Albert Garreau
—
Je crois, je crois, je ne veux rien que la sainte foi.
— Qui
a la foi est le maître du monde.
— Dieu n'a soumis sa
toute-puissance qu'à l'homme de foi ; l'homme de foi peut ce qu'il veut,
quand il veut ce qu'il doit. Dieu ne peut mentir ; Dieu n'a aucune raison
de mentir ; ses paroles sont vraies pour l'éternité.
— L'homme de foi ressemble
au grand arbre qui, coupé, arraché, déraciné, se survit toujours par quelque
racine ou quelque rejeton. L'homme de peu de foi, c'est l'arbrisseau qui,
déraciné, ne repousse plus.
— Il
a la foi celui qui aime ; point de grand amour sans une foi vive.
— La
foi est vive si l'âme se confie en la volonté de Dieu, si elle tient pour
certain que Dieu, soit qu'il accorde, soit qu'il refuse, agit pour le plus
grand bien de l'âme.
— Jette
tes peines dans le Seigneur, Jacta super Dominum curam tuam. Dieu sait ce qu'il fait, je fais bien de le laisser
faire.
— Si la fumée ne sort du
bois, le feu n'y entre point. Aspirez-vous au feu du divin Amour ? Chassez
de votre cœur la fumée des choses du monde.
— Au moment d'une
confession, on croit se sentir étroitement uni à Dieu et aux saints,
mais bientôt on revient à ses premiers défauts. C'est que nous sommes retenus
par un fil comme l'oiseau dont l'enfant se joue ; l'oiseau voltige,
le fil le rappelle. Nous prenons notre essor vers Dieu ; mais le fil des
mauvaises inclinations et des passions nous retient et nous ramène à notre
ancienne vie. Brisons ce fil si nous voulons rester immuablement en Dieu.
— Lorsque viennent les
afflictions, les disgrâces, les persécutions, nous nous en prenons à la
créature : « Un tel m'a outragé ».
Et l'humanité crie : « Venge-toi ».
Considérons ces choses comme venant de la main amoureuse de Dieu, acceptons-les
comme un avertissement de la divine Providence, et l'aiguillon de la vengeance
s'émoussera, et nous serons tentés de remercier le Seigneur.
— L'industrie de l'homme va
tirer d'un chiffon de toile une blanche feuille sur laquelle une personne
royale écrira peut-être ses lois et son nom. Ainsi, purifiant avec amour le cœur
qui veut être purifié, Dieu, sur la blanche page du cœur, imprime sa grâce en caractères
ineffables.
— La
réception du très Saint-Sacrement produit tous les biens, tant pour l'âme que
pour le corps.
— Où Dieu se tient souvent,
l'ennemi ne saurait s'y tenir ; à la longue, Dieu reste le maître, car il
est plus puissant par sa grâce que le démon ne l'est par la tentation.
— Le
sacrifice de la volonté est la meilleure, la plus acceptable offrande que nous
puissions faire à Dieu.
— Scrupules,
mélancolie, je ne vous veux pas en mon logis.
— Qui
a la charité est riche, et ne le sait ; n'avoir pas charité, grande
calamité.
— Une âme ! Un Dieu !
Qui perd ces biens fait une perte irréparable et reçoit un dommage éternel.
— Qui a patience en tout
lieu ne fait pas peu, ne fait pas peu.
— Imitons le voyageur
fatigué qui n'a garde de s'arrêter aux accidents du chemin ; il donne un
coup d'œil aux choses et il va ; il jette un regard de prudence sur les
objets et il passe ; le terme, c'est le ciel.
— Si le malade ne se repose
en la sainte indifférence et en la volonté de Dieu, la maladie ne fera
qu'empirer.
— Le plus sûr moyen
d'obtenir de Dieu une grâce, c'est la sainte indifférence et la résignation en
sa volonté sainte.
— Malades, persécutés,
affligés, prenez courage ! Dieu vous aidera, Dieu vous aidera.
