Le problème de l'homme contemporain, c'est qu'il ne
reconnaît plus la volonté de Dieu dans les événements. Il ne croit plus en une
Providence faisant tout concourir au salut de ceux qui aiment Dieu (Romains 8,
28). On dit trop facilement et sans assez de nuances : « Mais ce
n'est pas la volonté de Dieu que des gens tombent malades, aient faim, soient
persécutés... ». Ce n'est certes pas la volonté de Dieu que les gens
soient sans cœur les uns pour les autres ou vivent en conflit. Il veut au
contraire que nous nous aimions les uns les autres. Mais même s'il y a des
hommes mauvais qui, à l'encontre de la volonté de Dieu, sont injustes envers
leurs semblables, Dieu sait tirer parti de cette injustice même pour la faire
entrer dans son dessein en faveur de ces personnes injustement traitées. Il
faut faire la distinction entre d'une part, l'action pécheresse s'opposant à la
volonté de Dieu, et d'autre part, la situation qui en résulte pour la victime
de cette action pécheresse. Dieu ne veut pas cette action pécheresse, mais Il
prend en compte, de toute éternité, les conséquences de cette action dans la
vie de la victime. Il veut positivement que tout ce qui nous arrive nous fasse
grandir et mûrir, même l'injustice que d'autres nous font subir.
Nous sommes enclins — c'est profondément enraciné en nous
— à toujours remarquer ce que les autres font de mal. Ainsi manquons-nous
l'essentiel : accepter et accueillir pleinement la volonté de Dieu,
laquelle, pour une bonne part, résulte du combat mené contre elle par d'autres
personnes. Il suffit de penser à Jésus. Ce n'était certes pas la volonté du
Père que son Fils soit assassiné par les hommes, ce n'est pas le Père qui les y
a poussés. En revanche, le Père voulait réellement que Jésus soit la victime
volontaire et innocente de la méchanceté des hommes, Il voulait que Jésus se laisse
tuer. Et Jésus n'a pas dit, comme on l'entend si souvent maintenant :
« Ce n'est pas la volonté de Dieu, Dieu ne peut pas
vouloir une chose pareille ». Il a dit : « Abba, Père, tout
t'est possible ; que cette coupe passe loin de moi. Mais cependant, non
pas ce que Je veux, mais ce que Tu veux » (Marc 14, 36). Il y a pour
chacun de nous une coupe que le Père nous donne à boire. Le contenu paraissant
venir en grande partie des hommes, nous avons du mal à reconnaître en elle la
coupe du Père. C'est pourtant le Père qui nous offre cette boisson amère. Il en
fut ainsi pour Jésus, il en est de même pour nous.
C'est
ta Providence, ô Père, qui pilote le navire.
Sagesse 14, 3
Dieu tient tout dans sa main. Rien n'échappe à son
influence, rien ne peut déjouer ses projets. Saint Augustin a une formule très
radicale : « Rien n'arrive sans que le Tout-Puissant veuille que cela
arrive, soit en le laissant arriver, soit en le faisant lui-même »1.
Laisser arriver quelque chose est aussi une décision émanant de la volonté de
Dieu.
Ce laisser arriver,
cette passivité de Dieu, est pour l'homme de notre temps la pierre
d'achoppement par excellence. Pourquoi Dieu n'intervient-Il pas ? Comment
Auschwitz, les salles de tortures et la menace permanente d'un conflit
nucléaire inimaginable sont-ils possibles, si Dieu a vraiment souci de
l'homme ? Terribles questions auxquelles il n'est pas simple de répondre.
J'y reviendrai dans le deuxième chapitre et j'essayerai de démontrer pourquoi
Dieu a doté l'homme de liberté, tout en sachant que cette liberté même ouvre le
chemin à d'effroyables catastrophes.
Limitons-nous pour le moment au fait que le Père n'a pas
empêché la mort atroce de son Fils Unique, son Bien-Aimé. Ce fait est une sorte
d'archétype qui nous montre très
clairement deux choses. Tout d'abord, que la souffrance et même la déchéance ne
sont jamais signes d'un moindre amour de la part du Père. Et par conséquent, que
la souffrance n'est pas vaine. La souffrance porte fruit, la souffrance est
rédemptrice, la souffrance est devenue, depuis que Jésus l'a traversée,
instrument de salut. Cela ne vaut pas seulement pour une souffrance noblement
et héroïquement supportée. Qui sait comment il réagirait dans la salle de
torture ? Il suffit que chacun, selon ses propres forces, essaye d'accepter
la souffrance, ou même seulement de laisser arriver ce qui doit arriver.
L'Église a toujours honoré les Saints Innocents
comme martyrs, alors que ces enfants n'ont jamais positivement accepté leur
mort violente.
