vendredi 29 juin 2018

En aimant... Xavier Grall, À mes Divines



Oui, j’ai aimé tout ce qu’il est possible d’aimer. J'ai aimé l'amitié, j'ai aimé l'amour. Je les ai aimés aussi sauvagement que la mer aime la rive. Comme le vent aime l'arbre. Je ne regrette pas cette avidité tremblante. J'ai donné, j'ai jeté ma vie, dans les bars et dans les cœurs. Je fus comme une auberge jamais fermée. J'ai jeté ma vie dans les rapsodies, les sagas, les ballades. J'ai aimé les matins et les soirs. Et les arbres. Et les bergeries. Et toutes les demeures humaines plantées dans l'éternel poème de la création. Quelle grâce insensée, presque tragique à force d'être violente ! Je vous en fais, mes Divines, les héritières.
J'ai aimé tout ce qu'il est possible d'aimer. Et c'est par ce canal brûlant que j'ai participé à la haute musique du monde et à la vérité de Dieu. J'ai aimé, j'ai pleuré, j'ai béni. J'ai aimé le soleil, les chiens humiliés, j'ai aimé mon pays, je me suis battu, j'ai admiré.
J'ai eu la perception presque physique du bien et du mal. C'était parfois atroce et quelquefois merveilleux. Je sais à présent que le mal est une ineptie et l'incroyance, une incroyable infirmité. Je sais que la fête existe et je peux vous dire aujourd'hui que c'est cette certitude qui m'a poussé à vous écrire cette folle missive.
Je fus créé. Et j'ai créé. J'ai honoré mon Père et j'espère que vous honorerez aussi mon pauvre nom, afin que vous vous reliiez aux vérités fondamentales de l'humanité. J'ai cru longtemps, dans mon pessimisme tenace et navré, que l'Histoire n'avait pas de sens et que l'humour de Dieu s'enracinait dans quelque cruauté inimaginable. Je ne suis pas loin de croire aujourd'hui que cette Histoire emprunte quelque route providentielle et qu'en définitive, malgré les embardées, les guerres qui tombent sur les saisons, les égarements de la pensée, les servitudes, les chaînes, le sang et la mort, l'homme sort gagnant de tout. L'espèce joue à cache-cache avec son Créateur. Ah oui, je tiens à vous le redire, Dieu est poésie et la poésie c'est de l'amour.
Je m'en irai à l'Esprit comme un vagabond chanteur de rue et j'aimerais dire dans un dernier souffle le mot « bonjour ».
J'ai aimé tout ce qu'il est possible d'aimer. J'ai ri avec le rire de la mer. J'ai pleuré avec les détresses des oiseaux. J'ai ragé, j'ai piaffé d'amour sur tous les chemins. Salut les hommes, disais-je, salut les seigles, salut les blés, salut les villes.
Après ce livre, peut-être ne ferai-je plus rien qu'une bonne chanson.
Mon âme gonflée comme une voile dans le violent noroît.
Je m'en irai à l'Esprit portant mémoire, mes Divines, de toutes les choses bonnes qui sont sur la terre, avec la rime des meilleurs poèmes, avec le soleil de la miséricorde.
Oui, je n'ai cherché que Dieu, partout, dans les chemins, dans les bars, dans les plaisirs, dans le regard des amis, dans l'amour des femmes. Dans les péchés de chair et de sang, dans la gloire des alcools.
Il y a dans ce monde, une énorme énergie d'amour. Tout l'univers s'enivre dans les bars des ports, dans les grands bols de sève qui coulent des arbres, dans les ruissellements des pluies, dans le vin des espaces.
J'irai à Thulé, chez les Atlantes, à Tir na Nog, à l'Éden et ce sera le Paradis. Et mon âme en feu s'étanchera de musique.
Cette rage d'avoir un poing dans le cerveau, et de ne pouvoir dire ce que je vois. Vogueurs d'infini, nos navires sont trop fragiles. Mais, mes Divines, à votre âme, assignez la Haute Mer.
Pour la Nature, j'ai nourri un amour insensé. Savoir chaque jour, saluer la lumière et la remercier d'être ; là. Rien ne meurt. Tout gîte dans tout.
Ma vie fut toujours un invisible départ vers autre chose, vers Quelqu'un. Et ce fut parfois amer, et déchirant. Risque spirituel : les âmes stagnantes sont des âmes mortes.
Bourgeois dans vos lits pourris, dans votre confort de fric et de morale, vous n'avez pas cinglé vers le large. Et peut-être seriez-vous damnés, si pour votre assomption, les poètes et les saints ne vous sauvaient dans leur nostalgie de l'Immense.
Aller loin, loin, loin : telle est la vocation de l'homme. Je plains les sédentaires de l'Esprit. Ils ont fermé leur âme à clé. Poussières...
Je m'en irai vers le royaume de splendeur emportant avec moi la souvenance des jours heureux. Et j'attendrai dans la nuit obscure le grand jour des cymbales et de la parousie où je ressusciterai avec mes os et avec mon corps afin de bénir la Voie, la Vérité et la Vie.
Le christianisme, mes Divines, c'est cette longue respiration. Cette amplitude de l'âme. Un fleuve. Un large et puissant fleuve Amour. Vous vous y baignerez.
Je m'en irai, je me dissoudrai dans l'amour des étoiles et des mondes et je retrouverai mes mortes parentés avant de revivre avec elles dans le pays impérissable.
Je m'en reviendrai avec ma musette pleine de larmes, de livres et de rêves et à mon tour, je dévorerai l'Inconnu dans une ineffable et éternelle étreinte. Je m'en viendrai avec la souvenance des paysages et des peuples. Chanteront les mers, danseront les galaxies, tressailliront les fleuves.
Donner, se donner, nous sommes tous dans la main du grand Amant et les premiers balbutiements de notre adoration sont les premiers moments de notre dignité.
À Dieu je m'abandonne. Les oiseaux de juin descendent dans le verger.
Juin 1970
Xavier Grall, in L’inconnu me dévore

