Depuis combien de jours, de semaines,
avons-nous pris la piste ? Procession haletante de pénitents en loques,
charriant ses brancards, ses moribonds, ses plaintes, ses jurons, les sangsues,
le palu, la faim, la soif, les anophèles, le scorbut et plantant ses croix au
bord du chemin.
Un matin, Prosper nous a rassemblés.
Hô Chi Minh avait décidé de notre départ, la nuit même.
— La marche sera longue. Ceux qui ne
pourront pas suivre resteront sur la piste. Rien ne doit entraver notre route.
Toute la journée, nous avons
construit des brancards pour nos blessés, préparé les perches de bambou pour
suspendre ces fûts d'essence sciés en deux qui servent à cuire le riz. Nous
avons réuni notre bien. Si démuni soit-il, l'homme traîne toujours derrière lui
l'objet ou la harde qui n'a de prix que pour son instinct de propriété.
Maintenant, nous avançons dans les
glauques cathédrales de la jungle. Bruissantes, craquantes, bourdonnantes,
vénéneuses et perfides. Parfois, quand nous passons, s'envole un oiseau
mystérieux dont la légende dit que le cri annonce la mort. Pourquoi cela nous
effraierait-il ? Les blessés sont trop occupés à souffrir, et nous à
peiner sur ce chemin sans fin, sous les cris stridents des bo-dois 1. La chaleur nous accable et la fraîcheur
nous guette, porteuse de palu. Nous marchons la nuit pour échapper à la
reconnaissance aérienne. À la clarté de hautes torches faites d'un brûlot de
résineux, coincé dans une hampe de bambou. Diolé et Ahmed vont d'un brancard à
l'autre, impuissants, accablés, palpant d'un geste machinal les pansements qui
s'infectent et les plaies qui se rouvrent dans les secousses de la civière. Les
civières sont portées par les plus valides ; des plateaux faits de
lamelles de bambou entrelacées, fixés à deux perches, pesant sur quatre
épaules. Quand la piste s'étrangle, il faut changer de système. Faire passer le
blessé dans un hamac de fortune accroché à une unique perche. Deux hommes le
transportent, comme un fauve capturé.
Nous devons marcher ou crever.
Beaucoup meurent. Nous les enterrons sans linceul, dans un trou hâtivement
creusé, comme on plante une graine. Des croix balisent notre calvaire.
Parfois, coupant la piste, l'eau
noire d'un arroyo, croupissant entre des ajoncs, dans une odeur putride.
Certains affolés par la soif, se précipitent pour boire à perdre haleine, le
visage plongé dans cette pestilence. Le miracle, c'est que tous n'en meurent
pas.
La nuit dernière, nous avons croisé
une colonne de ravitailleurs du Viêt-minh, qui rejoignait le front. Il a fallu
nous effacer, pour céder le passage. Vieillards, femmes, adolescents, enfants
aussi, flottant dans leurs blouses, et leurs ké-kans 2 noirs, certains retenant leurs shorts par
une ficelle, coiffés du cône tonkinois, ou le front serré dans une serviette
éponge, ce menu peuple trottait dans la nuit. Charriant vivres et munitions,
par centaines de kilos. Ils marchaient depuis combien de temps, pieds nus sous
le balancier, ou traînant des vélos rouillés ? D'une allure étrangement
légère et sautillante. Presque gaie. Comme si le Viêt-minh narguait jusqu'aux
lois de la physique. Ces fourmis brunes et noires attendent la nuit pour
sillonner les chemins détournés qui mènent à leur combat, en chantant d'une
voix aigrelette, des refrains patriotiques.
Dépêchons-nous ; notre pays est
perdu,
nous ne pouvons le laisser ainsi ;
cette haine, nous la repoussons.
Marchons sur le chemin du sang,
nos montagnes et nos rivières
de nouveau brilleront...
Peuple ! Réunissons nos forces !
Debout !
Ils nous croisent sans un regard.
Nous sommes ceux qui devraient être morts, les hôtes forcés du vaillant peuple
vietnamien. Simplement, leur chant se cabre et leur démarche s'accélère. Avant
de charger leurs balanciers, leurs bicyclettes, un commissaire politique a dû
leur fouetter l'âme de Doc-Lap 3
vibrants. Ils savent pourquoi ils trottent, pourquoi ils peinent,
pourquoi ils meurent. Et nous ? Qu'avons-nous à répondre ? Spectres
exténués, épaves du grand jeu de la riflette, à l'heure où l'Occident dit
pouce.
Dans cette parcelle de jungle, à la
lueur des torches, deux mondes se croisent, les yeux ailleurs.