Dieu se sert du mal et en joue d'une manière si souveraine
et avec une telle virtuosité qu'Il obtient un meilleur résultat que s'il n'y
avait jamais eu de mal. Pour nous qui sommes plongés dedans, cela paraît
difficile à digérer. Nous trouvons bien trop élevé le prix à payer pour ces
bons résultats. Mais saint Paul jubile devant le mystère, le dessein grandiose de Dieu « caché en Dieu dès
avant les siècles » (Éphésiens 3, 9), et dans lequel le mal et le péché
ont aussi leur place. « Dieu a enfermé tous les hommes dans la
désobéissance pour faire à tous miséricorde » (Romains 11, 32). Dans ce
texte lapidaire et audacieux, contestable d'un point de vue strictement
théologique parce qu'il semble mettre en Dieu l'initiative du péché, Paul nous
assure que même la plus grande catastrophe, le péché, contribue à la
manifestation de l'amour. Rien n'échappe au plan de salut de Dieu, c'est
pourquoi le tragique de ce monde, malgré toute son horreur, n'a jamais un
caractère définitif. Tout l'absurde auquel peuvent mener la bêtise et
l'aveuglement de l'homme est ressaisi par l'amour tout-puissant de Dieu,
capable de faire entrer même l'absurde dans son plan de salut et ainsi de lui
donner sens.
Dans ses récits sur le Hassidisme, Martin Buber écrit :
La veille de Yom
Kippour, jour du Grand Pardon, Rabbi Susha entendit le chantre, dans la
synagogue, chanter de façon poignante ces paroles : Et tout est pardonné. Il
cria alors vers Dieu : Seigneur du monde, jamais ce chant n'aurait pu
monter vers Toi si Israël n'avait pas péché. 2
Il est vrai que les
méchants, écrit saint Augustin, agissent souvent contre la volonté de Dieu,
mais sa sagesse et sa puissance sont si grandes que tout ce qui semble s'opposer
à sa volonté contribue en fait aux bons résultats ou aux fins qu'Il avait fixés
d'avance. 3
Ou, en d'autres termes :
Dieu accomplit sa
volonté bonne à travers la volonté mauvaise des méchants. C'est ainsi que le
dessein d'amour du Père a été réalisé par les Juifs et que Jésus est allé pour
nous à la mort. 4
Ne nous torturons donc pas l'esprit en voulant établir une
distinction précise entre ce que Dieu veut et ce qu'Il se contente de
permettre. Ce qu'Il permet fait aussi partie de son plan global, universel. Il
l'a prévu dès le commencement et a décidé de ce qu'Il en ferait. Chaque
événement a sa place dans le plan de Dieu. Dieu est si bon que, dans un certain
sens, tout ce qui entre en contact avec Lui devient bon. La bonté de Dieu est,
pour ainsi dire, contagieuse et elle contamine même le mal.
Dieu est si bon, dit saint Augustin,
que, dans sa main, même le mal favorise le bien. Il n'aurait jamais laissé
arriver le mal s'Il n'avait pu, grâce à sa parfaite bonté, l'utiliser. 5
Qui parlera encore de hasard ?
Rien dans notre vie
n'est dû au hasard... Sache que tout ce qui arrive contre notre volonté, ne
peut venir que de la volonté de Dieu, de sa Providence, de l'ordre qu'Il a
créé, de la permission qu'Il donne et des lois qu'Il a faites. 6
La distinction entre ce que Dieu veut et ce qu'Il ne fait
que permettre est d'une extrême importance du point de vue théologique.
Toutefois, au niveau de la vie concrète, quand il s'agit d'événements
inévitables et de notre façon d'y réagir, spéculer sur cette distinction ne
serait-il pas souvent une manière subtile de chercher un échappatoire ? Si
Dieu ne veut pas le mal qui m'atteint, je n'ai pas non plus à l'accepter. Je
peux alors, en toute bonne conscience, me révolter. Job ne s'intéresse pas à
cette distinction. Le mal qui l'atteint vient directement du démon. Et
pourtant, Job dit :
Yahvé a donné,
Yahvé a repris, que le nom de Yahvé soit béni.
Job 1, 21
Le Père de Caussade (1675-1751) écrit à sœur Marie-Henriette
de Bousmard :
Être vivement
convaincu qu'il n'arrive rien en ce monde ni dans l'intérieur que Dieu ne
veuille ou ne permette. Or il faut également se soumettre aux permissions de
Dieu et aux volontés absolues de Dieu. 7
Une
manière de vivre toujours en présence de Dieu
Si Dieu est le Créateur du ciel et de la terre,
s'Il est le grand régisseur du théâtre de ce monde et des hommes, je peux Le
rencontrer partout. Dans tout ce qui arrive et à travers tout, Il déverse sur
moi son amour. « Ouvre large ta bouche, dit-Il, je calmerai ta faim »
(Psaume 81, 11). Inutile de me tarabuster pour savoir quand j'ai intérêt à
ouvrir la bouche et quand il est préférable de la fermer. Je dois toujours
avoir la bouche grande ouverte, puisque j'habite un pays ruisselant de lait et
de miel. À chaque instant, je suis nourri d'une nourriture substantielle. Non
qu'elle ait toujours goût de miel, elle paraît parfois amère, mais les herbes
amères — c'est bien connu — sont meilleures pour la santé. L'action de Dieu
remplit l'univers. Je peux me livrer à elle, me laisser emporter par ses flots.
