jeudi 19 décembre 2013

En soignant... Jean-Pierre Schaller, Secours de la Grâce et secours de la médecine

Dans une remarquable étude sur Pascal, l'Abbé C. Journet écrivait : « Dans notre univers l'ordre de la grâce n'est pas fait pour être simplement superposé à celui de la nature, mais pour le pénétrer très mystérieusement et le guérir de blessures très cachées qu'il porte en lui depuis la chute originelle »1. Nous avons voulu parler quelque peu de cette mystérieuse pénétration, essayant de laisser à la nature et à la grâce leur rôle respectif, leurs diverses propriétés qui, tout en différant, doivent s'harmoniser. Le professeur F. Dessauer, établissant, comme physicien, la rencontre possible entre les sciences naturelles et la théologie, se réjouissait de découvrir à la base d'une saine théologie le vieil adage « Gratia supponit naturam » : la grâce suppose la nature 2. En chaque cas, nous l'avons dit souvent, puisque deux corps et deux âmes ne réagissent pas de même devant la vie, il faut assurer de manière particulière cet équilibre entre nature et grâce. C'est la mission du prêtre et celle du médecin de recommencer chaque fois le travail d'approche, en passant calmement du diagnostic à la thérapeutique. Gabriel Marcel écrit quelque part : « La souffrance n'existe pas ; ce qui existe c'est votre souffrance et la mienne, et cette autre, et puis cette autre encore »3. Dieu seul est à même de reconnaître exactement toutes ces nuances qui font qu'un individu est sur terre un être unique, encore jamais vu et qu'on ne rencontrera plus jamais. Une théologie vivante, qui expose la vérité avec charité, et une science médicale qui ne se contente pas du laboratoire mais qui sait que l'application des découvertes s'exécute sur des enfants d'hommes, pourront participer au travail de Dieu qui fait « tout concourir au bien de ceux qui l'aiment » (Rom., VIII, 28).
D'une part nous avons voulu rappeler que le prêtre ne saurait négliger la science de ce confrère, l'un de ceux qui secourent l'homme, le médecin. D'autre part nous désirions relever que la médecine n'a pas de quoi répondre à toute interrogation. Le professeur W. Gut, médecin et pasteur protestant, observait que la psychologie, la psychopathologie et la psychiatrie sont appelées aujourd'hui à devenir des sciences toujours plus fondamentales pour l'homme dans les questions d'ordre spirituel, mais qu'elles n'ont pas à résoudre le problème de la vérité 4. Il est heureux de sentir des chrétiens qui tiennent à maintenir nettement pareilles distinctions : sans elles, on tomberait dans une confusion déplorable et périlleuse. C'est pour cette raison également que nous avons tenté, dans ce travail, de faire la part des choses, nous efforçant d'unir là où l'union s'avérait favorable, de séparer là où un mélange pouvait entraîner de fâcheuses conséquences. Certes il faut souhaiter toujours plus de collaboration entre deux disciplines qui étudient l'homme dans ce qu'il a de plus personnel et de plus engagé. Vouloir nuire à la médecine par une théologie étroite ou aveugle serait aussi coupable que de prétendre superflues la connaissance métaphysique de Dieu et l'étude de la Révélation, sous prétexte que la biologie et les sciences médicales sont suffisantes pour aider l'homme à terminer son voyage. Lecomte du Noüy écrivait : « C'est la Science qui a été utilisée pour saper les bases de la Religion. C'est la Science qui doit être employée pour les consolider »5. L'essentiel, dans ce travail en commun, sera d'accepter une exacte hiérarchie des valeurs, d'admettre que l'homme a d'abord comme devoir de veiller à l'unique chose nécessaire (Lc., X, 42), de reconnaître d'avance, comme dit Fénelon, que « ce que Dieu fait ne ressemble point à ce que les hommes font »6.
Cette étude souhaite aussi avoir relevé qu'on ne saurait à la légère porter un jugement trop hâtif devant tel ou tel événement, devant n'importe quel pécheur ou quel coupable. Le médecin doit aider à reconstruire lorsque le vice a fait descendre un être à un état de moralité effrayant. Et si cet individu s'approche du confesseur, celui-ci ne saurait s'armer d'une balance pour peser le degré de culpabilité de ce pénitent et ainsi le torturer inutilement... Il vaut mieux lui dire le mot déjà cité de saint Thomas : « on ne se confie jamais trop au secours divin » (II/II, 17, 5, ad 2). Cet enseignement rappelle celui de Fénelon, qui écrivait à une pénitente : « Il faut désespérer de notre cœur, et n'espérer qu'en Dieu » (Correspondance, t. VI, p. 3o). C'est à cela que doit songer le confesseur, sans oublier d'ailleurs qu'en de multiples cas le degré de responsabilité ne peut être établi que par Dieu. Le repentir et le bon propos autorisent les prêtres d'user du pouvoir des clefs, comme dit la Théologie, leur permettant « d'écarter l'obstacle du péché, non point par leur propre vertu mais par la vertu de Dieu et de la passion du Christ » (Suppl. III, 17, I, c.). Néanmoins, si le pécheur est un malade, les leçons de la biologie s'avèrent indispensables. Pour le théologien, ce malade sera un être chez qui le péché originel et d'autres causes lointaines ont eu plus de conséquences que chez un autre. Les termes de culpabilité, de responsabilité et de liberté doivent être alors employés avec une extrême prudence.
Malgré tout, dans un état pathologique, à moins d'un cas de perte totale du gouvernement de soi-même, il reste toujours une lueur de liberté que Dieu laisse à l'homme afin que celui-ci apporte sa part à l'œuvre de son salut. Il importe donc de ne pas tout excuser trop vite, de ne pas conseiller un laisser-aller qui multiplierait les fautes. Gertrude von Le Fort disait : « Dieu accompagne une âme presque jusqu'à la limite où il n'est plus de résistance possible ; cette limite pourtant, Dieu ne la franchit jamais, c'est à l'âme elle-même de la franchir. La grâce n'est point violence, mais liberté »7. Il aurait certes été plus commode de faire sa vie sur terre sans prendre sa part de labeur pour arriver au Ciel, tout en étant assuré d'y parvenir un jour. Mais Dieu ne l'a pas voulu ainsi : Il nous gouverne en respectant notre collaboration. « Il règne sur nous en nous laissant infiniment libres. Libres de Lui dire oui ou non. En un sens, c'est presque dommage, c'est trop beau pour nous. Il nous prend pour meilleurs que nous sommes. Nous aimerions autant qu'Il nous mène un peu rondement. Quelques bons coups dans les reins et nous serions bien forcés d'entrer dans son Royaume. Nous n'y arriverions pas très honorablement, mais une fois dedans, nous serions bien contents d'y être. Nous serions un peu comme des moutons que les chiens ont mordus pour qu'ils rentrent vite à la bergerie avant l'orage »8. Dieu n'envoie pas de chiens pour nous mordre... Il nous laisse la lourde dignité de pouvoir choisir. Cependant si l'organisme est débile et risque de s'effondrer devant le choix, la médecine s'avère secourable. Si l'âme se sent tiraillée par certains appétits et souffre de sa fragilité, les sacrements et la prière seront à sa portée. Parfois même la grâce humblement mendiée tranquillisera l'être entier, car « l'âme avec tous ses dédales constitue avec le corps un tout indissoluble ».
En définitive, c'est à Dieu et à Dieu seul qu'appartient le soin de permettre l'efficacité ou l'inutilité d'un remède, d'un moyen thérapeutique quelconque. La biologie découvre les lois de la vie. La médecine, partant de ces lois, s'efforce d'élaborer une science pratique qui a pour but de soigner les malades. La chimie, la physique et d'autres disciplines contribuent à cette application pratique de découvertes diverses. Mais, puisque Dieu est au point de départ de toute vie, la science de la vie réside essentiellement en Lui. Aux causes secondes qu'Il utilise, Il laisse un pouvoir propre de causalité. Le médecin n'obtiendra jamais un autre résultat que celui que Dieu lui permet d'atteindre. Le Catéchisme du Concile de Trente, dans le style de l'époque, soulignait combien, au temps de la maladie, l'attitude des chrétiens diffère de celle des infidèles. « Ceux-ci, il est vrai, prient avec ardeur pour être délivrés de leurs maladies, de leurs souffrances, des maux qui les menacent ou qui déjà les tourmentent ; mais en même temps ils mettent leur principale confiance dans les remèdes, soit naturels, soit préparés par les hommes. Et même ils emploient sans scrupule toutes sortes de remèdes, quand même ils sauraient qu'ils ont été préparés par magie ou par sortilège, dès qu'ils ont quelque espoir d'obtenir leur guérison. Les chrétiens en agissent bien différemment. Dans leurs maladies et toutes les adversités qui leur arrivent, leur refuge et leur secours unique, c'est Dieu ; c'est lui qu'ils reconnaissent pour l'auteur de tout bien et pour leur libérateur ; ils savent que c'est lui qui a donné aux remèdes naturels la vertu qu'ils ont de guérir, et qu'ils ne sont utiles aux malades qu'autant que Dieu le veut. La médecine en effet vient de Dieu, et il l'a donnée lui-même aux hommes pour guérir leurs maladies (Eccl., XXXVIII, 4). Ceux donc qui se sont engagés à Jésus-Christ, n'attendent pas le rétablissement de leur santé uniquement de la vertu des remèdes ; mais ils mettent surtout leur confiance en Dieu, auteur des remèdes » (t. II, pp. 437-438).
Cet enseignement garde, aujourd'hui et toujours, sa valeur. Même si la médecine moderne ignore des méthodes basées sur la magie ou sur quelque sortilège, elle encourage parfois des procédés qu'il faut savoir refuser. Aujourd'hui encore, toute maladie et toute déficience somatique doivent être comprises dans leur sens profond : ce n'est pas simplement le résultat d'un atavisme lointain, la conséquence d'un accident fâcheux, ou l'influence de compagnies dévoyées. Ce n'est pas simplement non plus un état défectueux dû à des circonstances spéciales — songeons aux nerfs fatigués par les guerres — ou à une anomalie que la science ne peut expliquer. C'est une épreuve. Le hasard ou la mauvaise fortune ne sauraient en donner des raisons suffisantes. Seul Dieu est à même d'éclairer une situation apparemment si incompréhensible. Nous sommes amenés par là à la notion de Providence. C'est sans doute une des différences essentielles entre l'humanisme médiéval et celui de la Renaissance que l'oubli, par ce dernier, d'un Dieu qui gouverne toutes choses jusqu'en leurs plus petits détails. On a fait remarquer que, dans Le Prince, Machiavel ne croit plus « à l'influence divine dans les affaires humaines » ; effectivement, dans cet ouvrage, l'auteur ramène complaisamment ses explications à « la faveur de la fortune » ou à l' « extrême malignité de fortune »9. Or une science, même profane, dans sa recherche de la connaissance par les causes, peut être païenne ou chrétienne, selon qu'elle accepte ou non le gouvernement de Dieu sur les choses, selon l'esprit de l'Évangile. Sous cet aspect, il est possible de parler d'une médecine comprise chrétiennement ou non.
Le Pape Pie XII mettait en garde les médecins contre la fascination de la technique qui ferait oublier que l'homme est « autre chose qu'un amas de nerfs et de tissus, de sang et d'organes ». Le Souverain Pontife ajoutait : « Le souffrant, le perclus, le fiévreux a un rendez-vous avec l'éternité et quand le dernier souffle abandonnera son corps, il entrera dans une vie immortelle dont la joie et le tourment seront le reflet du succès ou de la faillite, devant Dieu, de sa vocation terrestre. C'est donc une créature bien précieuse, issue de l'amour et de la toute-puissance de Dieu »10. Le malade, ayant d'une part une destinée surnaturelle, étant d'autre part ici-bas sous l'entière dépendance de la Providence, devra trouver, dans la grâce et dans la science, les secours nécessaires pour atteindre la fin proposée. Nous avons vu que, sans déroger à l'ordonnance de la création, Dieu peut même permettre que la grâce améliore l'état de l'homme, aussi bien dans son corps que dans son âme.
Ainsi, leur but ultime étant commun, on peut affirmer que la grâce et la médecine sont l'une et l'autre des moyens aidant le patient à acquérir la sainteté. On lit, dans les fragments de journal du Dr A. Carrel, une pensée écrite le 22 mars 1943 : « Le but de la vie est la sainteté et non la science. Mais la sainteté ne peut pas, sans l'aide de la science, organiser et conduire la vie. La tâche de la science est de permettre aux hommes d'atteindre la sainteté »11. Pour la médecine, la tâche est terminée lorsque survient le moment du trépas. Mais Dieu doit encore accorder ce que saint Thomas appelle le don de la persévérance (I/II, 114, 9, c et ad 1), comprenant par là le fait que « la motion divine incline l'homme au bien jusqu'à la fin ». Il y a, dans la Liturgie des défunts, une oraison où l'Église s'adresse à Dieu comme à Celui « à qui seul il appartient de porter remède après la mort » (cui soli competit medicinam praestare post mortem). La médecine en effet limite son action au temps que l'homme passe sur la terre, tandis que les bienfaits de Dieu embrassent toute l'éternité.
Le rôle de la science n'est donc pas purement technique : la médecine, aidée par d'autres disciplines, pourra contribuer à écarter ce qui serait un obstacle à l'acquisition de la Béatitude, ou, en tout cas, tentera de fortifier le sujet pour accepter la croix que Dieu ne veut pas retirer. Avec une sagesse très profane, Montaigne rapporte ce qu'on disait à son époque : « C'est la première leçon que les Mexicains font à leurs enfants, quand, au partir du ventre des mères, ils les vont saluant ainsi : « Enfant, tu es venu au monde pour endurer : endure, souffre, et tais toy » (op. cit., II, p. 481). Mais ce mot endurer doit perdre l'orgueilleuse signification stoïque d'un oui qui veut tenir tête à la souffrance. Il doit se convertir en un portement de croix où, comme le Maître, on ne refuse pas le secours d'un Simon de Cyrène qui passe sur le chemin. Ce sera peut-être un prêtre ou un médecin. Ils prendront la croix de celui qui souffre, tâchant de puiser dans leurs connaissances, mais aussi dans leur cœur, les moyens efficaces pour rendre le fardeau plus léger. Toujours cependant, pour que cette croix soit moins pesante ou en tout cas plus méritoire, il faudra l'intervention de Dieu. Sans Lui tout serait inutile, car les sacrements, la prière et les remèdes puisent en Lui leur bienfaisance. Le patient doit y songer. On ne saurait mieux faire dès lors que de citer ici la prière d'une malade voulant tirer bon usage de sa maladie, car, si ce malade est Blaise Pascal, on peut penser à quel frémissement intérieur atteindra cette méditation.
« Je reconnais, mon Dieu, que mon cœur est tellement endurci et plein des idées, des soins, des inquiétudes et des attachements du monde, que la maladie non plus que la santé, ni les discours, ni les livres, ni vos Écritures sacrées, ni votre Évangile, ni vos mystères les plus saints, ni les aumônes, ni les jeûnes, ni les mortifications, ni les miracles, ni l'usage des sacrements, ni le sacrifice de votre corps, ni tous mes efforts, ni ceux de tout le monde ensemble, ne peuvent rien du tout pour commencer ma conversion, si vous n'accompagnez toutes ces choses d'une assistance tout extraordinaire de votre grâce. C'est pourquoi, mon Dieu, je m'adresse à vous, Dieu tout-puissant, pour vous demander un don que toutes les créatures ensemble ne peuvent m'accorder. Je n'aurais pas la hardiesse de vous adresser mes cris, si quelque autre pouvait les exaucer. Mais, mon Dieu, comme la conversion de mon cœur, que je vous demande, est un ouvrage qui passe tous les efforts de la nature, je ne puis m'adresser qu'à l'auteur et au maître tout-puissant de la nature et de mon cœur. À qui crierai-je, Seigneur, à qui aurai-je recours, si ce n'est à vous ? »12
Ce texte, venant d'un tel cœur, résume à merveille ce que, imparfaitement, nous avons tenté de démontrer. Dieu seul remplit l'attente de tous ceux qui, traînant un corps misérable, des nerfs épuisés, un psychisme angoissé, des passions qui se cabrent, n'ont plus que le Seigneur à qui demander la force d'unir ces deux supplications : « Père, tout vous est possible, détournez de moi ce calice. Cependant, non ce que je veux, mais ce que vous voulez » (Mc., XIV, 36).
Jean-Pierre Schaller,
in Secours de la Grâce et secours de la médecine (DDB 1955)

