Le Frate termina sa méditation sur le « Miserere » le 8 mai. Mais le discours de son
cœur n'était point tari. Il essaya de le continuer en s'aidant du psaume
« In te Domine speravi »1. Ce n'était pas qu'il nourrît en lui
quelque espoir humain. Il n'avait plus aucun doute sur l'issue tragique du
procès. Il lui fallait s'attacher, avec toutes les puissances de son âme, à la
sainteté de l'espérance théologale. Et s'il arrête son regard, au dernier
moment, sur le psaume XXX, c'est en humble disciple du Sauveur, qui avait voulu
emprunter lui-même à ce psaume messianique les dernières de ses paroles :
« Père, je remets mon esprit entre vos mains »2. C'était
le sixième des versets du psaume. Le Frate dut s'arrêter après le troisième. Il
est vrai que le mouvement de sa méditation se gonflait comme le rythme des
vagues de la mer. Il eut encore le temps de joindre le quatrième verset et de
le transcrire : « Car vous êtes ma force et mon refuge, et à cause de
votre Nom vous me conduirez et me nourrirez ». Alors il
déposa la plume pour toujours.
Dans cette seconde méditation, un élément nouveau
apparaît : la personnification de la tristesse et de l'espérance. Qu'on y
voie plus qu'un artifice littéraire ou que l'ébauche d'une tragédie. Elles sont les forces supra-humaines, les
puissances du ciel et de l'enfer, qui se livrent une dernière bataille dans
l'aine et dans la chair meurtries du Frate 3.
Charles Journet
MÉDITATION SUR LE PSAUME « IN TE
DOMINE SPERAVI »
Par Savonarole
À la grande mémoire de
FRA GIROLAMO
Chère à saint Philippe Neri
Et à sainte Catherine de Ricci
La tristesse m'entoure, elle m'assiège de sa vaste et
puissante armée, elle occupe mon cœur, elle ne cesse de lever jour et nuit contre
moi ses clameurs et ses machines. Mes amis ont passé dans son camp, ils sont
devenus mes ennemis. Tout ce que je crois, tout ce que j'entends, m'arrive sous
les bannières de la tristesse. Le nom de mes amis m'assombrit, la pensée de mes
fils me désole, l'image de mon cloître et de ma cellule m'oppresse, le souvenir
de mes occupations me blesse, la mémoire de mes péchés m'écrase. Comme les
choses douces paraissent amères à qui a la fièvre, ainsi tout se change pour
moi en amertume et en tristesse. Quel lourd fardeau sur mon cœur que cette
tristesse ! C'est un venin d'aspic, une peste funeste. Elle murmure contre
Dieu, elle ne cesse de blasphémer, elle pousse au désespoir. Malheureux homme
que je suis, qui me délivrera de ses mains sacrilèges ? Si toutes les
choses que je vois et que j'entends sont rangées sous ses bannières et s'acharnent
avec violence contre moi, qui sera mon protecteur ? Où trouver un
secours ? Où aller ? Comment fuir ? Je sais ce que je vais
faire. Je me tournerai vers les choses invisibles pour les mobiliser contre les
visibles. Et sous quelle force ranger une armée si élevée et si terrible ?
L'espérance, qui porte sur les choses invisibles, l'espérance elle-même se dressera contre la tristesse pour la
réduire. Qui résisterait à l'espérance ? Entends ce que dit le
prophète : Vous êtes, ô Seigneur, mon Espérance, vous avez placé votre
refuge au-dessus de tout4. Qui se lèvera contre le Seigneur ?
Qui pourra atteindre son refuge, placé au-dessus de tout ? Je vais donc
l'appeler, il viendra assurément, il ne me confondra pas. Mais voici qu'il est
déjà là, il m'apporte la joie, il m'instruit à combattre, il me dit :
« Crie, ne te retiens pas »5. J'ai répondu :
« Et que crierai-je ? » Crie, a-t-il dit, avec confiance et de
tout ton cœur :
EN VOUS, SEIGNEUR,
J'AI ESPÉRÉ ;
JE NE SERAI PAS CONFONDU POUR L'ÉTERNITÉ ;
DANS VOTRE JUSTICE, DÉLIVREZ-MOI.
Ô puissance merveilleuse de l'espérance ! La
tristesse ne peut soutenir son visage. Déjà la consolation est revenue. Que la
clameur et le fracas de la tristesse et de ses armées retentissent. Que le
monde me presse, que les ennemis surgissent, je ne crains rien : CAR EN VOUS, SEIGNEUR, J'AI ESPÉRÉ, car vous êtes mon espérance, car vous avez placé votre
refuge au-dessus de tout. Déjà j'y suis entré, l'espérance m'en a ouvert les
portes. Je n'y suis point pénétré imprudemment, l'espérance est mon excuse
devant vous. « Voici, dit-elle, ô homme, le refuge suprême de la divinité.
Ouvre les yeux et vois.
Dieu seul existe, il est seul l'océan infini de la substance6.
Les autres choses sont comme n'étant pas : toutes dépendent de lui ;
s'il cessait de les soutenir, elles s'abîmeraient aussitôt dans le néant, d'où
elles sont tirées. Considère la puissance de celui qui au commencement créa le
ciel et la terre. N'est-ce pas lui qui opère tout en tout ? Sans lui, qui
peut remuer la main ? Qui peut de soi-même former une pensée ?
Contemple la sagesse de celui qui, dans sa paix, gouverne tout, voit tout,
devant les yeux de qui toutes choses sont nues et à découvert 7, il
est seul à savoir et à pouvoir te délivrer, te consoler, te sauver. Ne mets pas
ta confiance dans les fils des hommes, en qui il n'y a point de salut 8.
Le cœur des hommes est dans la main de Dieu, selon son bon plaisir il
l'inclinera 9. C'est lui qui peut et qui saura te secourir. Vas-tu
peut-être douter de son dessein ? Pense à sa bonté, considère son
amour ! Est-ce qu'il n'est pas amoureux des hommes celui qui pour les
hommes s'est fait homme, qui pour les pécheurs s'est laissé crucifier ?
Vraiment il est ton Père, il t'a créé, il t'a racheté, il t'a sans cesse comblé
de biens. Un père pourra-t-il délaisser son enfant ? Jette-toi en lui, il
ouvrira ses bras, il te sauvera. Scrute les Écritures et vois avec quelle
instance son immense bonté te convie à espérer en lui. Et pourquoi donc, sinon
parce qu'il désire sauver ? Que dit-il, en effet, par la bouche de son
prophète ? Puisque l'homme a espéré en Moi, je le délivrerai 10 !
Ainsi donc, la seule raison pour laquelle il veuille le délivrer, c'est que l'homme
a espéré en lui. Et les prophètes, les apôtres, le Seigneur même des apôtres,
qu'ont-ils annoncé aux hommes, sinon l'espérance en le Seigneur ? Offrez
donc, ô hommes, des sacrifices de justice, et espérez dans le Seigneur 11,
et il vous délivrera, il vous arrachera à toute la tribulation ».
Ô force immense de l'espérance, et comme elle se
diffuse ! Car la grâce, ô Dieu, s'est diffusée sur vos lèvres 12.
Il est vraiment au-dessus de tout, votre refuge, ô Seigneur, et le mal de la
tristesse n'y a pas d'accès. Cela je le sais, je le comprends, et c'est
pourquoi, ô Seigneur, j'ai espéré en vous. Si lourdement que pèse sur moi la
masse de mes péchés, je ne saurai pourtant jamais désespérer, tandis que votre
bonté me provoque si bénignement à l'espérance.
