mardi 20 octobre 2015

En expulsant...La Grande Chartreuse en exil


L'Institution monastique, violemment abattue par la Révolution, débarrassée des abus qui la défiguraient, avait repoussé spontanément d'un jet plus fort et plus haut que l'ancien. Les états officiels, dressés en exécution de la loi de 1876, accusent un total de 158 040 congréganistes.
Mais dès 1879, un gouvernement sectaire interdisait l'enseignement public à toutes les congrégations qui n'étaient pas autorisées par lui ; puis, en 1881 et 1884, il s'efforçait de les ruiner toutes, en les frappant d'impôts exceptionnels. Enfui, en 1901, elles furent soumises à un régime de police draconien. On les obligea à demander une autorisation, qui leur fut ensuite systématiquement refusée. Combes se fit leur bourreau. Le 18 mars 1903, vingt-cinq congrégations enseignantes furent condamnées à disparaître, soit 1 689 maisons et 11 841 membres.
En ce qui concerne l'Ordre cartusien, la demande d'autorisation ne fut présentée que pour la Grande Chartreuse ; dès 1901, en effet, le R. P. Général avait fait partir pour l'étranger les communautés des dix autres maisons de France 1. Le jeudi 26 mars 1903, au cours d'une séance qui n'honore pas la Chambre, la demande de la Grande Chartreuse fut rejetée par 322 voix contre 222.
Ni le talent, ni la compétence, ni le dévouement ne firent pourtant défaut pour défendre le célèbre monastère 2. Mais le vote de la majorité était déjà chose fixée. Cette majorité, dont le siège était fait à l'avance, ne voulut même pas écouter la défense largement documentée de M. Pichat, député de Grenoble et conseiller général de Saint-Laurent-du-Pont ; son discours fut littéralement haché d'interruptions systématiques et de vociférations destinées à empêcher qu'il fût compris. On condamna sans avoir voulu entendre. N'osa-t-on pas crier, sans rappel à l'ordre du gouvernement : « Nous nous f... de la légalité » ?
Dès le 31 mars, le Noviciat de la Grande Chartreuse fut envoyé en Angleterre. Par la suite, les vieillards et les malades furent répartis entre diverses maisons de l'étranger. On reprit la fabrication de la liqueur à Tarragone, en Espagne. Douze Pères et dix Frères seulement demeurèrent à la Grande Chartreuse jusqu'à la fin. 3
Ce même 31 mars, la première chambre du Tribunal civil de Grenoble nommait M. Henri Lecouturier, arbitre de commerce à Paris, liquidateur des biens des Chartreux. Le lendemain, mercredi 1er avril, on notifia au R. P. Général, d'une part le refus d'autorisation, d'autre part un délai de quinze jours accordé à la communauté pour se dissoudre et vider les lieux. Le 11, après délibération, la décision des Chartreux était arrêtée, pleinement conforme aux résolutions du Chapitre général : ils resteraient et ne céderaient qu'à la violence.
Le 14 avril, à quatre heures de l'après-midi, le R. P. Dom Michel, Prieur de Chartreuse et Général de l'Ordre, remettait à M. Urbain Poncet, avocat à la Cour d'appel de Grenoble, la lettre adressée par lui à M. Combes. Cette lettre fut publiée le lendemain soir et le surlendemain matin par les journaux :
Monsieur le Président du Conseil, les délais que les agents de votre administration ont cru pouvoir fixer à notre séjour à la Grande Chartreuse vont expirer. Or, le premier, vous avez le droit d'apprendre que nous ne déserterons pas le poste de pénitence et d'intercession où il a plu à la Providence de nous placer. Notre mission est ici de souffrir et de prier pour notre cher pays : la violence seule arrêtera la prière sur nos lèvres.
Malheureusement, aux jours troublés où règne l'arbitraire, il faut prévoir les plus tristes éventualités ; et comme, en dépit de la justice de nos revendications, il est possible qu'un coup de force nous disperse brusquement et nous jette même hors de notre patrie, je tiens dès aujourd'hui à vous dire que je vous pardonne, en mon nom personnel et au nom de mes confrères, les divers procédés, si peu dignes d'un chef de Gouvernement, que vous avez employés à notre égard. À d'autres époques, l'ostracisme ne dédaignait pas, comme aujourd'hui, les armes d'apparence loyale.
Toutefois je croirais manquer à un devoir de charité chrétienne si, au pardon que je vous accorde, je n'ajoutais un conseil salutaire en même temps qu'un avertissement sérieux. Mon double caractère de prêtre et de religieux m'autorise incontestablement à vous adresser l'un et l'autre, afin de vous arrêter, s'il vous reste encore quelque vestige de prudence, dans la guerre odieuse et inutile que vous menez contre l'Église de Dieu.
Donc, sur votre pressante invitation et sur la production d'un document dont vous ne deviez pas, ce semble, ignorer la fausseté manifeste, une Chambre française a condamné l'Ordre dont Notre-Seigneur m'a établi le Chef. Je ne puis accepter cette sentence injuste ; je ne l'accepte pas ; et, malgré mon pardon sincère, j'en demande la révision, selon mon droit et mon devoir, par le Tribunal infaillible de Celui qui est constitué notre Juge souverain. En conséquence, — prêtez une attention particulière à mes paroles, Monsieur le Président du Conseil, et ne vous hâtez ni d'en sourire, ni de me considérer comme un revenant d'un autre âge, — en conséquence vous viendrez avec moi devant ce Tribunal de Dieu. Là, plus de chantages, plus d'artifices d'éloquence, plus d'effets de tribune ni de manœuvres parlementaires, plus de faux documents ni de majorité complaisante ; mais un Juge calme, juste et puissant, et une sentence sans appel, contre laquelle ni vous ni moi, ne pourrons élever de protestation.
À bientôt, Monsieur le Président du Conseil ! Je ne suis plus jeune, et vous avez un pied dans la tombe. Préparez-vous, car la confrontation que je vous annonce vous réserve des émotions inattendues. Et, pour cette heure solennelle, comptez plus sur une conversion sincère et une sérieuse pénitence que sur les habiletés et les sophismes qui ménagent vos triomphes passagers.
Et comme mon devoir est de rendre le bien pour le mal, je vais prier, ou, pour mieux dire, nous, les Chartreux, dont vous avez décrété la mort, nous allons continuer de prier le Dieu des miséricordes, que vous persécutez si étrangement dans ses serviteurs, afin qu'il vous accorde le repentir et la grâce des réparations salutaires.
Je suis, Monsieur le Président du Conseil, votre très humble serviteur.
Frère Michel, Prieur de Chartreuse.
Entre-temps, les religieux procédaient au déménagement des cellules et magasins. On expédiait à l'étranger la bibliothèque et les objets de valeur. Quant au matériel qui ne pouvait être emporté, il était, à la porte d'en bas, vendu à vil prix ou donné aux gens du pays.
À l'Angelus du 14 avril, toutes les portes du monastère furent définitivement fermées, et personne ne fut plus admis, sous quelque prétexte que ce fût. Le Père Procureur s'installa à la porte principale et le Père Sous-Procureur à la porte d'en bas. Les autres Pères continuèrent à suivre aussi exactement que possible la Règle de la communauté.
