine, où se trouve engagée la foi — et de
plus en plus la foi des simples.
Je voudrais simplement ici essayer de
souligner les tâches qui sont devant nous. D'abord, en ce qui concerne l'exégèse,
on peut dire que Hick et Knitter ne sont absolument pas compétents dans ce
domaine, dont ils présentent pourtant des résultats comme s'ils étaient sûrs et
acceptés par tous. Il est impossible, dans la recherche historique, d'avoir de
telles certitudes. C'est encore plus impossible quand il s'agit d'une question
qui n'est pas purement historique ou littéraire, mais qui implique des choix de
valeurs qui vont au-delà d'une pure vérification du passé et d'une simple
interprétation des textes. Mais il est exact qu'un coup d'œil général à travers
l'exégèse moderne peut donner une impression qui se rapproche du point de vue
de Hick et de Knitter.
De quelle sorte de certitude
s'agit-il ? Supposons que la majorité des exégètes pensent de la sorte (ce
qui peut être mis en doute). Alors demeure la question : sur quoi est
fondée l'opinion de cette majorité ? Ma thèse est la suivante : le
fait que beaucoup d'exégètes pensent comme Hick et Knitter et reconstruisent
l'histoire de Jésus de manière aberrante, repose sur le fait qu'ils partagent
la même philosophie. Ce n'est pas l'exégèse qui justifie la philosophie, mais
la philosophie qui produit l'exégèse 16. Si je sais a priori (pour
parler avec Kant) que Jésus ne peut pas être Dieu, que les miracles, les
mystères et les sacrements sont trois formes de superstition, alors je ne peux
pas découvrir comme faits ce qui est tiré des Écritures Saintes, puisqu'ils ne
peuvent pas être des faits. Alors je peux découvrir seulement pourquoi et
comment on en est arrivé à de telles affirmations, et comment elles se sont
progressivement formées.
Regardons cela plus précisément. La
méthode historico-critique est un instrument exceptionnel pour lire les sources
historiques et interpréter les textes. Mais elle possède sa propre philosophie
qui, en général — par exemple lorsque j'essaye de connaître l'histoire des
empereurs médiévaux — joue un rôle important. Et c'est parce que je veux par là
connaître le passé, rien de plus. Mais cela ne se passe pas de manière
absolument neutre, et là se trouvent les limites de la méthode. Si on
l'applique à la Bible, deux facteurs remarquables apparaissent clairement :
la méthode connaîtra le passé en tant que passé. Elle voudra, autant que
possible, saisir une époque dans son propre contexte, au point où elle se
trouvait alors. Et elle pose a priori que l'histoire, par principe, est
uniforme : l'homme dans toutes ses différences, le monde dans toute sa
variété sont déterminés par les mêmes lois et les mêmes limites, de façon que
je peux décider de ce qui est impossible. Ce qui aujourd'hui ne peut en aucune
façon se produire, ne pouvait pas non plus arriver hier et n'arrivera pas non
plus demain.
Si l'on applique ce principe à la
Bible, cela veut dire qu'un texte, un événement, une personne est fixé
définitivement dans son passé. On exprimera ce que l'auteur de l'époque a dit,
ou éventuellement ce qu'il a pu penser. Là est l'historique, le passé.
C'est pourquoi, avec l'exégèse historico-critique, la Bible ne se communique
pas au temps présent, à mon existence d'aujourd'hui. Cela est exclu. Au
contraire, elle l'éloigne de moi et la montre solidement installée dans le
passé. Sur ce point, Drewermann conteste avec raison l'exégèse historico-critique,
dans la mesure où elle se prétend auto-suffisante. De par son essence même,
elle ne parle pas d'aujourd'hui, elle ne parle pas de moi, mais de l'hier, mais
des autres. C'est pourquoi, si elle est fidèle à elle-même, elle ne peut jamais
montrer que le Christ d'hier, et non celui d'aujourd'hui, de demain et dans les
siècles des siècles.