1. Abbé Charles Journet, Vérité de Pascal, p. 148.
2. Friedrich DESSAU1311, Begegnung zwischen Naturwissenschaft und Theologie. C'est le texte d'une conférence que fit l'auteur à l'Université de Würzburg, en recevant le 25 juin 1952 le titre de Docteur honoris causa de la Faculté de Théologie. Voir aussi l'ouvrage du Prof. Dr B. BAVINK, Die Naturwissenschaft auf Wege zur Religion (Leben und Seele, Gott und Willensfreiheit im Lichte der heutigen Physik). L'auteur écrit par exemple : « Physik treiben heisst im Grunde nichts anderes als : Gott Seine elementaren Wirkungsakte nachzählen », p. 158. Et encore : « Es existiert im buchstäblichsten Sinne nicht ein einziges Wirkungsquant in der Welt, ohne dass es gant direkt und unmittelbar aus Gott hervorginge », p. 159.
3. Gabriel MARCEL, Lettre à Elisabeth N..., dans Dialogues avec la Souffrance, p. 89.
4. Walter GUT, Was ist Wahrheit im religiasen Erlebnis ? p.13 : « Psychologie, Psychopathologie und Psychiatrie sind berufen, immer mehr in menschlich-geistigen Fragen zur Grundwissenschaft zu werden. Nicht zur Entscheidung der Wahrheitsfrage ». Dans un discours rectoral du 29 avril 1952, le professeur Gut disait aussi : « Auch in neuerer Zeit sehen wir von der Gefahr, Theologie zu werden, manche Psychotherapien bedroht, die sich in ihrem Bemühen um eine umfassende Reintegration des kranken Menschen zu einer latenten theologischen Weltanschauungskonstruktion verführen lassen, der ein der christlichen Dogmatik analoges Schema zugrunde liegt : UrstandFallErlösung », (Wissenschaft als Theologie ; Theologie als Wissenschaft, p. 1o).
5. Lecomte du NOÜY, L'Homme et sa destinée, p. 13.
6. FÉNELON, Correspondance, t. V, p. 388 : la lettre, datée du jour de Noël 1711, est adressée à une Carmélite, Sœur Charlotte de Saint-Cyprien.
7. Gertrude von Le FORT, Le Voile de Véronique, p. 294.
8. Henri HATZFELD, La flamme et le vent, p. 15o.
9. MACHIAVEL, Le Prince, p. 52 et p. 42. Au sujet du rôle de Dieu et de la fortune dans l'œuvre de Machiavel, voir l'Introduction de Yves Lévy au traité du Prince, dans les Éditions de Cluny.
10. Abbé R. KOTHEN, pp. 22-23. Il s'agit d'un discours de Pie XII à des médecins spécialistes, prononcé le 3o janvier 1945.
11. Dr A. CARREL, Le voyage de Lourdes, suivi de Fragments de journal et de Méditations, p. 141. L'introduction est de Dom A. Presse qui rapporte une parole du Dr Carrel : « Je l'entends encore me dire avec force : je veux croire tout ce que l'Église catholique veut que nous croyions, et, à cela, je n'éprouve aucune difficulté, car je n'y rencontre aucune opposition réelle avec les données certaines de la science » (pp. III-IV).
12. Blaise PASCAL, Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies, p. 330. (Texte établi par Jacques Chevalier, Bibliothèque de la Pléiade).

lundi 16 décembre 2013

En croyant... Professions de foi au cours des siècles

SYMBOLE DES APÔTRES (IIe siècle)
Je crois en Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre,
et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur,
qui a été conçu du Saint Esprit,
est né de la Vierge Marie,
a souffert sous Ponce Pilate,
a été crucifié,
est mort et a été enseveli,
est descendu aux enfers,
le troisième jour est ressuscité des morts,
est monté aux cieux,
siège à la droite de Dieu, Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts.
Je crois au Saint Esprit,
à la sainte Église catholique,
à la communion des saints,
à la rémission des péchés,
à la résurrection de la chair
et à la vie éternelle.