Nous cherchons Dieu. Mais en fait, Dieu n'a pas à être
cherché. Il est partout. Impossible de Lui échapper. Tout parle de Lui, tout
manifeste quelque chose de Lui. Nous n'avons pas à faire un long chemin, ni à acheter
une boussole pour trouver la bonne direction. Dieu est dans la réalité, la
nôtre : nos parents, notre corps sain ou malade, nos dons et nos limites,
notre richesse ou notre pauvreté, notre quotient intellectuel élevé ou faible.
Dès que nous cessons de nous battre contre tout cela, dès que nous nous ouvrons
à cette réalité – la réalité de Dieu – et y consentons de tout cœur, nous
vivons dans le royaume de Dieu.
La psychologie moderne aussi, d'une certaine façon, sent
qu'il est primordial pour l'homme d'accepter sa condition concrète, d'être
celui qu'il est et de ne pas vouloir être un autre. Le but du psychothérapeute
n'est pas en premier lieu d'inculquer à son patient de nouveaux modes de
comportement. Il veut l'aider à s'accepter lui-même, à ne plus refuser et
refouler son passé, mais au contraire à l'intégrer. Par suite de l'entière
acceptation, le changement vient alors presque de lui-même. Mais accepter notre
sort nous est difficile tant que nous ne savons pas que Dieu est caché
derrière, qu'il est et a toujours été réellement présent dans notre vie
justement à travers ce sort. C'est pourquoi la psychologie a un pouvoir limité
et ne peut jamais mener à une libération totale.
Quelle que soit la direction vers laquelle on se tourne,
on bute toujours sur Dieu. Celui qui finit par en prendre conscience se
reconnaît dans l'événement qui bouleversa Jacob. Il se réveille de son rêve et
s'exclame :
En vérité, Yahvé
est dans ce lieu et je ne le savais pas... Que ce lieu est redoutable ! Ce
n'est rien moins que la maison de Dieu et la porte du ciel.
Genèse 28, 16-17
Le rêve de l'échelle dont le sommet touchait au ciel et le
long de laquelle les anges de Dieu montaient et descendaient, avait appris à
Jacob que le ciel et la terre sont reliés, que les anges transmettent sans
cesse des messages célestes. Au lieu d'événements prosaïques, banals, voilà
qu'on rencontre des anges !
Mais la plupart des chrétiens sont comme les apôtres qui
aperçoivent Jésus marchant sur le lac et croient voir un fantôme. Même Marie de
Magdala se trompe et pense voir un jardinier quand Jésus lui apparaît. Nous
devrions être comme la fiancée du Cantique des Cantiques qui Le
reconnaît déjà de loin :
Écoutez !
Voilà mon Bien-Aimé !
Regardez, le voilà qui vient :
Il saute sur les montagnes,
Il bondit par-dessus les collines...
Le voilà qui se tient derrière le mur de notre maison.
Il regarde par la fenêtre et guette à travers le treillis !
Regardez, le voilà qui vient :
Il saute sur les montagnes,
Il bondit par-dessus les collines...
Le voilà qui se tient derrière le mur de notre maison.
Il regarde par la fenêtre et guette à travers le treillis !
Cantique 2, 8-9
Comment peux-tu reconnaître que tu vis conformément à la
volonté de Dieu ? En voici le signe : si tu es préoccupé de quelque
chose, cela veut dire que tu n'es pas complètement abandonné à la volonté de
Dieu, même si tu crois vivre selon sa volonté. Celui qui vit selon la volonté
du Seigneur ne se fait aucun souci. S'il a besoin de quelque chose, il
l'abandonne, et lui-même avec, au Seigneur. Il se remet entre ses mains. Et
s'il ne reçoit pas le nécessaire, il reste calme, comme s'il l'avait reçu.
Quoiqu'il arrive, il n'a pas peur, car il sait que c'est la volonté de Dieu.
S'il est atteint d'une maladie, il pense : j'ai besoin de cette maladie,
sinon Dieu ne me l'aurait pas envoyée. C'est ainsi qu'il conserve la paix du
corps et de l'âme. 8
Ce texte du starets russe Silouane (1866-1938), d'ores et
déjà vénéré comme un saint sur le Mont Athos, peut servir de test. Sa lecture
nous réjouit-elle, ou bien nous irrite-t-elle ? Si elle nous irrite, c'est
sans doute parce que nous sommes incapables de situer les événements dans leur
juste relation, sans les voir comme des matériaux dont Dieu se sert pour
réaliser ses plans. Que le matériau soit bon ou mauvais en soi, n'a pour Dieu
aucune importance. Il lui suffit d'y toucher pour en faire un instrument
adéquat.
On le constate aussi chez les hommes. Ne reconnaît-on pas
un maître à sa capacité de faire quelque chose de beau avec de faibles
moyens ? Un débutant dans l'art culinaire risquera de faire, avec les
aliments les plus coûteux et les plus fins, un dîner abominable. En revanche,
celui qui maîtrise cet art sera capable de transformer même des restes en un
repas délicieux. Il est vrai qu'en ce monde, on se heurte toujours à des
limites : il n'est pas possible de préparer un bon repas avec de la
nourriture gâtée, mais pour Dieu, c'est possible ! Nous pouvons nous
mettre à table et manger ce qu'Il nous sert, sans appréhension et sans
souci ! La nourriture sera toujours substantielle, car c'est toujours
Lui-même qu'Il nous sert, sa volonté, son action.