samedi 16 juin 2018

En priant... Neuvaine au saint curé d'Ars pour un prêtre



Neuvaine au saint curé d’Ars pour l’abbé ***

Prière de la Neuvaine
Ô saint prêtre d'Ars, saint Jean-Marie Vianney, tu aimas Dieu et Le servis fidèlement comme Son prêtre. Maintenant, tu vois la Face de Dieu au Ciel. Tu ne désespéras jamais mais tu persévéras dans ta foi jusqu'à ta mort. Rappelle-toi maintenant les dangers, les craintes et les angoisses qui entourent l’abbé ***, et intercède pour lui dans ses besoins et ses troubles, console-le spécialement dans ses moments les plus difficiles, accorde-lui la sérénité au cœur de la crise, et protège-le du mal. Ô saint Jean-Marie Vianney, j'ai confiance en ton intercession. Prie pour l’abbé *** de façon particulière pendant cette neuvaine.

Premier jour : Saint Jean-Marie Vianney, acceptant la Croix
Ô saint prêtre d'Ars, comme jeune séminariste, tu rencontras de nombreux obstacles sur le chemin de la prêtrise, et tu réalisas que souffrir signifiait souffrir avec le Christ au Calvaire. Suivre notre Seigneur voulait dire prendre Sa Croix : tu l'embrassas avec amour. Ta devise dans la vie devint Aimer en souffrant et souffrir afin d'aimer. Tu ne te décourageas pas, mais ta grande foi t'unit plus près de Jésus chaque jour de ta vie. Ô saint Jean-Marie Vianney, tu sais ce qui est nécessaire pour le salut de l’abbé *** : une foi ferme capable d'accepter la volonté de Dieu en toutes choses. Pour servir le Christ, lui aussi doit prendre sa croix et Le suivre. Par nos prières, obtiens pour lui un cœur plein de courage et de force. Obtiens pour l’abbé *** ce même courage et cette même force pour suivre Jésus de tout son cœur, même si cela signifie Le suivre au Calvaire. Intercède pour lui auprès du Seigneur pour qu'il puisse faire la volonté de Dieu, obéir à Ses commandements, et aimer avec loyauté l'Église, l'épouse du Christ.
Prière de la Neuvaine. Dizaine d’Ave avec en clausule : « … pauvres pécheurs, et particulièrement pour l’abbé *** ».
Deuxième jour : Saint Jean-Marie Vianney, plein de zèle pour les âmes
Ô saint prêtre d'Ars, tu enseignas aux hommes de prier tous les jours : Ô mon Dieu, viens à moi, afin de pouvoir demeurer en moi et moi en Toi. Ta vie fut l'exemple vivant de cette prière. La Divine vie de Grâce habita en toi. Ton zèle pour le salut des âmes se manifesta par ton total abandon à Dieu, ce qui s'exprima dans ton service désintéressé envers les autres. Tu donnas de toi-même sans réserve dans le confessionnal, à l'autel, en classe, dans chaque action que tu accomplis. Ô saint Jean-Marie Vianney, obtiens pour l’abbé *** qu'il réalise que Dieu demeure aussi en lui quand il est exempt de péché. Rappelle-lui que le salut de son âme est l'accomplissement de son existence. Éveille en lui le sentiment du don de soi pour le salut des âmes. Obtiens pour l’abbé ***, par ton intercession, le même zèle pour les âmes que fut le tien. Puisse-t-il voir que Dieu demeure en lui et dans ses semblables. Obtiens pour lui de notre Seigneur la grâce de conduire tous les hommes vers le salut. Que ta prière soit la sienne : Si tu aimes vraiment Dieu, tu vas ardemment désirer Le voir aimé de tout le monde.
Prière de la Neuvaine. Dizaine d’Ave avec en clausule : « … pauvres pécheurs, et particulièrement pour l’abbé *** ».
Troisième jour : Saint Jean-Marie Vianney, adorateur du très Saint Sacrement
Ô Saint Prêtre d'Ars, tu avais un amour tellement immense pour le Christ dans le très Saint Sacrement que tu priais pendant des heures en Sa Présence. Tu disais : Quand notre Seigneur les voit venir avec ardeur pour Le visiter dans le très Saint Sacrement, Il leur sourit : ils viennent avec cette simplicité qui Lui plaît tant. Ô saint de l'Eucharistie, puisse ton exemple embraser l’abbé *** d'un amour plus profond pour Jésus dans le très Saint Sacrement. Par tes prières, ne le laisse jamais douter de la Présence Réelle du Christ, mais obtiens pour lui une foi ferme enracinée dans l'Eucharistie. Aide-le à ne pas avoir peur de défendre ou de prêcher la Présence Réelle du Christ dans le très Saint Sacrement. Obtiens pour lui la grâce d'approcher notre Seigneur avec simplicité de cœur quand il dépose les pensées les plus secrètes de son âme aux pieds du Sacré-Cœur de Jésus. Garde l’abbé *** sous ta perpétuelle protection, afin qu'il puisse être soutenu par ton exemple et ton assistance et soit fidèlement dévoué au Christ dans le très Saint Sacrement. Puisse sa vie refléter la conviction de la Présence constante de notre Seigneur avec nous. Ô saint Jean-Marie Vianney, par la puissance de ton intercession, donne-nous des prêtres dévoués au Saint Sacrement de l'Autel.