JE NE SERAI PAS CONFONDU POUR L'ÉTERNITÉ. Je pourrai l'être dans le
temps, mais non pour l'éternité. Car l'espérance, en m'introduisant dans votre
refuge suprême, m'a instruit à désirer non les choses temporelles, mais les choses
éternelles. Elle porte sur les choses invisibles. Les choses visibles ne sont
que pour un temps, les invisibles sont éternelles 13. Au son
des paroles de l'espérance, qui vient m'arracher des mains de la tristesse,
j'ai donc espéré en vous, Seigneur, désirant avant toutes choses la libération
de mes péchés et l'accès, par votre miséricorde et votre grâce, aux choses
éternelles, qui sont invisibles. Voilà mon premier vœu. Car ma plus grande
tribulation, ce sont mes péchés, et, devant elle, toutes les autres
disparaissent. Ôtez-moi mes péchés, Seigneur, et me voilà exempt de toute
tribulation. La tribulation et l'angoisse sortent de la fontaine du cœur, et
toute tristesse vient de l'amour. Si j'aime un enfant et qu'il meure, me voici
affligé, car j'ai perdu ce que j'aimais. Que meure un serviteur que je n'aime
pas, je ne m'attriste pas, car j'ai perdu ce que je n'aimais pas. Ôtez donc,
Seigneur, mes péchés par votre grâce : alors comment ne pas vous aimer de
tout mon cœur, comment ne pas mépriser la vanité de ce qui passe ? Si je
vous possède par la foi, si j'espère de vous des choses que l'œil n'a pas vues,
que l'oreille n'a pas entendues, et qui ne sont pas montées au cœur de l'homme 14,
qui donc pourra me troubler ? En perdant ce qui n'est pas vous, je perdrai
ce que je n'aime plus. En vous, Seigneur, j'ai espéré, selon que m'a instruit
mon espérance ; et je ne serai pas confondu pour l'éternité, car vous me
donnerez les choses éternelles. Mais pour celui qui se fie non pas à vous, mais
à sa vanité, il sera confondu pour l'éternité, il descendra dans la confusion
éternelle. Je pourrai bien, je le sais, être confondu momentanément, par vous
et par tous les hommes ; mais je ne serai pas confondu pour l'éternité. Je
serai confondu par vous, momentanément, si je demande d'être délivré de mon
angoisse présente, et que vous ne daigniez pas m'exaucer, parce que cela n'est
pas bon pour moi, et que la force s'enfante dans la faiblesse 15 ;
mais je ne serai pas confondu pour l'éternité. Je serai confondu par les
hommes, momentanément, et ils prévaudront contre moi, quand ils s'acharneront
contre moi. Mais cela même, vous le permettrez, afin que je ne sois pas
confondu pour l'éternité. Puisque, à vos yeux, mille années sont comme le jour
d'hier qui a passé 16, je supporterai de bon cœur les confusions
momentanées, afin de n'être pas confondu pour l'éternité. J'espérerai dans le
Seigneur, selon que m'a instruit mon espérance, et je ne tarderai pas à être
délivré de toute tribulation.
Par quels mérites ? Non par les miens, Seigneur.
Mais DANS VOTRE JUSTICE DÉLIVREZ-MOI. Je dis votre justice,
non la mienne. Mon affaire est de demander votre miséricorde, non d'offrir ma
justice. Mais si votre grâce me rend juste, alors c'est votre justice que je
possède. Votre grâce, en nous, c'est votre justice.
Les pharisiens se confiaient dans les œuvres de justice. Ils se confiaient en
leur justice, aussi n'ont-ils pas reçu la justice de Dieu, car aucune chair ne
sera justifiée devant Dieu par les œuvres de la loi 17. La justice
de Dieu est apparue par la grâce de Jésus-Christ 18, sans même les
œuvres de la loi 19. Les philosophes se glorifiaient de leur
justice, aussi n'ont-ils pas trouvé votre justice ; ils n'entraient pas
par la porte, ils étaient des voleurs et des brigands, venus non pour sauver
les brebis, mais pour les perdre et les tuer 20. Votre grâce, c'est
donc votre justice, Seigneur. Et elle cesserait d'être une grâce, si elle était
donnée en raison des mérites. Délivrez-moi de mes péchés non pas dans ma
justice, mais dans votre justice. Dans votre justice, c'est-à-dire dans votre
Fils, qui, seul parmi tous les hommes, a été trouvé juste. Qu'est-il, en effet,
sinon la Justice même par qui les hommes sont justifiés ? Dans cette
Justice justifiez-moi, et délivrez-moi de mes péchés. Alors je serai délivré des
autres tribulations qu'ils m'ont attirées, et les effets disparaîtront avec la cause.
Seigneur, je vous ai invoqué, et j'ai été consolé. C'est l'espérance qui m'a
instruit. La joie est venue. Parce que j'ai espéré en vous, je ne serai pas
confondu pour l'éternité.
Voici de nouveau la tristesse. Elle revient avec toutes
ses armées, ses glaives et ses lances, d'un puissant élan ; elle a investi
notre cité. Le torrent de sa cavalerie m'a ébranlé. Elle s'est avancée, elle a
demandé le silence, elle m'a apostrophé de loin.
« Voici, a-t-elle dit, l'homme qui a espéré dans le
Seigneur, qui pensait n'être pas confondu pour l'éternité, qui s'attachait à la
consolation de l'espérance ! » Et voyant qu'à ces mots je rougissais,
elle s'est approchée et a dit : « Où sont les promesses de ton
espérance ? où est ta consolation ? où est ta délivrance ? à
quoi bon tes larmes ? tes prières, qu'ont-elles obtenu du ciel ? Tu
as crié et personne ne t'a répondu ; tu as pleuré, et qui donc s'est ému
de miséricorde sur toi ? tu as invoqué ton Dieu et il s'est tu ; tu
l'as prié et supplié, il n'a ni répondu ni entendu ; tu as imploré tous
les saints et aucun d'eux ne t'a regardé. Qu'as-tu gagné aux paroles de l'espérance ?
Tu as peiné, et tu n'as rien trouvé dans tes mains. Penses-tu que Dieu s'occupe
des choses d'ici-bas ? Il se promène sur la voûte du ciel sans s'intéresser
à ce qui nous touche 21. Tels étaient ses blasphèmes. Et comme ses
paroles m'étaient en horreur, elle s'approcha encore et me dit à
l'oreille : « Penses-tu qu'elle soit vraie, cette foi que tu
prêches ? Veux-tu que je te montre qu'elle n'est qu'une fiction des
hommes ? Une preuve suffit. Si Dieu s'était fait homme et s'était laissé
crucifier par les hommes, comment une telle tendresse pourrait-elle ne pas
consoler un homme accablé par les pires tristesses, tournant vers elle sa
plainte et ses larmes ? Si, comme on le dit, la bonté infinie de Dieu l'a
fait descendre du ciel pour être cloué en croix, comment ferait-il maintenant
pour ne pas descendre vers la misère des hommes afin de les réconforter ?
Rien de plus facile, pour lui, que de les secourir par sa même pitié ! Pourquoi
les anges et les élus, si pleins de miséricorde, ne viennent-ils pas te
soutenir ? Que d'hommes, s'ils le pouvaient, qui viendraient à toi pour t'apporter
la douceur d'une parole ou d'un service, et pour te délivrer de toute
angoisse ! Pourquoi les élus, qu'on dit bien meilleurs que les hommes, ne
le font-ils pas ? Crois-moi : tout est hasard. Le visible seul
existe. Votre esprit se dissipe comme une fumée : qui donc est jamais
revenu de l'au-delà pour nous raconter quelque chose du sort des âmes après la
mort ? Ce sont des contes de femmelettes. Lève-toi donc, appuie-toi sur le
secours des hommes, tu sortiras de ta prison, tu vivras désormais sans être
frustré dans ton espérance, tu continueras ton œuvre ». Et quand elle eut
ainsi parlé, il s'éleva de son camp une telle clameur, un tel tumulte d'armes,
une telle sonnerie de trompes, que c'est à peine si je pus subsister, et que,
si ma chère espérance ne fût venue à mon secours, elle m'eût entraîné, chargé
de chaînes, dans son parti.
