Je n'irai pas
adorer mon Dieu dans telle ou telle chapelle, dans tel ou tel lieu saint...
L'Église de Dieu
sera mon église et Dieu seul me parlera de Dieu, dans Son Église.
Mais où est-elle,
Son Eglise ?
Elle est là où
règne la bonté.
Elle est là où
chante la beauté.
Elle est dans la
nature ; sous la verdure ; à l'ombre des grands arbres ; au
soleil qui jaunit le blé, qui rougit les pommes, qui brunit les feuilles.
Elle est là où
règne la justice.
Elle est là où
chante la paix ; au foyer paisible ; près du feu qui s'éteint ;
près de la flamme qui s'élance.
Elle est au cimetière.
Elle est où l'on
pleure ; sous les saules pleureurs, les ifs et les cyprès.
Elle est là où
règne la vérité.
Elle est là où
chante la force joyeuse ; l'action virile.
Elle se
dresse en pleine lumière, immense.
Comment ne la
vois-tu pas ?
Elle remplit le
monde...
Elle est dans ton cœur.
Elle est dans mon cœur.
Elle est partout,
et ses orgues puissantes résonnent dans l'espace, et ses cloches rieuses
s'égrènent dans les airs ; on les entend aux deux pôles comme ici et comme
là.
Arrête-toi ;
écoute...
Dieu seul te
parlera de Dieu dans Son Église.
J'irai dans
l'Église de Dieu.
Quant au culte que
je rendrai à mon Dieu, ce sera une prière ; et puis un chant de joie.
Mais ma prière ne
sera pas une suite de mots.
Pourquoi des mots ?
— Nos jours en sont si pleins. Ma prière ne sera pas une succession de phrases.
Pourquoi des
phrases ? — Nos jours en sont tout pleins. Ma prière, ce sera toute ma
vie.
Et toute ma vie
sera une prière dont chaque mot sera un acte, un effort vers le mieux.
Et si cela
t'étonne.
Ne t'étonne plus.
Je ne donne pas le
beau nom de prière au triste effort qui s'accomplit de mauvaise grâce et de
mauvaise humeur, parce que les circonstances nous l'ont imposé.
Je donne le beau
nom de prière à l'effort ailé, librement choisi, voulu et accompli ;
À l'effort joyeux
qui entraîne vers un second effort, et d'effort en effort jusqu'à l'infini.
Mon culte sera une
prière et ma prière, ce sera toute ma vie, et ma vie sera un effort.
Effort vers la
beauté.
Oh ! beauté,
que ton règne vienne.
Effort vers la
bonté.
Oh ! bonté,
que ton règne vienne.
Effort vers la
joie.
Oh ! joie, que
ton règne vienne.
Effort vers
l'intelligence et la compréhension ; la justice et la vérité.
Un grand effort...
Ne
parle pas.
Je
connais tes objections.
Je sais ce que tu
vas dire.
Ces efforts, tu les
as faits.
Tu les as faits dix
fois ; tu les as faits cent fois.
Tu les as faits
bien plus de cent fois ; et toujours en vain.
Car la beauté est
restée lointaine.
La bonté, tu ne
l'as pas atteinte.
Et la joie, tu ne
l'as pas trouvée.
Maintenant tu es
las 1, las, las et fatigué...
Tu ne veux plus
faire d'efforts.
Et pourtant il faut
que tu recommences.
Qu'importe si les
premiers efforts ont échoué.
Qu'importe si les
seconds sont destinés encore à échouer.
N'y a-t-il pas déjà
de la beauté dans l'effort vers la beauté ?
N'y a-t-il pas déjà
de la bonté, dans l'effort vers la bonté ?
N’y a-t-il pas déjà
de la justice, dans l'effort vers la justice ?
Et surtout,
surtout, n'y a-t-il pas déjà de la joie dans tout effort quel qu'il soit ?
Tu es las, las, las
et fatigué...
Tu ne veux plus
faire d'efforts.
Il faut pourtant
que tu recommences...
Mais repose-toi
d'abord.
Pourquoi as-tu tant
couru ?
Pourquoi ne t'es-tu
jamais arrêté ?
Regarde :
pourquoi y a-t-il des champs au bord de la route, si ce n'est pour s'y asseoir ?
Pourquoi y a-t-il
de l'ombre, si ce n'est pour s'y coucher ?
Tu as été trop
orgueilleux.
Tu as été trop
ambitieux.
Tu as eu trop
d'amour-propre.
Tu as voulu tout
faire toi-même ; tu as toujours voulu tout faire toi-même, sans jamais
accepter l'aide de personne.