SYMBOLE DE NICÉE (325)
Nous croyons en un Dieu, Père tout-puissant, créateur de toutes les choses visibles et invisibles ;
et en un Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu,
unique engendré du Père, c'est-à-dire de la substance du Père,
Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu,
engendré, non créé, consubstantiel au Père,
par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre ;
qui, pour nous, les hommes, et pour notre salut,
est descendu,
s'est incarné,
s'est fait homme,
a souffert,
est ressuscité le troisième jour,
est monté aux cieux
et viendra juger les vivants et les morts ;
et en l'Esprit Saint.

SYMBOLE D'ÉPIPHANE (374)
Nous croyons en un Dieu, Père tout-puissant, créateur de toutes les choses visibles et invisibles ;
et en un Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu,
unique engendré de Dieu le Père, c'est-à-dire de la substance du Père ;
Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ;
engendré, non créé, consubstantiel au Père,
par qui tout a été fait,
ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre,
les choses visibles et invisibles ;
qui, pour nous, les hommes, et pour notre salut,
est descendu et s'est incarné,
c'est-à-dire a été engendré parfaitement de sainte Marie, la toujours vierge, par le Saint Esprit ;
qui s'est fait homme,
c'est-à-dire a pris la nature humaine parfaite, âme, corps et esprit et tout ce qui est de l'homme, sauf le péché, sans venir d'une semence d'homme ni habiter dans l'homme, mais il s'est formé pour lui-même une chair, pour réaliser une sainte unité ; non pas à la manière dont il avait inspiré les prophètes, dont il avait parlé et agi en eux, mais en se faisant parfaitement homme (« le Verbe s'est fait chair », il n'a subi aucun changement ni n'a transformé sa divinité en une nature d'homme), mais il a uni cette nature à sa sainte et parfaite divinité ! (Car un est le Seigneur Jésus-Christ, et non pas deux ; le même est Dieu, le même, Seigneur, le même, roi) ;
le même, qui a souffert dans la chair, est ressuscité,
est monté aux cieux avec son corps,
siège dans la gloire à la droite du Père,
viendra en gloire avec son corps juger les vivants et les morts ;
son règne n'aura pas de fin ;
et au Saint Esprit
qui a parlé dans la Loi,
a prêché par les prophètes,
est descendu au Jourdain,
a parlé dans les Apôtres et habite dans les saints ;
ainsi croyons-nous en lui : il est l'Esprit consolateur, incréé, procédant du Père et recevant du Fils ;
nous croyons en une Église, catholique et apostolique,
et en un baptême de pénitence ;
en la résurrection des morts
et en un juste jugement des corps et des âmes ;
dans le Royaume des cieux et dans la vie éternelle.

SYMBOLE DE CONSTANTINOPLE (381)
Nous croyons en un Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles ;
et en un Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu,
engendré du Père avant tous les siècles,
lumière de lumière,
vrai Dieu de vrai Dieu,
engendré, non créé,
 consubstantiel au Père, par qui tout a été fait ;
qui pour nous, les hommes, et pour notre salut, est descendu des cieux,
par le Saint Esprit s'est incarné de la Vierge Marie, et s'est fait homme ;
il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate ;
a souffert ;
a été enseveli,
est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures,
est monté aux cieux ;
il siège à la droite du Père
et il reviendra en gloire juger les vivants et les morts ;
son règne n'aura pas de fin ;
et en l'Esprit Saint, le Seigneur, qui vivifie ;
qui procède du Père 1 ;
qui avec le Père et le Fils est conjointement adoré et glorifié ;
qui a parlé par les prophètes.
Et en une Église sainte, catholique et apostolique.
Nous confessons un baptême pour la rémission des péchés.
Nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir.
Amen.

SYMBOLE « QUICUMQUE », DIT D'ATHANASE (entre 430 et 500)
Quiconque veut être sauvé doit, avant tout, tenir la foi catholique : celui qui ne la garde pas entière et pure ira, sans aucun doute, à sa perte éternelle.
Voici la foi catholique : nous vénérons un Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l'unité, sans confondre les Personnes, sans diviser la substance : autre est en effet la Personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint Esprit ; mais le Père, le Fils et le Saint Esprit ont une même divinité, une gloire égale, une même éternelle majesté.
Comme est le Père, tel est le Fils, tel le Saint Esprit : incréé est le Père, incréé le Fils, incréé le Saint Esprit ; immense est le Père, immense le Fils, immense le Saint Esprit ; éternel est le Père, éternel le Fils, éternel le Saint Esprit ; et cependant, ils ne sont pas trois éternels, mais un éternel ; ni non plus trois incréés, ni trois immenses, mais un incréé et un immense. De même, tout-puissant est le Père, tout-puissant le Fils, tout-puissant le Saint Esprit ; et cependant, ils ne sont pas trois tout-puissants, mais un tout-puissant. Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint Esprit est Dieu ; et cependant, ils ne sont pas trois dieux, mais un Dieu. Ainsi le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, le Saint Esprit est Seigneur ; et cependant ils ne sont pas trois seigneurs, mais un Seigneur : car, de même que la vérité chrétienne nous oblige à confesser que chacune des Personnes en particulier est Dieu et Seigneur, de même la religion catholique nous interdit de dire qu'il y a trois dieux ou trois seigneurs.
Le Père n'a été fait par personne, il n'est ni créé ni engendré ;
le Fils ne vient que du Père, il n'est ni fait, ni créé, mais engendré ;
le Saint Esprit vient du Père et du Fils, il n'est ni fait, ni créé, ni engendré, mais il procède.
Il n'y a donc qu'un Père, non pas trois Pères ;
un Fils, non pas trois Fils ;
un Saint Esprit, non pas trois Saints Esprits.
Et dans cette Trinité il n'est aucun avant ou après,
aucun plus grand ou plus petit,
mais les Personnes sont toutes trois également éternelles et semblablement égales.
Si bien qu'en tout, comme on l'a déjà dit plus haut, on doit vénérer, et l'unité dans la Trinité, et la Trinité dans l'unité. Celui donc qui veut être sauvé doit croire cela sur la Trinité.
Mais il est nécessaire au salut éternel de croire fidèlement aussi à l'Incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ.
Voici la foi orthodoxe :
nous croyons et nous confessons que notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est Dieu et homme :
il est Dieu, de la substance du Père, engendré avant les siècles ;
et il est homme, de la substance de sa mère, né dans le temps ;
Dieu parfait, homme parfait,
composé d'une âme raisonnable et d'un corps humain,
égal au Père selon la divinité, inférieur au Père selon l'humanité.
Bien qu'il soit Dieu et homme, il n'y a pas cependant deux Christ, mais un Christ ;
un, non parce que la divinité a passé dans la chair,
mais parce que l'humanité a été assumée en Dieu ;
un absolument, non par un mélange de substance,
mais par l'unité de personne.
Car, de même que l'âme raisonnable et le corps font un homme,
de même Dieu et l'homme font un Christ.
Il a souffert pour notre salut,
il est descendu aux enfers,
le troisième jour il est ressuscité des morts,
il est monté aux cieux,
il siège à la droite du Père, d'où il viendra juger les vivants et les morts.
À sa venue, tous les hommes ressusciteront avec leurs corps et rendront compte chacun de leurs actes ;
ceux qui ont bien agi iront dans la vie éternelle, ceux qui ont mal agi, au feu éternel.
Telle est la foi catholique : si l'on n'y croit pas fidèlement et fermement, on ne pourra être sauvé.

