Est-ce que nous ne voyons
pas les conditions de la vie humaine se transformer, sous nos yeux, par des
techniques qui sont, elles-mêmes, commandées et sans cesse modifiées par des
théories scientifiques que la réflexion et la pensée des chercheurs élaborent
par le moyen de l'abstraction mathématique, apparemment si éloignée des
réalités concrètes ? — Une erreur de calcul, l'oubli d'une donnée,
l'imprécision d'une mesure et rien ne va plus. Jamais ne fut plus étendue
l'emprise des théories, des systèmes, des hypothèses scientifiques sur notre
vie quotidienne.
Selon l'aboutissement des
recherches et des hypothèses qui se multiplient aujourd'hui autour du cancer du
poumon, on pourra voir demain des millions d'hommes abandonner l'usage de la
cigarette et péricliter des industries productives d'immenses revenus pour des
milliers de travailleurs. À moins qu'on ne découvre à ce mal une autre origine
ou qu'on invente quelque moyen de rendre inoffensive la manie du fumeur.
[ndvi :
ici, le RP Riquet a un peu péché par optimisme… les conséquences du tabac sont
identifiées, et on continue à fumer, pourquoi ?]
Toutes proportions gardées,
il en va de même dans notre vie morale et religieuse. Les doctrines, les
opinions, les systèmes théologiques et les dogmes y jouent un rôle
considérable, bienfaisant ou malfaisant selon que les idées répandues sont
justes ou erronées. Une erreur de l'esprit, même de bonne foi, même sincère,
même généreuse ne peut, par elle-même, conduire au bonheur car il n'y a de
bonheur réel et durable que dans le bien. Or, rien n'est bon que le vrai.
L'essentielle fonction des
dogmes est de nous guider dans la connaissance et l'amour des mystérieuses
réalités, objet de notre foi, un peu comme ces cartes et ces plans directeurs
avec lesquels on dirige la navigation d'un navire ou d'un avion. Ce ne sont que
des lignes sur une feuille plate et il faut un certain entraînement pour
reconnaître la réalité des distances et des reliefs à travers ces signes
abstraits et conventionnels. On y réussit pourtant et les calculs faits sur la
carte permettent de se situer et de se mouvoir, à coup sûr, dans l'immensité et
la variété de l'espace réel ! Mais que le dessin de la carte ou sa
cotation comporte une erreur et votre navire va s'échouer sur le banc de sable
ou heurter le récif caché qu'on avait omis d'indiquer. Et si l'œuvre du
cartographe fut sans défaut une lecture maladroite peut, aussi, conduire à la
catastrophe.
L'erreur n'est pas toujours
mortelle, mais elle n'est jamais bienfaisante. La bonne intention, la
sincérité, la générosité d'un geste maladroit n'empêcheront pas les accidents
qu'il provoque.
Si dévouée qu'elle soit, si
sincère que soit son désir de bien faire, si désintéressée, si généreuse
qu'elle se veuille l'infirmière qui prend un médicament pour un autre peut, par
son erreur, causer la mort d'un malade qui lui est cher. Nous l'avons dit
maintes fois, la véritable charité chrétienne est tout autre chose qu'une
réaction affective, elle doit être volonté lucide et efficace du bien, donc du
vrai et, par conséquent, refus de l'équivoque, de l'erreur, de la paresse et de
l'ignorance, de toute complicité dans le mal. Comme dit saint Paul, il s'agit
d'être ou de devenir « vrais dans l'amour ».
Notre vie religieuse,
morale et spirituelle ne peut normalement s'épanouir et progresser que dans la
lumière de l'éternelle et divine vérité. D'où l'importance de tout ce qui nous
met dans la vérité de Dieu, nous y fait vivre ou nous y conduit. Il nous est
donc bienfaisant d'être dans la vérité à l'égard de la Vierge Marie ; donc
aussi, d'avoir une juste idée de son Immaculée Conception. Non pas que ce dogme
soit le plus important mais, puisque c'est celui-là dont nous célébrons le
centenaire en cette année mariale [ndvi :
cette retraite a été prêchée en 1954], je voudrais, à titre d'exemple, vous
montrer comment la vérité d'un dogme bien compris peut faire progresser notre
vie spirituelle.
