CHAPITRE XXIII
LES NÉBULEUSES
1. Aspect de notre nébuleuse vue à distance. — La nébuleuse dessine autour de nous dans le firmament une
ceinture circulaire, parce que nous sommes placés au sein même de l'amas d'étoiles.
La Voie lactée est un effet de notre point de vue intérieur ; mais si nous
étions placés bien loin hors de la couche, l'aspect serait tout différent.
Supposons-nous en face de la meule stellaire, en dehors, à
une distance médiocre. La nébuleuse est alors un immense disque de points
lumineux, couvrant tout le
ciel de Son orbe. À mesure que la distance
augmente, le disque stellaire s'amoindrit, ses points lumineux se rapprochent
et finissent par se confondre en une commune et pâle lueur. La géométrie
calcule qu'à une distance de trois cent trente-quatre fois sa plus grande dimension,
il serait vu comme une pièce de cinq francs à une douzaine de mètres de distance.
Il ne nous est pas donné de contempler en réalité notre
nébuleuse resserrée, par l'éloignement, dans un espace aussi étroit ; la
raison, toutefois, guidée par la géométrie, s'en fait une juste image. Elle
voit l'incommensurable couche, où les soleils se comptent par millions, perdue
insignifiante dans un coin de l'étendue ; elle l'aperçoit comme une petite
tache arrondie, dont la vague clarté rappelle les lueurs mourantes du
phosphore.
2. Autres nébuleuses. — Or de la Terre, avec un bon
télescope, on peut voir réellement ce que la raison voit en idée lorsqu'elle se
figure notre nébuleuse à distance. Dans une foule de régions du ciel, bien au
delà de notre couche d'étoiles, l'instrument nous montre des taches lumineuses,
de faibles images d'aspect laiteux, qui, pour la plupart, sont des nébuleuses
assimilables à la nôtre, c'est-à-dire encore des amoncellements de soleils.
Dans les profondeurs explorées jusqu'ici par les astronomes, on en compte plus
de quatre mille. Leur nombre, du reste, s'accroît à mesure que l'on emploie des
télescopes doués d'un plus grand pouvoir de pénétration.
Très peu, à cause de la faiblesse de leur éclat et de
leurs dimensions apparentes, sont perceptibles à la vue simple ; il faut
les meilleures lunettes pour les apercevoir. Avec un grossissement médiocre, ce
sont de petits flocons d'une pâle et douce lueur. Mais que le grossissement
augmente, et la réalité, se dévoilant, vous saisit de stupeur. Chacun de ces
flocons lumineux est un amoncellement de soleils ; la nébulosité, qui
paraissait d'abord homogène, se résout en une fourmilière de points brillants,
en étoiles, comme le ferait un lambeau de la Voie lactée.
3. Forme de quelques nébuleuses.
— Notre nébuleuse, cause de la Voie lactée, n'est donc pas
la seule. Il y a çà et là, dans les champs du ciel, en nombre que l'homme
probablement ne déterminera jamais, d'autres amas stellaires séparés par
d'immenses étendues vides ; et l'univers est alors comparable à un océan
sans rivages connus, ayant pour archipels d'insondables amas de soleils. Ces
archipels célestes affectent toutes les formes.
Les uns sont globulaires, tantôt sphériques, tantôt allongés en ovale. D'autres s'épanouissent en aigrette, se courbent en couronne, s'allongent en lignes sinueuses. Il y en a qui ressemblent à des noyaux de comète enveloppés de leur chevelure. Quelques-uns autour d'un centre commun groupent leurs étoiles en épaisses traînées spirales.
4. Leur distance. — Quant à
leur distance, voici ce qu'on peut en dire. Pour nous apparaître sous un angle
de dix minutes, c'est-à-dire comme une pièce de cinq francs placée à une
douzaine de mètres de distance, notre nébuleuse devrait être éloignée de trois
cent trente-quatre fois sa plus grande dimension. Or, pour la traverser dans le
sens de sa largeur, un rayon de lumière met de trois à quatre mille ans.
Admettons le nombre le plus faible. Ce serait alors trois cent trente-quatre
fois trois mille, ou plus d'un million d'années, que la lumière emploierait à
nous arriver des profondeurs où notre amas d'étoiles serait vu d'ici sous un angle
de dix minutes.
Quelques nébuleuses ont précisément cette grandeur
apparente de dix minutes ; d'autres sont moindres. Ces amas d'étoiles sont
donc tellement reculés, que la lumière met un million d'années au moins à nous
en parvenir.
5. Nébuleuses irrésolubles. — Outre les nébuleuses que les
télescopes parviennent à résoudre en points brillants, en étoiles, et qu'on
nomme pour ce motif nébuleuses résolubles, l'astronomie en connaît
d'autres qui résistent à la puissance de nos instruments et restent, quelle que
soit l'amplification employée, des taches laiteuses à lumière uniforme. On les
nomme nébuleuses irrésolubles.
Loin d'affecter, comme les précédentes, des formes
régulières, elles ont en général. l'aspect de lambeaux de nuages tourmentés par
un vent violent. Elles sont formées d'une matière diffuse, ayant quelque
analogie peut-être avec la substance des comètes. On soupçonne que cette nébulosité
subtile, lentement façonnée par l'attraction, se condense en nouvelles étoiles.
Mais laissons ces conjectures ; ce que nous apprend
l'astronomie stellaire accable l'entendement et ne laisse place en notre âme
qu'à un élan de religieuse admiration envers l'Auteur de ces merveilles.
QUESTIONNAIRE
1. Quel serait l'aspect de notre
nébuleuse vue à des distances croissantes ?
2. Y a-t-il d'autres nébuleuses ?
— Quel aspect ont-elles ? — Qu'y découvre le télescope ?
3. Citez quelques formes de ces
nébuleuses.
4. Que peut-on savoir de leur
distance ? — Combien de temps met la lumière pour nous en parvenir ?
5. Qu'appelle-t-on nébuleuses
résolubles ? En quoi consistent les nébuleuses irrésolubles ?