* * *
Nous avons dû nous éloigner de la
zone des combats. Prosper nous annonce que désormais les marches s'effectueront
de l'aube au crépuscule, non plus du crépuscule à l'aube. Bon prince, il nous
octroie deux journées de repos. Le bivouac s'organise en forêt, à proximité
d'un torrent qui chute d'une haute faille calcaire, et creuse, au pied de la
falaise, un lac qui nous semble merveilleusement cristallin, avec ses
transparences frémissantes sur fond de gravier clair et de sable fin. Autour,
c'est l'ombre étale de superbes banians, de fromagers et de tamariniers. Petite
forêt bruissante, accessible au soleil, découpant sur le ciel tout un graphisme
de feuillages.
C'est assez pour que blessés et
valides reprennent soudain goût à la beauté du monde. Nous avons glané du bois,
allumé un feu, disposé tout autour nos civières, en épis, et fait bouillir de
l'eau, sur-le-champ. Diolé et Ahmed libèrent les plaies, stérilisent les
pansements lavés au préalable par des samaritains qui utilisent la cendre comme
détergent. Les blessés qui ne sont pas perdus dans leur délire se laissent
gagner par ce relatif bien-être.
Les hommes valides ont laissé tomber
ce qui leur reste de shorts et de liquettes, et s'ébrouent dans le lac. Le
contact de l'eau fraîche leur arrache des grognements de plaisir et les incite
à des jeux enfantins. Ils alternent baignade et lessive.
Les bo-dois eux-mêmes sont sensibles
à cette trêve. Ils ont installé les « cuisines » près du torrent, et
on peut les voir rire dans la vapeur de leurs chaudrons de riz.
Jusqu'aux consignes qui fléchissent.
Nous escortant, Vergez, Walter et moi, dans une corvée de ramassage de bois, un
petit bo-doi saisi par la douceur du temps et la beauté du paysage, m'a soudain
poussé du coude, les yeux étirés dans un sourire béat :
— Camarade, dit-il, en baissant la
voix, moi c'est content, dans la forêt. Au front, c'est moi être contre la
guerre. Ici, c'est moi me foutre de la guerre !
Sur cette sylvestre autocritique, il
a reniflé avec conviction en hochant la tête. Les Tu-Binhs 4 que nous sommes ont éclaté de rire.
Comment lui expliquer que cette confession mettait un point d'orgue à la
miraculeuse insouciance du moment. Que ce bo-doi avec son flingue en
bandoulière, et nous avec nos brassées de bois sec, nous nous retrouvions
soudain égaux, dans une joie d'exister, bien proche de la grâce.
* * *
Diolé s'inquiète. Un légionnaire
vient de mourir dans des douleurs épouvantables.
— Accès pernicieux. Il risque d'y en
avoir d'autres. Ils boivent n'importe quelle eau, se foutent des consignes.
Tout est impaludé. Nous avons des organismes délabrés. À ce petit jeu, nous
planterons nos croix à tous les tournants de la piste.
Je décide de parler aux gars. Nos
deux jours de repos s'achèvent. Nous reprendrons la piste demain. J'envoie
Walter, Moktar et Ahmed prévenir les groupes que le Padre veut les réunir, ce
soir, près des cuisines, et des blessés. Ils auront plus chaud. Ceux des
civières pourront aussi assister à la veillée. J'alternerai prières et examen
de conscience.
Ils ne se font pas attendre. Près
d'une centaine.
Assis sur des rochers, des branches
basses ou à la turque sur le sol. Et les bo-dois au dernier rang, curieusement
attirés par l'importance de ce rassemblement. Lentement, nous récitons nos
prières. Puis, j'improvise.
— Frères ! On nous traite de
criminels de guerre, coupables d'atrocité. Nous sommes privés du statut de
prisonniers. Nous voilà donc réduits à notre seule initiative, si nous voulons
tenir. Ou du moins tenter de le faire, ce qui est un devoir, pour chacun. Cela demande
une énergie sauvage. Et aussi un esprit de solidarité et de discipline. On peut
tout arracher à l'homme. Il lui restera toujours les vertus que Dieu lui a
prodiguées. Solidarité à l'égard des blessés. Quand un brancardier s'épuise,
qu'un autre le remplace sous le bât. Quand un camarade vacille, qu'un autre
camarade le soutienne. Discipline à l'égard de nous-mêmes. La dysenterie,
l'amibiase, le paludisme nous déciment. Quels que soient les lancinements de la
soif, frères, ne vous précipitez pas sur l'eau des arroyos, sur celle, si
claire soit-elle, des torrents qui coupent la piste. La mort est partout.
Tentons de la tenir en respect. Si les plus valides tombent, que deviendront
nos blessés ?
Je psalmodie :
Vermine et croûte terreuse couvrent
la chair,
ma peau se gerce et suppure...
Mais je sais que mon défenseur est vivant...
que lui, le dernier, se lèvera sur la terre...
Après mon éveil, il me dressera près de
lui.
Et de ma chair, je verrai Dieu...
M'écouteront-ils ? Après la
veillée, chacun retrouve un abri pour la nuit. Je les imite, étendu sur une
pierre plate, entre deux rochers. Au moment où je m'endors, j'entends la voix
de Prosper :
— Camarade, j'ai à vous parler.