Vient ensuite la seconde hypothèse,
la similarité du monde et de l'histoire, et donc ce que Bultmann appelle la
vision moderne du monde. M. Waldstein a montré, dans une analyse très
détaillée, que la théorie de la connaissance de Bultmann est totalement
conforme au néo-kantisme de Marburg 17. À partir de là il savait ce
qui pouvait ou ne pouvait pas exister. Chez d'autres exégètes, la conscience
philosophique est moins présente, mais ils se fondent toujours, implicitement,
sur la théorie kantienne de la connaissance, et l'admettent comme un accès
herméneutique à la critique qui va naturellement de soi. S'il en est ainsi,
l'autorité de l'Église ne peut plus simplement imposer de l'extérieur ;
or, l'Église se fonde sur une christologie de la filiation divine qui peut et
doit inviter à examiner de manière critique la philosophie de cette méthode
particulière. La Révélation est irruption du Dieu vivant et vrai dans notre monde,
elle nous libère des geôles de nos théories, dont les grilles veulent nous
protéger contre l'irruption de Dieu dans notre vie. Grâce à Dieu, dans la crise
de la philosophie et de la théologie que nous vivons aujourd'hui, une nouvelle
réflexion sur les fondements se met en marche dans l'exégèse, et qui ne se
limite pas aux connaissances atteintes par une lecture historique détaillée du
texte 18. Ces travaux sont d'un grand secours pour abattre la prison
de nos décisions philosophiques antérieures qui paralyse l'interprétation :
la pleine dimension du verbe s'ouvre de nouveau.
Le problème de l'exégèse, on l'a vu,
va de pair avec celui de la philosophie. La misère de la philosophie,
c'est-à-dire la misère dans laquelle la raison positiviste s'est précipitée,
est devenue misère de notre foi. Celle-ci ne peut être libérée si la raison ne
s'ouvre pas à la nouveauté. Si la porte de la connaissance métaphysique demeure
fermée, si les frontières du savoir humain telles qu'elles sont fixées par Kant
sont infranchissables, alors la foi ne peut que dépérir : le souffle lui
manque. Certes, la tentative d'une raison autonome — qui ne veut rien savoir de
la foi — de se sortir du marécage du doute en se tirant soi-même par les
cheveux, n'a finalement guère réussi. Car la raison humaine n'est absolument
pas autonome. Elle vit toujours dans un contexte historique, qui, nous le
voyons, voile son regard. C'est pourquoi elle a besoin de l'aide de l'histoire
pour dépasser ses barrières historiques 19. Je pense que le rationalisme néo-scolastique a échoué, en
raisonnant de manière complètement indépendante de la foi, à reconstruire les Preambula
Fidei avec une certitude purement rationnelle. Toutes les tentatives de ce
genre finissent de la même façon. Dans cette perspective, Barth avait raison,
quand il rejetait la philosophie en tant que fondement de la foi indépendamment
de celle-ci : cela reviendrait, en fin de compte, à fonder notre foi sur
des théories philosophiques interchangeables. Mais Barth se trompait, quand
pour cette raison il expliquait la foi en termes de pur paradoxe qui ne
pourrait exister qu'en opposition avec la raison et complètement indépendamment
d'elle. Car ce n'est pas la moindre fonction de la foi que de proposer la
sanctification de notre raison en tant que raison, elle ne lui fait pas
violence, elle ne lui est pas extérieure, mais elle la ramène à elle-même.
L'instrument historique de la foi peut de nouveau libérer la raison en tant que
telle, de façon que désormais, ainsi mise sur la voie, elle puisse de nouveau
se contempler elle-même. Nous devons nous efforcer d'établir de nouvelles
relations de ce genre entre la foi et la philosophie, car chacune a besoin de
l'autre. La raisons ne sera pas sauvée sans la foi, mais la foi sans la raison
devient inhumaine.
Perspectives
Si l'on considère la situation
culturelle présente, sur laquelle j'ai essayé de donner quelques éléments, il
faut considérer comme un miracle que malgré tout, il y ait encore une foi chrétienne,
qui ne soit pas réduite aux formes de substitution de Hick, Knitter et des
autres, mais qui demeure la foi entière et sereine du Nouveau Testament et de
l'Église de tous les temps. Pourquoi donc la foi a-t-elle encore une chance ?