Suivant la façon de compter, le délai fixé pouvait expirer le 15 ou le 16 au soir. Ce fut le 17 au matin que le commissaire de police Fabre vint voir si les Pères s'étaient ou non soumis à l'ordre de se disperser. Ayant reçu par le guichet une réponse négative du Père Procureur, il rédigea son procès-verbal et s'en fut directement le porter à Grenoble. Les 19 et 22 suivants, soit en personne soit par intermédiaires, le Juge d'instruction de Grenoble tenta d'entrer en rapport avec le monastère. Il fut chaque fois éconduit.
Le mardi 28 laissa pressentir que le dénouement approchait ; des troupes quittaient Grenoble et Chambéry pour le massif de Chartreuse.
Il importe de signaler les nombreuses et imposantes manifestations de sympathie, qui, en dépit parfois d'un temps affreux, se produisirent du 17 au 29, soit à Saint-Laurent-du-Pont, soit aux abords du monastère, et rassemblèrent des foules variant de 200 à 2 000 personnes. Dans la nuit du 22 au 23, 1 200 personnes arrivèrent à la Chartreuse par une tourmente de neige épouvantable. Par ailleurs, aucune contre-manifestation. Ces démonstrations spontanées prouvent avec évidence l'attachement, fait de vénération et de reconnaissance, qui liait le Dauphiné aux fils de saint Bruno.
Prévenus à la hâte par des amis des Pères toujours à l'affût des nouvelles, les habitants des villages voisins arrivèrent en foule dès le 28 au soir. À minuit, les routes furent barrées et, à une heure du matin, le 2e bataillon du 140e régiment d'infanterie, après avoir démoli quelques barricades, parvint sous les murs du monastère.
Il se heurta aux manifestants qui, formés en masse compacte, lui barrèrent la route quelque temps. Bientôt arrivèrent à leur tour cinquante gendarmes à cheval commandés par un capitaine, et deux escadrons de dragons sous la conduite d'un lieutenant-colonel ; enfin une escouade de soldats du génie munie d'instruments ad hoc fut amenée pour enfoncer les portes.
La première barrière de manifestants enfoncée, il fallut dégager la grande porte que gardait un groupe de défenseurs résolus. On y employa les fantassins et les gendarmes à cheval qui chargèrent d'abord en face et firent ensuite reculer leurs chevaux sur la foule. Enfin, vers trois heures et demie du matin, la porte était dégagée et, à peu près au même moment, le Parquet arrivait en voiture, accueilli par de formidables huées.
À quatre heures, le Juge d'instruction, le Procureur de la République Réaume et le Substitut Prèves se présentèrent à la porte principale. Le Procureur de la République sonna. Refus d'ouvrir... Plus d'un quart d'heure se passa. Nouvelle tentative du magistrat. Nouveau refus... Près d'un quart d'heure s'écoula encore, après quoi les premiers coups de hache retentirent contre la porte cochère qui ouvre sur les communs, à vingt mètres environ de la grande porte. Cette porte était neuve et solide : il fallut près de vingt minutes aux soldats du génie pour l'enfoncer.
Jusque-là, quelques Pères, en compagnie de M. Pichat, député de Grenoble, et de M. Urbain. Poncet, avocat, étaient restés sur le perron de la porte du cloître des Officiers. Lorsque le premier soldat du génie apparut franchissant le mur qui sépare les communs de la cour d'honneur, ils rentrèrent et allèrent rejoindre les autres religieux dans l'église, non sans avoir solidement refermé derrière eux toutes les portes. Tous les religieux étaient dans le chœur des Pères ; les deux laïques restèrent dans le chœur des Frères. Le R. P. Général se trouvait à droite, dans la première stalle qui s'adosse à la barrière du chœur des Frères, face à l'autel.
Bientôt les coups de hache retentirent sur la porte du perron, puis les pas résonnèrent dans la maison et l'on entendit les soldats du génie s'attaquer à la grille qui ferme le cloître des Officiers.
Quand elle eut cédé, les crocheteurs s'avancèrent dans le cloître sans s'arrêter à l'église et la hache retentit à nouveau, cette fois contre les portes des cellules. Ils revinrent ensuite et, après avoir constaté que l'église était fermée, ils montèrent au premier étage et pénétrèrent dans la tribune de l'église, dont la porte était restée ouverte. Les Pères disaient leur office à voix basse ; les magistrats s'étaient découverts. Le Juge d'instruction prit la parole : « J'entre ici, dit-il, découvert par respect pour le lieu saint. Je vous somme une dernière fois d'ouvrir, sans quoi j'emploierai pour pénétrer jusqu'à vous les moyens que j'ai employés jusqu'ici, et j'entrerai couvert parce que je représente la loi ». Aucune réponse ne lui fut faite. On les entendit redescendre, et bientôt la première porte de l'église était enfoncée. La seconde fut crochetée.
Pendant que cette triste besogne s'accomplissait, les Pères avaient entonné le Sub tuum, qu'ils continuèrent malgré l'entrée, dans le chœur des Frères, du Juge d'instruction et du Procureur de la République, accompagnés du Substitut Prèves, du capitaine de gendarmerie Dussert, du capitaine d'infanterie Roustan, de quelques gendarmes et des quatre soldats du génie remplissant les fonctions de crocheteurs. Tous ces personnages attendirent découverts la fin du chant, après quoi le Juge d'instruction se tournant vers les deux témoins leur demanda si les Pères étaient résolus à persister dans leur attitude et à refuser d'obéir à la loi.
MM. Poncet et Pichat défendirent alors chaleureusement la cause des Chartreux, répondant avec vigueur à chaque allégation du Juge et du Procureur. Après une dernière sommation du Procureur aux Pères, les soldats du génie parvinrent à ouvrir la porte du chœur des moines ; les magistrats entrèrent. Invitation fut faite aux Chartreux de se retirer et, après le refus de tous, chacun d'eux fut soulevé de sa stalle par deux gendarmes et conduit hors du monastère, à l'hôtellerie extérieure, entre une double haie de fantassins et de cavaliers. Le capitaine de gendarmerie procéda lui-même à l'arrestation du Père Général.
Après un bref interrogatoire, les religieux furent déclarés « libres ». Ce que voyant, ils regagnèrent leur monastère. Mais les fantassins vinrent les y saisir, et, baïonnette au canon, les mirent à la porte. Ils comprirent alors toute l'odieuse ironie de la phrase qui leur fut répétée : « Messieurs, vous êtes libres ».
Sous une pluie battante, ils descendirent à pied, accompagnés d'une foule silencieuse et navrée, jusqu'à Saint-Laurent-du-Pont, où une manifestation magnifique les attendait encore. Seul le Révérend Père consentit, sur les instances pressantes qui lui furent faites, à prendre place avec M. Pichat dans une automobile mise à sa disposition par M. Paul Viallet, puis dans la voiture de Mgr Henry, évêque de Grenoble, qui venait saluer les proscrits.
De nombreux amis tinrent à les accompagner jusqu'à Chambéry, et M. Pichat, député de Grenoble, ne les quitta qu'à Modane.
* * *
Le 29 avril 1903, l'office divin, devoir sacré du moine, avait cessé, pour la première fois depuis le 8 juillet 1816, d'être acquitté dans l'église conventuelle de la Grande Chartreuse.
Le lendemain, 3o avril, à peine la communauté arrivée dans la maison en camp volant de Monte Oliveto, au diocèse de Pignerol (Italie), le Révérend Père Général déclarait que l'office reprendrait le jour même. Rien n'était prêt, pas même la salle qui allait devenir l'église, et le Frère menuisier en était seulement à confectionner en hâte un autel de fortune, mais, à l'heure régulière des Vêpres, au milieu d'un dénuement parfait, la communauté de la Grande Chartreuse reprenait, sans même un seul jour entier d'interruption, sa tâche d'adoration et d'intercession.