L'omniprésence de Dieu reçoit ainsi une nouvelle
signification. Sa présence n'est ni statique ni passive. Il n'est pas obligé
d'assister, en spectateur impuissant, au mauvais usage que l'homme fait de sa
liberté, brouillant tous les plans divins. Se livrer à un Dieu qui se tordrait
ainsi les mains de désespoir n'aurait aucun sens. Dieu est amour efficient, et
tout ce qui arrive, tout ce que les hommes font et défont, est intégré dans son
activité universelle. On nage dedans.
Je mourais de soif,
écrit Caussade, je courais de fontaine en fontaine, de ruisseau en ruisseau, et voilà
une main qui a fait un déluge ; l'eau m'environne de toutes parts. Tout
devient pain pour me nourrir, savon pour me blanchir, feu pour me purifier,
ciseau pour me donner des figures célestes. Tout est instrument de grâce pour
toutes mes nécessités ; ce que je chercherais dans tout autre chose, cela
me cherche incessamment et se donne à moi par toutes les créatures. Ô amour,
faut-il que cela soit ignoré et que vous vous jetiez pour ainsi dire à la tête
de tout le monde avec toutes vos faveurs, et qu'on vous cherche dans les coins
et recoins où l'on ne vous trouve pas ? Quelle folie de ne pas respirer
dans l'air, de ne pas trouver l'eau dans le Déluge, de ne pas trouver Dieu, de
ne pas le goûter, de ne pas recevoir son onction en toutes choses ! 9
Il n'y a pas un instant où Dieu ne se communique. La plus
grande partie de notre vie nous semble être le jeu du hasard. De temps en
temps, Dieu manifeste sa présence, de loin en loin, nous apercevons le fil
rouge et nous Le remercions. Mais Il est toujours présent, tout parle
de Lui. Il y a une continuité ininterrompue dans l'activité de Dieu.
Il ne dort pas, ton
gardien.
Non, Il ne dort ni ne sommeille, le gardien d'Israël.
Non, Il ne dort ni ne sommeille, le gardien d'Israël.
Psaume 121, 3-4
C'est nous qui dormons le plus souvent, oui : notre
foi sommeille. Nous ne découvrons rien de particulier. Et pourtant, tout est
extraordinaire. C'est peut-être là justement le secret de certains saints qui
sont morts jeunes après avoir parcouru en peu de temps un chemin incroyablement
long. Aucun instant de perdu dans leur vie, aucun événement vécu en vain. Ils
savaient qu'à chaque moment, à travers tous les événements et dans toutes les
circonstances, surtout celles qui semblaient entraver leur vie spirituelle, Dieu les poussait dans le dos. Et ils se
laissaient pousser en avant par Lui.
Notre effort vers la vie
spirituelle cache souvent une fuite. Fuite devant la réalité concrète,
apparemment banale, et pourtant remplie de présence divine, pour nous réfugier
dans une existence artificielle répondant à nos idées de piété et de sainteté,
mais dont Dieu est absent. Tant que l'on veut décider par soi-même où trouver
Dieu, on ne risque pas de Le rencontrer ! On ne rencontrera que soi-même,
une édition retouchée de soi-même. La vraie vie spirituelle commence dès lors
qu'on est prêt à mourir. Et peut-on mourir plus rapidement qu'en laissant Dieu
modeler jour après jour notre vie, dans l'acceptation cordiale de son
action ?
La
foi : voir l'invisible (He 11, 27)
Nous avons reçu des yeux nouveaux pour découvrir cette
réalité divine, ce sont les yeux de la foi. La foi traverse l'écorce extérieure
et pénètre jusqu'à la substance des choses. Pour bien des chrétiens, la foi
concerne une réalité qui n'appartient pas à ce monde, elle nous permet de voir
une autre partie de la réalité. Pour un croyant, la réalité devient
effectivement plus large et plus vaste. La foi découvre des terrains nouveaux
(Trinité, anges, etc.). Mais la foi nous donne aussi la possibilité de voir
notre réalité quotidienne sous un jour nouveau. La foi voit les choses communes
dans leur profondeur. Ainsi, un croyant ne trouve rien banal ou ennuyeux. Tout
devient captivant, passionnant.
Ce ne sont pas en premier lieu les belles pensées ou
théories qui nous apprennent quelque chose. Elles restent souvent à flotter
dans notre tête sans influencer la vie. Ce sont les événements qui exercent une
influence sur nous. En hébreu, parole
et événement sont désignés par le
même terme : dabar. Dieu parle par les événements. Quand Il parle
par son Fils, survient le plus grand événement de l'histoire :
l'Incarnation. Chaque événement est une parole que Dieu nous adresse, Il est
présent en tout ce qui arrive. Si je ne regimbe pas contre les événements, si
au contraire j'y consens de tout cœur et les accepte comme parole de Dieu, je
vis en sa présence. Je réalise qu'Il ne cesse pas de me travailler, de me
former et de me modeler. À cet effet, je n'ai pas besoin de beaucoup penser, ni
même obligatoirement de beaucoup Lui parler. Même un travail réclamant toute
mon attention ne m'empêche pas de vivre ainsi en sa présence. La seule chose
nécessaire est d'être toujours prêt à dire oui.