Je dirais : parce qu'elle correspond à l'être de l'homme. Car l'homme
possède une toute autre dimension que celle où veulent l'enfermer Kant et les
différentes philosophies post-kantiennes. Kant lui-même a dû le concéder d'une
certaine manière avec ses postulats. Dans l'homme brûle, inextinguible,
l'aspiration vers l'infini. Aucune des réponses proposées n'est suffisante ;
seul Dieu, qui lui-même s'est rendu fini pour nous arracher à notre finitude et
nous conduire dans l'immensité de son infini, répond à la question de notre
existence. C'est pourquoi, même aujourd'hui, la foi chrétienne rencontrera de
nouveau l'homme. Notre devoir est de la servir avec un humble courage, avec
toute la force de notre intelligence et de notre cœur.
Traduit de l'allemand par Isabelle
Ledoux
1. Un panorama des auteurs les plus
importants de la théologie pluraliste est proposé par P. Schmidt-Leukel : Das
Pluralistische Modell in der Theologie des Religionen. Ein Literaturbericht, dans
Theologische Revue, 89, 353-370 (1993). Pour l'analyse, voir M. von
Brück et J. Werbick, Der einzige Weg zur Heil ? Die Herrausforderung
des christlichen Absolutheitsanspruch durch pluralistische Religionstheologien (QD
143, Freiburg 1993). K-H. Menke, Die Einzigheit Jesu Christi im Horizont der
Sinnfrage (Freiburg, 1995), en particulier pp. 75-176. Menke présente une
excellente introduction à la pensée de deux représentants majeurs de ce
courant : J. Hick et P.F. Knitter, sur laquelle je m'appuierai dans ce qui
suit. L'analyse
que fait Menke de cette question dans
la deuxième partie de son ouvrage contient beaucoup d'éléments importants et
pertinents, mais pose également quelques problèmes.
Une tentative intéressante et
systématique d'aborder la question des religions de façon nouvelle, à partir de
la christologie, est proposée par B. Stubenrauch, Dialogisches Dogma. Der
christliche Auftrag zur interreligiösen Begegnung (QD 158, Freiburg 1995).
La question est également abordée par un document que prépare actuellement la
Commission Théologique internationale.
2. Voir à ce sujet l'éditorial
particulièrement instructif du cahier 1, pp. 107-120 de Civiltà
Cattolica : Il cristianesimo e le altre religioni. L'éditorial aborde
en particulier les pensées de Hick, Knitter et R. Panikkar.
3. Voir par exemple : J. Hick, An
Interpretation of Religion. Human Responses to Transcendent, Londres, 1989.
Menke, op. cit., p. 90.
4. Cf. E. Frauwallner, Geschichte
der indischen Philosophie, 2 vol., Salzbourg, 1953 et 1956. H. von
Glasenapp, Die Philosophie der Inder, Stuttgart, 1985. S.N. Dasgupta, History
of Indian Philosophy, 5 vol., Cambridge, 1922 — 1955. K.B. Ramakrishna Rao,
Ontology of Advaita with special reference to Maya, Mulki, 1964.
5. Un auteur relevant typiquement de
cette rendance est B.F. Beyond settled foundation. The journey of Indian
Theology, Madras, 1993 ; Same tentative
reflections on the language of Christian unique ness : an Indian
perspective, dans Pont. Cons. pro Dialogo inter Religiones, Pro
Dialogo Bulletin 85-86 (1994/1), 40-57.
6. J. Hick, Evil and the God of
Love, Norfolk, 1975, 240 ss ; An Interpretation of Religion, 236-240.
Comparer Menke, op. cit., 81 ss.
7. L'ouvrage principal de Knitter, No
Other Name ! A critical
Survey of Christian Attitudes toward the World Religions, New York, 1985, a
été traduit en plusieurs langues. Voir aussi à ce sujet Menke, ibid., pp.
94-110. A. Kolping en présente une appréciation finement critique dans sa
recension dans Theologische Revue, 87 (1991), 234-240.
8. Cf. Menke, op. cit., 95.
9. Cf. Menke, 109.
10. Knitter comme Hick fondent leur refus de l'absolu sur
l'histoire de la pensée de Kant ; voir Menke, 78 et 108.