L'espérance est donc venue, étincelante de la splendeur
divine ; elle a souri et elle a dit : « Allons ! soldat du
Christ ! où est ton cœur, où est ton courage dans ce combat ? » À
ces paroles, la honte me gagna. Alors elle dit : « Ne crains pas, le
mal ne s'emparera pas de toi, tu ne périras pas. Voici que je suis avec toi
pour te délivrer. Ne sais-tu plus qu'il est écrit : L'insensé a dit dans son
cœur : il n'y a pas de Dieu 22 ? Cette tristesse, qui a
parlé comme une sotte femme, a-t-elle pu te persuader que Dieu n'existe pas, ou
que sa providence ne s'étend pas à toutes choses ? Est-ce que tu vas
douter de la foi, toi qui l'as défendue par tant de preuves et tant de raisons ?
Je suis surprise de te voir ainsi accablé par ses discours. Dis-moi, je te le
demande, aurais-tu dans ton cœur commencé à douter de la foi ? Vive Dieu,
et que vive ton âme ! » J'ai répondu : Ô ma mère très douce, je
n'ai pas ressenti le moindre aiguillon de l'infidélité. Car, par la grâce du
Christ, je ne crois pas moins la vérité des réalités de la foi que des réalités
que voient mes yeux de chair. Mais la tristesse m'oppressait tellement que je
me sentais entraîné plus vers le désespoir que vers l'infidélité. Elle
reprit : « Mon enfant, sache qu'un grand don de Dieu t'a été fait.
Car la foi est un don de Dieu, elle ne vient pas des œuvres, afin que nul ne se
glorifie 23. Lève-toi donc, et ne crains pas, mais reconnais plutôt
que le Seigneur ne t'a point délaissé. S'il n'exauce pas tout de suite, ne va
pas désespérer ; s'il diffère, attends-le ; car, venant, il viendra,
et il ne tardera pas 24. Le paysan attend, dans la patience, le temps de la
récolte ; dans les transformations, la nature n'introduit pas tout de
suite la nouvelle forme, mais elle commence par préparer la matière, par la
disposer progressivement, jusqu'à ce qu'elle soit apte à recevoir cette forme.
Sache pourtant que le Seigneur exauce toujours ceux qui prient avec piété et
humilité. Ils ne s'en reviennent jamais à jeun. Faut-il te le prouver, toi qui
l'as éprouvé ? Dis-moi, qui donc a tourné ton cœur de la terre vers
Dieu ? qui t'a poussé à prier ? d'où te viennent la douleur de tes
péchés et les larmes ? qui t'a donné l'espérance ? qui t'a rempli de
joie au temps de l'oraison et après elle ? qui t'a confirmé chaque jour
dans tes saints désirs ? N'est-ce pas le Seigneur qui fait tout en
tout ? S'il ne cesse de t'accorder de tels dons, pourquoi donc cette femme
perverse entre toutes te dit-elle : où sont tes prières ? où sont tes
larmes ? À quoi bon ses blasphèmes ? Ne sais-tu pas que la Jérusalem
du ciel est distincte de notre Jérusalem terrestre ? Ignores-tu qu'il
n'est ni convenable, ni nécessaire, ni même utile que Dieu descende visiblement
aux hommes avec ses anges et ses saints, pour converser familièrement avec
eux ? Ce n'est pas convenable, en raison de la disparité des conditions.
Quelle société, en effet, entre la lumière et les ténèbres ? Les pèlerins
et les bienheureux vont-ils du même pas ? La diversité des cités demande
la diversité des citoyens. Et, sans doute, certains grands saints, touchant
déjà aux bords de la patrie, ont pu voir les anges et leur parler ; mais ce privilège
exceptionnel ne saurait s'étendre à tous. Ce n'est pas non plus
nécessaire ; car si les bienheureux nous conduisent et nous illuminent
invisiblement, à quoi bon les apparitions ? Encore que le Seigneur, dont
la bonté est immense, ne refuse pas d'envoyer des apparitions visibles, quand
il le faut. Car, que pouvait-il faire pour notre salut, qu'il n'ait fait 25 ?
Enfin, ce n'est même pas utile ; car une trop grande familiarité
s'accompagne d'indifférence. De grands et d'innombrables miracles n'ont servi
de rien aux Juifs. Ce sont les choses rares qui sont précieuses. Qu'il te
suffise donc de l'invisible visitation du ciel. Le Seigneur sait ce qui t'est
nécessaire. N'a-t-il pas été ta consolation ? Je sais moi-même ce que tu
as éprouvé dans ton cœur. Lève-toi, retourne à l'oraison. Crie, demande, cherche,
persévère. Si tu n'es point son ami pour qu'il te réponde, il te donnera
néanmoins, à cause de ton importunité, tout ce qui t'est nécessaire 26 !
Alors, consolé par ces paroles, je me redressai, puis, prosterné devant Dieu,
je continuai ma prière en disant :
INCLINEZ VERS MOI
VOTRE OREILLE,
HATEZ-VOUS DE ME DÉLIVRER
Seigneur mon Dieu, je reviens à vous. C'est l'espérance
qui m'y convie, ce n'est pas ma présomption. Votre bonté m'invite, votre
miséricorde me tire, oh quelle dignité ! Je suis dans la joie, je n'ai pas
besoin de quelque autre consolation. Qu'elle est heureuse la nécessité qui me
contraint de venir à vous, qui m'oblige de vous parler, qui me presse de vous
supplier ! C'est donc à mon Dieu que je parle, moi cendre et poussière. INCLINEZ
VERS MOI VOTRE OREILLE ! Mais que dis-tu, ô mon âme ? Dieu aurait-il
une oreille ? serait-il un corps ? Oh ! non : si l'esprit
est tellement au-dessus du corps, quel insensé pourrait-il prêter à Dieu un
corps ? Mais, Seigneur, nous célébrons à notre manière vos magnificences,
en balbutiant 27. Nous vous connaissons par les créatures, et c'est
à travers leurs images que nous parlons de vous et à vous. Qu'est-ce donc,
Seigneur, que votre oreille ? Est-ce peut-être votre connaissance ?
Par l'ouïe, en effet, nous comprenons ce qu'on nous dit ; et, pour vous,
vous connaissez de toute éternité tout ce que disent et pensent les hommes.
Votre oreille serait-elle donc votre connaissance ? Il me semble pourtant
qu'elle signifie quelque chose de plus. Car vous l'inclinez vers les uns et
vous la détournez des autres, tandis que votre connaissance reste immuable.
Qu'est-elle donc, sinon votre connaissance approbatrice ou
désapprobatrice ? Vous inclinez votre oreille, vous écoutez les paroles
des justes et de ceux qui vous plaisent, et vous les approuvez. Vous détournez
votre oreille des paroles des impies, c'est-à-dire de ceux qui ne veulent pas
sortir de l'impiété, car elles vous déplaisent et vous les désapprouvez. Et
quand vous inclinez votre oreille vers ceux qui vous parlent, que faites-vous,
sinon approuver leur demande ? Vous les regardez avec tendresse, vous les
éclairez et les enflammez à vous prier et à vous supplier dans la confiance et
la ferveur de l'amour : car vous êtes désireux de leur accorder ce qu'ils
demanderont avec une humble piété. Si un roi montre un visage amène à quelque
pauvre désireux de lui parler, s'il tourne vers lui ses yeux, s'il l'écoute
avec attention, ce pauvre ne sera-t-il pas réjouie le visage et la
bienveillance du roi ne le rendront-ils pas éloquent et disert ? Ainsi,
Seigneur, nous savons que vous inclinez votre oreille vers nos prières, quand
vous permettez que nous éprouvions dans l'oraison la ferveur du cœur. Je vous
le demande donc, Seigneur, inclinez vers moi votre oreille, approuvez mon oraison,
éclairez-moi, enflammez-moi, dites-moi ce que je dois demander, élevez mon cœur
et exaucez enfin ma supplication.