Je me laisse ainsi créer par Dieu.
Pour peu que l'on s'y essaie, on découvre que ce n'est pas
facile. Si Dieu nous créait directement, sans intervention d'hommes ou
d'événements, ce ne serait peut-être pas aussi difficile. Mais Le reconnaître
dans des événements quotidiens, insignifiants, demande une foi profonde.
L'Incarnation a toujours été la pierre d'achoppement par excellence. Dieu et
l'homme entretiennent un dialogue de sourds. L'homme cherche Dieu dans ce qui
est grand, alors qu'Il se communique et se manifeste dans ce qui est petit.
À ceci reconnaissez
l'Esprit de Dieu, écrit saint Jean, tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair, est de
Dieu ; mais tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu ;
c'est là l'esprit de l'anti-Christ.
1 Jean 4, 2-3
Déjà dans la primitive Église, un Dieu aussi humain posait
problème à bien des gens. Ils étaient prêts à croire en un Christ céleste, mais
ne pouvaient admettre qu'il ait quelque chose à voir avec Jésus. Il reste un
peu de cette hérésie chez la plupart d'entre nous. Cela transparaît, par
exemple, dans la difficulté que nous éprouvons à reconnaître un saint dans
notre entourage immédiat, à moins qu'il ne fasse des choses sensationnelles.
Quelqu'un à qui nous avons affaire dans la vie de tous les jours, en qui nous
reconnaissons un être humain ordinaire, ne peut pas être un saint. Pour être un
saint, il faut être ou bien mort, ou bien très loin. La distance nous permet de
faire abstraction de l'aspect humain ordinaire et de gonfler la réalité, d'en
faire quelque chose de grandiose, un mythe.
Il est important, et même nécessaire, d'interrompre de
temps à autre le travail au cours de la journée pour se tourner vers Dieu ou
vers Jésus et Lui adresser quelques « paroles de lumière et
d'amour ». Ma foi me dit que Dieu demeure en mon cœur et que je peux L'y
trouver. Mais reconnaître Dieu dans tout ce qui arrive demande un supplément de
foi. Il est plus difficile de rencontrer Dieu dans une personne qui vient sans
cesse me déranger au milieu de mes occupations en me téléphonant à des heures
impossibles, que d'insérer de loin en loin une petite pause de prière dans mon
travail. Mais si je n'essaie pas dans le premier cas, l'autre ne sera pas tout
à fait authentique. Un Dieu que je ne peux rencontrer que dans mon cœur, mais
pas dans les personnes et les événements, n'est pas vraiment incarné. Apparaît
alors un dangereux dualisme : le contact avec Dieu se réduit à quelques
moments ou périodes privilégiés, tandis que le reste de la vie se passe sans
Dieu.
On ne saurait limiter Dieu à une époque donnée. Nous nous
imaginons facilement que Dieu était particulièrement actif aux temps évoqués
dans la Bible, c'est-à-dire, exception faite du récit de la Création, environ
deux mille ans. Mais ce que nous lisons dans l'Écriture n'est qu'une petite
partie de l'histoire sainte qui a commencé avec l'apparition du monde et se
poursuit jusqu'au dernier jour. Dieu a choisi quelques instants et les a mis en
lumière afin que nous comprenions qu'Il conduit l'histoire tout entière et
soutient l'humanité du début jusqu'à la fin. De notre lecture de la Bible, nous
devons retenir surtout ceci : l'histoire est toujours une histoire
sainte ; l'homme a beau s'imaginer pouvoir agir de façon autonome et ne
pas tenir compte de Dieu, c'est Dieu en dernière instance qui, malgré tout,
soutient et conduit l'histoire dans son ensemble. En tout ce qui arrive, Il est
présent. Notre vie est la suite de cette histoire sainte. La Bible nous donne
une description succincte du début de l'histoire (le récit de la Création) et
de sa fin (l'Apocalypse : combat décisif entre la lumière et les ténèbres)
pour nous faire comprendre clairement que tout ce qui se passe entre le début
et la fin fait partie de cette histoire sainte. Tout ne peut pas être décrit de
manière circonstanciée. Si tout devait être décrit en détail,
Le monde entier lui-même,
je pense, ne suffirait pas à contenir les livres qu'on en écrirait.
Jean 21, 25
L'histoire sainte se continue et Dieu l'écrit à travers
chacune de nos vies. Les livres actuellement inspirés par le Saint-Esprit sont
des livres vivants. C'est Lui qui veut écrire le livre de notre vie, croyons-le
et laissons-Le écrire : rien n'est plus important. Il n'est pas
indispensable que nous comprenions tout ce qu'Il écrit. Même les hagiographes
écrivant sous l'inspiration de l'Esprit ne savaient pas exactement ce qu'Il
voulait dire. Cela ne s'éclairait que peu à peu. Vouloir à tout prix connaître
l'intention précise de Dieu pour tel épisode de notre vie, c'est de la
curiosité spirituelle. Le principal est de savoir que pour tout, Dieu a
une intention ; à nous de rester ouverts et vigilants : Il nous fera
connaître cette intention quand Il voudra.