À peine l'expulsion accomplie, l'unique pensée du R. P. Dom Michel fut de reconstruire. Après mûres réflexions, l'ancienne chartreuse de Farneta, près de Lucques en Toscane, — patrie d'un des compagnons de saint Bruno, Landuin, — fut choisie pour recevoir, pendant la durée de son exil, la communauté de la maison-mère.
La chartreuse de Farneta, à sept kilomètres de Lucques, fondée en exécution du testament de Gardo, fils de Barthélemy d'Aide-brandi, mort en 1329, avait été terminée en 1344. Le 14 octobre 1358, Béranger II, évêque de Lucques, consacra l'église. 4
La vie cartusienne s'y déroula sans interruption, à travers des périodes troublées et d'autres très paisibles, jusqu'au décret de Napoléon 1er, supprimant les ordres religieux, le 13 mai 1806.
Le 27 du même mois, « Elisa Bonaparte, grande-duchesse de Toscane, donna l'ordre aux Chartreux de quitter Farneta, et de se retirer au couvent des Franciscains de San-Cerbone. Leurs biens furent réunis au Domaine, mis en vente, et adjugés le 3 mars 1807 à Jean-Gabriel Eymard, pour la somme de 260 000 francs. Celui-ci revendit, vers 1814, à Jean-Jacques Fouquet. Le 25 juin 1828, M. Alfred Bourdon de Vatry en fit l'acquisition au prix de 200 000 fr. La maison passa ensuite à sa veuve et à d'autres héritiers ; elle constituait une propriété indivise à titres divers et pour des parts inégales, lorsqu'elle fut rachetée, le 10 novembre 1903, par le R. P. Dom Michel Baglin, Général de l'Ordre »5.
La petite chartreuse, désaffectée depuis un siècle, n'était pas prête à retrouver son ancienne destination. Il était d'ailleurs indispensable d'agrandir la maison afin d'être à même de recevoir les Prieurs venant au Chapitre général et de loger la communauté de la Grande Chartreuse. Des travaux considérables furent entrepris et conduits avec rapidité, malgré les difficultés de toutes sortes. L'ancienne chartreuse fut intégralement respectée et restaurée ; on tripla le nombre des cellules, et l'ensemble du cloître prit la forme gracieuse d'une immense colonnade rectangulaire, dont la profondeur rappelle un peu celle du cloître de la Grande Chartreuse. Deux vastes bâtiments furent construits en façade, l'un pour les hôtes et les Prieurs venant au Chapitre général, l'autre pour les Frères et les obédiences. Au mois d'août 1904, la communauté de Chartreuse se retrouva au grand complet à Farneta.
En 1903 et 1904, dans l'impossibilité de convoquer le Chapitre général à Pignerol ou à Farneta, le Révérend Père avait obtenu du Saint-Siège l'autorisation de le réunir à la chartreuse de La Valsainte, en Suisse. C'est là qu'il tint effectivement ses assises en 1904. Il y fut décidé que la Chartreuse de Lucques, jusqu'à la réouverture de la Grande Chartreuse, serait considérée simplement comme la maison de refuge de la communauté de Chartreuse à l'étranger, et n'aurait pas d'existence propre. En conséquence, les profès de la maison s'appelleraient « profès de Chartreuse » et non « profès de Lucques », exactement comme s'ils avaient prononcé leurs vœux à la Grande Chartreuse.
Le gouvernement de l'Ordre, avec le Révérend Père et le Chapitre général, y auraient de même, et exclusivement, leur résidence.
En 1905, pour la première fois, le Chapitre général se réunissait à Farneta. Il devait marquer le Nunc dimittis du R. P. Dom Michel. L'œuvre de restauration était accomplie, une période calme s'annonçait ; le Révérend Père avait bien mérité le repos après tant d'épreuves. Le Chapitre général lui fit la grâce la plus grande qui puisse être accordée à un religieux en charge : il lui fit miséricorde, lui rendant ainsi la paix, le silence, le bonheur caché et recueilli de la vie du simple religieux, toute consacrée à la recherche de Dieu seul.
On rapporte qu'un an plus tard, quelques Prieurs, venant au Chapitre général et passant à Pise, s'arrêtèrent quelques heures dans la chartreuse où Dom Michel s'était retiré, désirant saluer au passage leur ancien Général. C'était l'heure du travail manuel. Ils le trouvèrent dans son jardinet, en tablier de travail, la bêche en mains, chaussé de sabots terreux, et transpirant à grosses gouttes... La vie cartusienne a de ces contrastes et de ces simplicités.
Dom Michel Baglin mourut pieusement le 20 janvier 1922. Il avait eu tout le temps de prier pour le repos de l'âme du malheureux qui l'avait précédé dans l'au-delà et auquel, en 1903, dans la lettre publique citée plus haut, il avait donné rendez-vous devant le Tribunal du Souverain Juge. Ils ont paru devant Dieu, le persécuteur et sa victime. Que Dieu, s'il lui plaît, les ait tous deux, et l'un à cause de l'autre, en son pardon et en son repos éternel !
Autant le généralat du R. P. Dom Michel fut mouvementé, autant devait être paisible celui de son très humble successeur. Dom René Herbault, né à Fontevrault, au diocèse d'Angers, avait fait profession à la Grande Chartreuse en 1872. Après avoir été Scribe des deux Révérends Pères Dom Anselme et Dom Michel, il fut nommé, en 1895, Procureur général à Rome. Le 3o mai 1905, il était appelé à succéder au R. P. Dom Michel.
Aucun fait extérieur bien saillant ne marqua son généralat, qui fut vraiment celui d'un père plein de bonté. Religieux exemplaire, d'une modestie qui n'avait d'égale que sa piété, Dom René n'eut pas le bonheur de voir se rouvrir la Grande Chartreuse. Il mourut le 14 décembre 1911, après une très courte maladie. L'archevêque de Lucques, Mgr Marchi, l'évêque de Grenoble, Mgr Maurin, et son Vicaire général assistèrent à ses funérailles.
Quelques jours après la mort de Dom René, la Grande Chartreuse élisait pour Prieur et Général de l'Ordre Dom Jacques-Marie Mayaud, né à Saumur, au diocèse d'Angers, en 1855, et profès de Valbonne le 21 novembre 1887. Au moment de l'expulsion de 1903, Dom Jacques se trouvait aux côtés du R. P. Dom Michel, dont il était le Scribe. Lors de l'élection de Dom René au généralat, en 1905, il l'avait remplacé à Rome comme Procureur général. Devenu Révérend Père à son tour, il connut la tourmente de la guerre de 1914, qui jeta certains de ses religieux dans les deux camps adverses ; il eut même la douleur de perdre quelques-uns de ses fils. De 1915 à 1918, il lui fut impossible, dans le blocage universel des communications, de réunir le Chapitre général.
Le R. P. Dom Jacques dirigea et effectua lui-même pour la plus large part, le travail d'adaptation des Statuts cartusiens au nouveau Code de Droit canonique, travail demandé par le Saint‑Siège. En 1924, la Constitution Umbratilem, dont il sera question plus loin, approuva solennellement in forma specifica le texte révisé des Statuts. Cette Constitution fut signée le 8 juillet, en souvenir du 8 juillet 1816, où le R. P. Dom Romuald Moissonnier avait repris possession de la Grande Chartreuse. En 1930, Dom Jacques prépara également avec le Chapitre général, une nouvelle édition de l'Ordinaire ou Cérémonial cartusien.