HATEZ-VOUS de me délivrer, abrégez les jours,
avancez le temps. Inclinez de telle sorte votre oreille que je mérite d'être
exaucé promptement. Pour vous, qui habitez l'éternité, le temps est toujours
bref : l'éternité, tout entière donnée simultanément 28, comprend
en elle et dépasse à l'infini toute l'universalité du temps. Mais pour moi
chaque journée est longue. Car le temps est le nombre du mouvement 29 :
selon qu'on éprouve ou n'éprouve pas le mouvement, on éprouve ou n'éprouve pas
le temps. Mais on éprouve d'autant plus le mouvement qu'on nombre ses parties.
Et moi, qui compte les jours et les heures, j'éprouve intensément le
temps ; et si, pour vous, mille années sont comme le jour d'hier qui a
passé, pour moi un jour est comme mille années qui sont à venir. Hâtez-vous
donc, Seigneur, DE ME DÉLIVRER de
mes péchés et de mes misères. Car la mort se hâte, elle m'attend à chaque
endroit. Hâtez-vous, Seigneur, de peur que, surpris par elle, je ne puisse
trouver le temps de la pénitence 30. Délivrez-moi, Seigneur, de la
main du Malin, tirez-moi des liens du péché, enlevez-moi aux filets de la mort,
retirez-moi du fond de l'enfer, sauvez-moi de l'oppression et de la tyrannie
cruelle de la tristesse, afin que mon âme puisse se lever, se réjouir en vous,
vous bénir tous les jours de sa vie. Que grâces vous soient rendues, Seigneur,
par Jésus mon Sauveur, car, selon la multitude des douleurs qui s'agitent dans
mon cœur, vos consolations ont dilaté mon âme 31. Toujours
j'espérerai en vous, toujours j'ajouterai à vos louanges. Mais vous, Seigneur,
inclinez vers moi votre oreille, hâtez-vous de me délivrer.
Hélas sur moi ! voici de nouveau la tristesse avec
ses armes terribles. La bannière de la justice vient en tête. Une immense armée
la suit, chacun portant en main sa lance ; de toutes parts j'aperçois les
vaisseaux de la mort 32. Malheur à moi, je suis perdu, elle
clame :
« Misérable,
cette espérance t'a trompé. Tu as peiné en vain. Tu as dit : Inclinez vers
moi votre oreille, hâtez-vous de me délivrer. Or, Dieu a-t-il incliné vers toi
son oreille ? ta prière a-t-elle été exaucée ? où est ta libération ?
où est ta consolation ? S'est-il hâté de te secourir ? Tu es encore
dans les chaînes, rien pour toi n'a été changé. Tu penses que la foi est vraie.
Mais peux-tu t'attacher à l'espérance ? Ne sais-tu pas que Dieu est
juste ? Ignores-tu ses justices ? Il n'a pas épargné ses anges.
A-t-il eu pitié d'eux ? Et il n'aura pas pitié. Pour un seul péché, ils
ont été damnés à jamais. Adam a péché et la justice de Dieu s'est abattue sur
tout le genre humain. Crois-tu donc que Dieu aime moins la justice que la
miséricorde ? Les enfants qui meurent dans le péché originel ne verront
jamais la face de Dieu, donc la justice est si sévère qu'ils sont frappés d'une
peine éternelle pour un péché qu'ils ont non pas commis mais hérité, et il n'y
a pas en enfer de rédemption 33. Ne sais-tu plus que Dieu ne
pardonne pas au pécheur ? N'a-t-il pas, au temps de Noé, détruit presque
tout le genre humain 34 ? N'a-t-il pas consumé par le feu Sodome
et les cités voisines, sans que sa justice s'émût même sur les enfants et les
innocents 35 ? Combien de fois a-t-il châtié les péchés des
Juifs ? N'a-t-il pas renversé de fond en comble Jérusalem par la main de
Nabuchodonosor 36 ? Il n'a pas épargné son temple. Et que
s'est-il passé sous l'empereur romain Titus, lorsque les Juifs furent frappés
de calamités si horribles qu'on ne peut les entendre sans frémir ?
Considère combien la justice divine est dure pour eux : les fils sont
punis jusqu'aujourd'hui pour les pères ; voici que les Juifs sont en
servitude sur toute la terre, et, mourant dans leur aveuglement, ils sont
affligés de peines éternelles 37. Penses-tu donc que la miséricorde
soit, en Dieu, plus grande que la justice ? Mais, en Dieu, rien n'est plus
grand ou moins grand. Tout ce qui est en Dieu y constitue sa substance même.
Toutefois, si tu regardes aux œuvres de sa justice et de sa miséricorde, les
œuvres de la justice passent celles de la miséricorde. Dieu lui-même l'atteste,
qui a dit : Il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus 38. Considère le nombre des
infidèles qui se damnent, la multitude des mauvais chrétiens, le petit nombre
de ceux qui vivent droitement, et tu verras à l'évidence que les vases de
justice surpassent de beaucoup les vases de miséricorde : les vases de miséricorde,
ce sont les élus, et les vases de justice, les réprouvés 39. Ne va pas espérer à la pensée de Marie-Madeleine, ou du brigand,
ou de Pierre, ou de Paul. Marie fut seule, le brigand seul, Pierre seul, Paul
seul. Penses-tu pouvoir te ranger parmi ces exceptions, toi qui as commis de si
nombreux et si grands péchés, qui as été un scandale dans l'Église, qui as
offensé le ciel et la terre ? Tes yeux ont versé des larmes, ton cœur a
imploré miséricorde, et la miséricorde n'est pas venue. Tant de prières de ceux
qui te chérissaient, ont-elles été exaucées ? Pourquoi ces échecs, sinon
parce que ta place est parmi les vases de justice ? C'est en vain que ton
espérance t'a tourmenté. Écoute mon conseil : le ciel te repousse, la
terre te rejette ; qui pourrait endurer une telle épreuve ? Il est
meilleur pour toi de mourir que de vivre. Choisis donc la mort et, si elle ne
vient pas, porte les mains sur toi-même ! » Voilà les paroles qu'elle
entassait avec une étrange insistance, et toute la grande voix de son armée lui
faisait écho, en disant : « La mort est ton seul refuge, la mort est
ton seul refuge ! »
À ces mots je tremblai, je tombai la face contre terre, en
disant : Seigneur, aidez-moi, Seigneur, ne m'abandonnez pas ! Ô mon
espérance, à moi ! ô mon espérance, à moi ! Soudain, voici que
l'espérance descendit radieuse du haut du ciel. Elle me toucha au côté, elle me
leva, elle me mit debout, et dit : « Jusques à quand seras-tu un
enfant ? Veux-tu donc toujours rester novice ? Tu as été si souvent
dans la bataille, tu as marché au milieu des ombres de la mort, et tu n'as donc
pas encore appris à combattre ? Ne sois pas troublé de la grande justice
de Dieu. Aie confiance, ô pusillanime 40. Qu'ils craignent, ceux qui
ne se tournent pas vers le Seigneur, qui cheminent sur leurs propres voies, qui
suivent les vanités, qui ne connaissent pas la voie de la paix. Qu'ils
tremblent, les impies, qui pèchent en disant : mais qu'ai-je donc
fait ? qui ne reviennent pas à leur cœur, qui sont appelés et refusent de
répondre, qui ignorent Dieu et refusent de comprendre de peur d'avoir à bien
agir 41. Que dit
l'apôtre, sinon qu'il est effroyable de tomber entre les mains du Dieu
vivant 42 ? Voilà ceux que la justice de Dieu atteint,
voilà ceux qu'elle frappe. Mais pour les pécheurs qui, revenus à eux, se
lèvent, courent au Père des miséricordes, et disent : Père, j'ai péché
contre le ciel et contre vous 43, ayez pitié de moi qui suis un pécheur 44, qu'ils
s'abandonnent à Dieu, car celui-même qui les aura attirés les accueillera pour
les justifier. Cette tristesse qui s'acharne contre toi, qu'elle amène un seul
pécheur, si misérable qu'il soit, qui, s'étant tourné vers le Seigneur,
n'aurait pas été accueilli et justifié pas lui. Et s'il est écrit d'Ésaü qu'il
n'y a pas eu pour lui de bénédiction, bien qu'il l'eût demandée avec larmes,
c'est qu'il pleurait non les péchés qu'il avait commis, mais les biens
temporels qu'il avait perdus sans retour 45. Et ne pense pas que la
justice frappant les impies soit sans miséricorde, ni que la miséricorde
visitant les justes soit sans justice 46. Car toutes les voies du
Seigneur sont miséricorde et vérité 47. Il est miséricordieux envers
les pécheurs, leur donnant les biens temporels en échange du bien qu'ils font
ici-bas, et les punissant, dans l'au-delà, en deçà de ce qu'ils méritent. Il
est juste envers les élus, les exerçant temporellement ici-bas, de crainte
qu'ils ne soient gardés pour les peines éternelles. Toi donc, attends pour le
moment le Seigneur dans la patience : tu as péché, fais pénitence, heureux
que la faute te soit remise par sa grâce. Mon fils, ne méprise pas la correction
du Seigneur, et n'aie pas d'aversion pour ses châtiments ; car Dieu châtie
celui qu'il aime 48, il éprouve tous ceux qu'il agrée pour fils.