SYMBOLE DE TOLÈDE (675)
La Trinité divine
Nous confessons et nous croyons que la sainte et ineffable Trinité, Père, Fils et Saint Esprit, est un seul Dieu par nature, d'une seule substance, d'une seule nature, ainsi que d'une seule majesté et puissance.
Nous professons que le Père n'est ni engendré ni créé, mais qu'il est inengendré.
Il ne tire son origine de personne ; de lui le Fils reçoit sa naissance et le Saint Esprit sa procession.
Il est donc lui-même source et origine de toute la divinité.
Il est aussi le Père de sa propre essence et, de son ineffable substance, il a engendré ineffablement le Fils ; et cependant il n'a pas engendré autre chose que ce qu'il est lui-même : Dieu a engendré Dieu, la lumière, la lumière.
De lui est donc « toute paternité au ciel et sur la terre » [Ep 3, 15].
Nous affirmons aussi que le Fils est né de la substance du Père sans avoir eu de commencement, avant les siècles, et cependant il n'a pas été fait : car ni le Père n'a jamais existé sans le Fils, ni le Fils jamais sans le Père.
Et cependant, le Père n'est pas du Fils comme le Fils du Père, parce que le Père n'a pas reçu du Fils la génération, mais le Fils l'a reçue du Père.
Le Fils est donc Dieu issu du Père, mais le Père n'est pas Dieu issu du Fils.
Père du Fils, il n'est pas Dieu par le Fils.
Celui-ci est Fils du Père et Dieu par le Père.
Le Fils est cependant égal en toutes choses à Dieu, le Père, parce qu'il n'a jamais ni commencé ni cessé de naître.
Nous croyons aussi qu'il a une seule substance avec le Père.
C'est pourquoi on dit qu'il est όμοούσιος au Père, c'est-à-dire de même substance que le Père ; en grec en effet όμος signifie : un, et ούσιος : substance ; les deux mots joints font « une substance ».
On doit croire que le Fils a été engendré et qu'il est né non de rien ni d'une autre substance, mais du sein du Père, c'est-à-dire de la même substance.
Éternel est donc le Père, éternel est le Fils.
Si le Père a toujours été, il a toujours eu un Fils, dont il était le Père ; c'est pourquoi nous confessons que le Fils est né du Père sans commencement.
Ce même Fils de Dieu, de ce qu'il a été engendré du Père, nous
ne l'appelons pas une partie de sa nature divisée 1, mais nous affirmons que le Père parfait a engendré son Fils parfait sans diminution ni division, parce qu'il appartient à la divinité seule de n'avoir pas un Fils inégal.
Ce Fils est Fils de Dieu par nature, non par adoption.
Nous devons croire que le Père ne l'a engendré ni par volonté ni par nécessité, car en Dieu aucune nécessité n'existe et la volonté ne précède pas la sagesse.
Nous croyons aussi que l'Esprit Saint, qui est la troisième Personne dans la Trinité, est Dieu, un et égal au Père et au Fils, de même substance et aussi de même nature.
Il n'est cependant ni engendré ni créé, mais il procède de l'un et de l'autre, il est l'Esprit de tous deux.
Nous croyons aussi que l'Esprit n'est ni inengendré, ni engendré.
Si nous le disions inengendré, nous affirmerions deux Pères.
Si nous le disions engendré, nous semblerions prêcher deux Fils.
Cependant, on ne dit pas qu'il est seulement l'Esprit du Père, mais à la fois l'Esprit du Père et du Fils.
Il ne procède pas du Père vers le Fils ni ne procède du Fils pour sanctifier les créatures, mais il apparaît bien comme ayant procédé à la fois de l'un et de l'autre, parce qu'il est reconnu comme la charité ou la sainteté de tous les deux.
Nous croyons donc que le Saint Esprit est envoyé par les deux, comme le Fils l'est par le Père. Il n'est pas considéré comme moindre que le Père et le Fils, à la manière dont le Fils atteste qu'il est moindre que le Père et l'Esprit Saint à cause de la chair qu'il a prise.
Voici comment parler de la sainte Trinité : on doit dire et croire qu'elle n'est pas triple, mais trine.
On ne peut dire justement que la Trinité soit en un seul Dieu, mais qu'un seul Dieu est Trinité.
Dans les noms des Personnes, qui expriment les relations, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le Saint Esprit aux deux.
Quand on parle des trois Personnes en considérant les relations, on croit cependant en une nature ou substance.
Nous n'affirmons pas trois substances comme nous affirmons trois Personnes, mais une substance et trois Personnes. En effet, le Père est Père, non par rapport à lui-même, mais par rapport au Fils.
Le Fils est Fils, non par rapport à lui-même, mais par rapport au Père.
De même, le Saint Esprit ne se réfère pas à lui-même, mais au Père et au Fils, parce qu'il est appelé l'Esprit du Père et du Fils.
De même, quand nous disons Dieu, nous n'exprimons pas une relation à un autre, comme celle du Père au Fils ou du Fils au Père ou du Saint Esprit au Père et au Fils.
Dieu n'est référé qu'à lui-même.
Si on nous interroge sur chacune des Personnes, nous devons confesser qu'elle est Dieu.
On dit que le Père est Dieu, que le Fils est Dieu, que le Saint Esprit est Dieu, chacun en particulier ; cependant, ce ne sont pas trois dieux, mais un seul Dieu.
De même, on dit que le Père est tout-puissant, que le Fils est tout-puissant, que le Saint Esprit est tout-puissant ; cependant ce ne sont pas trois tout-puissants, mais un seul Tout-puissant, comme nous professons une lumière et un principe.
Nous confessons et nous croyons que chaque Personne en particulier est pleinement Dieu et que toutes trois sont un seul Dieu.
Elles ont une divinité, une majesté, une puissance unique, indivisée, égale, qui ne diminue pas en chacun et qui n'augmente pas dans les trois.
Elle n'est pas moindre quand chaque Personne est appelée Dieu en particulier ; elle n'est pas plus grande quand les trois Personnes sont appelées un seul Dieu.
Cette sainte Trinité, qui est un seul vrai Dieu, n'est pas hors du nombre mais elle n'est pas enfermée dans le nombre.
Dans les relations des Personnes, le nombre apparaît ; dans la substance de la divinité, on ne peut saisir ce qui est objet de nombre.
Il y a donc indication de nombre uniquement dans les rapports qu'elles ont entre elles, mais il n'y a pas pour elles de nombre, en tant qu'elles sont elles-mêmes.
Il faut un nom de nature à cette sainte Trinité, tel qu'il ne puisse être utilisé au pluriel dans les trois Personnes.
Pour cela nous croyons ce que l'Écriture dit : « Grand est notre Seigneur et grande est sa puissance, et sa sagesse n'a pas de nombre » [Ps 146, 5].
Ce n'est pas parce que nous disons que ces trois Personnes sont un seul Dieu, que le Père est le même que le Fils ou que le Fils est le Père, ou que nous pouvons dire que celui qui est le Saint Esprit est le Père ou le Fils.
Celui qui est le Fils n'est pas le Père, et celui qui est le Père n'est pas le Fils, ni le Saint Esprit n'est celui qui est le Père ou le Fils.
Cependant, le Père est cela même qu'est le Fils, le Fils cela même qu'est le Père, le Père et le Fils cela même qu'est le Saint Esprit, c'est-à-dire un seul Dieu par nature.
Quand nous disons que le Père n'est pas celui-là même qui est le Fils, nous nous référons à la distinction des Personnes.
Mais quand nous disons que le Père est cela même qu'est le Fils, le Fils cela même qu'est le Père, le Saint Esprit cela même qu'est le Père et le Fils, nous exprimons que cela appartient à la nature ou à la substance par laquelle Dieu est, parce qu'ils sont substantiellement un.
Nous distinguons les Personnes, mais nous ne divisons pas la divinité.
Nous reconnaissons donc la Trinité dans la distinction des Personnes.
Nous professons l'unité à cause de la nature ou substance.
Ces trois sont donc un comme nature, non comme Personne.
Cependant il ne faut pas concevoir ces trois Personnes comme séparables, puisque nous croyons qu'aucune n'a jamais existé, n'a jamais accompli quelque œuvre ni avant l'autre ni après l'aube ni sans l'autre.
Elles sont inséparables en ce qu'elles sont et en ce qu'elles font.
Entre le Père qui engendre, le Fils qui est engendré et l'Esprit Saint qui procède, nous ne croyons pas qu'il y ait eu quelque intervalle de temps par lequel celui qui engendre aurait précédé un moment l'engendré, ou l'engendré aurait manqué à celui qui engendre, ou le Saint Esprit, en procédant, serait apparu comme venant après le Père et le Fils.
C'est pourquoi nous déclarons et croyons cette Trinité inséparable et distincte.
Nous parlons de trois Personnes, selon ce qu'ont
défini nos pères, pour qu'elles soient connues comme telles, non pour qu'elles soient séparées.
Car si nous considérons ce que la sainte Écriture dit de la Sagesse : « Elle est la splendeur de la lumière éternelle » [Sg 7, 26], de même que nous voyons la splendeur ne faire qu'un avec la lumière inséparablement, de même nous confessons que le Fils ne peut être séparé du Père.
Comme nous ne confondons pas ces trois Personnes, dont la nature est une et inséparable, aussi nous déclarons qu'elles ne sont absolument pas séparables.
Car la Trinité elle-même a daigné nous montrer cela si clairement que, même dans les noms dont elle a voulu que chaque Personne fût désignée, elle n'a pas permis qu'on comprenne l'une sans l'autre : le Père en effet ne peut être connu sans le Fils et le Fils n'est pas découvert sans le Père.
La relation elle-même, dans sa dénomination personnelle, empêche de séparer les Personnes et, quand elle ne les nomme pas ensemble, elle les indique ensemble.
Personne ne peut entendre l'un de ces noms qu'il ne soit forcé de comprendre aussi l'autre.
Ces trois étant donc un et cet un étant trois, chaque Personne garde cependant sa propriété.
Le Père a l'éternité sans naissance.
Le Fils, l'éternité avec la naissance.
Le Saint Esprit, la procession sans naissance, avec l'éternité
L'Incarnation
Nous croyons que, de ces trois Personnes, seule la Personne du Fils a pris une nature humaine véritable, sans péché, de la sainte et immaculée Vierge Marie, pour la libération du genre humain.
Il est né d'elle selon un nouvel ordre, selon une nouvelle naissance.
Un nouvel ordre, parce qu'invisible en sa divinité il paraît visible en la chair ; une nouvelle naissance, parce qu'une virginité intacte n'a pas connu le contact de l'homme et a fourni la matière de son corps fécondée par l'Esprit Saint.
Cet enfantement de la Vierge, la raison ne peut le comprendre ; aucun exemple ne l'éclaire.
Si la raison le comprend, il n'est pas admirable ; si des exemples l'éclairent, il ne sera plus particulier 2.
Il ne faut pas cependant croire que le Saint Esprit est le Père du Fils, du fait que Marie a conçu sous l'ombre de ce même Saint Esprit.
Nous ne devons pas avoir l'air d'affirmer que le Fils a deux Pères : il est certainement impie de le dire.
Dans cette conception admirable, la Sagesse s'étant bâti une demeure, « le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous » [Jn 1, 14].
Cependant, ce Verbe ne s'est pas transformé ni changé dans la chair, en sorte que celui qui voulait être homme cessât d'être Dieu.
Mais « le Verbe s'est fait chair » de telle sorte qu'il y a en lui non seulement le Verbe de Dieu et la chair de l'homme, mais encore une âme humaine raisonnable et que ce tout est appelé Dieu à cause de Dieu et homme à cause de l'homme.
Dans le Fils de Dieu, nous croyons qu'il y a deux natures, celle de la divinité et celle de l'humanité, que l'unique personne du Christ a unies en lui de telle sorte qu'il est impossible de jamais séparer la divinité de l'humanité et l'humanité de la divinité.
Dès lors, le Christ est Dieu parfait et homme parfait dans l'unité d'une seule personne.
Néanmoins, en disant qu'il y a deux natures dans le Fils, nous ne faisons pas qu'il y ait deux personnes en lui, de peur que la Trinité — ce qu'à Dieu ne plaise ! — ne devienne une quaternité.
Car Dieu le Verbe n'a pas pris la personne de l'homme, mais sa nature, et, dans la Personne éternelle de la divinité, il a pris la substance temporelle de la chair.
De même, nous croyons que le Père, le Fils et le Saint Esprit ont une unique substance, sans dire pourtant que la Vierge Marie ait enfanté l'unité de cette Trinité.
Elle n'a enfanté que le Fils, qui seul a pris notre nature dans l'unité de sa personne.
Nous devons croire aussi que l'Incarnation du Fils de Dieu a été réalisée par la Trinité tout entière car les œuvres de la Trinité ne peuvent être divisées.
Cependant, le Fils seul a pris la forme d'esclave [cf. Ph 2, 7], dans la singularité d'une personne, non dans l'unité de la nature divine ; dans ce qui était propre au Fils, non dans ce qui était commun à la Trinité.
Cette forme a été jointe à l'unité de la personne, en sorte que le Fils de Dieu et le Fils de l'homme sont un seul Christ, c'est-à-dire que le Christ, dans ses deux natures, est fait de trois substances, celle du Verbe, qu'il faut rapporter à l'essence de Dieu uniquement, celles du corps et de l'âme qui appartiennent à l'homme véritable.
Il a donc en lui la double substance de sa divinité et de notre humanité.
Mais parce qu'il est venu de Dieu le Père sans commencement, on dit seulement qu'il est né, car il n'a pas été fait ni prédestiné.
Mais parce qu'il est né de la Vierge Marie, on doit croire qu'il est né, a été fait et a été prédestiné.
Cependant en lui les deux générations sont admirables, parce qu'il a été engendré du Père, sans mère, avant les siècles, et parce qu'à la fin des siècles il a été engendré d'une mère, sans père.
En tant qu'il est Dieu, il a créé Marie ; en tant qu'il est homme, il a été créé par Marie.
Il est et le père et le fils de Marie sa mère.
De même, du fait qu'il est Dieu, il est égal au Père ; du fait qu'il est homme, il est moins grand que le Père.
De même, nous devons croire qu'il est plus grand et moins grand que lui-même : dans la forme de Dieu, le Fils est plus grand que lui-même, parce qu'il a pris l'humanité, à qui la divinité est supérieure ; mais dans la forme d'esclave, il est moins grand que lui-même, c'est-à-dire dans l'humanité qui est reconnue inférieure à la divinité.
Car, de même que la chair qu'il a prise le fait moins grand, non seulement que son Père, mais que lui-même, de même selon sa divinité il est égal au Père.
Lui-même et le Père sont plus grands que l'homme, que seule la Personne du Fils a assumé.
De même, cherche-t-on si le Fils pourrait être à la fois égal au Saint Esprit et moins grand que lui, comme l'on croit qu'il est tantôt égal au Père et tantôt moins grand que le Père, nous répondrons : selon la forme de Dieu, il est égal au Père et au Saint Esprit ; selon la forme d'esclave, il est moins grand que le Père et le Saint Esprit, parce que ni le Saint Esprit ni Dieu le Père, mais seule la Personne du Fils s'est incarnée, et eu égard à cette chair, nous croyons qu'il est moins grand que les deux autres Personnes.
De même, nous croyons que ce Fils, en tant que Personne, est distinct, mais inséparable, du Père et du Saint-Esprit ; en tant que nature, il est distinct de la nature humaine qu'il a prise.
De même, avec la nature humaine, il constitue une personne ; avec le Père et le Saint Esprit, il est la nature ou substance de la divinité.
Nous devons croire que le Fils n'a pas été envoyé seulement par le Père, mais par le Saint Esprit, car lui-même dit par le Prophète : « Voici que maintenant le Seigneur m'a envoyé et son Esprit » [Is 48, 16].
On reconnaît aussi qu'il a été envoyé par lui-même, car indivisible est non seulement la volonté mais l'opération de la Trinité tout entière.
Celui qui a été appelé unique avant les siècles est devenu le premier-né dans le temps.
Unique en raison de l'essence divine, premier-né en raison de la nature de chair qu'il a prise.
La Rédemption
Dans la forme d'homme qu'il a prise, nous croyons qu'il est, selon la vérité de l'Évangile, conçu sans péché, né sans péché, mort sans péché.
Lui seul « s'est fait péché » pour nous [cf. 2 Co 5, 21], c'est-à-dire sacrifice pour nos péchés.
Néanmoins, il a subi la Passion pour nous, sa divinité demeurant intacte, il a été condamné à mort, il a eu sur la Croix une vraie mort d'homme.
Le troisième jour, relevé par sa propre puissance, il a surgi du tombeau.
Le sort de l'homme après la mort
Ainsi, l'exemple de notre chef nous fait confesser qu'il y a une véritable résurrection de la chair pour tous les morts.
Nous ne croyons pas que nous ressusciterons dans un corps aérien ou dans quelque autre espèce de corps, selon les divagations de certains, mais dans ce corps avec lequel nous vivons, nous existons et nous nous mouvons.
Notre Seigneur et Sauveur, ayant fourni le modèle de cette sainte résurrection, a regagné par son Ascension le trône paternel que sa divinité n'avait jamais abandonné.
Siégeant là, à la droite du Père, il est attendu pour la fin des siècles comme juge de tous les vivants et de tous les morts.
De là, il viendra avec tous les saints [anges et hommes] pour juger et rendre à chacun le salaire qui lui est personnellement dû, selon ce que chacun aura accompli quand il était en son corps, soit en bien soit en mal [cf. 2 Co 5, 10].
Nous croyons que la sainte Église catholique, rachetée au prix de son sang, régnera avec lui pour toujours.
Rassemblés au sein de cette Église, nous croyons et professons un seul baptême en rémission de tous les péchés.
Dans cette foi, nous croyons sincèrement la résurrection des morts et nous attendons les joies du siècle à venir.
Il ne nous reste qu'à demander ceci dans notre prière : lorsque, après l'exécution et la fin du Jugement, le Fils aura remis son Royaume à Dieu son Père [cf. 1 Co 15, 24], qu'il nous y fasse participer, afin que, par cette foi qui nous unit à lui, nous régnions avec lui sans fin.
Tel est l'exposé de la foi que nous professons.
Par elle, les doctrines de tous les hérétiques sont anéanties ; par elle, les cœurs des fidèles sont Purifiés ; par elle, on arrive glorieusement à Dieu...