11. Le concept de New Age ou d'ère du
Verseau fut introduit vers le milieu de notre siècle par Raoul Le Cour (1937)
et Alice Bailey (elle a parlé de messages reçus en 1945 concernant un nouvel
ordre du monde et une nouvelle religion mondiale). Entre 1960 et 1970 apparut
également en Californie l'Institut Esalen. Aujourd'hui Marilyn Ferguson est la
porte-parole la plus connue du New Age. Michael Fuss (New Age :
Supermarkt des Zusammenstömens alternativer Spiritualität, dans Communio
(Edition allemande) 20, 148 (1991) considère le New Age comme le résultat
d'une confluence entre des éléments judéo-chrétiens, le processus de
sécularisation, des courants gnostiques et des éléments (les religions
orientales. Des orientations précieuses sur ce thème sont proposées dans la
lettre pastorale du Cardinal Danneels, Le Christ ou le Verseau, 1990.
Voir aussi Menke, op. cit., 31-36. J. Le Bar (Ed.), Cults, sects and
the New Age, Huntington, Indiana.
12. Op. cit., 33.
13. Il faut remarquer à ce sujet que le New Age s'oriente de
plus en plus clairement vers deux directions : une tendance
gnostico-religieuse, qui cherche l'Etre transcendant et transpersonnel et par
là le Soi véritable, et une orientation écologico-moniste, qui fait appel à la
matière et à la Terre-Mère, et qui est liée au féminisme dans l'éco-féminisme.
14. Voir citations chez Menke, op.
cit., pp. 90 et 97.
15. Ce climat spirituel issu de cette
philosophie et demeuré jusqu'il aujourd'hui très influent est décrit très
clairement, d'après sa propre expérience,
par M. Kriele, Anthroposophie und Kirche. Erfahrungen eines Grenzgängers, Freiburg, 1996.
16. On
le voit très clairement dans la confrontation entre A. Schlatter et A. von
Harnack à la fin du siècle dernier, présentée avec beaucoup de soin d'après les
sources par W. Neuer, Adolf Schlatter. Ein Leben für Theologie und Kirche, Stuttgart,
1996, pp. 301 et ss. Schlatter explique dans une lettre : « Nous
avons défini la différence religieuse : cela signifie que la parole du
prophète « ah, tu as déchiré les cieux » (Isaïe 64, 1) ne
serait pas accomplie ; nous en serions encore au niveau psychologique, au
niveau de la croyance... (pp. 306). Comme Harnack l'expliquait au cercle du
Collège de son Université : « La seule chose qui me sépare de mon
collègue Schlatter, c'est la question des miracles ! » Schlatter
répondit : « Non, c'est la question de Dieu ! ». Schlatter
voyait concrètement la différence fondamentale dans la christologie :
« Si Jésus nous fut montré tel qu'il est... ou si le Nouveau Testament a
disparu derrière notre « science », là était la question.. ». (p.
307). Cette question n'a pas changé un siècle plus tard. Voir aussi chez
Kriele, op. cit., le chapitre : « la théologie fait perdre la
foi », pp. 21-28. J'ai essayé de présenter ma vision du problème dans la Questio
Disputata que j'ai éditée : Schriftauslegung im Widerstreit, Freiburg,
1989. Voir aussi les mélanges d'I. de La Poterie, R. Guardini — J. Ratzinger —
G. Colombo — E. Bianchi, l'exsegesi cristiana oggi, Piemme, 1991.
17. M. Waldstein,
The foundations of Bultmann's work, Communio (Ed. américaine), 1987, pp.
115-145.
18. Voir par exemple l'ouvrage
collectif édité par C.E. Braaten et R.M. Jenson, Reclaiming the Bible for
the Church, Cambridge, USA, 1995, et en particulier la contribution de B.S.
Childs, On Reclaiming the Bible for Christian Theology, pp. 1-17.
19. Même si l'on peut
trouver, dans la pensée de H.J. Verweyen, Gottes letztes Wort (Düsseldorf,
1991) beaucoup d'éléments importants et justes, pour moi son erreur
philosophique essentielle consiste dans le fait d'essayer d'offrir un fondement
rationnel à la foi indépendamment d'elle-même, tentative qui cependant ne peut
être convaincante dans sa rationalité purement abstraite. La pensée de Verweyen
est également mentionnée par K.H. Menke, op. cit. pp. 111-176. À mon
sens, la position de J. Pieper (Schriften zum Philosophiebegriff, Hambourg,
1995) présente des fondements plus solides et est plus convaincante d'un point
de vue historique et objectif.