jeudi 22 août 2019

En croyant... André Frossard, Petites béatitudes



Heureux les pauvres de l'Esprit, qui attendent tout de Lui et ne veulent de salaire qu'injustifiable et joyeusement immérité 
Car voici le Fils prodigue de la générosité de Dieu 
L'Économe infidèle qui nous trouve bien peu d'avidité et de hardiesse à piller l'amour 
Venu nous enseigner le principe unique de l'économie divine, fondée sur le déficit absolu et permanent de la charité ! 
Heureux les doux, instruits par l'humilité ! 
Les êtres faits pour passer que nous sommes, ils n'attendent pas qu'ils ne soient plus pour les comprendre, ni qu'ils aient disparu pour les interroger 
Ils se souviennent de votre passage, Christ Jésus, et en chacun de ceux qui les entourent, ils protègent ce que vous avez laissé d'amour auprès de nous. 
Heureux ceux qui pleurent, car il n'est pas de larmes impures 
En chacune d'elles brille un fragment d'éternité, toute larme a sa source dans un autre monde, 
Ceux qui pleurent savent qu'ils aiment : il n'est pas de certitude plus précieuse que celle-là, 
Et d'évidence par anticipation plus douce que la réversibilité de la souffrance et de l'amour. 
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, qui exclut la violence et la domination !
Heureux les pacifiques, qui n'en peuvent plus des œuvres de la haine, et d'entendre ce gémissement qui monte de la terre pour aller effrayer l'innocence de Dieu ! 
Heureux les miséricordieux, qui savent que le pardon à recevoir et à donner est le besoin le plus profond de l'âme exilée du premier jardin, 
Et que l'on ne peut ôter à l'homme le sens de son péché, par une mansuétude menteuse, sans lui retirer sa liberté en même temps !
Heureux le cœur pur qui dans la pénombre d'une chapelle se met tranquillement en présence de Dieu et pressent peu à peu, à travers la pierre qui s'allège, et la vieille écorce des ors, l'incroyable suavité qui est au-delà des choses et les forme devant elle en calices ! 
Heureux ceux qui souffrent persécution pour le Christ, qui fut parmi nous la pauvreté et la douceur, la douleur et la justice, la paix, le pardon, la pureté, et qui nous donna de surcroît cette bonne nouvelle que le diable avait perdu, et que nous n'étions pas des dieux ! 
André Frossard, in L’art de croire