IVe CONCILE DU LATRAN - XIIe ŒCUMÉNIQUE (1215)
La foi catholique
Nous croyons fermement et nous affirmons simplement qu'il y a un seul vrai Dieu, éternel, immense et immuable, incompréhensible, tout-puissant et ineffable, Père et Fils et Saint Esprit ; trois Personnes, mais une essence, une substance ou nature absolument simple ; le Père ne vient de personne, le Fils vient du Père seul, et le Saint Esprit également de l'un et de l'autre.
Sans commencement, toujours et sans fin, le Père engendre, le Fils naît et le Saint Esprit procède.
Ils sont consubstantiels, semblablement égaux, également tout-puissants, également éternels.
Principe unique de toutes choses, créateur de toutes, visibles et invisibles, spirituelles et corporelles, qui, par sa force toute-puissante, a tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l'une et l'autre créature, la spirituelle et la corporelle, c'est-à-dire les anges et le monde terrestre ; puis la créature humaine qui tient des deux, composée qu'elle est d'esprit et de corps.
Car le diable et les autres démons ont été créés par Dieu naturellement bons, mais se sont par eux-mêmes rendus mauvais.
L'homme, lui, a péché à l'instigation du démon.
Cette sainte Trinité, indivisée selon son essence commune, et distincte selon les propriétés des Personnes, a donné au genre humain la doctrine du salut, d'abord par Moïse, par les saints prophètes et ses autres serviteurs, suivant un plan parfaitement ordonné au cours des temps.
Enfin, le Fils unique de Dieu, Jésus-Christ, dont l'Incarnation est l'œuvre commune de toute la Trinité, conçu de Marie toujours vierge par la coopération du Saint Esprit, fait vraiment homme, composé d'une âme raisonnable et d'un corps humain, unique personne en deux natures, a montré plus visiblement la voie de la vie.
Immortel et incapable de souffrir en tant que Dieu, il s'est fait capable de souffrir et mortel en tant qu'homme.
Il a aussi souffert et il est mort sur le bois de la Croix, pour le salut du genre humain ; il est descendu aux enfers, il est ressuscité des morts et il est monté au Ciel ; mais il est descendu en son âme, il est ressuscité en son corps et il est monté également en l'un et l'autre.
Il viendra à la fin des temps, il jugera les vivants et les morts et rendra à chacun selon ses œuvres, aux réprouvés comme aux élus.
Tous ressusciteront avec leur propre corps, qu'ils ont maintenant, pour recevoir, selon que leurs œuvres auront été bonnes ou mauvaises, les uns, un châtiment éternel avec le diable, les autres, une gloire éternelle avec le Christ.
Il y a une seule Église universelle des fidèles, hors de laquelle absolument personne n'est sauvé 2, et dans laquelle Jésus-Christ lui-même est à la fois le prêtre et la victime.
Son corps et son sang, dans le sacrement de l'autel, sont vraiment contenus sous les espèces du pain et du vin, le pain étant transsubstantié au corps et le vin au sang par la puissance divine ; pour que nous recevions de lui ce qu'il a reçu de nous, et que le mystère de l'unité s'accomplisse.
Ce sacrement, personne ne peut le réaliser, sinon le prêtre ordonné dans les règles, selon le pouvoir des clés de l'Église, que Jésus-Christ lui-même a concédé aux Apôtres et à leurs successeurs.
Le sacrement du baptême, qui s'effectue dans l'eau en invoquant Dieu I l'indivisible Trinité, Père, Fils et Saint Esprit, sert au salut des enfants comme à celui des adultes, quand il est conféré dans les règles, selon la prière de l'Église, par qui que ce soit. Si, après avoir reçu le baptême, quelqu'un est tombé dans le péché, il peut toujours être guéri par une vraie pénitence. Ce ne sont pas seulement les vierges et les continents, mais aussi les gens mariés qui, plaisant à Dieu par la foi droite et leur vie bonne, méritent de parvenir à la vie éternelle.