Ses infirmités l'obligèrent, au début de 1938, à demander au Saint-Siège d'accepter sa démission. Il obtint satisfaction le 19 février. Dom Jacques mourut le 29 cotobre de la même année.
Les trois Révérends Pères de l'exil, Dom Michel, Dom René et Dom Jacques, reposent encore en terre italienne.
Le 2 mars 1938, la communauté de Chartreuse élisait comme Général de l'Ordre, son Procureur, Dom Ferdinand Vidal. Né au diocèse de Montpellier, le 3o janvier 1883, ordonné prêtre en 1907, Dom Ferdinand était entré à la chartreuse de Montalègre (Espagne) en 1913 et avait fait profession le 8 septembre de l'année suivante. Après avoir rempli successivement les charges de Vicaire, Procureur et Maître des novices dans sa maison de profession, il était envoyé en France, le 8 octobre 1928, afin d'y présider à la réouverture de la chartreuse de Sélignac (Ain). En 1930, il se voyait confier les fonctions de Procureur de Chartreuse. Le retour de la communauté de la Grande Chartreuse est son œuvre ; c'est lui qui l'a conçu et réalisé. Il a eu à la fois la grande joie et la lourde charge de ramener les Chartreux au berceau de leur Ordre.
Les fières et loyales populations du Dauphiné ne s'étaient jamais résignées à la proscription des Chartreux ; elles mettaient au contraire une touchante ténacité à préparer et provoquer leur retour.
En 1912, un journaliste grenoblois, M. Léon Poncet, attira l'attention de la France entière sur la situation critique de la Grande Chartreuse, dont les bâtiments abandonnés menaçaient ruine. À l'appel de cet ardent polémiste, littérateurs, artistes, journalistes, hommes politiques répondirent par d'éloquents plaidoyers en faveur de la conservation du célèbre monastère grenoblois ; les sociétés de tourisme ou d'art, les syndicats d'initiative, les assemblées délibérantes intervinrent dans le même sens. Tous ces généreux efforts aboutirent bientôt à un résultat important : par les soins de M. Léon Bérard, alors sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, la Grande Chartreuse et ses dépendances furent classées parmi les monuments historiques. Désormais, l'administration des Beaux-Arts fut donc chargée de veiller à leur entretien.
Quand les catholiques durent s'organiser pour lutter contre la menace d'un renouveau de persécution religieuse, le pieux et très zélé évêque de Grenoble, Monseigneur Caillot, encouragea de toutes manières la vaillante Ligue Dauphinoise d'Action Catholique à travailler au retour des Chartreux au berceau de leur Ordre. Grâce au dévouement sans borne, à l'inlassable et intelligente activité de dirigeants laïcs tels que M. Louis Bonnet-Eymard et M. Henri Thouvard, on lança une vibrante campagne d'opinion et, le 29 mai 1927, 5o 000 hommes se rassemblaient à Voiron pour réclamer que fût rendue « la Chartreuse aux Chartreux ».
Mais la question était devenue l'enjeu de luttes politiques. L'expulsion des moines Chartreux apparaissait en effet un exemple typique de la persécution religieuse du début du XXe siècle ; elle illustrait à merveille l'odieux des lois d'exception toujours en vigueur contre les religieux. D'autre part, un personnage habile et influent, le sénateur Léon Perrier, avait pris à tâche de s'opposer farouchement à toute restauration de vie monastique en Chartreuse. Durant des années il n'y réussit que trop bien. Sa principale entreprise fut la création dans le monastère d'un « Centre Universitaire d'été » — aussitôt surnommé « l'Auberge des coucous » — qui provoqua l'indignation générale et de vives protestations.
En raison du fidèle attachement et de l'agissante sympathie des Dauphinois, la résurrection de la Grande Chartreuse demeurait, dans l'opinion publique, un but à atteindre coûte que coûte et au plus tôt.
Quand éclata la guerre de 1939, les Chartreux étaient encore en exil. Le gouvernement italien fit savoir, par le Vatican, que si l'Italie se trouvait entraînée dans le conflit, les religieux français ne seraient pas inquiétés.
En mai 194o, les choses se présentèrent sous un jour moins favorable. Bien que Mussolini eût assuré officiellement les Chartreux français de sa protection, si toutefois ils la sollicitaient, le R. P. Général ne jugea pas à propos d'y recourir. Il résolut de quitter l'Italie sans pensée de retour. N'était-ce pas l'occasion providentielle de recouvrer le berceau de l'Ordre ? D'ailleurs les consuls conseillaient le départ.
Le 23 mai, le Révérend Père adressait à M. Georges Mandel, alors ministre de l'Intérieur, un télégramme ainsi conçu : « Invité à quitter l'Italie, avec communauté française, je demande à Votre Excellence de mettre le monastère Grande Chartreuse à notre disposition ». Le 29 mai, le R. P. Général, affrontant les risques de cet exode, arrivait à Grenoble avec le petit groupe de ses religieux français, et s'installait près de Voiron, à Orgeoise, dans la petite résidence des Frères chargés de la fabrication de la liqueur.
Un Père, Dom Michel, de passage à Paris, fut chargé de demander au ministre de l'Intérieur sa réponse au télégramme du Révérend Père. Malgré la bonne volonté dont M. Mandel fit preuve pour favoriser le retour à la Grande Chartreuse, la démarche ne put aboutir, par suite de l'exode du gouvernement vers Bordeaux. De ces pourparlers il restait néanmoins un ordre verbal donné par M. Mandel au Préfet de l'Isère, convoqué spécialement à Paris, de faciliter aux Chartreux la rentrée au monastère.
Même approbation verbale fut donnée le 5 juin par M. Ybarnégaray, ministre d'Etat, en réponse à M. Léon Poncet, rédacteur en chef de la République du Sud-Est, qui lui avait téléphoné : « Quel joli geste le gouvernement accomplirait en rouvrant à ces réfugiés la maison de leur Ordre, la Grande Chartreuse ! »
Fort de ces appuis, le Procureur de Chartreuse, Dom Bernard, accompagné de Dom Michel, se présenta chez le Préfet de l'Isère, pour savoir comment il comptait exécuter les ordres reçus du ministre de l'Intérieur. M. Perrier, qui assistait à l'entretien, fit un long exposé des inconvénients et prétendues impossibilités d'un retour des Chartreux à la Grande Chartreuse. Après une discussion sans issue, les Procureurs se retirèrent.
Or les Allemands étaient à Bourgoin, et le Révérend Père tenait à rentrer au monastère avant leur arrivée. Aussi, décida-t-il de réintégrer la Grande Chartreuse, tout en informant le Gouvernement de sa décision et des raisons qui la motivaient. Le 20 juin au soir, avec Dom Bernard et Dom Michel, le Révérend Père arrivait en voiture à Saint-Pierre-de-Chartreuse, ayant franchi de justesse les barrages préparés pour arrêter les Allemands tout proches.
Le vendredi 21 juin, les trois Pères, ayant célébré la sainte messe dans l'église de Saint-Pierre-de-Chartreuse, se présentèrent à la grande porte du monastère, accompagnés de M. Villard, maire de Saint-Pierre et conseiller général de l'Isère. Sur réquisition du maire, les gardiens ouvrirent. Les Chartreux entrèrent et se rendirent au cimetière, où les Pères et les Frères défunts, sous leur croix, attendaient le retour et la prière des vivants. La pieuse chaîne était resserrée par-dessus trente-sept années de silence et d'exil. Les Pères gagnèrent ensuite leurs cellules, plus pauvres qu'elles ne le furent jamais, afin d'y reprendre l'oraison trop longtemps interrompue en ces lieux. Le 22, la messe était célébrée dans l'église du monastère par le Révérend Père Général.