Sa grande silhouette d'échassier se
profile dans la nuit. Il continue :
— Je vous ai écouté tout à l'heure, quand vous parliez aux
autres.
Bien ! Je le vois marcher de
long en large sous la lune, apparemment perdu dans une profonde méditation. Il
me lance :
— Ne jouez pas aux martyrs. Si vous en êtes réduits à porter
vos blessés, c'est que vous êtes les vaincus d'une guerre que vous avez voulue.
Personne ne vous a obligés à venir au Viêt-nam. Notre peuple se bat depuis des
années pour son indépendance, et vous la lui refusez.
Tout en parlant, il s'est perché sur
une branche basse, en face de moi. Lancé, il reprend :
— Je ne mets pas en doute votre loyauté. Mais j'admire la
naïveté de vos propos. Je ne suis absolument pas d'accord avec vous.
J'ai l'impression que ce soir, perdu
de solitude, Prosper dirait n'importe quoi. Un moment, j'hésite à répondre.
Puis :
— Quels sont les motifs de votre désaccord, monsieur ?
Satisfait, il se cale sur sa branche,
mains glissées sous les cuisses.
— Je vous reproche de demander à vos camarades de brancarder
les blessés sur un ton geignard. S'ils sont blessés, qui leur a demandé de se
battre ? Les congaï ? les piastres ? l'opium ? le mah-jong ?
Toute cette pacotille qui attire le Blanc chez nous, comme le sang attire les
sangsues. Notre pays est autre chose qu'un bordel pour mercenaires...
Il y a dans
sa voix un tel accent de révolte, sincère, que je ne m'étonne pas de cette grossièreté, rare dans la
bouche d'un Vietnamien. Je crois que Prosper a pensé tout haut... Un long
silence s'écoule. Prosper se lève. Et se plantant devant moi, l'air sentencieux, il laisse soudain tomber
cet axiome surprenant :
— Camarade ! N'oubliez pas que des millions d'années se
sont écoulées entre les dinosaures et les primates...
Puis, sûr de son effet, il se retire,
sans m'accorder un regard.
* * *
La marche a repris. Il semble que la
veillée de prières et d'exhortations ait porté des fruits. Il y a eu pléthore de volontaires pour
brancarder. Vergez, Moktar, Marquaire et Walter ont repris leur place, attelés à la même civière, devant moi. Je
fais partie d'une autre équipe, dont un jeune gars, que ses copains appellent
Jojo. Un petit sergent de la Coloniale. Il marche à ma droite, à l'avant du
brancard. À la veillée, je l'ai remarqué,
assis par terre, au premier rang. Ses petits yeux bleus plissés, dans un effort
soutenu, pour répéter chaque bribe de prière, recueillir chaque parole de ce
que je répugne à appeler sermon.
Jojo me dit brusquement :
— Padre, vous avez remarqué comme les copains deviennent
bigots, tout d'un coup ? Avant, ils préféraient les congaï à la Sainte
Vierge !
— Avant, Jojo, ils n'étaient pas réduits à leurs seules
limites. Dans l'épreuve, tout ce qui n'est pas essentiel s'efface. Ne reste que l'homme en face de la peur ou de
la souffrance ou du désespoir ou du doute. Ce n'est pas le souvenir des
bouis-bouis de Saigon ou d'Hanoi ou d'ailleurs, qui les aidera à sortir de
l'épreuve. Quand tout semble perdu, le seul fait d'espérer encore est un
miracle en soi. Or l'espérance est un don de Dieu. Comment ne se tournerait-on
pas vers lui, dont le Fils est passé par la souffrance et par le doute ?...
Lui qui a cherché le regard de sa mère, avant de mourir.
Qu'ai-je dit, pour que ces derniers
mots rebutent Jojo ? Il se referme. Mais au bout d'un moment, les yeux
fixés vers l'avant, l'épaule affaissée sous le poids de la civière, il reprend,
dans un murmure :
— Moi, ma mère était une pute !
— Tu n'as pas le droit, Jojo...
— C'est pas de la médisance, Padre. Un jour, je l'ai
surprise en train de faire le trottoir. J'avais peut-être quatorze ans. Elle
était très belle. Elle tapinait dans les beaux quartiers. Quand elle m'a vu, en
train de la regarder appeler les hommes, elle est venue vers moi. J'ai cru
qu'elle allait me fiche une volée. À ma stupéfaction, elle m'a emmené acheter
le mécano de mes rêves. Puis, on est rentrés à la maison en taxi. Ce soir-là,
elle est restée chez nous, m'a préparé à dîner. Je crois même qu'elle a acheté
un gâteau. Pour un peu, on buvait le champagne. Avouez, Padre, qu'y avait pas
de quoi faire la fête ! Pour moi, ça a été fini. Dès que j'ai pu, je me
suis tiré. Deux, trois conneries. Puis le juge d'enfants, la maison de
redressement. L'itinéraire classique. J'ai devancé l'appel. Il y a trois ans.