— Dieu, en vous envoyant la
maladie, s'est proposé quelque grande chose, ou l'amendement de votre vie ou
l'accroissement de vos vertus.
— Les grosses plumes
s'arrachent aisément ; les petites ne s'en vont que par le feu.
L'extirpation des vices grossiers est facile ; les imperfections ne cèdent
qu'au feu de l'Amour divin.
— Joie
et confiance, mes enfants ! Espérez en Dieu, espérez ! Dieu est
fidèle à ceux qui l'invoquent dans la vérité. Omnibus invocantibus eum in
veritate.
— Les adversités, les
tribulations de la vie sont les grâces les plus particulières, les plus
désirables. Dieu les garde à ses amis les plus chers. Recevons-les comme telles
avec patience, avec constance et avec joie.
— Guerres, procès,
contestations, toutes choses dont les hommes se préoccupent si fort, qu'est-ce
que cela ? Pur néant, jeux d'enfants, et tout homme se trouble en vain, et
varie conturbatur omnis homo.
— Ou tu es or ou tu es fer ;
si tu es or, la tribulation t'épure ; si tu es fer, la tribulation te
dérouille.
— Choisissez des exercices
de dévotion que vous puissiez pratiquer toujours.
— Que le prêtre récite
l'office divin avec recueillement et célèbre la messe avec ferveur ; ces
deux saints exercices amèneront chez lui la réforme de tout le reste.
— L'âme chaste ressemble à
un vase de cristal pur et poli, plein d'une eau fraîche et limpide, qui réjouit
l’œil dans les ardeurs de l'été. Rien de plus agréable que cette eau ;
mais qu'une goutte d'huile y tombe, elle perd sa limpidité et déplaît.
— Comme le feu, substance
une, engendre incessamment la lumière et la chaleur, ainsi la nature divine du Père
engendre la lumière et la sagesse qui est le Fils et la chaleur de son amour qui
est le Saint-Esprit.
— Les richesses et les
prospérités doivent toujours être suspectes. La pauvreté et la tribulation
acceptées avec patience sont des signes du salut de l'âme.
— Maudit
soit l'homme qui fait l'œuvre de Dieu négligemment, Maledictus
homo qui facit opus Dei negligenter.
— Il ne saurait y avoir deux paradis,
l'un dans ce monde, l'autre dans l'autre.
— Dieu entend tous les
langages. Lorsque vous vous recommandez aux prières d'un serviteur de Dieu,
priez de votre côté.
— Dieu a coutume d'opérer
de grandes choses dans les grands pécheurs.
— Ô affligés, ô éprouvés,
vous souffrez, il est vrai, avec le Christ, mais non pas comme le Christ.
— Dans les tentations,
quelle que soit leur nature, défiez-vous de vous-même ; jetez un regard
sur le crucifix, confiez-vous au Sauveur et prenez courage ; Dieu vous
sera fidèle si vous êtes fidèle à Dieu.
— En toute affaire, aussi
bien temporelle que spirituelle, faites votre rôle, laissez Dieu faire le sien
et tenez-vous en paix.
— Les vrais serviteurs de
Dieu doivent faire comme l'oiseau qui rase la terre, y prend sa pâture et
s'envole. Ne touchons la terre qu'autant que l'exigent les nécessités de la vie
humaine, et élevons-nous vers les cieux, louant et bénissant le souverain Maître.
— Il n'est pas vrai que les
hommes, s'ils pensaient toujours à la mort, négligeraient leur famille et le
monde, cesseraient de travailler et d'écrire. Erreur, erreur, plus un homme
pense à la mort, plus il sent le besoin de servir Dieu, de pratiquer la charité
et de faire des bonnes œuvres, car l'amour de Dieu porte infailliblement à
assister le prochain. Témoins tant de saints personnages qui, nourris de l'idée
de la mort, ont cependant écrit des livres, composé de savants ouvrages,
construit d'admirables édifices, servi de toutes manières et l'intérêt général
et l'intérêt particulier.