Les 23 et 24, le flot de l'invasion allemande vint mourir contre le massif de Chartreuse, sans avoir atteint le monastère.
Un peu plus tard, le 6 août, à la suite d'un aménagement sommaire, le petit groupe en attente à Voiron vint occuper les quelques cellules habitables. La vie régulière reprit bientôt dans son intégrité, en particulier l'office divin chanté de jour et de nuit, d'abord à la chapelle des Morts, puis, peu de temps après, à l'église conventuelle.
Après trente-sept années, le désert reprenait vie. Trente-sept années : mince hiatus dans les neuf siècles d'histoire de la Grande Chartreuse !
À la fin d'octobre 1940, le ministre de l'Intérieur, pour « régulariser une situation de fait » qu'il jugeait « moralement préjudiciable à la dignité de l'Etat », insista pour que les Chartreux introduisent une demande d'autorisation. Les Pères ne purent que répondre en demandant une reconnaissance légale, qui leur fut accordée par une loi particulière (21 février 1941). Une convention (11 mars 1941) vint préciser les « modalités de concession à l'Ordre des Chartreux des immeubles dépendant de la propriété domaniale dite de la Grande Chartreuse ».
Le monastère et ses dépendances ayant été classés parmi les monuments historiques en 1912, la convention ci-dessus déterminait notamment dans quelles conditions se feraient la remise en état et l'entretien des bâtiments, tout en sauvegardant la solitude et le silence des moines.
Le R. P. Dom Ferdinand s'occupa activement de relever la maison de ses ruines, en pleine guerre mondiale d'abord, puis à travers les difficultés multiples de l'après-guerre. Jusqu'à présent (1976), des travaux considérables ont été réalisés ; ils se poursuivent dans les meilleures conditions, grâce à la compétence et à la compréhension de l'administration des Beaux-Arts.
En 1947, le Révérend Père pouvait enfin convoquer régulièrement à la maison-mère le Chapitre général, dont la dernière assemblée, à la chartreuse de Farneta, remontait à 1938.
En 1967, le R. P. Dom Ferdinand étant parvenu à un grand âge, le Chapitre général lui fit la grâce de pouvoir achever ses jours dans la retraite de la cellule. En acceptant sa demande de démission, après un généralat qui a été un des plus longs de l'histoire de l'Ordre 7, le Chapitre tint à lui exprimer sa reconnaissance au nom de tous les Chartreux : « Nous voulons témoigner notre gratitude à notre Révérend Père Dom Ferdinand, le recommandant aux prières de tous et invoquant sur lui les bénédictions du Seigneur. Pendant vingt-neuf ans, il est demeuré à la tête de l'Ordre. Par la grâce de Dieu, il a rétabli l'antique demeure de la maison de Chartreuse ; et surtout, il nous a donné à tous l'exemple de la fidélité, d'une bonté toujours paternelle et d'une admirable patience ».
Un Chartreux, in La Grande Chartreuse

1. En voici la liste : Portes, au diocèse de Belley ; Montrieux, diocèse de Fréjus ; Le Reposoir, diocèse d'Annecy ; Sélignac, diocèse de Belley ; Valbonne, diocèse de Nîmes ; Glandier, diocèse de Tulle ; Vauclaire, diocèse de Périgueux ; Notre-Darne des Prés, diocèse d'Arras ; Bosserville, diocèse de Nancy ; Mougères. diocèse de Montpellier.
2. Sa cause fut vigoureusement soutenue, au point de vue juridique par M. Anthime Ménard, au point de vue religieux par M. l'abbé Lemire, au point de vue intime et local par M. Pichat.
3. Voici leurs noms : Le Rév. Père Dom Michel Baglin, Prieur de Chartreuse ; D. Paulin Ripert, Vicaire ; D. Charles de Broglie, sous-scribe ; D. Fortunat Oudin ; D. Eloi Leconte ; D. Jacques-M. Mayaud, scribe ; D. Rogatien Rebondin ; D. Henri Malabard, sacristain ; D. Jean-Baptiste Mottini, maître des novices ; D. Clovis Boudevin, procureur ; D. Louis-Paul Rousseau, sous-procureur ; D. Exupère Allègre ; D. Anatole Maubon. Les Frères Convers : Paul Courlet, Matthieu Redoutey, Barnabé Berthet, Adrien Clerc, Léonard Villard, Cyrille BoffardCoquat, Julien Pinet, Abel Roubaudi, Ambroise Rossillon, et le Frère Donné Norbert Boyer. Un récit détaillé des événements a paru sous le titre : Derniers jours passés à la Grande Chartreuse en 1903, Journal de l'un des religieux expulsés. Pignerol, Chiantore-Mascarelli, 1903. Nous résumons ce récit dans les pages qui suivent.
4. « Le premier Prieur du monastère de Farneta fut D. Jean Upessinghi, de Pise. Au XVe siècle, un autre Prieur, D. Christophe de Muriano, profès de Bologne, mérita de grands éloges pour son administration... il mourut en 1468. Les Pères eurent beaucoup à souffrir des guerres incessantes qui désolaient la contrée, mais, au XVe siècle, la principauté de Lucques ayant conquis son indépendance, les Chartreux purent enfin retrouver la paix ». Marc Dunois, revue Les Alpes, janvier 1929, p. 12.
5. Marc DUBOIS, loto citato.
6. Réponse de M. Ybarnégaray : « Je viens de voir le ministre de l'Intérieur. Nous sommes parfaitement d'accord, la question ne comporte pas de règlement public, mais il n'y a qu'à s'installer en toute tranquillité, sans inconvénient. En cas de nécessité, me téléphoner ».
7. Cinq Révérends Pères seulement ont eu des généralats plus longs que celui de dom Ferdinand.


mercredi 14 octobre 2015

En proposant... Guigues, Sur la vie solitaire


Au Révérend R...,
Guigues, le moindre des serviteurs de la Croix qui sont en Chartreuse.
« Vivre et mourir pour le Christ
 »1.

Tel homme estime heureux tel autre ; pour moi, celui qui l'est vraiment n'est point l'ambitieux en quête des honneurs du palais, mais celui qui choisit de vivre humble et pauvre dans le désert, qui aime s'appliquer à méditer sagement dans le repos, qui désire ardemment demeurer assis solitaire dans le silence 2.
En effet, briller dans les honneurs, être élevé en dignité, est chose à mon avis peu tranquille, exposée aux périls, sujette aux soucis, dangereuse pour beaucoup, sûre pour personne. Joyeuse en ses débuts, équivoque en son cours, triste en son terme. Favorisant les indignes, s'indignant contre les bons, généralement elle se joue des uns et des autres, et tout en faisant nombre de malheureux, elle ne donne à personne bonheur ou contentement.