Tu
as changé mon deuil en une danse.
Psaume 30, 12
Nous sommes tous enclins à imputer aux autres ou aux
circonstances la cause de notre manque de croissance spirituelle. Je n'ai pas
de temps pour la prière, j'ai trop de travail, je vis dans un environnement
stressant, les enfants sont tellement bruyants, mes confrères (consœurs) ne me
comprennent pas, je n'ai pas de bon guide spirituel... La liste est sans fin.
Si nous croyons vraiment que Dieu est notre Père (Père, c'est ainsi que commence la prière
de Charles de Foucauld ; sans ce premier mot, toute la prière se
désagrège) et qu'Il tient tout dans sa main, nous savons alors aussi que rien,
rien ne pourra nous arrêter sur le chemin vers Lui.
Qui nous séparera
de l'amour du Christ ? La tribulation, l'angoisse, la persécution, la
faim, la nudité, les périls, le glaive ? Mais en tout cela nous sommes les
grands vainqueurs par Celui qui nous a aimés. Oui, j'en ai l'assurance, ni mort
ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni
hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de
l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur.
Romains 8, 35, 37-39
Qu'un obstacle apparent de prime abord puisse s'avérer
être en fait un moyen, la vie de Jésus nous en offre un exemple magnifique. Les
pharisiens rejettent Jésus et veulent L'empêcher de se présenter comme Messie.
Mais c'est justement en Le tuant qu'ils L'acheminent vers son but. Son but,
c'est la Croix. Ceux qui l'y clouent servent, bon gré mal gré, la cause de
Dieu. Le poisson qui voulait engloutir Tobie lui sert, à lui et à son ange, de
nourriture et fournit même un remède (Tobie 6, 3-6). Tu t'imagines que, si tel
casse-pied disparaissait de ton entourage, tu pourrais enfin vivre en paix et
te consacrer à nouveau à la prière ? Mais Dieu se sert justement de ce
casse-pied pour approfondir ta paix, afin qu'elle ne soit plus dépendante des
circonstances extérieures, mais soit fondée en Dieu. Tes ennemis deviennent tes
amis.
Dans ses Précautions, Jean de la Croix incite un
confrère à considérer les frères de sa communauté comme autant de
collaborateurs de Dieu, chargés de le former :
La première précaution (contre la chair) consiste à vous
bien persuader que vous n'êtes venu au couvent que pour y être éprouvé et
exercé par tous à la vertu. Aussi, afin de vous délivrer des imperfections et
des troubles qui peuvent surgir au sujet des dispositions ou des rapports des
religieux avec vous, et afin de tirer
profit de tout événement, il convient que vous regardiez tous ceux qui sont
dans le couvent comme des ministres de Dieu, et ils le sont en effet, chargés
de vous exercer à la vertu ; que les uns doivent vous éprouver par des
paroles, d'autres par les œuvres, et d'autres par des pensées
défavorables ; qu'en tout cela, vous devez être comme l'image entre les
mains de celui qui la travaille, la peint ou la dore. Sans cela vous ne saurez
pas vaincre la sensualité ni la sensibilité ; vous ne saurez pas non plus
vous bien comporter avec les religieux du monastère, ni obtenir la sainte paix,
ni vous prémunir contre une foule d'obstacles et de maux. 11
Dans un certain sens, tout le monde est au service de
Dieu. Tous contribuent à accomplir ses desseins. L'ironie du sort, ou plutôt l'humour
de Dieu, fait en sorte que, souvent, Il est le mieux servi par ceux qui tentent
de lui résister avec le plus d'acharnement. Dans de nombreuses vies de saints,
il est question d'un esprit tracassin, d'une personne désagréable, voire
parfois malveillante, qui fournit la quantité de persécution nécessaire,
semble-t-il, pour faire un saint (Marc 10, 30). Mais au ciel règne une
reconnaissance universelle. Reconnaissance destinée à tous, aussi bien à ceux
qui nous ont traités sur terre avec amour, qu'aux tracassins. Chacun a mis du
sien, de son gré ou contre son gré, pour accomplir le dessein de Dieu.
N'en concluons pas pour autant qu'il faille devenir
indifférent aux événements. L'insouciance évangélique n'est pas l’indifférence.
Jésus a pleuré sur Jérusalem. Ce n'était pas Lui, mais les autres qui étaient
l'objet de son chagrin. Les soucis dont Jésus veut nous libérer sont surtout
des soucis qui tournent autour de nous-mêmes. La plus grande partie de nos
problèmes entre dans cette catégorie. Éprouver du chagrin à la vue de tant de
gens qui ne s'ouvrent pas à Dieu et n'osent pas se confier en Lui, ne fait pas
partie des soucis désapprouvés par Jésus. C'est de l'amour que jaillissent les
larmes versées en ce cas, et de telles larmes ne sont jamais amères.
On
nous tient pour pauvres, et nous possédons tout.