Persévère dans l'épreuve, Dieu te traite comme un fils. Si, en comparaison des
réprouvés, on peut dire qu'il y a peu d'élus 49, cependant ils sont
innombrables ceux qui sont sauvés. Ce n'est point l'unique Marie-Madeleine,
l'unique brigand, l'unique Pierre, l'unique Paul : des foules ont suivi
leurs traces sur les voies de la pénitence, elles ont été accueillies par le
Seigneur, elles ont été comblées des dons multiples et profonds de la grâce. Et
il n'est pas vrai que, dans les œuvres de Dieu, la miséricorde paraisse moins
que la justice : elle prévient les justes de si grands biens, que ses
effets passent incomparablement ceux de la justice. Ne sais-tu pas que la terre
est pleine de la miséricorde du Seigneur 50 ? Y a-t-il une
créature qui puisse se glorifier de quoi que ce soit qu'elle ne l'ait reçu de
la miséricorde ? Même si tu as gravement offensé Dieu, sa miséricorde est
plus vaste que tous les péchés du monde ; que ne te troublent ni la
multitude ni la gravité de tes péchés. La miséricorde n'est-elle déjà pas
accourue au-devant de toi ? n'est-elle pas venue pour t'embrasser ? Tu
es tombé, en effet, et tu n'as pas été brisé : pourquoi ? ne
serais-tu pas un vase fragile qui se casse nécessairement lorsqu'il tombe, à
moins qu'on ne le retienne de la main ? Pourquoi donc, étant tombé,
n'as-tu pas été brisé ? qui donc a avancé la main ? qui donc, sinon
le Seigneur ? Voilà le signe merveilleux de ton élection. Quand un élu
tombe, il n'est pas brisé, car le Seigneur le retient de sa main 51.
L'apôtre n'a-t-il pas écrit que, pour ceux qui aiment Dieu, tout concourt
à leur bien 52 ? Tellement que le péché même tourne à leur
bien ! Est-ce qu'une chute ne les rend pas plus humbles et plus
circonspects ? et le Seigneur n'accueille-t-il pas le pécheur que
l'humilité envahit ? Tu as aimé le Seigneur pendant des années, tu as travaillé
pour son amour ; puis voici que tu as élevé ton cœur pour marcher dans la
vanité de tes pensées 53 : le Seigneur a retiré sa main, tu es
tombé, tu as coulé au fond de la mer. Mais aussitôt le Seigneur, dans sa
condescendance, a avancé sa main, et tu n'as pas été brisé. Dis avec le
psalmiste : on m'a poussé, on m'a renversé pour me faire tomber, mais le
Seigneur m'a secouru 54. Il en va autrement des impies que le
Seigneur a réprouvés. S'ils tombent, ils ne font plus d'effort pour se
relever : ou bien ils excusent leurs fautes avec une souveraine
hypocrisie ; ou bien ils arborent un front de courtisane 55, ne
craignant plus Dieu, et ne révérant plus les hommes. Lève-toi donc, et aie bon
courage ; sois fort et résistant 56 ; attends le Seigneur,
sois viril, affermis ton cœur, espère en Dieu 57. Tu as vu, à l'épreuve,
combien ton courage est faible : humilie-toi sous la main puissante de
Dieu, et sois dorénavant plus prudent. La patience t'est nécessaire, prie sans
cesse, et le Seigneur t'exaucera en temps voulu. Lève-toi, dépouille
toute tristesse, embrasse les pieds du Seigneur, il sera ton salut et ta délivrance ».
Ayant dit ces mots, elle fut ravie au ciel, me laissant merveilleusement
conforté et consolé. Aussitôt, docile de tout mon cœur à ses paroles, je me
présentai devant Dieu, et prosterné aux pieds de mon Sauveur, je dis avec
confiance :
SOYEZ POUR MOI UN
DIEU PROTECTEUR 58,
ET UNE DEMEURE DE REFUGE,
AFIN DE ME SAUVER
Vous êtes, ô Dieu, grand et puissant par-dessus tous les
dieux, vous êtes le Rédempteur et le Sauveur du monde, vous êtes le PROTECTEUR de
vos fidèles : je viens à vous avec confiance. C'est l'espérance qui me
conduit. Vous l'aimez avec une suprême tendresse, vous ne cessez de nous faire
son éloge : j'ose avec elle me présenter devant vous. Je le sais, j'en
suis indigne, mais elle m'a tiré ; je craignais de me mettre en route à
cause de mes crimes innombrables, mais elle m'a rendu la confiance. La voici
devant nous, qu'elle témoigne ! Je vais parler à mon Seigneur, moi, chair
et péché. Elle m'instruit, elle me pousse à oser ouvrir la bouche. Le Seigneur,
dit-elle, est doux, il ne te repoussera pas, il ne s'irritera pas, il écoutera
avec bienveillance, il t'accordera toutes tes demandes. J'ai cru en elle, et
c'est pourquoi j'ai parlé. Mais, à la vue de votre Majesté, j'ai été humilié à l'excès. J'ai
dit dans mon abattement : tout homme est menteur. À jamais je mettrai ma
confiance non pas dans l'homme, mais en vous. Vous êtes seul fidèle dans toutes
vos paroles, alors que tout homme est menteur. Que vous viendrai-je, Seigneur,
pour tous vos bienfaits ? Je recevrai la coupe du salut : vivant non plus pour moi mais
pour vous, répandant le bien pour l'amour de vous, supportant tous les maux. La
force de le faire, ce n'est pas en moi que je la trouverai. Mais j'invoquerai
le nom du Seigneur, j'accomplirai mes vœux en présence de tout son
peuple : car elle est précieuse aux yeux de Dieu la mort des saints 59. Soyez donc pour moi un Dieu protecteur, défendez-moi contre mes
ennemis. Mes ennemis, ce sont mes péchés, qui irritent votre justice contre moi.