Au contraire la vie pauvre et solitaire, austère au début, facile en cours de route, devient à la fin céleste. Elle est ferme dans les épreuves, confiante dans les incertitudes, modeste dans le succès ; sobre dans le vivre, simple dans le vêtement, réservée dans son langage, chaste dans ses mœurs ; digne des plus grands désirs, car elle ne désire rien. Elle ressent souvent l'aiguillon du repentir pour ses fautes passées ; elle les évite dans le présent et les prévient pour l'avenir. Elle espère en la miséricorde et ne compte pas sur ses mérites ; affamée des biens célestes, elle dédaigne ceux d'ici-bas ; elle s'efforce d'acquérir des habitudes vertueuses, de s'y tenir avec persévérance, de les garder pour toujours. Elle s'adonne aux jeûnes par fidélité à la Croix, elle consent aux repas par nécessité corporelle, réglant les uns et les autres avec la plus parfaite mesure, car elle maîtrise la gourmandise quand elle a décidé de se nourrir, et l'orgueil quand elle a jeûné. Elle s'applique à la lecture, mais préfère les livres religieux et d'autorité reconnue, et elle est bien plus attentive à la moelle du sens qu'à l'écume des mots. Mais voici plus étonnant et plus admirable : elle persévère dans le repos tout en n'étant jamais oisive. Elle s'assigne en effet des tâches assez nombreuses pour se trouver plus fréquemment à court de temps que d'occupations variées, pour se plaindre plus souvent de l'heure qui la trompe que de l'ennui du travail.
Pourquoi insister ? Exhorter au repos est certes un beau sujet. Mais pareille invitation requiert un esprit maître de soi qui, attentif à son propre bien, dédaigne de se mêler des affaires des autres ou de la chose publique ; un esprit qui, servant sous le Christ dans la paix, ne veut être à la fois soldat de Dieu et du monde, et tient pour assuré qu'on ne peut jouir de ce siècle et régner dans l'autre avec le Seigneur.
Mais ces renoncements et d'autres semblables sont bien peu de chose, si tu te souviens quel calice a bu sur le gibet celui qui t'invite à partager sa royauté. Bon gré mal gré, il te faut suivre l'exemple du Christ pauvre, si tu veux avoir part à ses richesses. « Si nous partageons sa souffrance, dit l'Apôtre, nous régnerons aussi avec lui 3 ; si nous mourons avec le Christ, nous vivrons aussi avec lui »4. Notre Médiateur lui-même répondit aux disciples qui lui demandaient d'être admis à siéger, l'un à sa droite et l'autre à sa gauche : « Pouvez-vous boire le calice que je vais boire ? »5. Il nous montrait là que, pour obtenir, selon la promesse, de partager le festin des patriarches et de goûter au nectar des coupes célestes, il faut boire le calice des amertumes terrestres.
Et puisque l'amitié nourrit en elle-même la confiance, et que toi, mon ami de prédilection dans le Christ, tu m'as toujours été cher depuis le jour où je t'ai connu, je t'exhorte, je t'engage, je te supplie : écoute ta prudence, ton jugement, ta science, et ta grande intelligence ; soustrais au monde ce peu de vie qui n'est pas encore consumé. Ne tarde pas à l'offrir à Dieu en un sacrifice du soir 6, consumé par le feu de la charité 7, afin qu'à l'exemple du Christ, tu sois toi-même prêtre et hostie, en agréable odeur au Seigneur 8 et aux hommes.
Mais pour que tu comprennes mieux encore où tend l'ardeur de ce discours, je propose en peu de mots à la prudence de ton jugement ce qui est de ma part un désir et un conseil : en homme au cœur généreux et grand, pense au salut éternel, embrasse notre genre de vie et, nouvelle recrue du Christ, tu monteras une garde sainte et vigilante 9 dans le camp de la milice céleste, armé de ton épée au côté 10, pour parer aux surprises de la nuit 11.
Voici donc que je te sollicite pour une entreprise bonne, facile à réaliser et dont l'achèvement te fera heureux : efforce-toi, je t'en prie, avec tout ton zèle, de mener à bien une affaire aussi juste, autant que la grâce divine te le donnera. Je laisse à ta sagesse le soin de déterminer le lieu et le moment. Mais je crois qu'une trêve ou un délai te seraient très désavantageux.
Je ne m'étendrai pas davantage sur ce sujet, de crainte de te heurter par mes discours grossiers et sans élégance, toi l'habitué du palais et de la cour. Que cette lettre ait donc un terme et une mesure, ce que n'aura jamais mon affection pour toi.
Guigues, 5ème prieur de la Grande Chartreuse (1183-1136)

1. Philipiens 1, 21
2. Lamentations 3, 28
3. Romains 8, 17
4. II Timothée 2, 11
5. Matthieu 20, 21
6. Psaume 140, 2
7. Lévitique 1, 17
8. Ephésiens 5, 2
9. Nombres 9, 19
10. Psaume 44, 4
11. Cantique des cantiques 3, 8

Vie de Guigues
Guigues naquit en 1083 au château de Saint-Romain du Val-Mordane, dont on voit aujourd'hui les ruines dominant les gorges du Doux, à cinq kilomètres à l'ouest de Tournon, sur le territoire de la commune de Saint-Barthélemy-le-Plain ; cette localité du Vivarais appartenait alors au diocèse de Valence. Il entra en Chartreuse à vingt-trois ans, en 1106. Trois ans après, à la mort de Jean de Toscane, ses confrères élurent Prieur ce jeune religieux. Guigues resta en charge jusqu'à sa mort. Ce priorat vit naître les premières fondations à partir desquelles allait se constituer l'Ordre cartusien. Portes au diocèse de Belley, dès 1115 ; puis six autres maisons : Les Écouges, Durbon, Sylve Bénite, Meyriat, Arvières, le Mont-Dieu. 1
Une règle écrite devenait nécessaire pour assurer le maintien d'une observance commune entre les divers ermitages qui poursuivaient le même idéal. Quelques Prieurs demandèrent instamment à Guigues de rédiger cette règle, et l'évêque saint Hugues joignit à leurs instances le poids de son autorité. Guigues se mit à l'œuvre entre 1121 et 1127. À cette date, Guigues avait déjà écrit un recueil de Pensées — les Meditationes — dont la profondeur de réflexion et la perfection de la forme placent le Prieur de Chartreuse parmi les auteurs les plus remarquables du XIIe siècle, tout en témoignant de la valeur exceptionnelle de sa culture. 2
Écrire une règle était une entreprise difficile. L'érémitisme cartusien était trop différent du cénobitisme bénédictin pour que l'on pût suivre la règle de saint Benoît 3, même en lui adjoignant un coutumier. D'autre part, les documents législatifs concernant l'érémitisme étaient peu nombreux et relatifs à des genres de vie tout autres que celui de la Chartreuse. Il fallait aussi avant tout conserver ce qui avait été institué et maintenir une tradition déjà bien assise par une quarantaine d'années de pratique.
Guigues commença par acquérir une connaissance approfondie de toutes les règles et coutumiers anciens et des pères du monachisme, en particulier Cassien. Il avait aussi beaucoup lu saint Jérôme, qui fut comme Cassien un pont entre les moines d'Orient et ceux d'Occident ; le Prieur de Chartreuse avait même travaillé à retrouver le texte authentique des lettres de saint Jérôme et à les assembler en un texte vraiment critique. Il était donc bien préparé pour la tâche qu'on lui demandait.