— Dieu veut, et c'est
justice, qu'en chaque chose nous le reconnaissions comme auteur de tout
bien. Si un homme voit Dieu et le glorifie jusque dans les moindres objets, par
exemple dans un insecte, dans une fleur, sa divine Majesté lui en sait gré ;
elle se plaît à cette louange et y attache de grandes faveurs.
— Il faut peu se soucier
que le monde dise de nous du bien ou du mal. S'il en dit du mal, qu'importe ?
puisqu'il n'y a aucun fond à faire sur le monde et ses jugements. S'il en dit
du bien, ce bien procède de Dieu et retourne à Dieu.
— Souffrir pour l'amour de
Dieu est une insigne faveur dont par lui-même l'homme est indigne. Mais l'homme
ne comprend pas cela. Il remercie Dieu de la prospérité et ne prend pas garde
que l'affliction serait une grâce bien plus grande.
— Les hommes s'usent à
former des projets et s'affligent s'ils échouent. Oh ! que leur affliction
serait plus légitime si elle naissait du sentiment de leurs péchés !
— Dieu, voyant ses élus
enclins au péché, les laisse quelquefois faillir, les expose à plusieurs maux,
les livre à plusieurs douleurs ; mais un jour vient où, illuminés de la grâce
divine, ces pécheurs détesteront les fautes qu'ils auront commises.
— Trois choses sont le
propre du religieux : aimer Dieu du fond du cœur, le louer toujours, et
toujours édifier par les bonnes œuvres.
— Dieu nous veut saints à
sa manière, non à la nôtre.
— Je ne veux que ce que
Dieu veut. Je suis bien partout, car je trouve Dieu partout.
— Confiez-vous en Dieu et
priez toujours. Qui obtient a le bien d'avoir obtenu ; qui n'obtient pas a
le bien d'avoir demandé. Ainsi chacun revient chargé des richesses du Seigneur.
— L'obéissance donne des
ailes.
— L'obéissance est un
carrosse qui conduit doucement en paradis.
— L'obéissance est notre
conductrice ; elle est pour nous le chien de l'aveugle.
— L'obéissance est un
couteau qui égorge la volonté de l'homme et l'immole à Dieu. C'est le couteau
qui a immolé le Christ notre Seigneur, lequel s'est fait obéissant jusqu'à la
mort, Factus est obediens usque ad mortem.
— Plutôt mourir que de ne pas
obéir. Sainte obéissance, sainte obéissance.
— À l'heure de la mort,
celui qui a mal vécu ressemble à l'écho, qui répercute les sons. Dites : « Jésus,
Marie », il répond : « Jésus, Marie » ; dites : « Je
me repens de mes péchés », il répond : « Je me repens de mes
péchés ». Il reçoit le son et il le renvoie : écho sans intelligence,
qui reproduit les bruits de l'air, mais qui n'exprime pas les repentirs du cœur.
— Celui-là seul est heureux
qui possède le vrai bien, c'est Dieu.
— Pratiquez les vertus solides,
ne vous attachez pas à d'éphémères dévotions, qui ne sont que feu de paille.
— Religieux, vous tous serviteurs
de Dieu, vous surtout supérieurs, donnez l'exemple ; prêchez, comme notre
Père saint François, par les actes ! Plus que par les paroles. Les
faits pénètrent le cœur, les paroles glissent et passent.
— Un homme de sens
acquiert, par une petite mortification, plus de mérites qu'un imprudent par des
disciplines sanglantes.
— Le prédicateur est une trompette
qui ne rend aucun son si Dieu ne l'anime.
— Il faut aller aux serviteurs
de Dieu avec foi, et, lorsqu'ils ont parlé, se conformer à leur avis. Sinon, il
vaut mieux s'abstenir de les consulter.