Trois citations et une grande boutonnière sous l'omoplate.
Je me tais. Jojo conclut :
— Après tout, ma carcasse vaut bien celle d'un maréchal de
France, non ?
Puis, sans transition :
— Vous voyez, Padre, votre truc sur
le Bon Dieu et l'espérance, quand tout est foutu, moi j'y crois, et je vais
vous dire pourquoi.
Il rajuste la perche du brancard sur
son épaule, se tait un moment, pour économiser son souffle, et raconte :
— Depuis Moc-Chau, j'ai toujours
brancardé. Vous vous souvenez du soir où on a rencontré les nha-qués 5 qui montaient
vers les lignes avec leurs vieux vélos et leurs balanciers, pour ravitailler
les Viets ?
— Comment veux-tu oublier ça ?...
— Ça m'a fait un choc, Padre. Vous
pas ?
— Bien sûr...
— Je nous ai vus foutus, minables,
vidés, abandonnés. Des figurants de dernière catégorie. Ce soir-là, j'en ai eu
assez, j'ai pensé à me tirer. J'avais honte. J'avais honte de moi, des autres,
de mon pays. Je me disais : à la première halte, je me barre. Un petit
bo-doi marchait près de moi. La gueule souffreteuse, sous le gros casque. Il me
regardait, sans rien dire. Un petit regard de temps en temps. Vous savez ce
qu'il a fait, tout d'un coup ? Il a allumé une cigarette, puis me l'a
refilée, puis me l'a reprise, puis me l'a refilée. Bref, sans mouffeter, on l'a
fumée à deux. Plus comme si j'étais l'hôte forcé du peuple vietnamien,
l'affreux criminel de guerre, mais un compagnon de marche, un pauvre mec comme
lui. Vous croyez pas que c'est le Bon Dieu, ou la Sainte Vierge, ou quelque
chose qui me dépasse, qui m'a envoyé ce bo-doi et sa cigarette ?
* * *
Depuis ses confessions, Jojo vient me
voir plus souvent. Il veut parler. Se réconforter lui-même, me prenant à témoin
de ce qu'il ressent, de ce qui lui arrive, de ce qui arrive aux autres. Ce
soir, il est venu me retrouver, après l'heure de la ration de riz :
— Padre, venez voir ça.
Dans un coin du campement tout seul
devant son mince feu, un grand gars décharné, les yeux clairs enfouis dans une
barbe énorme, psalmodiait tout en se taillant des baguettes dans une lamelle de
bambou :
Marchez tant que vous avez la
lumière,
De peur que les ténèbres ne nous atteignent.
Celui qui marche dans les ténèbres
ne sait pas où il va...
Tant que vous avez la lumière,
croyez en la lumière...
Et vous deviendrez fils de lumière...
Notre présence ne le gêne pas. Quand
il a fini, il pose tranquillement ses baguettes, et me regarde en souriant :
— Bonsoir, Padre...
Quand nous repartons, Jojo me demande :
— Qu'est-ce que c'est, cette histoire
de lumière, Padre ?
Il faut que je lui explique ce
passage de l'Evangile selon saint Jean. Il m'écoute, sans m'interrompre. Quand
j'ai fini, il dit :
— Un homme qui prie tout haut, en se
taillant des baguettes, sans donner envie de rigoler. Dire qu'il faut se faire pincer par les
Viets pour voir ça !
* * *
— Une église !
Le cri ricoche jusqu'aux derniers
traînards de la colonne. Devant nous, une petite croix, sur son clocher pointu,
comme on en voit dans nos villages. Des paillotes l'entourent, plaquées à flanc
de coteau. Dans ces premiers contreforts de la moyenne région, des villages
catholiques essaiment leurs drames. Paysans déchirés entre messes et meetings, can'bô 6
et curé, prières et dialectique marxiste, entre leur foi et l'irrésistible élan
patriotique qui secoue le pays.
Alertés par nos voix, des chiens se
mettent à aboyer comme des forcenés, de plus en plus enragés à mesure que nous
approchons.
Prosper décide de bivouaquer dans le
village. Il lance des ordres, et les bo-dois s'empressent de nous répartir en
groupes qui camperont à la belle étoile, sur la place, dans les cours des
maisons, ou sur les marches de la pagode, dont le profil cornu se détache, face
au clocher, contre un ciel gorgé d'étoiles. Pas âme qui vive. Pourtant, je suis
sûr que personne ne dort plus. Claquemuré dans ses paillotes, le village
retient son souffle, écoutant le raffut des chiens, et celui de notre invasion.
Très vite, les hommes s'allongent à l'abri des auvents. Je rejoins Vergez,
Diolé et les autres sur le parvis de la pagode. Au moment où nous allons nous
endormir, une lampe-torche nous balaie le visage, tandis qu'une voix très douce
demande :
— Y a-t-il un Père parmi vous ?