2 Corinthiens 6, 10
Dieu peut aussi utiliser notre pauvreté intérieure. C'est
le plus difficile à croire de tout. Et pourtant, cette pauvreté même peut
devenir la plus fidèle auxiliaire de Dieu.
Le cheval fait du
fumier dans l'étable, écrit Tauler, en soi le fumier est sordide et répand une
odeur infecte ; cependant le même cheval le traîne avec beaucoup de
travail dans les champs, où il fait croître la précieuse récolte d'un bon
froment ou d'un vin délicieux ; récolte qui n'aurait pas été si bonne s'il
n'y avait pas eu de fumier. Ton fumier à toi, ce sont tes propres défauts dont
tu ne viens pas à bout pour l'instant et que tu ne parviens pas à dominer.
Prends avec application le soin de les porter sur le champ de la très aimable
volonté de Dieu dans un véritable abandon de toi-même. Épands ton fumier dans
ce noble champ et sans aucun doute il en sortira dans un humble abandon des
fruits nobles et délicieux. 12
Te sens-tu angoissé, sec, sans force, triste ?
La peur même, la
suspension, la désolation, écrit Caussade, sont des versets de cantiques ténébreux. On
est ravi de n'en pas omettre une syllabe, on sait que tout se termine au Gloria Patri ; ainsi on fait sa
voie de son égarement. Les ténèbres même servent de conduite, les doutes,
d'assurance ; et plus Isaac est en peine de trouver de quoi faire le
sacrifice, plus Abraham attend tout de la Providence. 13
Il écrit aussi à une sœur qui lui confie sa détresse :
Vous adhérez trop à
ces craintes et à ces doutes, vous vous en occupez trop au lieu de les
mépriser, au lieu de vous jeter dans l'entier abandon à Dieu. Sans cet heureux
et saint abandon, vous ne jouirez jamais d'une paix solide. 14
La Providence de Dieu englobe si bien tout que rien n'en
est exclu, même le péché y a sa place. Ainsi notre abandon doit être total au
point que même notre inquiétude et nos soucis y trouvent leur place et y soient
inclus. Nos soucis eux-mêmes ne doivent plus être source de soucis ! Nous
ne pouvons pas vivre toujours dans une paix parfaite.
Quand Dieu ôte
parfois la tranquillité, eh bien, qu'elle s'en aille avec tout le reste !
Dieu demeure toujours et Il suffit. 15
Dieu paraît parfois dur. On peut avoir l'impression que
c'est Lui, le grand tourmenteur. Mais s'Il tourmente l'homme, c'est
parce que sa miséricorde ne renonce jamais. Il continue à tout croire, à tout
espérer, à tout essayer pour que nous en arrivions enfin à lâcher prise et à
capituler. Au lieu de reprocher à Dieu sa dureté, nous devrions Lui être
reconnaissants de ne jamais se décourager avec nous. Il nous connaît. Il sait à
quel point nous sommes enfermés dans notre bulle, enclins à nous mettre au
centre de tout, y compris en notre amour. S'Il nous laissait éprouver, trop tôt
et trop longtemps, sa présence béatifiante, nous nous sentirions si satisfaits
de notre amour pour Lui que nous penserions davantage à cet amour qu'à
Lui-même. Il peut arriver que le bonheur provoqué par la présence de Dieu nous
absorbe à tel point que nous en oublions Dieu Lui-même. L'amour que Dieu nous
porte L'oblige à se retirer apparemment, afin d'enlever à notre orgueil et à
notre amour-propre tous leurs points d'appui. Quand l'amour-propre ne reçoit
plus de nourriture, il finit par mourir de faim. Lorsque l'amour-propre est
mort et que le centre de l'homme s'est déplacé en Dieu, celui-ci peut enfin se
révéler sans risques et sans limites.
La vallée aride,
sur sa route, devient une oasis.
Psaume 84, 7
Oui, si l'on accepte vraiment de traverser une vallée aride, on s'aperçoit soudain que
cet espace aride est une oasis. On n'a même pas besoin d'attendre la fin du
voyage pour découvrir, rétrospectivement, qu'on a effectivement traversé une
oasis. On s'en aperçoit chemin faisant. C'est là une des merveilles opérées par
l'abandon. Ce qui, aux yeux du profane ou du réfractaire à la conduite de Dieu,
paraît monotone et désolant, s'avère passionnant pour celui qui laisse la
décision à Dieu et ose s'en remettre à sa conduite. L'enfant en nous aime
marcher, les yeux fermés, en tenant la main d'une personne à qui il peut faire
inconditionnellement confiance. Thérèse de Lisieux raconte comment elle
s'amusait à se laisser guider par son père, savourant la sécurité de s'en
remettre entièrement à quelqu'un en qui elle pouvait avoir toute confiance.
C'est ainsi qu'une simple promenade devient une aventure.
Si nous n'osons pas marcher en tenant la main de Dieu,
quelle autre main allons-nous choisir ? Dieu voudrait-Il nous
égarer ? Allons-nous nous fier à nos pauvres yeux myopes plutôt qu'à Lui
qui a vue sur l'ensemble ? Penser que nous allons manquer de ceci ou de
cela, que quelqu'un ou quelque chose va nous faire obstacle, n'y a-t-il pas là
de quoi rire ? Dieu sait exactement ce qu'il nous faut, tous ses dons sont
soigneusement adaptés à nos besoins. Lui seul connaît nos besoins réels. Quand
nous protestons, c'est toujours à partir de nos besoins imaginaires.