Je ne pourrai subsister devant elle sans votre protection. Que votre
miséricorde, Seigneur, me défende ; couvrez-moi du bouclier de votre bienveillance
60. Que pourrais-je offrir pour calmer
le courroux de votre justice ? tout ce que je suis m'accuse ! C'est
vous que j'offrirai, Seigneur. Ne vous irritez pas, mon Dieu, mais soyez-moi un
Dieu protecteur ; gardez-moi sous vos ailes, que votre ombre me couvre et,
caché sous vos bras, j'espérerai 61. Que pourra me faire votre justice,
si vous me prenez sous votre protection ?
Elle se taira, elle rangera son glaive, elle s'adoucira.
Voyant la tendresse de votre incarnation, les blessures de votre passion, le
sang de votre amour, elle s'éloignera de moi, et dira : ô enfant, sois
heureux, voici que tu m'as prévenue ; reprends tes forces, endors-toi dans
la paix, et repose 62.
Soyez donc pour moi, Seigneur, un Dieu protecteur, ET UNE DEMEURE DE REFUGE, afin qu'au
temps des pluies, des orages et des tentations, je vienne m'abriter auprès de
vous ; car en vous seul est mon secours. Soyez-moi une demeure de refuge,
ouvrez-moi votre côté percé par la lance, afin que pénétrant dans le cœur de
tant d'amour, je sois guéri de la pusillanimité de l'esprit et sauvé de la
catastrophe. Abritez-moi dans votre tente ; au jour de l'adversité,
cachez-moi dans le secret de votre tabernacle.
Que la demeure de mon refuge soit votre ineffable douceur :
AFIN DE ME SAUVER. Comment, dans
une telle demeure, ne pas être sauvé ? Vous avez placé votre refuge
au-dessus de tout, c'est un lieu fortifié, nul ennemi n'y accède. Puissé-je y
demeurer toujours, hors de toute atteinte. Quand viennent les tentations, les
tribulations, les besoins de toutes sortes, ouvrez-moi, Seigneur, la maison de
votre refuge, faites-moi sentir l'amour de votre cœur, manifestez les
entrailles de votre miséricorde, afin de me sauver. Ni la tentation, ni la
calomnie, ni la délation ne pourront m'y rejoindre. Alors je serai en sûreté.
Maintenant déjà, il me semble être en sûreté. Je vous rends grâces, ô bon
Jésus, de m'avoir envoyé votre espérance, qui m'a tiré de la poussière, sorti
du fumier, et conduit à vous, afin que vous soyez pour moi un Dieu protecteur
et une demeure de refuge, et que vous me sauviez.
Mon âme s'est troublée. Voici de nouveau la tristesse
portant la bannière de la justice. Elle recommence la bataille d'hier, mais
avec d'autres moyens. Elle est venue cette nuit m'arracher mes armes pour les
donner à ses soldats. Que ferai-je désarmé et infirme ? Quelle arrogance
dans ses cris, quelle violence dans son attaque, quelle confiance en sa
victoire ! « Où est donc, dit-elle, ton protecteur ? où la
maison de ton refuge ? où le salut ? Tu persistes encore dans ta
vaine confiance ? Tu te consoles avec des imaginations, tu te forges un
Dieu propice, qui serait pour toi un protecteur et une demeure de refuge, tu
penses déjà être monté au ciel. Tu n'es que le jouet de tes rêves, tu te berces
d'une vaine espérance. Aurais-tu, toi aussi, été ravi au troisième ciel ?
Que de songes ! Rappelle-toi, je t'en prie, la gravité de l'ingratitude.
Est-ce qu'elle ne dessèche pas la fontaine de miséricorde ? Le Sauveur a
pleuré sur la cité de Jérusalem, il lui a prédit ses malheurs : viendront
sur toi des jours où tes ennemis t'environneront de tranchées, t'investiront et
te serreront de toutes parts ; ils te renverseront par terre, toi et tes
enfants qui sont dans ton sein, et ils ne laisseront pas dans ton enceinte
pierre sur pierre 63. Et la cause de tous ces maux, il ne l'a point tue :
parce que, ajoute-t-il, tu n'as pas connu le temps où tu avais été visitée.
Vois donc ce qui est dit de l'ingratitude : non seulement elle prive de
toute récompense, mais elle attire les pires châtiments. Ne sera-ce point vrai
de ton âme ? Jérusalem, dans l'Écriture, c'est l'âme humaine. Refuse-t-elle
de connaître la visite du Seigneur, elle est environnée et serrée par les
démons et les tentations, elle tombe à terre, elle est renversée, et il ne
reste plus en elle aucune vertu ni aucune œuvre bonne qui ne soit détruite.
Toute grâce l'abandonne. Et désormais elle ne sera plus restaurée, pour avoir
méconnu le temps où elle avait été visitée. Cette cité que Dieu a comblée de
tant de si précieux bienfaits, c'est toi. Tu n'as pas su comprendre, tu t'es
montré ingrat, il t'a créé à son image ; il t'a fait naître au sein de son
Église, non en terre des infidèles. Il t'a donné pour patrie une cité fleurie 64.
Il t'a sanctifié par l'eau du baptême, il t'a fait grandir dans une maison
religieuse. Mais toi, tu as couru après tes rêves, tu as marché dans la vanité
de tes pensées 65, tu as sombré dans les péchés. Le Seigneur t'appelait,
tu ne répondais pas ; il t'avertissait, tu négligeais ses conseils.
Combien de fois t'a-t-il illuminé, tourné vers son propre cœur, arraché au
sommeil ? Il t'invitait, mais tu t'excusais ; il te tirait, mais tu
résistais. Puis, un jour, sa douceur ineffable et sans bornes a triomphé de
toi : tu avais péché, il vint te visiter ; tu étais tombé, il te
releva ; tu avais vécu dans l'ignorance, il t'instruisit ; tu avais été aveugle, il t'éclaira. C'est alors qu'il te
fit passer de la tumultueuse tempête du monde au port tranquille de la vie
religieuse : il te donna le saint habit, il fit de toi son prêtre, il te
mit à l'école de sa sagesse. Tu ne répondis que par l'ingratitude, on te vit
négligent dans l'œuvre de Dieu, alors qu'il est écrit : Maudit celui qui fait
mollement l'œuvre de Dieu 66. Pourtant la bonté divine ne
t'abandonna pas encore, elle voulut te conduire plus avant : elle
t'instruisit, don suprême, dans la science des Écritures, elle mit dans ta
bouche la vertu de la prédication, elle te plaça, comme les grands hommes, au
milieu de la foule. Qu'arriva-t-il Tu enseignas les autres et te négligeas
toi-même ; tu travaillas à guérir autrui, non à te sauver. Ton cœur s'est
élevé à cause de ta beauté, et tu as perdu ta sagesse par l'effet de ta
splendeur 67. Tu as été réduit à rien 68, et pour
l'éternité tu ne seras rien. Ignores-tu que le serviteur qui connaît la volonté
de son seigneur et qui ne la fait pas, recevra un grand nombre de coups 69 ?
Ignores-tu que Dieu résiste aux orgueilleux ? Comment es-tu tombé du ciel,
astre brillant, fils de l'aurore, toi le destructeur des nations, qui disais en
ton cœur : Je monterai jusqu'au ciel ! Mais te voilà descendu au
sombre séjour, dans les profondeurs de l'abîme. Les vers sont ta couche et la
vermine ta couverture 70.