Je me lève, scrute la nuit. Au pied
des marches, un petit homme m'attend, dont je distingue le visage usé. Il a un
bon sourire laqué au bétel, et la lumière de sa lampe s'attarde sur ma croix.
Je remarque qu'il porte la tenue brune des paysans de la montagne, blouse sans
col et vaste pantalon. Les mains jointes sous le menton, il me salue bien bas,
et me demande de le suivre. Un bo-doi nous escorte, à distance respectueuse. Je
marche derrière le bonhomme, traversant une place noyée d'ombre, d'où montent
les voix traînantes et les bâillements des prisonniers. Au bout du village,
nous nous arrêtons devant une paillote, dont le seuil est marqué par une
veilleuse à la flamme vacillante. Avant d'entrer, le petit homme dit quelques
mots à la sentinelle, qui s'éclipse.
Nous entrons. Il s'affaire, dispose
délicatement des bûchettes de bambou dans le trou du foyer, au milieu de la
pièce, gratte une allumette. Les flammes montent éclairant un modeste mobilier,
et, contre les parois du local, de larges panneaux rouges, portant leurs
slogans politiques en larges lettres blanches. Sur un des murs, l'image géante,
barbiche, sourire subtil et regard pénétrant, du président Hô Chi Minh. En
fait, ce respectueux personnage est le can'bô le responsable politique viet du
village. Ses yeux restent plissés dans le même sourire figé, tandis que je
regarde autour de moi, et que je me dirige vers ce que je crois être l'autel
des ancêtres. Mais, arrivé devant ce guéridon, juponné de cretonne vieillotte,
je découvre, sous un globe en verre semblable à ceux qui protègent les pendules
ou les couronnes de mariée, une statue de la Vierge. Plâtre classique, comme on
en trouve à Lourdes ou Saint-Sulpice.
Le can'bô m'observe d'un air tout à
fait ravi. Je murmure :
— Ave Maria...
Alors, d'une voix recueillie, il
enchaîne :
— Gratia plena...
Soudain, un silence de cloître
envahit la salle du Parti du travail. Un silence, auquel semble s'accorder le
sourire d'Hô Chi Minh lui-même. Malgré moi, je murmure :
— « Mère de ceux qui ne savent pas qu'ils voudraient
croire, ranimez la flamme, donnez l'espérance... »
Comme des ombres, des villageois se
glissent maintenant dans la paillote du can'bô, et s'accroupissent autour du
feu. Ils me regardent en silence, le visage impassible. Le plus vieux me fait
une place auprès de lui, puis il attaque d'emblée :
— Mon Père, est-il permis d'être catholique et communiste ?
La question lâchée, une vingtaine de
paires d'yeux me scrutent, attendant ma réponse. Et comme je tarde, la même
voix enchaîne :
— Père, sachez que si nous sommes communistes, nous ne
sommes pas des athées.
Tous l'approuvent d'un mouvement de
tête. Puis ils parlent, passionnément, essayant de me faire comprendre ce qui
leur arrive. Hommes de deux croyances, ils confient leur âme à Dieu et le
destin de leur patrie au président Hô Chi Minh. Acculés à une ambiguïté dont
ils ne sont pas responsables, ils ne s'y résignent pas.
— Il faut laisser passer l'ouragan, dis-je.
— Mais comment l'ouragan retombera-t-il ? Nous voulons
la victoire de notre peuple, car il se bat pour sa liberté. Mais nous ne
voulons pas enterrer nos calices, car notre foi est ardente... Que deviendra-t-elle,
dans cette tempête ?
— La foi n'est pas immobile, dis-je. Elle se vit chaque
jour, dans les plus douloureux affrontements.
J'essaie de leur expliquer que le sectarisme
de certains peut entraver le dialogue, mais qu'il ne faut pas refuser ce
dialogue à ceux qui le provoquent, même s'ils sont athées :
— La frontière n'est pas entre le croyant et l'athée, mais
en chacun de nous, d'abord. Dans notre vie... Dans notre joie et notre douleur
d'exister...
Ils écoutent, les yeux baissés sur
les flammes... Puis, revenant à leur souci, l'un d'eux me repose la question :
— Donc, mon Père, on peut être communiste sans être athée ?
— La foi est un don de Dieu. S'il vous arrivait, dans la
situation présente, que la manifestation de cette foi vous soit interdite,
n'oubliez jamais que la foi engage une option rigoureuse dont Dieu est
l'absolu... Dieu ne vous abandonne pas. L'Evangile, n'est-ce pas la silhouette
du Christ derrière laquelle se profile l'humanité en désarroi ?
* * *
Près de la sentinelle, dans la brume
matinale qui submerge le village, un jeune curé m'attend. Adolescent en soutane
verdie par l'usure, les pieds nus dans des sandales rafistolées. Visage
exsangue où brûlent deux prunelles d'onyx.