IIe CONCILE DE LYON - XIVe ŒCUMÉNIQUE (1274)
PROFESSION DE FOI DE MICHEL PALÉOLOGUE
 [Première partie]
Nous croyons en la sainte Trinité, Père, Fils et Saint Esprit, Dieu tout-puissant, et que, dans la Trinité, toute la divinité est également essentielle, consubstantielle, également éternelle, également toute-puissante, qu'il y a en elle une seule volonté, une seule puissance, une seule majesté, qu'elle est le créateur de toutes les créatures, de qui, en qui, par qui sont toutes les choses qui sont dans le ciel et sur la terre, visibles, invisibles, corporelles et spirituelles.
Nous croyons que chacune des Personnes dans la Trinité est vraiment, pleinement et parfaitement Dieu.
Nous croyons au Fils de Dieu, Verbe de Dieu, né éternellement du Père, consubstantiel, également tout-puissant et égal en tout au Père en la divinité ; né dans le temps, du Saint Esprit et de Marie toujours vierge, avec une âme raisonnable. Il a deux naissances, une naissance éternelle, du Père, une naissance temporelle, de sa mère.
Vrai Dieu et vrai homme, proprement et parfaitement en l'une et l'autre nature ; ni fils adoptif, ni fils en apparence, mais seul et unique Fils de Dieu, en deux natures, de deux natures, la divine et l'humaine, dans l'unité d'une seule personne, incapable de souffrir et immortel par sa divinité, mais qui, dans son humanité, a souffert une vraie Passion corporelle, pour nous et pour notre salut ; il est mort, a été enseveli, est descendu aux enfers, et, le troisième jour, est ressuscité des morts, son corps étant vraiment ressuscité ; quarante jours après sa Résurrection, avec sa chair ressuscitée et son âme, il est monté au ciel et il siège à la droite de Dieu le Père, d'où il viendra juger les vivants et les morts et rendra à chacun selon que ses œuvres auront été bonnes ou mauvaises.
Nous croyons aussi au Saint Esprit, pleinement, parfaitement et vraiment Dieu, procédant du Père et du Fils, égal en tout et consubstantiel, également tout-puissant, également éternel en tout comme le Père et le Fils.
Nous croyons que cette sainte Trinité n'est pas trois dieux, mais un unique Dieu tout-puissant, éternel, invisible et immuable.
Nous croyons que l'Église, sainte, catholique et apostolique, est la seule vraie, dans laquelle se donne un saint baptême et la véritable rémission de tous les péchés.
Nous croyons aussi à la vraie résurrection de cette chair, qui est maintenant nôtre, et à la vie éternelle.
Nous croyons aussi qu'il y a un seul auteur du Nouveau et de l'Ancien Testament, de la Loi, des Prophètes et des Apôtres, le Dieu et Seigneur tout-puissant.
Telle est la vraie foi catholique que, dans les articles ci-dessus, tient et prêche la sainte Église romaine.
[Seconde partie]
Mais, en raison de diverses erreurs que certains ont introduites par ignorance et d'autres par malice, elle dit et prêche que ceux qui, après le baptême, tombent dans le péché, ne doivent pas être rebaptisés, mais qu'ils obtiennent le pardon de leurs péchés par une vraie pénitence.
Que si, vraiment pénitents, ils meurent dans la charité, avant d'avoir satisfait, par des dignes fruits de pénitence, pour ce qu'ils ont commis ou omis, leurs âmes sont purifiées après la mort par des peines purgatoires et purifiantes, comme l'a expliqué notre frère Jean 3. Pour adoucir ces peines, les intercessions des fidèles vivants leur sont utiles, à savoir le sacrifice de la messe, les prières, les aumônes et les autres œuvres de piété que les fidèles ont coutume de faire pour les autres fidèles selon les institutions de l'Église. — Pour les âmes de ceux qui, après avoir reçu le saint baptême, n'ont contracté absolument aucune souillure de péché, pour celles aussi qui, après avoir contracté la souillure du péché, sont purifiées, qu'elles demeurent encore en leur corps ou qu'elles l'aient dépouillé, comme on l'a dit plus haut, elles sont immédiatement reçues dans le ciel. Pour les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel ou avec le seul péché originel, elles descendent immédiatement en enfer, où elles reçoivent pendant des peines inégales.
I a même sainte Église romaine croit et affirme fermement que néanmoins, au jour du Jugement, tous les hommes comparaîtront avec leur corps devant le tribunal du Christ, « pour y rendre compte de leurs propres actions » [cf. Ro 14, 10-12].
La même sainte Église romaine tient et enseigne encore qu'il y a sept sacrements de l'Église : le baptême, dont on a parlé plus haut ; le sacrement de confirmation, que les évêques confèrent par l'imposition des mains en oignant les baptisés ; la pénitence ; l'Eucharistie ; le sacrement de l'ordre ; le mariage ; l'extrême-onction qui, selon la doctrine du bienheureux Jacques, est administrée aux malades [Jc 5, 14-15]. La même Église romaine fait le sacrement de l'Eucharistie avec du pain azyme ; elle tient et enseigne que, dans ce sacrement, le pain est vraiment transsubstantié au corps et le vin au sang de notre Seigneur Jésus-Christ. Sur le mariage, elle tient qu'un homme n'a pas le droit d'avoir simultanément plusieurs épouses, ni une femme plusieurs maris. Quand le mariage légitime est rompu par la mort d'un des conjoints, elle déclare que les secondes et, ensuite, les troisièmes noces sont successivement licites, si ne s'y oppose pas un autre empêchement canonique pour quelque raison.
La sainte Église romaine possède aussi la primauté et autorité souveraine et entière sur l'ensemble de l'Église catholique. Elle reconnaît sincèrement et humblement l'avoir reçue, avec la plénitude du pouvoir, du Seigneur lui-même, en la personne du bienheureux Pierre, chef ou tête des Apôtres, dont le Pontife romain est le successeur. Et comme elle doit, par-dessus tout, défendre la vérité de la foi, ainsi les questions qui surgiraient à propos de la foi doivent être définies par son jugement. N'importe quel accusé peut en appeler à elle, dans les affaires qui relèvent des tribunaux d'Église ; et dans toutes les causes qui touchent à la juridiction ecclésiastique, on peut recourir à son jugement. À elle sont soumises toutes les Églises, dont les prélats lui rendent obéissance et révérence. Sa plénitude de pouvoir est si établie qu'elle admet les autres Églises à partager sa sollicitude. Cette même Église romaine a honoré beaucoup d'Eglises, et surtout les Églises patriarcales, de divers privilèges, sa prérogative étant cependant toujours sauve dans les conciles généraux comme en d'autres occasions.