— Au service de Dieu, plus
on monte, plus on veut monter ; plus on connaît la grandeur du Seigneur,
plus on dédaigne les choses de la terre.
— Un homme placé au sommet
d'une tour, s'il regarde en bas, voit tout en petit, hommes et arbres ;
plaines et montagnes. Au contraire, s'il regarde en haut, la splendeur des
étoiles, l’immensité de l'air, la grandeur et la beauté du firmament le
ravissent : « Quel bon air je respire, s'écrie‑t-il, quelle
magnificence frappe mes regards ! » Ainsi le serviteur de Dieu cesse
d'estimer les choses que le monde estime, et plus il considère ces choses, plus
il s'étonne de la folie des hommes qui y attachent leur cœur.
— Tu es venu pour aimer,
pour servir Dieu durant les jours passagers de ta vie, non pour être cardinal
ou prince. Il ne te sera pas demandé compte de tes dignités en l'autre vie ;
on t'y demandera si tu as aimé ton Créateur.
— La
terre d'Adam ne sait produire que des ronces et des épines.
— Ce
n'est pas en paradis que se font les saints : ici-bas l'épreuve et la
douleur ; là-haut le bonheur et la paix.
— C'est
une grande épreuve que de vivre sans épreuves.
— Le démon m'apparaît, mais
je ne crains pas, car je me tiens en Dieu et vis retiré du monde.
— J'espère
en Dieu, je me fie en Dieu, que la volonté de Dieu soit faite.
— Plus
vous aurez de patience, plus vous avancerez.
— Il vaut mieux embrasser les
croix vives que les croix mortes.
— Oh ! que Dieu est
bon. Plût à Dieu que nous missions à le servir autant de diligence qu'il en met
à pourvoir à nos besoins !
— Je ne possède rien ;
mais Dieu m'approvisionne de tout..
— Je n'ai rien et je
possède tout. Si grande est la joie que j'espère, que toute peine m'est bonheur.
— Prenons
courage, Dieu pourvoit à tout.
— Dieu
toujours en aide. Je veux toujours espérer en lui.
— Toi qui te plains de tes
peines, égorge Dieu si tu peux ; c'est Dieu que te les envoie.
— Les hommes et les démons
feront ce que Dieu permettra, rien de plus, rien de moins. Tranquillisons-nous
donc ; Dieu agit pour le mieux.
— Il vaut mieux vivre où
Dieu le veut que où nous le voulons ; Dieu fait les choses mieux que nous.
— Qui fait toujours la
volonté de Dieu, fait toujours oraison.
— Nous ne devons travailler
à rien, même à notre salut éternel, que parce que telle est la volonté de Dieu.
— Toute bonne œuvre doit se
faire en vue d'appeler la miséricorde de Dieu sur nos péchés ou sur les péchés d'autrui.
— Quand Dieu dirige une âme
ou une affaire, laissez-le agir, le guide est bon.
— Je sème la prière, il
n'appartient qu'à Dieu de faire germer les grâces.
— Faites
oraison, faites oraison ; si les aridités d'esprit ou les distractions
font obstacle, récitez attentivement le Pater ; vous ferez ainsi tout à la fois et l'oraison vocale et l'oraison
mentale.
— Pourvu que Dieu y soit,
on est bien partout.
— Qui connaît Dieu et ne se
fie point en Dieu, mérite de finir sa vie à l'hôpital des fous.
— Ô toute-puissance, ô
amour ! Dieu méconnu et pourtant si visible. Dieu outragé et pourtant si
digne d'amour.
— Prends ce cœur, déchire
ce cœur, brûle ce cœur, ô mon Jésus.
— Mon Jésus, j'espère en toi, j'espère en ton sang, j'espère
en tes mérites, je n'espère rien de moi.
— Refuge des pécheurs, Mère
de Dieu, souvenez-vous de moi.
In Le saint volant : saint Joseph de Cupertino, par Albert
Garreau