Prière de la Neuvaine. Dizaine d’Ave avec en clausule : « … pauvres pécheurs, et particulièrement pour l’abbé *** ».
Quatrième jour : Saint Jean-Marie Vianney, ardemment dévoué à notre Sainte-Mère
Ô saint prêtre d'Ars, ta vie était consacrée à la Sainte Mère. Tu la priais sincèrement, en confiant ton sacerdoce à ses soins. Tu demandais à tous les fidèles de prier le Rosaire, la prière favorite de Marie, notre Mère. Tu résumais les raisons de ton grand amour pour Notre-Dame en disant : Nous n'avons qu'à nous tourner vers la Sainte Mère pour être écoutés. Son Cœur est tout Amour. Ô Jean-Marie Vianney, je te demande de tout mon cœur, par les mérites de Jésus et l'intercession de Marie, la Vierge Mère, de modeler la vie de l’abbé *** sur notre Mère céleste, pleine d'amour pour Dieu et son prochain. Obtiens pour lui un amour plus profond pour Notre-Dame et une confiance filiale en elle. Elle est la personne vers laquelle il peut se tourner dans les périodes de détresse, quand il se sentira seul ou troublé, ou en cas de tentation. Inspire à l’abbé *** de consacrer sa vie à sa Mère des cieux. Puisse-t-il connaître la puissante protection du manteau de Marie tous les jours de sa vie.
Prière de la Neuvaine. Dizaine d’Ave avec en clausule : « … pauvres pécheurs, et particulièrement pour l’abbé *** ».
Cinquième jour : Saint Jean-Marie Vianney, plein d'amour pour les pécheurs
Ô saint prêtre d'Ars, tu passas de longues heures chaque jour dans le confessionnal. Les gens venaient à toi pour le pardon de leurs péchés depuis des endroits très reculés. Bien que tu méprisasses le péché, tu recevais toujours le pécheur avec beaucoup d'amour et de pardon. Ô saint confesseur du Seigneur, saint Jean-Marie Vianney, éveille dans l’abbé *** le sentiment de son état de pécheur sous le regard de Dieu. Par ton exemple sacerdotal, accorde-lui l'amour de recevoir le Sacrement de Pénitence. Obtiens-lui de comprendre que c'est en confessant ses péchés que la Miséricorde de Dieu est répandue sur lui et qu'il se rapproche ainsi du Christ. Obtiens pour lui une haine profonde du péché et la grâce de résister à la tentation. Enseigne-lui la valeur de la confession fréquente, où il rencontre Jésus, notre Sauveur, la source de toute miséricorde et de consolation. Contrits et pardonnés, puissent tous ceux avec lesquels il entre en contact agir avec cette même miséricorde. Prie pour que l’abbé *** aime toujours le sacrement de Pénitence. Prie pour qu'il puisse appeler les pécheurs au repentir par son bon exemple et qu'il vive complètement au service de notre Seigneur.
Prière de la Neuvaine. Dizaine d’Ave avec en clausule : « … pauvres pécheurs, et particulièrement pour l’abbé *** ».
Sixième jour : Saint Jean-Marie Vianney, modèle de pureté
Ô saint prêtre d'Ars, ta vie fut un modèle de pureté. Ta vie de chasteté fut une source d'édification pour tous. Tu disais que quand une âme est pure, toute la Cour céleste la regarde avec une grande joie. Aujourd'hui, la vertu de pureté est tournée en ridicule par les normes du monde. Ô saint Jean-Marie Vianney, plus que jamais, nous avons besoin de tes prières et de ton aide afin d'éviter les péchés d'impureté. Je te demande d'aider l’abbé *** à rester pur d'esprit et de corps et à donner le bon exemple dans son discours, sa conduite et sa foi. Obtiens-lui la force nécessaire pour combattre les tentations contre la vertu de pureté, qui pourraient le conduire loin de Dieu. Unis tes prières à celles de Marie Immaculée pour implorer de Dieu que l’abbé *** soit pur d'esprit et de cœur et préserve-le de ces péchés qui déplaisent tant à Dieu.