Il me regarde venir vers lui, la tête
légèrement inclinée, avec un sourire sans gaieté. Il n'était pas hier soir dans
la paillote du can'bô. Quelle question aurait-il pu me poser, lui dont l'âme se
consume en secret pour le sort de sa paroisse, et l'histoire de son pays ?
Dans son immense dénuement, il a compris que le seul don qu'il pouvait me
faire, sur ma route de prisonnier, c'est sa place devant l'autel, ce matin,
pour dire la messe. Comme je l'en remercie, il ajoute très bas :
— Quand on aime, on bâtit toujours...
Puis, comme nous évoquons les
déchirements de son petit troupeau de paroissiens, dont il n'est plus qu'un
pasteur livré à la tempête, il a un mince haussement d'épaules :
— Restons attentifs à ceux qui nous regardent, et nous
serons attentifs à Celui qui nous regarde...
Il m'apprend que le can'bô du village
a demandé à Prosper de me laisser célébrer la messe. Prosper ne s'y est pas
opposé.
Le petit prêtre murmure :
— Peut-être espère-t-il apprivoiser ainsi des hommes que
l'idéologie d'Hô Chi Minh heurte dans leur foi de chrétiens.
L'église est déjà bondée. A droite du
petit autel, les Tu-Binhs groupés en carré. Debout, les bras croisés, les yeux
graves dans des visages mangés par une épaisse barbe. A gauche, les villageois.
Chacun a déroulé sa petite natte sur le sol, et s'y est assis en tailleur.
Visages lisses ou ratatinés, masques creusés par des années d'angoisse, de
misère. De tout petits enfants, à cheval sur la hanche de leur mère, réclament
le sein en tendant le bec avec une voracité d'oisillons. Des vieillards
fragiles, posés sur le sol comme de petits tas de cendre, fixent d'une prunelle
éteinte quelque point mystérieux au-delà des vivants. Des gosses éclatent de rire,
gesticulent, se faufilent à quatre pattes entre les jambes des prisonniers et,
mine de rien, leur bourrent les poches de feuilles de tabac.
Dans la petite église monte une
épaisse odeur de crasse, de sueur et de pouillerie. L'odeur de la misère.
Par-dessus ma propre misère, j'ai passé l'aube et la chasuble, aidé par Walter
qui retrouve ses gestes d'habilleuse...
Affalées contre les murs
transversaux, le fusil entre les jambes, la cigarette au bec et l'œil goguenard,
les sentinelles viets suivent l'office comme un spectacle hilarant. Ils se
poussent du coude, s'esclaffent, interpellent les tendrons de l'assistance.
Mais les gens du village psalmodient imperturbablement, les mains jointes,
balançant le buste d'avant en arrière, comme si rien ne pouvait les distraire,
jamais, du Seigneur.
Le jeune prêtre commente la messe, en
vietnamien, puis en français. Sa voix monte, très ferme, couvrant le chahut des
bo-dois.
— Ce n'est pas la race qui différencie les hommes,
lance-t-il avec ferveur, mais l'état de grâce. Seigneur ! Donne aux uns le
courage d'affronter l'épreuve des chaînes, aux autres la force de vaincre la
haine et de nous conserver chrétiens. Que notre foi s'épanouisse... Même si la
contrainte des armes fait de nous aujourd'hui des ennemis, nous restons marqués
par le sang de l'Agneau...
Ils reçoivent la communion, paupières
closes, perdus d'extase, puis, à pas menus, rejoignent leur natte...
— Assez !
C'est la voix de Prosper. Sa vanité
s'impatientait. Il lui fallait un public. En trois enjambées, il m'a rejoint
devant l'autel, et d'un geste balaie notre recueillement ! Exorde
fracassant sur nos singeries, la crédulité, l'infantilisme, la superstition de
ce village, la nocivité d'un culte périmé... D'un battement de paupières, le
jeune prêtre m'invite au silence. Ses ouailles n'ont pas bronché. Tassés sur
leurs nattes, elles ont ressorti comme par enchantement leur chique de bétel et
mastiquent avec un superbe ensemble, l'air distrait.
* * *
— Camarade, nous allons traverser un autre village catholique !
Prosper est venu me rejoindre au
dernier rang de la colonne. Il me dit ça, sur le ton de quelqu'un qui n'est pas
au bout de ses peines, et, avec l'inconséquence qui le caractérise, il me
confie, brusquement :
— Ces catholiques-là sont réfractaires à la politique du
président Hô Chi Minh...
Comme je ne réponds rien, il ajoute :
— Camarade, je vous demande de faire appel à leur conscience
civique... L'autre nuit, je vous ai entendu discuter chez le can'bô de l'autre
village. Vous avez su les convaincre de devenir communistes, tout en restant
chrétiens...
Pauvre Prosper... Il patauge désespérément
dans la dialectique, d'où qu'elle vienne... Je ne réponds rien.