Mais Guigues était très humble et n'entreprenait ce travail que par obéissance ; il ne voulait pas se poser en législateur. Il se contenta donc de décrire les usages de la maison dont il était Prieur :  « Voici, dit-il, ce que nous avons coutume de faire »4. Cependant, pour formuler ces observances, il sut se servir presque toujours des textes empruntés à la sagesse monastique des siècles passés ; il fit seulement quelques retouches à ces textes quand cela parut nécessaire pour les adapter au genre de vie des Chartreux. Ainsi demeura-t-il à la fois traditionnel et original. Pour ne citer qu'un seul exemple de cette manière de faire, la formule de profession cartusienne reprend l'essentiel de la formule de profession monastique partout utilisée à l'époque, et en particulier les mêmes vœux, mais elle supprime la mention de la règle de saint Benoît qui était en usage chez tous les autres moines, et remplace le mot « monastère » par le mot « ermitage »5.
Enfin Guigues prit de temps à autre occasion d'un détail pratique d'observance pour donner un enseignement plus élevé sur l'esprit de la vocation cartusienne. Il le fit alors avec la profondeur de pensée, la concision et la beauté de la forme dont il avait usé dans ses Meditationes. On peut citer dans cet ordre d'idées certains textes concernant le Prieur ou le Procureur, le commentaire de l'évangile de Marthe et de Marie sur la contemplation, l'éloge de la vie solitaire et maints autres passages. 6
Les Coutumes de Chartreuse, conçues et réalisées de la sorte, se présentaient comme une œuvre fondée sur la tradition monastique et pourtant nouvelle ; elles avaient une physionomie à la fois très surnaturelle et très humaine, étant remplies de sages conseils pour la vie quotidienne. Elles constituaient un ensemble simple, mais puissant, pleinement adapté à son but. L'esprit et la lettre y étaient unis si intimement et dans une proportion si juste, que cette législation monastique allait se révéler d'une solidité et d'une stabilité exceptionnelles à l'épreuve des siècles. Achevées de rédiger en 1127, les Coutumes furent aussitôt adoptées par toutes les chartreuses.
Guigues développa beaucoup la bibliothèque de la Grande Chartreuse, déjà remarquable avant son priorat. Son zèle à rechercher des manuscrits authentiques était infatigable. Les Pères vérifiaient les textes et les copiaient, chacun s'appliquant seul en cellule à ce travail.
La personnalité de Guigues et son rayonnement spirituel lui valurent de grandes amitiés parmi les principaux personnages de son siècle. L'illustre abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, qui avait visité la Chartreuse au temps où il était Prieur de Domène, revint plusieurs fois s'entretenir avec Guigues : « il s'enflammait à l'entendre... entraîné par ses paroles à oublier presque toutes les choses humaines »7. Il le considérait comme un père et un maître, un des hommes les plus remarquables de son temps 8, « la fleur la plus étincelante de la Religion »9.
Saint Bernard fut lui aussi l'ami de Guigues ; il écrivait au Prieur de Chartreuse : « J'ai lu votre lettre et voici que les mots que je repassais sur mes lèvres se faisaient sentir en mon cœur comme des étincelles, et mon cœur en était tout réchauffé en moi, comme par ce feu que Notre-Seigneur a apporté sur terre. Oh ! quel feu brûle dans de telles méditations d'où s'échappent de pareilles étincelles ! »10
L'abbé de Clairvaux fit une visite à la Chartreuse, sans doute en 1123. Tous ceux qui le virent furent édifiés de son extérieur, de son humilité et de sa conversation. Une seule chose les surprit : le harnachement du cheval qu'il montait ; il leur parut trop riche et peu convenable à un religieux. Comme on lui signalait ce détail, le saint n'en fut pas moins surpris que les autres : on lui avait prêté le cheval pour son voyage et il n'avait même pas fait attention au harnachement. Saint Bernard quitta la Chartreuse plein d'estime pour les religieux et pour leur supérieur.
Il adressa à Guigues une autre lettre où il lui dit : « Que vous êtes heureux d'avoir été cachés par Dieu dans son tabernacle, abrités à l'ombre de ses ailes... Pour moi, je suis pauvre et dépouillé, un oiseau sans plumes, presque toujours hors de son nid, exposé aux tourbillons... Je ne mérite pas que vous ayez pitié de moi, mais que ces maux m'attirent votre affection »11.
Le cardinal Aimeric, chancelier du siège apostolique auprès du pape Innocent II, monta jusqu'en Chartreuse au cours du voyage du pape en France, au mois de mars 1132. Lui aussi contracta avec Guigues une amitié spirituelle qui devait plus tard être soulignée par une magnifique lettre du Prieur au cardinal 12. Cette amitié valut aux Chartreux une faveur précieuse, la première approbation pontificale de leurs Coutumes, donnée le 22 décembre 1133 : « Innocent, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à son fils bien-aimé dans le Christ, Guigues, Prieur de Chartreuse, et à ceux qui lui succéderont régulièrement jusqu'à la fin des temps... Nous louons et approuvons vos saintes constitutions et coutumes, pour tous ceux qui doivent les suivre et les observer, depuis maintenant jusqu'à la fin du monde. Nous statuons par le présent décret que tout ce que possède aujourd'hui justement et légitimement la maison de Chartreuse et tout ce qui lui sera donné à l'avenir dans ses limites par la faveur de Dieu... vous demeure acquis, à vous et à vos successeurs... afin que le saint Ordre érémitique cartusien fleurisse perpétuellement en ce lieu, pour la louange de Dieu en vue de laquelle il a été spécialement institué et pour l'honneur de la sainte Église romaine à laquelle il est tout dévoué, sous la direction de pasteurs sages et de vertu éprouvée »13. (Daté de Pise de la main du chancelier Aimeric).
Peu après cette bulle, au mois d'avril 1134, le pape canonisa au concile de Pise saint Hugues de Grenoble, mort depuis deux ans seulement. Innocent II écrivit à Guigues pour le prier de rédiger une biographie du saint évêque à qui la Chartreuse devait tant de bienfaits. Le récit de l'arrivée de saint Bruno et de ses premiers compagnons au Désert fut inséré par le Prieur de Chartreuse dans cette biographie. 14
Dix lettres de Guigues ont été conservées jusqu'à nos jours ; elles demeurent comme un souvenir du Prieur de Chartreuse et de ses grandes amitiés. Dans cette correspondance se détache un texte admirable : la lettre sur la vie solitaire, adressée à un ami inconnues.
Pendant que Guigues et sa communauté s'adonnaient à la prière dans la solitude de leurs montagnes, une grande épreuve était venue s'abattre sur eux, le samedi 3o janvier 1132. En voici le récit tel qu'il fut rédigé peu après, dans la Chronique des cinq premiers Prieurs de Chartreuse :
En la vingt-troisième année du priorat de Guigues, une masse incroyable de neige, se précipitant des hauts sommets rocheux avec une soudaine impétuosité, emporta dans son effrayant tourbillon et ensevelit sous sa masse immense toutes les cellules des religieux sauf une, et avec elles six moines et un novice. Cependant, pour la consolation des survivants et comme un gage du bienheureux salut de ceux qui avaient été écrasés, le douzième jour après la catastrophe, l'un des religieux ensevelis, Aduin, du pays de Lorraine, retiré du plus profond de cet engloutissement, fut retrouvé, non seulement vivant, par un étonnant miracle, mais jouissant de toute sa connaissance et de sa mémoire intacte. Il fut transporté dans le petit cloître et répondit à ceux qui lui parlaient quelques mots empreints d'une merveilleuse douceur et d'une tendresse toute suave. Il se confessa et reçut le sacrement des malades, puis tous les frères l'embrassèrent ; enfin, réconforté après un si long jeûne par l'aliment du corps et du sang du Seigneur, il s'endormit en Dieu de la mort la plus paisible. 16
La Grande Chartreuse possède encore le calendrier-obituaire où étaient inscrits à mesure les noms des défunts. On ne lit pas sans émotion les noms des morts de l'avalanche ; ceux des six religieux qui furent dégagés les premiers sont groupés sur une même ligne, écrits d'une petite écriture fine, sans doute dans l'ordre où leurs corps furent retrouvés : Guillaume, moine ; Pierre, prêtre et moine ; Nicolas, moine ; Théobald, moine ; Jean, novice ; Isard, prêtre et moine. Quelques lignes plus loin, le 3 des Ides de février (11 février), se trouve inscrit Aduin.