Et quand la vie
même t'offrait un repos ;
Et quand la nature
t'invitait au repos ;
Et quand les
circonstances de ta vie te permettaient un repos, tu ne l'as pas accepté.
Pourquoi ne l'as-tu
pas accepté ?
L'essentiel, ce
n'est pas que nous fassions toute chose.
L'essentiel ;
c'est que toute chose se fasse.
Il y a du foin à
rentrer.
L'essentiel, ce
n'est pas que tu rentres le foin.
L'essentiel, c'est
que le foin soit rentré.
Ou crois-tu être le
seul à savoir rentrer le foin ?
Il y a une maison à
construire.
L'essentiel, ce
n'est pas que tu construises la maison.
L'essentiel, c'est
que la maison se construise.
Ou crois-tu être
seul à savoir construire une maison ?
Il y a un malade à
soigner ?
L'essentiel, ce
n'est pas que tu guérisses le malade.
L'essentiel, c'est
que le malade soit guéri.
Ou crois-tu être
seul à savoir guérir ?
Ah ! s'il
n'est personne pour rentrer le foin, tu le rentreras, et même si tu tombes de
fatigue.
S'il n'est personne
pour construire la maison, tu la construiras, et même si tu tombes de fatigue.
S'il n'est personne
pour guérir le malade, tu le guériras, et même si tu tombes de fatigue.
Mais si de nombreux
candidats se présentent, forts et joyeux, pourquoi par amour-propre leur
refuser la joie du travail, de l'aide et du service ?
Tu es las, las, las
et fatigué...
Tu ne peux plus
faire d'efforts.
Il faut pourtant
que tu recommences, mais repose-toi d'abord.
Dépose ton orgueil,
source de ta fatigue, et puis recommence, et dis avec moi :
Mon culte sera une
prière et ma prière, ce sera toute ma vie, et toute ma vie sera un effort et
puis un chant de joie.
Un chant de joie.
Chaque matin, je
sens la vie renouvelée en moi et je ne peux faire autrement que de chanter ma
joie de pouvoir vivre encore.
Car la vie, ce
n'est pas une chemise de crin, un cilice, une haire impitoyable qui nous
déchire la chair.
Et le monde, ce
n'est pas une vallée de larmes seulement.
La vie est un
privilège et le monde est divin.
Ne parle pas.
Je connais tes
objections.
Je sais ce que tu
vas dire.
La souffrance...
La souffrance
physique et la souffrance morale.
La fatigue...
La fatigue physique
et la fatigue morale,
La saleté...
La saleté physique
et la saleté morale.
La tristesse, la
misère et la maladie.
Oui, tout cela
existe, je le sais bien.
La vigne vierge ne
recouvre pas toutes les maisons et les giroflées ne fleurissent pas devant
toutes les portes.
Et pourtant la vie
est un privilège et le monde est divin.
Sors de ta chambre
étroite.
Sors de ta maison
étroite.
Sors de ta ville
étroite et arrête-toi dans les champs.
Les champs
silencieux aux larges espaces.
Écoute...
Regarde...
Les forces
mystérieuses travaillent dans le silence et la beauté.
Dieu se révèle dans
le silence et la beauté.
Reste en contact
avec la nature, et tu seras en contact avec Dieu.
Reste en contact
avec l'univers tout entier ; et j'entends par univers toute créature
vivante, que ce soit un brin d'herbe, une fleur, un animal ou l'homme ; et
tu seras en contact avec Dieu.
Car le monde, c'est
l'Église de Dieu, et Dieu parle dans Son Église.
J'irai dans
l'Église de Dieu.
Je resterai dans
l'Église de Dieu.
Et le culte que je
rendrai à mon Dieu, ce sera une prière, et ma prière, ce sera toute ma vie, et
ma vie sera un effort.
Effort vers la
beauté.
Oh ! beauté,
que ton règne vienne.
Effort vers la
bonté.
Oh ! bonté,
que ton règne vienne.
Effort vers
l'intelligence et la compréhension ; la justice et la vérité.
Un grand effort, et
puis un chant de joie.
Je puis me tromper.
Offrir à Dieu son
effort et sa joie, ce n'est peut-être pas encore l'adorer en esprit et en
vérité ; mais qui peut nous dire ce que signifie « adorer Dieu en
esprit et en vérité ? »
J'adore Dieu, comme
je peux et comme je crois.
Adorons Dieu comme
nous pouvons et comme nous croyons, et Dieu sera adoré en esprit et en vérité.
Le livre de Lézard
1. L’auteur s’adresse à des
éclaireuses. Je l’ai universalisé. [ndvi]