Quand nous arrivons dans ce village,
les paysans sont déjà prévenus. Ils nous attendent, groupés sur la place. Ici,
la guerre a marqué les hommes et le paysage. Silhouettes faméliques au milieu
des décombres. Notre aviation est passée par là. Arbres foudroyés, paillotes
éventrées, toits calcinés, cratères. C'est une paroisse sans église. Ils sont
trop peu. Nous mesurons leur détresse, ils mesurent la nôtre. Puis une voix
demande :
— C'est Père avec vous ?
Ignorant les Viets qui nous
escortent, leurs regards fouillent nos rangs, cherchant le prêtre. Je m'avance :
— Je suis le Père...
Ils m'observent un moment, sans rien
dire, le temps de découvrir une croix sur mes loques. Alors, leur visage
s'illumine, et d'un coup, ils parlent tous en même temps, m'entourent, me
tendent leurs mains, leur front, leurs gosses, me caressent l'épaule,
s'inquiètent de ma fatigue, de mes traits défaits, de mon uniforme en lambeaux.
Bouleversés, mes camarades se taisent, et certains détournent la tête. Prosper
lui-même ne bronche pas. Je ne sais plus tout à fait ce que je leur dis en
échange, sinon, sans doute, que Dieu nous demande, encore et encore, d'aimer
notre prochain :
— Qui est votre prochain ? Ces hommes qui vous font
face, sous les guenilles des criminels de guerre, mais aussi, le peuple
vietnamien, anéanti par d'interminables années de souffrance.
À peine ai-je achevé cette phrase
qu'un petit vieux, notable à barbiche pointue, à calotte de soie verdie par les
ans, se détache des villageois, et vient se poster entre les siens et la
colonne de prisonniers. De ses larges pantalons sortent deux mollets
filiformes, couverts de plaies. Trottinant, ses mains derrière le dos, il se
dirige d'abord vers Prosper. Aux regards dont les autres l'accompagnent, on
sent qu'il est le chef du village et leur porte-parole. Ici, pas de can'bô.
Avec cette autorité que donne le grand âge, il toise Prosper, un moment, puis
vient vers moi, comme s'il voulait bien reconnaître ses interlocuteurs.
Tu-Binhs et villageois
le regardent faire dans un silence pesant. Tout le village dans son dos, et
devant lui, nous, les gens venus de la guerre, il lance brusquement d'une voix
qui ne chevrote pas :
— Dans son commandement, le Seigneur nous demande d'aimer
notre prochain. Mon prochain, c'est ma famille, c'est mon village, c'est mon peuple.
Fils du peuple, nos vieillards, nos femmes, nos enfants le sont à la rizière,
aussi bien que les combattants sur le front...
Des applaudissements claquent, parmi
les villageois. Agacé, le petit vieux se retourne et leur fait signe de se
taire. Sa voix devient agressive :
— Tous les jours, nous payons l'impôt du sang.
Regardez-nous. Regardez nos paillotes incendiées, nos rizières dévastées. Nous
supplions Dieu de faire cesser la guerre !
Puis, soudain, soutenue par
l'approbation silencieuse des siens, il marche vers Prosper et lui lance au
visage :
— Mais notre ennemi est aussi dans notre propre peuple,
quand il nous empêche de vivre en chrétiens !
Cela dit, il revient vers moi, et, me
demandant de bénir encore ses villageois, il murmure :
— Même sous les chaînes vous restez notre Père. Dieu vous a
envoyé près de nous, ce matin, pour nous rappeler qu'il existe et que nous
sommes ses enfants. Nous prierons pour vous...
Puis, avec un petit geste
d'impuissance :
— Nous n'avons plus que nos prières à vous donner...
Quand notre colonne reprend sa
marche, le village nous suit des yeux, longtemps, esquissant des gestes
d'adieu...
Vergez qui marche près de moi, dit
soudain :
— Incroyable que dans un tel merdier, abandonnés de tous,
sans curés, sans église, ces gens-là continuent à croire avec une telle ardeur.
Et sans fanatisme. Ils font la part des élans du peuple et des élans de la foi.
Avec une sincérité totale.
Diolé intervient :
— Il n'est plus question de sincérité, mais de vérité, d'évidence.
Une foi comme celle de ce vieux est aussi évidente que le soleil, la
pluie, la mousson...
Il lève les bras :
— Moi, vous savez, je ne suis pas un ardent. Plutôt païen...
et vaguement paillard. Du moins avant que l'occasion nous en fût ôtée. Tout de
même, la foi qui continue de fleurir sur le fumier de Job, ou dans la détresse
des gens de ce village, ça donne sinon envie de prier, du moins de réfléchir et
d'interroger... C'est une grâce que je nous souhaite à tous, car nous allons
avoir besoin de toutes nos forces, y compris celles qui pourraient tomber du
ciel.