Prière de la Neuvaine. Dizaine d’Ave avec en clausule : « … pauvres pécheurs, et particulièrement pour l’abbé *** ».
Septième jour : Saint Jean-Marie Vianney, humble en toutes choses
Ô saint prêtre d'Ars, ta vie fut remplie d'humilité. Tu portas une vieille soutane, tu pris des repas maigres, tu réalisas que devant le Trône de Dieu, tu étais l'une de Ses créatures faites pour glorifier Dieu et Le louer en toutes choses. Tu disais : La première vertu, c'est l'humilité, la seconde, l'humilité et la troisième l'humilité. Tu conseillas aux gens de rester humbles, de rester simples et que plus nous sommes ainsi, plus nous ferons de bien. Ta simplicité d'âme et ton mode de vie épuré te conduisent à te sanctifier. Ô humble saint Jean-Marie Vianney, quand l’abbé *** oublie qu'il est totalement dépendant de Dieu en toutes choses, intercède pour lui auprès de Dieu Tout-Puissant, afin de lui permettre de voir que sans son Créateur, rien n'est possible et qu'il doit compter sur Dieu pour tout. Il est son Créateur, qui le maintient en vie à tout moment. Obtiens pour l’abbé *** la grâce de l'humilité. Puisse sa vie être à l'exemple de ton humilité et de ta simplicité, une vie épurée, une vie totalement dépendante de Dieu.
Prière de la Neuvaine. Dizaine d’Ave avec en clausule : « … pauvres pécheurs, et particulièrement pour l’abbé *** ».
Huitième jour : Saint Jean-Marie Vianney, épris de pénitence et de mortification
Ô saint prêtre d'Ars, tu menas une vie de détachement des plaisirs du monde. Tes repas consistaient en une pomme de terre bouillie chaque jour, tu dormais peu chaque nuit. Mais tu fis tout cela afin d'être à même de servir Dieu au mieux de tes capacités. Ta vie fut illustrée ainsi : Nous nous plaignons quand nous souffrons. Nous avons bien plus de raisons de nous plaindre quand nous ne souffrons pas, puisque rien ne nous fait autant ressembler à notre Seigneur que de porter Sa Croix. Ô saint Jean-Marie Vianney, en ces jours où nous sommes entourés de tant de confort et de plaisirs, il peut être si difficile pour nous de faire pénitence pour nos péchés et de vivre une vie de détachement. Je prends la résolution d'offrir des sacrifices aujourd'hui pour l'expiation des péchés de l’abbé *** et des péchés de l'humanité tout entière. Assiste l’abbé *** dans l'acceptation de la croix que Dieu choisit de lui envoyer. Puisse-t-il embrasser la vie de sacrifice à laquelle les prêtres sont appelés. Puisse-t-il offrir librement sa vie entière à Dieu ! Obtiens pour l’abbé *** la grâce d'imiter la vie du Christ en portant Sa Croix.
Prière de la Neuvaine. Dizaine d’Ave avec en clausule : « … pauvres pécheurs, et particulièrement pour l’abbé *** ».
Neuvième jour : Saint Jean-Marie Vianney, bon et saint prêtre
Ô saint prêtre d'Ars, tu vécus dans une époque de grand bouleversement, dans une période où les hommes tournaient le dos à Dieu. Ton évêque te parla d'une paroisse où il souhaitait t'envoyer, où il n'y avait point d'amour. Il t'affecta à Ars et dit que tu serais le prêtre qui permettrait aux gens de connaître l'amour de Dieu. Non seulement tu attiras ces gens vers Dieu mais ta réputation de saint se répandit bientôt et de nombreuses personnes se convertirent à une vie de sainteté. Tu disais, qu'après le propre Cœur du Christ, un bon prêtre est le plus grand trésor que Dieu puisse donner à une paroisse. Donne-nous de tels prêtres ! Ô saint Jean-Marie Vianney, une fois de plus, nous vivons des jours de bouleversement. Il y a beaucoup de mal dans le monde. Obtiens pour l’abbé *** la grâce de persévérer dans sa foi et de ne jamais désespérer. Puisse-t-il marcher avec le Seigneur et croire en Lui tous les jours de sa vie. Obtiens, par ton intercession céleste, pour l’abbé ***, la grâce de modeler sa vie sur celle de Jésus Christ, pour que ses semblables connaissent l'amour de Dieu. Plus que jamais, les gens ont besoin de lui afin de pouvoir amener le monde au Christ. Prie pour l’abbé *** et pour tous les prêtres, ô prêtre d'Ars.
Prière de la Neuvaine. Dizaine d’Ave avec en clausule : « … pauvres pécheurs, et particulièrement pour l’abbé *** ».