Qui se laisse docilement conduire par Dieu, marche par un
droit et court chemin. Il s'épargne une infinité de temps et de peine. La
plupart des gens investissent une partie considérable de leur énergie à lutter
contre Dieu. Dès qu'on abandonne cette lutte, une quantité incroyable d'énergie
est libérée. On se met à avancer soudain à un rythme accéléré. Et bien plus
joyeusement. Résister à la vie et aux circonstances provoque une crispation
intérieure, la première et la plus importante cause du malheur de l'homme.
Quand cette crispation se dénoue, tout se simplifie. Même la possibilité d'être
frustré disparaît. Il y a frustration quand on n'obtient pas ce dont on croit
avoir besoin, quand ce qu'on attend ne se produit pas. Qui s'en remet à la
conduite de Dieu n'est jamais frustré. S'il ne peut obtenir certaines choses,
c'est qu'il n'en a pas besoin. Si quelque chose ne se produit pas, il en
conclut que ce n'était pas sa voie. Il n'est pas déçu, car tout est exactement
comme devant être. Non pas en soi-même, mais en tant que milieu où il doit
vivre, milieu divin.
Que
tes œuvres sont grandes, Seigneur !
Psaume 92, 6
La conséquence de tout cela est un contentement qui va
croissant. On est content de Dieu. On trouve qu'Il fait bien toutes choses (Marc
7, 37). N'a-t-on pas tout ce dont on a besoin, ni peu ni prou ?
Avec Thérèse, on est prêt à citer Isaïe : « Dites au Juste que
TOUT est bien » (3, 10, Vulgate).
Oui, tout est bien,
lorsqu'on ne recherche que la volonté de Jésus. 16
Quand Dieu fait si bien toutes choses, on ne peut que le
bénir :
Seigneur, vous me
comblez de JOIE par TOUT ce que vous faites. 17
Que personne n'aille se méprendre sur ces paroles et
penser qu'il est facile de parler ainsi quand tout va bien.
À vues humaines, cela n'allait justement pas bien pour
Thérèse quand elle écrivait ces mots. Sur la même page, on peut lire la
description de son épreuve de la foi qui lui ôtait toute espérance du ciel.
Quand quelqu'un est content de Dieu et de tout ce qu'Il
fait, une musique intérieure retentit en lui, une chanson qui se chante
elle-même. Sœur Marie-Angélique de Jésus, du Carmel de Pontoise (1893-1919), qui
s'appelait elle-même Flamme de joie,
écrit :
Au plus profond de
mon âme, il y a quelque chose qui chante sans cesse, un Magnificat qui n'a pas
de fin.
Monsieur Toccanier, vicaire du saint Curé d'Ars :
Un jour, je lui
jetai en passant :
— Il fait mauvais temps aujourd'hui, Monsieur le Curé !
— Il fait toujours beau temps pour le juste, répondit-il, il ne fait mauvais temps que pour les pauvres pécheurs. 18
— Il fait mauvais temps aujourd'hui, Monsieur le Curé !
— Il fait toujours beau temps pour le juste, répondit-il, il ne fait mauvais temps que pour les pauvres pécheurs. 18
Wilfrid
Stinissen, ocd, in L’Abandon
2. Martin
Buber, Die
Erzählungen der Chassidim, Manesse
Verlag, Zürich, 1949, p. 387.
3. Saint
Augustin, De civitate Dei, 22, 2, 1.
4. Saint
Augustin, Enchiridion, n°
26.
5. Saint
Augustin, Opus imperf. Contra Julianum, Lib. 5, n° 60.
6. Saint
Augustin, Enarrationes in Ps 118, y. 12.
7. Père de Caussade, Lettres Spirituelles II, Desclée de Brouwer, Paris, 1964, p.
128.
8. Silouane, Écrits spirituels
(Spiritualité orientale, n° 5), Abbaye de Bellefontaine, 1976, p. 47-48.
9. Père de Caussade, L'Abandon à
la Providence divine, Desclée de Brouwer, Paris, 1966, p. 106-107.
10. Père de Caussade, L'Abandon à la Providence divine, op.
cit., p. 60.
11. Saint Jean de la Croix, Œuvres Spirituelles.
12. Jean Tauler, cité dans La Vie
Spirituelle, n° 652, p. 705.
13. Père de Caussade, L'Abandon, p.
133-134.
14. Père de Caussade, Lettres
Spirituelles II, p. 58.
15. Père de Caussade, Lettres
Spirituelles II, p. 40.
16. Sainte
Thérèse de l’Enfant Jésus, de la Sainte Face, Manuscrit C 2 v°, in Œuvres Complètes, p.
237.
17. Sainte
Thérèse de l’Enfant Jésus, de la Sainte Face, Manuscrit C 7 r°, in Œuvres Complètes, p.
243.
18. Francis Trochu, Le Curé d'Ars,
Vitte, Lyon-Paris, 1929, p. 508.