Lorsqu'on se trouve sur les lieux et que l'on cherche comment la catastrophe a pu se produire, on se rend compte qu'à cet endroit une avalanche ordinaire n'aurait pu acquérir dans sa descente une masse et un élan suffisants pour atteindre les ermitages et les écraser : les petites avalanches n'y parviennent jamais. Mais on voit très bien que l'avalanche a dû être accompagnée — et sans doute provoquée par un éboulement de rochers provenant des premiers contreforts du Grand-Som, comme il arrive souvent dans le massif calcaire de Chartreuse. Parti de cette montagne qui domine le site du monastère primitif, un éboulement combiné avec la neige dut avoir des effets terribles. Les énormes blocs de rochers qui parsèment aujourd'hui cet emplacement en demeurent un témoignage impressionnant. 17
Ainsi finit, après quarante-huit années d'existence, la première maison de Chartreuse. Guigues quitta le lieu de la catastrophe où sept de ses religieux avaient été étouffés sous la neige. On ignore quel fut le nombre des survivants, mais comme les Coutumes avaient fixé à la communauté le chiffre maximum de treize Pères, et que ce nombre ne pouvait être dépassé sous aucun prétexte, les survivants furent six tout au plus, à supposer que la communauté fût alors au complet, ce qui n'est pas certain. Les Pères se réfugièrent à la maison-inférieure, où logeaient le Père Procureur et les Frères Convers.
Devant un pareil désastre, on ne pouvait songer sans imprudence à reconstruire au même endroit. Guigues chercha un autre emplacement et se détermina pour celui que la Grande Chartreuse occupe encore aujourd'hui : plus bas que le premier ermitage, à l'endroit où la vallée commence à s'élargir un peu, de sorte que les avalanches ne paraissaient pas à craindre. Les ermitages se rapprochaient ainsi jusqu'à un kilomètre et demi de la maison-inférieure, mais la disposition relative restait la même, le monastère des Pères se trouvant toujours plus avant vers l'intérieur du Désert que celui des Frères.
Guigues s'était déjà montré aussi bien doué pour l'administration des affaires temporelles que pour les travaux de l'esprit : les règles qu'il avait formulées dans les Coutumes et la manière dont il avait conduit diverses tractations relatives aux terres de Chartreuse témoignaient de ses talents dans ce domaine. Il s'appliqua sans tarder aux nouvelles constructions. Les ermitages de bois furent édifiés là où se trouvent aujourd'hui les cellules de la partie supérieure du grand cloître ; l'église fut bâtie en pierre et put être consacrée dès le 13 octobre 1133 18, par un moine de Chartreuse, Hugues, qui avait succédé à saint Hugues sur le siège de Grenoble 19. « Des canaux de pierre, très ingénieusement réalisés et d'un travail parfait », amenèrent l'eau jusqu'à la nouvelle Chartreuse. Au cours de son priorat, Guigues s'occupa aussi des bâtiments de la maison-inférieure qu'il renouvela presque entièrement. 20
Accablé de bonne heure de graves infirmités, Guigues mourut à l'âge de cinquante-trois ans, après vingt-sept années de priorat, le 27 juillet 1136. La Chronique des premiers Prieurs de Chartreuse a laissé de lui ce portrait : « Remarquablement instruit dans les sciences divines et dans celles du siècle, intelligence pénétrante, mémoire excellente, à la parole admirable, au don d'exhorter très efficace »21.
Un peu plus tard, un autre chroniqueur a noté le souvenir que la tradition primitive gardait de ce grand Prieur : « Guigues fut Prieur de Chartreuse, digne d'une mémoire éternelle ; cet homme vénérable mérita d'être appelé le bon Prieur par ceux qui ont parlé de lui, en raison de la grâce, qu'il avait reçue du Ciel, d'une doctrine pleine de douceur. C'est lui qui recueillit pour l'Ordre cartusien les lois et les observances précises, car il écrivit lui-même la Règle, qu'il appela par humilité les Coutumes. Il forma ses fils, les instruisant avec prudence et vigilance, par la parole et par l'exemple. Il disposa tout ce dont il avait à s'occuper avec mesure, droiture et piété. Ses avis étaient utiles pour tous ceux qui le consultaient. Il était en effet prudent et d'une admirable vivacité d'intelligence »22.
Après saint Bruno, et parachevant l'œuvre de celui-ci, Guigues a laissé pour toujours à l'Ordre cartusien quelque chose de son esprit.
Un Chartreux, in La Grande Chartreuse

1. La Chronique des premiers Chartreux, éditée par Dom WILMART, Ligugé, 1926, p. 50.
2. Le Recueil des Pensées du Bienheureux Guigne, édité par Dom WILMART, Paris, Vrin, 1936. Une nouvelle et meilleure édition est en préparation.
3. Le Chartreux Hugues de BALMA, écrivant pour des Chartreux son traité de la Mystica Theologia au début du XIIIe siècle disait : « Qu'il pense en particulier à la grâce que Dieu lui a faite en l'appelant, de préférence à tant d'autres, à la vocation dans l'Ordre cartusien... Qu'il se rappelle quelle est sa vocation, car ce n'est pas à la règle de saint Benoît ou de saint Augustin que la grâce du Rédempteur l'a appelé, mais à celle que ce dernier a choisi lui-même, lorsqu'il fut conduit au désert pour quarante jours ».
4. Consuetudines Cartusie, Prologue, 2.
5. Ibidem, XXIII, 1.
6. Ibidem, cap. XV, XVI, XX, LXXX,...
7. Épîtres, Lib. VI, Ep. XL, PL 189, 458.
8. Ibidem, Lib. III, Ep. VIII, PL 189, 312.
9. Ibidem, Lib. VI, Ep. III, PL 189, 402.
10. Épître 11, PL 182, 108.
11. Épître 12, PL 182, 115.
12. Lettres des premiers Chartreux, coll. Sources chrétiennes no 88, Paris, édit. du Cerf, 1962, p. 185.
13. Bernard BLIGNY, Recueil des plus anciens actes de la Grande Chartreuse, Grenoble, Allier, 1958, Acte XX, p. 5o.
14. Vita S. Ilugonis Gratianopolitani, PL 153, 769.
15. Lettres des premiers Chartreux, édit. cit., p. 143.
16. La Chronique des premiers Chartreux, édit. cit., p. 5o.
17. On trouve une intéressante description des avalanches dans ALPINUS, La Chasse alpestre, Grenoble, Arthaud, 1949, p. 47.
18. CHORIER, Histoire générale de Dauphiné, Lyon, 1672, Vol. II, Liv. II, Section HI, p. 51.
19. LE VASSEUR, Ephemerides Ordinis Cartusiensis, Vita Hugonis II, t. I, p. 583.
20. La Chronique des premiers Chartreux, édit. cit., p. 5o.
21. Ibidem, p. 50.

22. Dans la Vie de saint Antclme, Acta Sanctorum, juin, tome V, p. 230.