samedi 9 juin 2018

En Orwellant... Kevin Boucaud-Victoire, La common decency


C'est la common decency qui fait d'Orwell un conservateur aux yeux de certains. Cette notion découle à la fois du tempérament anarchiste conservateur de l'écrivain et de son vécu auprès des gens ordinaires, lumpen proletariat, prolétariat, employés, petits fonctionnaires, classe moyenne exploitée, etc. Mais analyser cette notion n'est pas simple. Si le terme apparaît régulièrement à partir du Quai de Wigan dans les écrits d'Orwell, ce dernier, n'étant pas un théoricien, ne prend jamais la peine d'en donner une définition. Comprendre la common decency nécessite de se pencher vraiment sur la pensée de l'écrivain. Parfois traduit par décence commune, l'expression décence ordinaire semble plus appropriée. Si la première traduction a l'avantage de rappeler le caractère commun et partagé de cette propriété, la seconde renvoie à la banalité. Or, cette dernière est essentielle chez Orwell, écrivain des gens ordinaires (« the common men », « the ordinary decent people », « the average men ») et de la vie quotidienne. En effet, toute sa littérature ne s'attache qu'à décrire des gens banals : des vagabonds, des ouvriers, des petits fonctionnaires, des poètes ratés, ou des personnes perdues au sein de la classe moyenne. Pour Bégout, auteur d'un essai remarquable sur le sujet 1, qui préfère également parler de décence ordinaire, « cette vie ordinaire ne représente pas seulement pour Orwell un sujet d'étude original. Il ne s'agit pas simplement de mettre en évidence cette vie banale qui passe inaperçue la plupart du temps, mais plus fondamentalement de montrer que cette vie recèle en elle-même, dans son apparente platitude, une valeur capitale pour la compréhension de l'expérience humaine 2. Pour beaucoup, derrière cette common decency se cache l'honnêteté commune des petites gens, définie par la justice et la solidarité. Ainsi, à côté de la banalité du mal théorisée par la philosophe Hannah Arendt en 1963, qui pourrait toucher tout homme médiocre 3, se logerait une banalité du bien défendue par Orwell.
La décence ordinaire n'est pas une capacité naturelle à faire le bien ou une morale innée, mais, comme l'explique Bégout, il s'agit de « la faculté instinctive de percevoir le bien et le mal »4. Il ajoute qu'« elle est même plus qu'une simple perception, car elle est réellement affectée par le bien et le mal »5, et qu'elle correspond à « un sentiment spontané de bonté qui est, à la fois, la capacité affective de ressentir dans sa chair le juste et l'injuste et une inclination naturelle à faire le bien »6. L'essayiste rapproche alors le terme « de ce que les philosophes anglais et écossais de la première partie du XVIIIe (Shaftesbury, Hutcheson et Hume) nomment le sens moral, à savoir un sentiment de vertu (et non le résultat d'un raisonnement), qui est naturel et commun à tous les hommes ». Cependant, ce sentiment moral n'est pas synonyme de bonté naturelle comme dans le mythe du bon sauvage, ni un ensemble de vertus théoriques ou fantasmées qui tombent du ciel. Au contraire, la common decency orwellienne provient de la pratique ordinaire de l'entraide, de la confiance mutuelle et des tiens sociaux minimaux mais fondamentaux. La décence des classes populaires est donc issue de la banalité de leur quotidien, tandis que les classes supérieures (bourgeoisie et petite bourgeoisie, notamment intellectuelle) se caractérisent par leur pratique du pouvoir et de la domination (économique ou culturelle). De son côté, Michéa la rattache aux travaux