— Tu sais quelque chose ? demande Marquaire.
Diolé hausse les épaules :
— Que veux-tu que je sache ? Ce qui est certain, c'est
que les jours passent, les types crèvent, notre barbe pousse, nos poux se
multiplient et nos gueules s'amenuisent. Vous avez vu vos gueules ? Moi je
les vois. Sous une opulente barbe, il ne reste plus grand-chose. Un peu comme
ces petits oiseaux à l'énorme plumage. Quand on vous aura rasés...
— Rasés ? fait Walter. Je rêve. Ça fera comme si on n'a
plus de tête, tellement elle sera légère... Vous nous imaginez, le museau plein
de mousse, avec une bonne odeur de lavande ?
Son regard divague... Il nous arrive
ainsi de nous recréer ce monde fabuleux où se dressent, auréolées de lumière, la boutique du coiffeur,
l'auberge de campagne, une fontaine Wallace, une colonne Morris... D'écouter le
silence d'une bibliothèque Sainte-Geneviève, la fuite d'une rivière à
truites... les bruissements d'un sous-bois solognot... Chacun déballe son mirage...
vante sa cathédrale ou bien son lupanar.
— Espère, Prosper...
Point final. Et quand Diolé dit ça,
ce ne sont pas deux vains mots. Il se méfie des réveils, des longs silences où
chacun se renferme, des retours au cauchemar...
* * *
Maintenant nous sommes fixés. Nous
savons où nous allons. Encore quatre jours de marche, et nous atteindrons le
camp modèle. C'est ainsi qu'on l'appelle. Depuis qu'il a lâché la nouvelle,
Prosper ne tarit pas d'éloges sur la villégiature qui nous attend au bout de
ces six semaines infernales. À l'entendre, tout nous y sera rendu :
vitamines, hygiène, soins, lectures, sports... Pourquoi pas mon autel portatif ?
Et pourquoi pas, au bout du compte, la liberté ? Emportés par nos
imaginations, nous en venons à compter les jours, à nous évader du calvaire
quotidien... Certains finissent par croire, dur comme fer, que rasés, étrillés
et nourris, nous tiendrons le coup, jusqu'à notre libération, qui ne saurait
tarder. Des rêves d'évasion nous caressent aussi. Les gars parlent :
— Leur histoire de criminels de guerre, qui nous prouve que
c'est vrai ? Coupés de tout, comment le vérifier ? Torture morale,
supplice chinois...
— Moi, je suis sûr que la Croix-Rouge, et peut-être notre
gouvernement s'occupent de nous...
— Les échanges de prisonniers, ça existe...
— Le camp modèle, c'est peut-être le camp où on va nous
rebecqueter, avant la quille...
— Inch'Allah...
L'espoir galope. Ce qui s'est passé
ce soir ne ferait que le confirmer. Prosper nous a réunis, pour nous informer
que, dès demain, notre colonne se scinderait. D'un côté, les officiers, de
l'autre les hommes de troupe. Seuls les officiers — nous sommes une trentaine —
iront au camp modèle. Nous, nous allons perdre Walter, Moktar et Ahmed. Mais,
fait étrange, cette nouvelle n'attriste ni les uns, ni les autres. Elle prouve
que les grades subsistent, en dépit de tout ce que nous avait raconté Prosper.
Walter, avec son gros bon sens, nous l'a immédiatement fait remarquer :
— Finalement, Hô Chi Minh revient sur ce qu'il a dit.
Souvenez-vous à Moc-Chau, le laïus de Prosper : « Il n'y aura plus
désormais parmi vous ni gradés ni hommes de troupes. Il n'y aura que des
criminels de guerre ». C'était du bidon.
— Ils ont peut-être la trouille, renchérit Moktar. Le
gouvernement français, il leur a peut-être demandé des comptes.
— Les camps où on va, dit Ahmed, modèle ou pas modèle, c'est
peut-être des camps où la Croix-Rouge elle pourra mettre son nez...
— Jawohl, fait Walter. Hô Chi Minh, c’est pas Hitler, hein ?
Hitler, il gagnait, il pouvait tout se permettre. Il restait plus personne pour
contrôler ses camps. Mais les Viets ? Qui sait s’ils la gagneront leur
guéguerre ? C’est pas parce que Moc-Chau, Ban-Hoa et Ba-Lay... Il en reste
suffisamment des nations pour contrôler les camps d’Hô Chi Minh.
Il me regarde, en riant dans son énorme barbe rousse...
— Padre, je vous parie que d’ici six mois, on se
retrouvera, à Notre-Dame...
Albert Stihlé, in Le prêtre et le
commissaire
1. Bo-doi :
combattant viet, 2e classe.
2. Ké-kan :
ample pantalon des paysans.
3. Doc-Lap :
indépendance.
4. Tu-binh :
prisonnier.
5. Nha-qués : paysans.
6. Can'bô : cadre viet
administratif ou militaire (surtout militaire).