Espères-tu trouver miséricorde, après
tant de scandales et tant de résistances aux appels divins ? Qu'en
serait-il de la justice de Dieu et de l'équité de ses jugements ? Et
n'imagine pas que la miséricorde réponde toujours au pécheur. Elle a des
limites. N'est-il pas écrit : Puisque j'appelle et que vous
résistez, puisque j'étends la main et que personne n'y prend garde, puisque
vous abandonnez tous mes conseils et que vous n'aimez pas mes réprimandes, moi
aussi je rirai quand vous serez dans le malheur, je me moquerai quand viendra
sur vous l'épouvante 71 ? Ainsi, la
miséricorde ne pardonne pas toujours. Ne vois-tu pas que pour toi aussi elle a
une limite ? Pourquoi donc, honoré d'abord de tant de bienfaits divins,
serais-tu tombé au fond de la mer ? pourquoi donc, comblé d'abord de tant
de grâces, serais-tu devenu, par ton orgueil et ton désir de la gloire, un
scandale pour l'univers ? Ne te laisse pas séduire par la vanité de
l'espérance. Vis en homme libre. Ne te tourmente ni des peines présentes, ni de
celles de l'autre vie. Mêle-toi à ceux qui passent leurs jours dans l'abondance
et qui sans plus descendent au tombeau. Pourquoi rougir ? Fais-toi un
front de courtisane 72. Mangeons et buvons, car demain nous mourrons
73. Ton cas est désespéré, tes plaies inguérissables ». Tandis
qu'elle achevait ce discours, son armée entière se mit à hurler d'une manière
terrifiante en reprenant ses paroles : « Ton cas est désespéré, tes
plaies inguérissables ».
Alors, me souvenant des recommandations de ma mère, et
bien qu'ébranlé dans mon cœur, je me mis debout sur mes pieds, et je levai les
yeux vers le ciel, pour que vînt le secours. Et voici que l'espérance, le
visage souriant, environnée des splendeurs célestes, descendit des hauteurs et
dit : « Quelle est donc celle-ci qui enveloppe ses pensées de
discours sans intelligence 74, qui veut mettre des bornes à la
miséricorde, qui pense limiter l'infini, et croit pouvoir tenir la mer dans ses
mains ? N'as-tu pas entendu la parole du Seigneur : Au jour où le pécheur se repentira, de
toutes les transgressions qu'il aura commises je ne me souviendrai plus 75 ?
Où est l'homme qui n'a pas péché ? Qui peut dire : mon cœur est
pur ? Tous n'ont-ils pas à dire, dans l'Oraison dominicale : Remettez-nous nos dettes 76 ?
N'est-ce pas aux apôtres que le Seigneur ordonne de prier ainsi ? Et bien
qu'ils eussent reçu les prémices de l'Esprit, le Seigneur leur eût-il donné
cette prière s'ils eussent été sans péché ? Qui donc pourra se glorifier
de ne pas être parmi les pécheurs ? Entends le disciple bien-aimé du
Seigneur : Si nous disons que nous
sommes sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est point en
nous 77. Entends l'apôtre Jacques : Nous péchons tous en beaucoup de choses 78. Tous ont
donc péché 79 et les plus saints des enfants de Dieu ont besoin de
la miséricorde divine. Il est encore écrit : Le juste tombe sept fois le
jour, et il se relève 80, La miséricorde n'a donc pas de bornes et,
chaque fois que le pécheur se repent, la voici qui vient, qu'il soit question
de petits ou de grands péchés. Tu as failli, relève-toi, la miséricorde
t'accueille ; tu es tombé, crie, et la miséricorde accourt. Tu as de
nouveau failli, tu es de nouveau tombé, tourne-toi vers le Seigneur : il
te recevra avec des entrailles de bonté. Tu as failli, tu es tombé une
troisième et une quatrième fois, pleure ta faute, la miséricorde ne te
délaissera jamais. À chaque chute relève-toi, et la miséricorde n'aura pas de
fin. Pourquoi donc, ô tristesse, la pire des femmes, lui reprocher les
bienfaits reçus ? Le plus grand des prophètes, David, n'a-t-il pas été
l'objet de nombreux et précieux bienfaits, et ne fut-il pas un homme selon le
cœur de Dieu 81 ? Cependant il tomba dans de lourds péchés,
l'adultère et l'homicide d'un homme juste et innocent. Malgré cela, Dieu
n'arrêta pas sa miséricorde à son égard. Et pourquoi donc te rabattre sur le
péché d'orgueil ? David encore n'a-t-il pas élevé son cœur, lorsqu'il entreprit
le dénombrement d'Israël, pour s'enorgueillir de la grandeur et de la puissance
de son royaume 82 ? Et cependant il ne fut pas réprouvé, car ni
il ne dissimula son péché, ni il n'en tira gloire comme Sodome, mais il
s'écria : Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur 83. Ainsi donc, ce
n'est pas la miséricorde qui a des bornes ; ce sont les réprouvés qui
dressent eux-mêmes des barrières pour qu'elle ne parvienne plus à les
rejoindre. Elle vient jusqu'à eux, et ce sont eux qui la refoulent. C'est
pourquoi il est écrit : Ta perte
vient de toi, ô Israël ; mais c'est de moi seul que vient ton secours 84.
Ouvre ta bouche, dit la miséricorde, et je la remplirai ; déploie ton cœur
et je te donnerai une bonne mesure, pressée et débordante 85.
« Persiste dans les prières et dans les larmes, car
Celui qui a commencé de t'aimer, et d'exciter ton amour par ses bienfaits et
ses grâces, ne te fera pas défaut, il achèvera son œuvre 86. Est-ce
que les causes naturelles s'arrêtent au milieu de leur cours ? est-ce que
la force du germe ne conduit pas le fruit jusqu'à sa perfection ? Quels
oiseaux abandonnent leurs petits avant qu'ils puissent se suffire ? et
d'où leur vient cette sollicitude ? en retirent-ils quelque
avantage ? Aucun, ils n'y trouvent que de la peine. Ainsi il y a un amour
qui pousse les causes naturelles à conduire à chef leurs effets, elles y sont
portées par le bien qu'elles désirent répandre au dehors, car le bien, en
effet, est diffusif de lui-même. Si telles sont les créatures, que ne fera pas
le Créateur ? Il est l'Amour, il est la Bonté infinie.
Ne conduira-t-il pas son ouvrage jusqu'à la
perfection ? Entends le Seigneur Jésus te dire : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et
d'accomplir son œuvre 87. Celui donc qui a commencé de t'aimer,
de t'attirer par ses bienfaits et par ses grâces, de te purifier de tes péchés,
accomplira sans aucun doute son œuvre : car ce sont là autant de
préparations de la vie éternelle. Pourquoi, en tombant, n'as-tu pas été brisé ?
N'est-ce point parce que le Seigneur a avancé sa main ? Et pourquoi
l'a-t-il fait ? Pourquoi a-t-il tourné ton cœur vers lui ? pourquoi
t'a-t-il provoqué à la pénitence ? pourquoi t'a-t-il consolé ?
N'est-ce pas pour te purifier, te réhabiliter par sa grâce, te conduire à la
vie éternelle ? Ce ne sont point là des illusions ou des imaginations
forgées par toi, ce sont de divines inspirations. Même si c'étaient des
imaginations, ne seraient-elles point bonnes ? ne viendraient-elles pas de
la vertu de foi ? Si tout bien sort de Dieu, ces imaginations seraient de
divines illuminations. Que ces paroles te réjouissent ! »
À ces mots, mon cœur fut tellement consolé que, ne pouvant
plus retenir ma joie, je commençai de chanter : Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrais-je ? Le Seigneur est le protecteur de ma vie,
de qui aurais-je peur 88 ?