de Marcel Mauss et de ses successeurs de la Revue du Mauss 7 (Alain Caillé, Philippe Chanial et Serge Latouche en tête) sur le don et le contre don. Ce principe repose sur l'« idée matricielle selon laquelle la triple obligation de donner, recevoir et rendre constitue effectivement la « trame ultime du lien social »8 de toute société. Pour Michéa, la common decency, qui doit également beaucoup aux cultures populaires, correspond à la « réappropriation moderne de l'esprit du don, sous la forme de règles intériorisées par la conscience morale individuelle »9. La décence ordinaire constitue également un sentiment défensif de réaction face à l'oppression. Bruce Bégout écrit à ce propos : « Les petites gens ont eu à subir depuis si longtemps les injustices qu'elles éprouvent une aversion quasi instinctive pour toute domination de l'homme sur l'homme »10. De même, Michéa y voit un « sens commun qui nous avertit qu'il y a des choses qui ne se font pas »11. La décence ordinaire de ceux de peu s'oppose à la volonté de puissance des couches supérieures de la société, notamment celle des intellectuels, habitués à dominer. Ainsi, comme le rappelle Bégout, « si Orwell insiste tant sur la décence ordinaire des petites gens, c'est aussi pour dénoncer, par contraste, l'indécence extraordinaire des élites politiques et culturelles »12.
Pour Michéa, la common decency représente « l'une des ressources principales dont dispose encore le peuple d'en bas (comme le nommait déjà Jack London) pour avoir une chance d'abolir un jour les privilèges de classe [...] et d'édifier une société d'individus libres et égaux, reposant autant qu'il est possible sur le don, l'entraide et la civilité »13. Pour le philosophe, elle permet de sortir de la double impasse incarnée par le Marché et l'État. Selon lui, la common decency est essentielle « dans le développement de l'esprit du socialisme, c'est-à-dire de ces dispositions éthiques et psychologiques à défaut desquelles le fonctionnement d'une société socialiste, au quotidien, est condamné à relever de l'utopie ou du wishful thinking14. C'est grâce à ses valeurs d'entraide que la régulation de la société pourra ne pas être déléguée autoritairement à l'État, comme dans le cas de l'URSS, ou au Marché comme dans notre capitalisme. Il semblerait cependant qu'Orwell ait une utilisation plus modeste de son concept. Notamment parce qu'il est profondément apolitique. Bégout remarque que « la décence ordinaire est politiquement an-archiste : elle inclut en elle la critique de tout pouvoir constitué au profit d'un accomplissement sans médiation du sens du juste et de l'injuste »15. Derrière la common decency se cache surtout une forme d'attache aux traditions. Pour Orwell, le rôle des socialistes est d'intégrer pleinement ce traditionalisme à l'émancipation qu'ils prônent. « Le révolutionnaire s'active pour rien s'il perd contact avec la décence ordinaire humaine »16 et cette dialectique est la seule capable d'emporter l'adhésion des classes populaires. Il n'a donc pas à faire « table rase du passé » comme le voudraient notamment les marxistes. Opposé à tout projet utopique, Orwell pense que le rôle des socialistes doit être d'œuvrer pour un monde meilleur, surtout pas un monde parfait ou un paradis terrestre. Ainsi, il est réticent à la création de l'« homme nouveau » voulue par le marxisme-léninisme, estimant que le rôle du socialisme doit être de changer les conditions de vie des hommes, pas de changer les hommes eux-mêmes.
Kevin Boucaud-Victoire, in Orwell, Écrivain des gens ordinaires