BULLE « INIUNCTUM NOBIS » DE PIE IV (1564)
PROFESSION DE FOI TRIDENTINE
Moi, N..., je crois et je professe d'une foi ferme tous et chacun des articles contenus dans le symbole de la foi dont se sert l'Église romaine, c'est-à-dire :
Nous croyons en un Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles ;
et en un Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu,
engendré du Père avant tous les siècles,
lumière de lumière,
vrai Dieu de vrai Dieu,
engendré, non créé,
 consubstantiel au Père, par qui tout a été fait ;
qui pour nous, les hommes, et pour notre salut, est descendu des cieux,
par le Saint Esprit s'est incarné de la Vierge Marie, et s'est fait homme ;
il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate ;
a souffert ;
a été enseveli,
est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures,
est monté aux cieux ;
il siège à la droite du Père
et il reviendra en gloire juger les vivants et les morts ;
son règne n'aura pas de fin ;
et en l'Esprit Saint, le Seigneur, qui vivifie ;
qui procède du Père ;
qui avec le Père et le Fils est conjointement adoré et glorifié ;
qui a parlé par les prophètes.
Et en une Église sainte, catholique et apostolique.
Nous confessons un baptême pour la rémission des péchés.
Nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir.
Amen.
J'accepte et j'embrasse très fermement les traditions apostoliques et celles de l'Église, et toutes les autres observances et constitutions de cette même Église. De même j'accepte l'Écriture sainte, suivant le sens qu'a tenu et que tient notre sainte mère l'Église, à qui il appartient de juger du véritable sens et de l'interprétation des saintes Ecritures. Je n'accepterai et je n'interpréterai jamais l'Écriture que selon le consentement unanime des Pères.
Je professe aussi qu'il y a, véritablement et à proprement parler, sept sacrements de la Loi nouvelle, institués par notre Seigneur Jésus-Christ et nécessaires au salut du genre humain, bien que tous ne le soient pas pour chacun : le baptême, la confirmation, l'Eucharistie, la pénitence, l’extrême-onction, l'ordre et le mariage. Ils confèrent la grâce et, parmi eux, le baptême, la confirmation et l'ordre ne peuvent être réitérés sans sacrilège. Je reçois et j'accepte aussi les rites reçus et approuvés de l'Église catholique dans l'administration solennelle des dits sacrements.
J'embrasse et je reçois tous et chacun des articles qui ont été définis et déclarés au saint concile de Trente sur le péché originel et la justification.
Je professe également qu'à la messe est offert à Dieu un sacrifice véritable, proprement dit, propitiatoire pour les vivants et les morts, et que, dans le très saint sacrement de l'Eucharistie, se trouvent vraiment, réellement et substantiellement le corps et le sang, conjointement avec l'âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, et qu'un changement s'accomplit, de toute la substance du pain en son corps et de toute la substance du vin en son sang, changement que l'Église catholique appelle transsubstantiation. J'affirme aussi que, sous une seule des espèces, c'est le Christ tout entier et complet et le véritable sacrement qu'on reçoit.
Je tiens sans défaillance qu'il y a un purgatoire et que les âmes qui y sont retenues sont aidées par les intercessions des fidèles. Et également que les saints qui règnent conjointement avec le Christ doivent être vénérés et invoqués ; qu'ils offrent pour nous des prières à Dieu et que leurs reliques doivent être vénérées. Je déclare fermement qu'on peut avoir et garder les images du Christ et de la mère de Dieu toujours vierge, ainsi que celles des autres saints, et qu'il faut leur rendre l'honneur et la vénération qui leur sont dus. J'affirme aussi que le pouvoir des indulgences a été laissé par le Christ dans l'Église et que leur usage est très salutaire au peuple chrétien.
Je reconnais la sainte, catholique et apostolique Église romaine comme la mère et la maîtresse de toutes les Églises. Je promets et je jure vraie obéissance au Pontife romain, successeur du bienheureux Pierre, chef des Apôtres, et vicaire de Jésus-Christ.
Je reçois et je professe sans en douter tout ce qui, par les saints canons et par les conciles œcuméniques, principalement par le saint concile de Trente (et par le concile œcuménique du Vatican), a été transmis, défini et déclaré (spécialement sur le primat du Pontife romain et son magistère infaillible). En même temps, je condamne, je rejette et j'anathématise également tout ce qui leur est contraire et toute espèce d'hérésie condamnée, rejetée et anathématisée par l'Église.
Cette vraie foi catholique, hors de laquelle personne ne peut être sauvé, que je professe présentement de plein gré et que je tiens sincèrement, moi, N..., je promets, je prends l'engagement, et je jure de la garder et de la confesser, Dieu aidant, entière et inviolée, très fidèlement jusqu'à mon dernier soupir, et de prendre soin, autant que je le pourrai, qu'elle soit tenue, enseignée et prêchée par ceux qui dépendent de moi ou par ceux sur qui ma charge me demandera de veiller. Qu'ainsi Dieu me soit en aide et ces saints Évangiles.