Et me jetant en larmes aux pieds du Seigneur,
j'ajoutai :
ô Seigneur,
quand ils dresseraient contre moi leurs camps, mon cœur ne serait pas ébranlé,
CAR VOUS ÊTES MA FORCE ET MON REFUGE,
ET, À CAUSE DE VOTRE NOM,
VOUS ME CONDUIREZ ET ME NOURRIREZ…...
Savonarole, in Dernière
méditation
Traduction et présentation par
Charles Journet
1.
Ps 31 (30).
2. Lc 23 46.
3. « Cette paraphrase fut, elle aussi,
imprimée de bonne heure. AUDIN DE RIANS,
129-134, mentionne une édition latine et quatre italiennes parues avant
15o0. Les éditions successives, où on l'a jointe à la méditation sur le Miserere
sont encore plus nombreuses. Voici le titre de la première édition : Expositio
vel meditatio fratris Hyeronimi Savoranole de Ferr. ord. sacri praed. in
psalmum In te Domine speravi, S. L. A. » Schnitzer, t. II, p. 165.
4. Ps 91 (90) 9. L'hébreu porte : « Tu as
fait du Très Haut ton asile ».
5. Is 58 1.
6. Mot de saint JEAN DAMASCÈNE, De fide orth., livre
I, chap. IX, cité par saint THOMAS, I, qu. 13, a. 11.
7. He 4 13.
8. Ps 146 (145) 3.
9. Cf. Pr 21 1.
10. Ps 91 (90) 14.
11. Ps 4 6.
12. Ps 45 (44) 3.
13. 2 Co 4 18.
14. 1 Co
2 9.
15. 2 Co 12 9.
16. Ps 90 (89) 4.
17. Rm 3 20.
18. Cf. Tt 2 11.
19. Rm 3 28. — Cf. le Commentaire de saint THOMAS :
« Nous savons, nous les apôtres, qui avons reçu la vérité du Christ, que
tout homme quel qu'il soit, Juif ou Gentil, est justifié par la foi : c'est
par la foi, est-il dit, Ac 15 9, que Dieu a purifié leurs cœurs. Et
cela, sans les œuvres de la loi, à savoir non seulement sans les œuvres
qui consistent dans l'accomplissement des préceptes cérémoniels de la
loi ancienne, car ces cérémonies signifiaient la grâce sans pouvoir la
conférer ; mais aussi sans les œuvres consistant dans l'accomplissement
des préceptes moraux, selon ce qui est écrit, Tt 3 5, que Dieu nous a sauvés, non
à cause des œuvres de justice que nous faisions, mais à cause de sa
miséricorde. De telle sorte, pourtant, que l'apôtre entende que nous sommes
justifiés sans les œuvres qui précèdent la justice ; mais non pas sans
les œuvres qui la suivent, car il est écrit, Jc 2 26, que la foi
sans les œuvres est morte ».
20. Jn 10 1
21. Jb 22 14.
22. Ps 14 (13) 1.
23. Ep 29
24. Ha 2 3.
25. Cf. Is 5 4.
26. Lc 11 8.
27. Mot de saint GRÉGOIRE, Morales, livre V, chap. XXXVI,
cité par saint THOMAS, I, qu. 4, a. 1, ad 1.
28. « La possession parfaite, totale et simultanée,
d'une vie sans terme » : cette définition de l'éternité par BOECE, De
consolatione, livre V, prose 6, est expliquée par saint THOMAS, 1, qu. 10,
a. 1.
29. C'est la définition d'ARISTOTE, Phys., livre
IV, chap. XI
30. Répons du Mercredi des Cendres.
31. Ps 94 (93) 19.
32. Ps 7 14. L'hébreu porte : « des
traits meurtriers ».
33. Les enfants morts sans baptême sont privés
éternellement de la vision béatifique, le Sauveur ayant dit : « Nul,
s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de
Dieu » (Jn 3 5). Mais cette
vision est un bien purement gratuit. Rien ne leur manquera de ce qui est
dû à leur nature. Il est
certain qu'ils n'éprouveront point la peine du sens. Et, pour ce qui est de la
privation de la vision divine, elle n'aura pas du tout la même signification
pour eux, qui n'ont jamais refusé la grâce, que pour les adultes qui lui auront
volontairement fermé leur cœur.
34. Gn 7.
35. Gn 19 23.
36. 2 (4) R 25.
37. Certains avaient fabriqué au
moyen âge une théorie juridique d'après laquelle la chrétienté, qui devait
prendre la succession de l'empire romain, avait triomphé des Juifs par les
armes, en la personne de l'empereur Titus. Cette théorie et d'autres pareilles,
qui nous apparaissent comme aussi injustes qu'apocryphes, autorisait les
princes à considérer les Juifs comme juridiquement réduits à l'état de servage.
Cf. L'Église du Verbe incarné, Paris, 1943, t. I, p. 291. En outre, il
est clair que les Juifs, tout comme les Gentils, pouvaient être de bonne foi
et, même sans le savoir, appartenir mystérieusement à la véritable Église, qui est
le corps du Christ.
38. Mt 20 16 ; 22 14. Tous sont appelés, mais tous ne sont pas élus.
Ailleurs, Mt 7 14, il est dit que la voie de la vie est
étroite ; et celle de la perdition, large. Et, en effet, le monde semble
bien peu soucieux des choses du royaume. Mais, d'autre part, nous savons que la
bonté de Dieu est infinie. En sorte que, pour la question du nombre des élus,
notre foi débouchera toujours sur l'inconnu.
39. Cf. Rm 9 23.
40. Cf. Is 35 4.
41. Ps 36 (35) 4, vulgate.
42. He 10 31.
43. Lc 15 31.
44. Lc 18 13.
45. Gn 27 ; He 12 17.
46. Même doctrine chez saint THOMAS, I, qu. 21, a. 4, ad 1.
47. Ps 25 (24) 10. En hébreu : miséricorde et
fidélité ».
48. Pr 3, 11
49. Voir
plus haut, note 38.
50. Ps 33 (32) 5.
51. Ps 36 (37) 24.
52. Rm 828.
53. Ep 4 17.
54. Ps 118 (117) 13.
55. Jr 3 3.
56. Jos 1 6
57. Ps
27 (26) 24.
58. Hébreu : « Soyez pour moi
un rocher protecteur, une forteresse où je trouve mon salut » Ps 116
(115) 10 et suivants.
59. Ibid.
60. Ps 5 13.
61. Ps 91 (90) 4.
62. Ps 4 9.
63. Lc 19 43.
64. « Florida », Florence, sa patrie
d'élection ; ou Ferrare, sa ville natale.
65. Ep 4 17.
66. Jr 48 10.
67. Ez 28 17.
68. Jb 30 15, vulgate.
69. Lc 12 47.
70. Is 14 11 et suiv.
71. Pr 1 24.
72. Jr 3 3.
73. Is 22 13.
74. Jb 38 2, vulgate...
75. Ez 18 22.
76. Mt 6 12.
77. 1 Jn 1 8.
78. Jc 3 2.
79. Rm 3 23.
80. Pr 24 16.
81. 1 S (R) 13 14.
82. 2 S (R) 24 1o.
83. Ps 32 (31) 5.
84. Os 13 9. Suivant l'hébreu : « Ce qui
te perd, Israël, c'est que tu es contre moi, contre celui qui est ton secours ».
85. Lc 6 38.
86. Ph 1 6.
87. Jn 4 34.
88. Ps 27 (26)
1.