1. Bruce Bégout, De la décence ordinaire, Court essai sur une idée fondamentale de la pensée politique de George Orwell, Allia, 2008, p. 7.
2. Ibid. p. 11.
3. Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem : Rapport sur la banalité du mal, Gallimard, collection « Folio Histoire », 1991.
4. Bruce Bégout, op. cit., p. 17.
5. Ibid.
6. Ibid.
7. Pour « Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales ».
8. Jean-Claude Michéa, « En réponse à Corcuff », Mediapart, 2 août 2013.
9. Ibid.
10. Bruce Bégout, op. cit., p. 45.
11. Jean-Claude Michéa, Orwell, anarchiste tory, op. cit.
12. Bruce Bégout, op. cit., p. 46.
13. Jean-Claude Michéa, Impasse Adam Smith : Brèves remarques sur l'impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, op. cit., p. 54.
14. Ibid., p. 93.
15. Bruce Bégout, op. cit., p. 86.
16. George Orwell, « La révolte intellectuelle », in Écrits politiques (1928-1949), op. cit., p. 253.


vendredi 1 juin 2018

En Homérant... Sylvain Tesson, Remettons la vaisselle à demain !



Vous souvenez-vous du temps de notre enfance où nous devions lire ces textes à longues barbes ? Nous étions en sixième, Homère au programme. Nous étions faits pour courir les bois. Nous nous ennuyions ferme et regardions par la fenêtre de la classe un ciel où n'apparaissait jamais aucun char. Pourquoi ne pas laisser infuser en nous un poème d'or, d'une modernité électrique, éternel parce que originel, un chant de bruit et de fureur, riche de leçons, et d'une beauté si douloureuse que les poètes continuent aujourd'hui à le murmurer en pleurant ?
Un conseil dadaïste : quittons nos préoccupations accessoires ! Remettons la vaisselle à demain ! Éteignons les écrans ! Laissons pleurer les nourrissons, et ouvrons sans tarder l'Iliade et l'Odyssée pour en lire des passages à haute voix, devant la mer, la fenêtre d'une chambre, au sommet d'une montagne. Laissons monter en nous les chants inhumainement sublimes. Ils nous aideront dans le brouillard de notre temps. Car d'horribles siècles s'avancent. Demain, des drones surveilleront un ciel pollué de dioxyde, des robots contrôleront nos identités biométriques et il sera interdit de revendiquer une identité culturelle. Demain, dix milliards d'êtres humains connectés les uns aux autres pourront s'espionner en temps continu. Des multinationales nous proposeront la possibilité de vivre quelques décennies de plus en monnayant des opérations de chirurgie génique. Homère, vieux compagnon d'aujourd'hui, peut chasser ce cauchemar post-humaniste. Il nous offre une conduite : celle d'un homme déployé dans un monde chatoyant et non pas augmenté sur une planète rétrécie.
Sylvain Tesson, in Un été avec Homère