Inutile
de répéter ce soir ce que les Conférences du Carême nous ont rappelé, déjà, au
sujet de l'Immaculée Conception. De cet exposé retenons simplement l'essentiel.
Par une grâce particulière, en considération des mérites et du sacrifice rédempteur
de celui qui serait son Fils, Dieu a préservé Marie, dès l'instant de la
conception, de ce qui dans le lourd héritage de sa race depuis Adam aurait pu,
tant soit peu, entacher son âme. Elle fut donc, dès sa conception, dans l'état
où se trouvait Ève avant sa faute, dans une situation analogue à celle de
l'enfant en qui le baptême vient d'effacer la tache originelle. Nous ne
pourrions, certes, épuiser ce soir tous les « pourquoi », tous les
« comment » que nous suggère ce dogme du péché originel,
concernant sa nature exacte, sa transmission, ses conséquences. Ce qui est
certain et suffisamment évident, c'est que nous ne sommes nés ni les uns, ni
les autres, dans le paradis terrestre. Le premier péché nous en a exclus. Non
seulement nous ne vivons pas dans le paradis d'Adam et d'Ève, mais nous vivons
dans un monde où règnent le péché, le désordre, la corruption. Et nous
découvrons en nous une secrète complaisance, une précoce inclination qui nous
rendent particulièrement vulnérables à la séduction du péché dont notre origine
et notre naissance nous rendent naturellement solidaires puisque nous sommes,
par nature, fils de pécheurs, fils d'Adam et d'Ève. De cet état nous ne sommes
pas personnellement responsables, mais nous en héritons comme un noir ou un
blanc de sa peau. Mais il arrive ensuite que nous ratifions et alourdissons la
faute de nos pères en devenant, nous-mêmes, pécheurs comme nous y invite la
nature qu'ils nous ont léguée dépouillée de la grâce et de l'innocence
première.
Pas
plus que nous la Sainte Vierge ne fut créée dans un paradis terrestre, ses
parents l'ont engendrée dans notre monde pécheur et dans tout ce réseau de
solidarité qui enserre à leur naissance tous les fils d'Adam. Mais la grâce
rédemptrice lui a, dès le début de son existence dans le sein de sa mère, donné
une âme innocente et libre de toute emprise du péché. Comme celle d'Ève
lorsqu'elle surgit dans l'existence. Alors que, par cette grâce de Jésus-Christ
Notre-Seigneur que confère le baptême, l'enfant se trouve « dégagé de tout
lien avec le péché de ses pères et devient un homme nouveau, innocent,
immaculé, pur, sain et sauf, fils chéri de Dieu », Marie, elle, le fut,
dès sa conception, en plénitude.
Et
voici, précisément, ce qui, dans le dogme de l'Immaculée Conception, présente
pour nous un intérêt immédiat et pratique. Cette préservation, cette immunité
du péché originel, dont Marie fut privilégiée dès sa conception, ne diffère pas
essentiellement de l'innocence première qui était celle d'Ève avant sa faute,
ni de celle que nous restitue le baptême. Entre elle et nous, comme entre elle
et la première Ève, il y a surtout cette différence que jamais Marie n'a perdu,
ni gâché la grâce qui, dès sa conception, envahit son âme. Voilà ce qui doit
nous donner à réfléchir.
Tout
comme nous, Marie doit son innocence première à l'initiative gratuite de la bienveillance divine.
Sans la grâce de Dieu, elle aussi ne serait rien : mais combien d'entre
nous ont su garder l'innocence que leur avait rendu le baptême ? Combien
peuvent dire, comme Paul, « par grâce de Dieu je suis ce que je suis, et
la grâce qu'il me destinait n'a pas été stérile, mais j'ai peiné bien plus que tous les autres, non pas moi, mais la grâce de Dieu avec
moi ». (1 Cor., XV, 10).
La grandeur inégalable de
la Sainte Vierge lui vient, avant tout, de sa maternité divine. En cela nous ne
pourrons jamais nous comparer à elle. Mais pour devenir la Mère de Dieu, elle a
dû, d'abord, ne pas refuser, ne pas gaspiller, ne pas trahir sa grâce. En cela,
elle est notre modèle ; son exemple doit nous instruire et nous
encourager. La fidélité de Marie a sa
grâce. Telle est la grande leçon que nous suggère le dogme de l'Immaculée
Conception. Ève aussi fut immaculée dès le premier instant de son existence.