PROFESSION DE FOI DE PAUL VI (1968)
Nous croyons en un seul Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, créateur des choses visibles — comme ce monde où s'écoule notre vie passagère — et des choses invisibles — comme les purs esprits qu'on nomme aussi les anges —, et aussi créateur en chaque homme de son âme spirituelle et immortelle.
Nous croyons que ce Dieu unique est absolument un dans son essence infiniment sainte comme dans toutes ses perfections, dans sa toute-puissance, dans sa science infinie, dans sa providence, dans sa volonté et dans son amour. « Il est Celui qui est », comme il l'a révélé à Moïse [Ex 3, 14] ; et il est « Amour », comme l'apôtre Jean nous l'enseigne [1 Jn 4, 8] : en sorte que ces deux noms, Être et Amour, expriment ineffablement la même divine réalité de Celui qui a voulu se faire connaître à nous, et qui, « habitant une lumière inaccessible » [1 Tm 6, 16], est en lui-même au-dessus de tout nom, de toutes choses et de toute intelligence créée.
Dieu seul peut nous en donner la connaissance juste et plénière en se révélant comme Père, Fils et Saint Esprit, dont nous sommes par grâce appelés à partager, ici-bas dans l'obscurité de la foi et au-delà de la mort dans la lumière éternelle, l'éternelle vie.
Les liens mutuels constituant éternellement les trois Personnes, qui sont chacune le seul et même être divin, sont la bienheureuse vie intime du Dieu trois fois saint, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir à la mesure humaine. Nous rendons grâce cependant à la bonté divine du fait que de très nombreux croyants puissent attester avec Nous devant les hommes l'unité de Dieu, bien qu'ils ne connaissent pas le mystère de la très sainte Trinité.
Nous croyons donc au Père qui engendre éternellement le Fils, au Fils, Verbe de Dieu, qui est éternellement engendré, au Saint Esprit, Personne incréée qui procède du Père et du Fils comme leur éternel amour. Ainsi en les trois Personnes divines, « également éternelles et semblablement égales » (coaeternae sibi et coaequales), surabondent et se consomment, dans la surexcellence et la gloire propres à l'être incréé, la vie et la béatitude de Dieu parfaitement un, et toujours « on doit vénérer l'unité dans la Trinité et la Trinité dans l'unité ».
Nous croyons en Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est le Fils de Dieu. Il est le Verbe éternel, né du Père avant tous les siècles et consubstantiel au Père, homoousios to Patri, et par lui tout a été fait.
Il s'est incarné par l’œuvre du Saint Esprit dans le sein de la Vierge Marie et s'est fait homme : donc « égal au Père selon la divinité, inférieur au Père selon l'humanité », et un lui-même « non par un mélange de substance » (qui est impossible), « mais par l'unité de la personne ».
Il a habité parmi nous, plein de grâce et de vérité.
Il a annoncé et instauré le Royaume de Dieu et nous a fait en lui connaître le Père.
Il nous a donné son commandement nouveau de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés.
Il nous a enseigné la voie des béatitudes de l'Évangile : pauvreté en esprit, douceur, douleur supportée dans la patience, soif de la justice, miséricorde, pureté du cœur, volonté de paix, persécution endurée pour la justice.
Il a souffert sous Ponce Pilate, Agneau de Dieu portant sur lui les péchés du monde, il est mort pour nous sur la croix, nous sauvant par son sang rédempteur.
Il a été enseveli et, de son propre pouvoir, il est ressuscité le troisième jour, nous élevant par sa résurrection à ce partage de la vie divine qu'est la vie de la grâce.
Il est monté au ciel et il viendra de nouveau, en gloire cette fois, pour juger les vivants et les morts : chacun selon ses mérites — ceux qui ont répondu à l'amour et à la pitié de Dieu allant à la vie éternelle, ceux qui les ont refusés jusqu'au bout allant au feu qui ne s'éteint pas.
Et son règne n'aura pas de fin.
Nous croyons en l'Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils.
Il nous a parlé par les prophètes, il nous a été envoyé par le Christ après sa résurrection et son ascension auprès du Père ; il illumine, vivifie, protège et conduit l'Église ; il en purifie les membres s'ils ne se dérobent pas à la grâce.
Son action, qui pénètre au plus intime de l'âme, rend l'homme capable de répondre à l'appel de Jésus : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48).
Nous croyons que Marie est la mère demeurée toujours vierge du Verbe incarné, notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ, et qu'en raison de cette élection singulière « elle a été, en considération des mérites de son Fils, rachetée d'une manière plus éminente            « préservée intacte de toute souillure du péché originel » et « comblée du don de la grâce plus que toutes les autres créatures ».
Associée par un lien étroit et indissoluble au mystère de l'Incarnation et de la Rédemption, la très sainte Vierge, l'Immaculée, « après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste » et configurée à son Fils ressuscité en anticipation du sort futur de tous les justes ; et Nous croyons que la très sainte mère de Dieu, nouvelle Ève, « mère de l'Église »
, « continue au ciel son rôle maternel » à l'égard des membres du Christ, « en coopérant à la naissance et au développement de la vie divine dans les âmes des rachetés ».
Nous croyons qu'en Adam tous ont péché, ce qui signifie que la faute originelle commise par lui a fait tomber la nature humaine, commune à tous les hommes, dans un état où elle porte les conséquences de cette faute et qui n'est pas celui où elle se trouvait d'abord dans nos premiers parents, constitués dans la sainteté et la justice, et où l'homme ne connaissait ni le mal ni la mort.
C'est la nature humaine ainsi tombée, dépouillée de la grâce qui la revêtait, blessée dans ses propres forces naturelles et soumise à l'empire de la mort, qui est transmise à tous les hommes et c'est en ce sens que chaque homme naît dans le péché.
Nous tenons donc, avec le concile de Trente, que le péché originel est transmis avec la nature humaine, « par propagation héréditaire, non par imitation », et qu'il est ainsi « propre à chacun ».
Nous croyons que notre Seigneur Jésus-Christ, par le sacrifice de la croix, nous a rachetés du péché originel et de tous les péchés personnels commis par chacun de nous, en sorte que, selon la parole de l'Apôtre, « là où le péché avait abondé, la grâce a surabondé » [Ro 5, 20].
Nous croyons à un seul baptême institué par notre Seigneur Jésus-Christ pour la rémission des péchés.
Le baptême doit être administré même aux « petits enfants qui n'ont pu encore commettre aucune faute personnelle », afin que, nés privés de la grâce surnaturelle, ils renaissent « de l'eau et du Saint Esprit » à la vie divine dans le Christ Jésus.
Nous croyons à l'Église une, sainte, catholique et apostolique, édifiée par Jésus-Christ sur cette pierre qui est Pierre.
Elle est le « Corps mystique du Christ, à la fois société » visible, « organisée hiérarchiquement » et « communauté spirituelle ; Église terrestre », elle est le peuple de Dieu pérégrinant ici-bas et « Église enrichie des biens célestes », elle est « le germe et le commencement du Royaume de Dieu », par lequel se continuent, au long de l'histoire humaine, l'œuvre et les douleurs de la Rédemption et qui aspire à son accomplissement parfait au-delà du temps dans la gloire. Au cours du temps, le Seigneur Jésus forme
son Église par les sacrements qui émanent de sa plénitude.
C'est par eux qu'elle rend ses membres participants au mystère de la mort et de la
résurrection du Christ, dans la grâce du Saint Esprit qui lui donne vie et action.
Elle est donc sainte, tout en comprenant en son sein des pécheurs, parce qu'elle n'a elle-même d'autre vie que celle de la grâce : c'est en vivant de sa vie que ses membres se sanctifient ; c'est en se soustrayant à sa vie qu'ils tombent dans les péchés et les désordres qui empêchent le rayonnement de sa sainteté.
C'est pourquoi elle souffre et fait pénitence pour ces fautes, dont elle a le pouvoir de guérir ses enfants par le sang du Christ et le don de l'Esprit Saint.
Héritière des divines promesses et fille d'Abraham selon l'Esprit, par cet Israël dont elle garde avec amour les Écritures et dont elle vénère les patriarches et les prophètes ; fondée sur les Apôtres et transmettant de siècle en siècle leur parole toujours vivante et leurs pouvoirs de pasteurs dans le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui ; perpétuellement assistée par le Saint Esprit, elle a charge de garder, enseigner, expliquer et répandre la vérité que Dieu a révélée d'une manière encore voilée par les prophètes et pleinement par le Seigneur Jésus.
Nous croyons tout « ce qui est contenu dans la parole de Dieu, écrite ou transmise, et que l'Église propose à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire et universel ».
Nous croyons à l'infaillibilité dont jouit le successeur de Pierre quand « il parle ex cathedra », « en tant que pasteur et docteur suprême de tous les fidèles », et dont est assuré « aussi le corps des évêques quand il exerce en union avec lui le magistère suprême »4.
Nous croyons que l'Église fondée par Jésus-Christ et pour laquelle il a prié est indéfectiblement une dans la foi, le culte et le lien de la communion hiérarchique.
Au sein de cette Église, la riche variété des rites liturgiques et la légitime diversité des patrimoines théologiques et spirituels
et des disciplines particulières, loin de « nuire à son unité, la manifestent davantage »4.
Reconnaissant aussi l'existence, « en dehors de la société » de l'Église du Christ, de « nombreux éléments de sanctification et de vérité qui, lui appartenant proprement, appellent par eux-mêmes l'unité catholique »4, et croyant à l'action du Saint Esprit qui suscite au cœur des disciples du Christ l'amour de cette unité, Nous avons l'espérance que les chrétiens qui ne sont pas encore dans la pleine communion de l'unique Église se réuniront un jour en un seul troupeau avec un seul pasteur.
Nous croyons que « l'Église est nécessaire au salut. Seul, en effet, le Christ est médiateur et voie de salut : or, il nous devient présent en son Corps qui est l'Église ».
Mais le dessein divin du salut embrasse tous les hommes ; et « ceux qui, sans qu'il y ait de leur faute, ignorent l'Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d'un cœur sincère et s'efforcent, sous l'influence de sa grâce, d'agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, ceux-là », en un nombre que Dieu seul connaît, « peuvent arriver au salut éternel »4.
Nous croyons que la messe célébrée par le prêtre, représentant la personne du Christ en vertu du pouvoir reçu par le sacrement de l'ordre, et offerte par lui au nom du Christ et des membres de son Corps mystique, est le sacrifice du calvaire rendu sacramentellement présent sur nos autels.
Nous croyons que, comme le pain et le vin consacrés à la Sainte Cène ont été changés en son corps et en son sang qui allaient être offerts pour nous sur la croix, de même le pain et le vin consacrés par le prêtre sont changés au corps et au sang du Christ glorieux siégeant au ciel, et Nous croyons que la mystérieuse présence du Seigneur, sous ce qui continue d'apparaître à nos sens de la même façon qu'auparavant, est une présence vraie, réelle et substantielle.
Le Christ ne peut être ainsi présent en ce sacrement autrement que par le changement en son corps de la réalité elle-même du pain et par le changement en son sang de la réalité elle-même du vin, seules demeurant inchangées les propriétés du pain et du vin que nos sens perçoivent.
Ce changement mystérieux, l'Église l'appelle d'une manière très appropriée transsubstantiation.
Toute explication théologique, cherchant quelque intelligence de ce mystère, doit, pour être en accord avec la foi catholique, maintenir que, dans la réalité elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé d'exister après la consécration, en sorte que c'est le corps et le sang adorables du Seigneur Jésus qui dès lors sont
réellement devant nous sous les espèces sacramentelles du pain et du vin, comme le Seigneur l'a voulu, pour se donner à nous en nourriture et pour nous associer à l'unité de son Corps mystique 5.
L'unique et indivisible existence du Seigneur glorieux au ciel n'est pas multipliée, elle est rendue présente par le sacrement dans les multiples lieux de la terre où la messe est célébrée.
Et elle demeure présente, après le sacrifice, dans le Saint Sacrement, qui est, au tabernacle, le cœur vivant de chacune de nos églises.
Et c'est pour nous un devoir très doux d'honorer et d'adorer dans la sainte hostie, que nos yeux voient, le Verbe incarné qu'ils ne peuvent pas voir et qui, sans quitter le ciel, s'est rendu présent devant nous.
Nous confessons que le Royaume de Dieu commencé ici-bas en l'Église du Christ, « n'est pas de ce monde » [Jn 18, 36], « dont la figure passe » [1 Co 1, 31], et que sa croissance propre ne peut se confondre avec le progrès de la civilisation, de la science ou de la technique humaine, mais qu'elle consiste à connaître toujours plus profondément les insondables richesses du Christ, à espérer toujours plus fortement les biens éternels, à répondre toujours plus ardemment à l'amour de Dieu, à dispenser toujours plus largement la grâce et la sainteté parmi les hommes.
Mais c'est ce même amour qui porte l'Église à se soucier constamment du vrai bien temporel des hommes.
Ne cessant de rappeler à ses enfants qu' « ils n'ont pas » ici-bas « de demeure permanente » [He 13, 14], elle les presse aussi de contribuer, chacun selon sa vocation et ses moyens, au bien de leur cité terrestre, de promouvoir la justice, la paix et la fraternité entre les hommes, de prodiguer leur aide à leurs frères, surtout aux plus pauvres et aux plus malheureux.
L'intense sollicitude de l'Église, épouse du Christ, pour les nécessités des hommes, leurs joies et leurs espoirs, leurs peines et leurs efforts, n'est donc rien d'autre que son grand désir de leur être présente pour les illuminer de la lumière du Christ et les rassembler tous en lui, leur unique Sauveur.
Elle ne peut jamais signifier que l'Église se conforme elle-même aux choses de ce monde, ni que diminue l'ardeur de l'attente de son Seigneur et du Royaume éternel.
Nous croyons à la vie éternelle.
Nous croyons que les âmes de tous ceux qui meurent dans la grâce du Christ — soit qu'elles aient encore à être purifiées au purgatoire, soit que dès l'instant où elles quittent leur corps Jésus les prenne au paradis comme il l'a fait pour le bon larron — sont le
peuple de Dieu dans l'au-delà de la mort, laquelle sera définitivement vaincue le jour de la résurrection où ces âmes seront réunies à leurs corps.
Nous croyons que la multitude de celles qui sont rassemblées autour de Jésus et de Marie au paradis forme l'Église du ciel, où dans l'éternelle béatitude elles voient Dieu tel qu'il est [1 Jn 3, 2] et où elles sont aussi, à des degrés divers, associées avec les saints anges au gouvernement divin exercé par le Christ en gloire en intercédant pour nous et aidant notre faiblesse par leur sollicitude fraternelle 4.
Nous croyons à la communion de tous les fidèles du Christ, de ceux qui sont pèlerins sur la terre, des défunts qui achèvent leur purification, des bienheureux du ciel, tous ensemble formant une seule Église, et Nous croyons que dans cette communion l'amour miséricordieux de Dieu et de ses saints est toujours à l'écoute de nos prières, comme Jésus nous l'a dit : « Demandez et vous recevrez » [Lc 10, 9-10 ; Jn 16, 24.] Aussi est-ce avec foi et dans l'espérance que Nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir.

in Textes doctrinaux du Magistère de l’Église sur la Foi Catholique
(Éditions de l'Orante, 1969)

1. La traduction latine ajoute : « et du Fils ». Ce Filioque, introduit d'abord en Espagne, passa ensuite dans l'usage de la Gaule et de la Germanie. Un synode de l'empire carolingien demanda au pape Léon III sa réception par l'Église romaine. C'est Benoît VIII (+ 1024) qui l'introduira dans le Credo de la liturgie de Rome. Les Grecs ignorèrent le Filioque, n'admettant pas qu'on pût ajouter quelque chose au symbole. Il s'agit en réalité d'une explication de ce que le symbole contenait déjà. Au IIe concile de Lyon et au concile de Florence, les Grecs recevront, avec les Latins, le Filioque.
2. CYPRIEN DE CARTHAGE, Epist. (73) ad Iubalanum, c. 21 : PL 3, 1169 A : « Hors de l'Église pas de salut » (Salua extra Ecclesiam non est).
3. Le franciscain grec, Jean Parastron, qui avait porté à l'empereur l'invitation du pape à aller au concile.
4. CONCILE DU VATICAN, Constitution dogmatique Lumen gentium.
5. Thomas d’AQUIN, Summa theol. III, q. 73, a. 3.