lundi 15 février 2021

En espérant... Marie Noël, Que me voulez-vous, mon Dieu ?


Mon Dieu, je ne Vous aime pas, je ne le désire même pas, je m’ennuie avec Vous.
Peut-être même que je ne crois pas en Vous.
Mais regardez-moi en passant.
Abritez-vous un moment dans mon âme, mettez-la en ordre d’un souffle,
Sans en avoir l’air, sans rien me dire.
Si Vous avez envie que je croie en Vous, apportez-moi la foi.
Si Vous avez envie que je Vous aime, apportez-moi l’amour.
Moi, je n’en ai pas et je n’y peux rien.
Je Vous donne ce que j’ai : ma faiblesse, ma douleur.
Et cette tendresse qui me tourmente et que Vous voyez bien…
Et ce désespoir… Et cette honte affolée…
Mon mal, rien que mon mal…
C’est tout !
Et mon espérance !

Quelquefois aussi, je me présente à Dieu comme une porteuse de peine
Chargée de tous les fardeaux du voisinage et je lui dis :

« Ne faites pas attention à moi. Je ne peux pas Vous plaire.
Regardez seulement les souffrances que je Vous apporte,
Comme un pauvre commissionnaire qui vient de la part des autres :
Voici le mal de mon père, voilà celui de mon ami, celui de tel ou de tel autre… »

Vous voilà, mon Dieu. Vous me cherchiez ?
Que me voulez-vous ? Je n’ai rien à vous donner.
Depuis notre dernière rencontre, je n’ai rien mis de côté pour Vous.
Rien… pas une bonne action. J’étais trop lasse.
Rien… pas une bonne parole. J’étais trop triste.
Rien que le dégoût de vivre, l’ennui, la stérilité.
– Donne !

– La hâte, chaque jour, de voir la journée finie, sans servir à rien ;
Le désir de repos loin du devoir et des œuvres,
Le détachement du bien à faire, le dégoût de Vous, ô mon Dieu !
– Donne !

– La torpeur de l’âme, le remords de ma mollesse
Et la mollesse plus forte que le remords…
– Donne !

– Le besoin d’être heureuse, la tendresse qui brise,
La douleur d’être moi sans recours.
– Donne !

– Des troubles, des épouvantes, des doutes…
– Donne !

– Seigneur ! Voilà que, comme un chiffonnier,
Vous allez ramassant des déchets, des immondices.
Qu’en voulez-vous faire, Seigneur ?

 

 

 

– Le Royaume des Cieux.

Marie Noël, in Notes intimes