Mais elle n'a pas su garder cette innocence première. Elle aussi avait sa grâce
et toutes ses chances. Elle a tout gâché, et pour elle et pour ses fils. Car lorsqu'une femme
se corrompt et se dégrade, c'est sa race, toute sa descendance, que, pour une
part, elle dégrade et corrompt. Et, bien sûr, il faut en dire autant de
l'homme.
Et nous-mêmes, mes frères,
qu'avons-nous fait de l'innocence de notre baptême, des possibilités magnifiques
de sainteté, de vertu, d'héroïsme qui nous étaient alors données ?
Marie,
elle, n'a rien laissé perdre, n'a rien perdu, rien compromis. À toute
invitation de la grâce divine, d'un bout à l'autre de sa vie, elle a toujours
répondu : « Voici la servante du
Seigneur, que sa Parole s'accomplisse en
moi ».
Un
jour, en Galilée, une femme enthousiaste de
l'enseignement de Jésus s'écria : « Heureux le
sein qui
t'a porté et les mamelles qui t'ont allaité ! » (Luc, XI, 27). Mais lui de
répondre : « Comment donc ! Heureux quiconque écoute la
parole de Dieu et la garde ». Une autre fois il déclarait :
« Quiconque fait la volonté de mon Père qui
est aux cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère » (Matt., XII,
49).
En
celui qui met toute son âme à réaliser, dans sa vie, le bon plaisir de Dieu,
Jésus reconnaît sa mère, elle qui dévoua toute sa vie à l'accomplissement de la
Parole de Dieu.
Aucune
pratique de dévotion, si compliquée, si ardue qu'on l'imagine ou si fréquemment
qu'on la renouvelle, ne pourrait l'emporter sur cette simple attitude
d'acquiescement à la volonté de Dieu dont Marie nous donne l'exemple dans
l'accueil qu'elle fit au message de Dieu. Dire « oui » à Dieu
comme elle l'a fait ce jour-là mais, non moins, tous les autres jours de sa
vie. Lorsqu'elle assistait, sans mot dire, au trouble de son fiancé, Joseph,
justement inquiet de la voir enceinte avant qu'ils aient cohabité ; lorsqu'elle
cheminait, non sans fatigue, de la haute Galilée jusqu'aux montagnes de Judée,
pour visiter sa cousine Élisabeth ; lorsqu'elle enfantait si pauvrement, si
peu confortablement son fils Jésus à Bethléem ; lorsqu'elle
l'offrait, comme Abraham, sur l'autel du Moriah et que le vieillard
Siméon lui annonçait qu'un glaive lui
percerait le cœur ; lorsque, aussi, elle
dut fuir, en pleine nuit, de Judée jusqu'en Égypte, à travers le Néguev ou
lorsque, à Nazareth, elle n'en finissait pas de travailler inlassablement pour
que rien ne manquât à ses deux hommes, Joseph et Jésus ; lorsque plus
tard, aussi, Jésus la laissa seule, déconcertée, inquiète, sans appui tangible,
pour être, lui, tout entier, aux affaires de son Père du ciel ; lorsque,
enfin, au Golgotha, elle le vit cloué sur la croix, sanglant, disloqué, épuisé,
mourant, à chaque étape de cette dramatique et douloureuse histoire, elle s'incline, elle
accepte, elle dit oui. Elle dit « oui », non pas à la violence
ou à l'injustice des hommes, mais à la volonté de Dieu, dont elle sait, dont
elle croit qu'elle est sainte et bonne et toute bienfaisante. Toute sa vie son
cœur a chanté « Magnificat, exalte, mon âme, le Seigneur, exulte
mon esprit en Dieu mon Sauveur. Son amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le
craignent ».
Fille d'Israël, sa mémoire
regorge de souvenirs bibliques qui lui disent la bonté, la miséricorde, la
fidélité de Dieu. Elle en vit. Elle vibre de toute son âme au chant du Grand
lied du peuple d'Israël :
Rendez
grâce au Seigneur, car il est bon,
Car éternel est son amour ! (Ps. 135)
Car éternel est son amour ! (Ps. 135)
Elle vit à l'unisson des
femmes de son peuple que Dieu visita et dont les fils furent l'instrument des
promesses divines, Sara, Rebecca, Rachel, la mère de Moïse, celle de Samson,
celle de Samuel, celle de David, celles des Prophètes jusqu'à celle de Jean-Baptiste.
Humbles femmes, mais croyantes et fidèles, tout entières consacrées aux tâches
de leur maternité par laquelle le peuple d'Israël ne manqua ni de chefs, ni de
sauveurs au cours de sa
tragique histoire.
Elle communie à leur foi,
cette foi des patriarches et de tous ces ancêtres du Christ dont l'Épître
aux Hébreux nous dit : « C'est dans la foi qu'ils moururent tous,
sans avoir vu s'accomplir pour eux les Promesses, mais après les avoir aperçues
et saluées de loin et s'être qualifiés d'étrangers et de voyageurs sur la
terre. Aussi Dieu ne rougit-il pas de s'appeler leur Dieu ; et Il leur a,
de fait, préparé une cité ». (Hébreux, XI, 13 sq).
Avant d'être la mère de
Jésus et la première de tous ses disciples, la première de tous les chrétiens,
Marie a été fidèle à tout ce qu'exigeait d'elle la Thora, la Loi de ce
Dieu qui s'était manifesté à Moïse dans la majesté du Sinaï. Elle en
respectait, elle en observait toutes les prescriptions dans un esprit d'amour plus
encore que de crainte. Et c'est pourquoi elle s'y trouvait à l'aise.
Par là, elle se préparait,
sans le savoir, à la plus haute mission qui fut jamais confiée à une femme, à
être la mère de l'unique Sauveur, du Fils de Dieu coéternel au Père dans l'unité
du Saint-Esprit. Mais la qualité de sa préparation tenait essentiellement à sa
fidélité, à son empressement, à sa ferveur dans l'accomplissement de tout ce
qui lui était manifesté de la volonté du Dieu très Haut et très Bon.
Et c'est, précisément, cela
que nous enseigne le dogme de l'Immaculée Conception. Marie n’a jamais participé
à la faute de la première Ève. Jamais laissé entrer
dans son âme l'ombre d'une révolte, d'un refus, d'une méfiance, d'un doute à
l'égard de Dieu. Quoi qu'il arrive — et vous savez tout ce qui lui est arrivé
d'étonnant, de pénible, de déroutant, d'affreux, d'accablant — elle n'a cessé
de redire et de faire totalement siens les versets des Psaumes :
Ô mon âme, bénis Yahweh,
Et que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom.
Il est bon et miséricordieux Yahweh,
Lent à la colère et riche en bonté.
En vérité, c'est en Dieu que mon âme trouve son repos
Car c'est de lui que me vient le salut. (Ps. 103 et 62)
Et que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom.
Il est bon et miséricordieux Yahweh,
Lent à la colère et riche en bonté.
En vérité, c'est en Dieu que mon âme trouve son repos
Car c'est de lui que me vient le salut. (Ps. 103 et 62)
C'est par là que Marie,
conçue sans péché, n'a jamais laissé le péché entrer dans son âme, attentive,
fidèle, aimante, inlassablement aimante.
Que lui aurait servi d'être
conçue sans péché comme la première Ève, si, comme elle, elle s'était détournée
de Dieu pour se tourner vers la créature ? Sa gloire est d'être restée,
toute sa vie durant, ouverte à l'amour de Dieu. « Voici la servante du Seigneur, qu'il m'arrive selon ta
Parole ».
Mais nous tous qui avons
été baptisés, libérés par le baptême de cette tache, de ce lien, dont Marie fut préservée dès l'instant
de sa conception, pourquoi ne persévérons-nous pas, comme elle, dans cette
orientation totale vers Dieu que nous imprime la grâce première ? C'est là
le problème, essentiel de notre destinée, de notre salut, de notre progrès
moral et spirituel. Nous laisser envahir sans réticences, sans résistance par
l'amour de Dieu toujours prêt à réaliser, en chacun de nous comme en Marie,
« de grandes choses »,
c'est l'unique secret de notre sainteté, de notre bonheur.
C'est à cela que nous
invite toute réflexion sur l'Immaculée Conception, à être heureux comme Marie
l'était en se répétant ces versets du Psaume 118 :
Heureux ceux qui sont
parfaits en leurs voies,
Ceux qui suivent la Loi de Yahweh,
Heureux, ceux qui gardent ses commandements,
Ceux qui le cherchent de tout leur cœur.
Ceux qui suivent la Loi de Yahweh,
Heureux, ceux qui gardent ses commandements,
Ceux qui le cherchent de tout leur cœur.
Je
porte ta parole cachée au fond de mon cœur
Pour ne point pécher contre toi.
Ma joie, je la trouve dans la voie de tes commandements ;
Je ne mets jamais ta parole en oubli.
Pour ne point pécher contre toi.
Ma joie, je la trouve dans la voie de tes commandements ;
Je ne mets jamais ta parole en oubli.
Il
ne s'agit que d'aimer, d'aimer de tout son cœur, de toute son âme, de toutes
ses forces un Dieu bon et miséricordieux. Mais, pour cela, il faut aussi savoir
se détacher « de tout ce qui empêche l'affection de notre âme de se porter
totalement vers Dieu, omne illud
quod impedit ne affectus mentis totaliter feratur in Deum » (S. Thomas).
L'avarice,
la recherche et la jouissance égoïste des biens et plaisirs de ce monde,
l'amour idolâtre des créatures au mépris de leur Créateur, voilà ce qui nous
perd et, en tout cas, nous retarde et nous embarrasse.
Comme
disait saint Paul : « Avancez dans l'amour, tout de même que
le Christ nous a aimés et s'est
livré pour nous, offrande et sacrifice à Dieu en agréable odeur. De
fornication, d'impureté, de convoitise de toutes sortes que le nom même
soit banni d'entre vous, comme il convient à des saints... car, sachez-le bien,
tout fornicateur, tout impudique, tout convoiteux, ce qui revient au même
qu'idolâtre, sera privé d'héritage dans le royaume du Christ et de Dieu » (Eph.
V., 1-6).
Examinons
notre cœur, regardons où, le portent ses désirs, ses
affections, ses passions. Vers Dieu ? —Vers un idéal de bonté, de pureté,
de générosité, de dévouement ? — Ou bien vers notre propre et exclusive
satisfaction, aux dépens, au mépris des autres ? — « Deux amours ont construit deux cités,
écrivait saint Augustin, l'amour de soi
jusqu'au mépris de Dieu : la
cité infernale ; l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi-même : la
cité céleste ».
Il faut choisir.
Par son Immaculée
Conception, d'abord, mais par sa libre et volontaire résolution, ensuite, Marie
choisit, pour elle, mais aussi pour nous, l'amour de Dieu sans réserves et sans
retours. D'autres que leur baptême ou même, après le baptême, un humble et
généreux recours au sacrement de pénitence, avait refaits immaculés, sont
retournés à leur péché, « comme le
chien à son vomissement, comme la truie lavée va se vautrer dans la fange »,
disait saint Pierre à propos de ceux « qui,
s'étant soustraits aux corruptions du monde, dès qu'ils connurent le Seigneur
et Sauveur Jésus-Christ, s'y engagent de nouveau et sont vaincus » (II
Petri, II, 20-22).
Mais, si la Vierge Marie
est l'Immaculée, elle est aussi le refuge et le recours des pécheurs. Elle nous
est donnée, nous l'avons dit et redit, comme une avocate, une protectrice,
mieux encore comme une Mère. Tournons donc vers elle, en cette fin de carême de
l'année mariale, notre humble prière de pécheurs repentants, résolus à ne plus
gâcher les grâces de pardon et de renaissance qui nous sont, une fois encore
mais, peut-être, la dernière, offertes pour rendre à nos âmes cette robe
d'innocence que Marie, elle, sut garder sans tache.
Ainsi
soit-il.
Révérend Père Michel Riquet, sj, in La Vierge et nous