La parabole ne dit pas combien de temps le fils prodigue
est demeuré loin de cette maison où son père l’attendait, où son frère ne l’attendait
plus. Ce que le temps fait découvrir, ce n’est pas tellement le péché que la présence
d’un amour miséricordieux au sein même de ce péché. Ce soir là, comme chaque
jour après le travail, le père et le fils aîné devaient se retrouver pour le
repas. Ce qui n’était pas prévu, c’était le retour du plus jeune. C’était le
père faisant de ce repas une grande fête. C’était le refus de l’aîné, d’accepter
cet imprévu.
Car le fils prodigue qui arrive n’est plus le jeune fils
du départ. Il a expérimenté ce que c’est que de vivre sans ressources et sans
famille. Il n’a pas ce que nous appelons une contrition parfaite. On ne comprend pas du premier coup ce que c’est
que le péché. Il s’est mis en route pour revenir. Mais pour se proposer comme
un simple ouvrier. Mais ce n’est pas un serviteur qui est accueilli : c’est
un fils perdu et retrouvé. Et à ce fils qui revient, le père ne sait que dire !
Il se livre à des gestes un peu fous. Ce vieillard oriental de cette époque se
met à courir, il se jette au cou de son fils. Ce qu’il ne sait pas dire à son
fils, il le dit aux serviteurs : apportez des vêtements, mettez lui l’anneau…
Ce n’est plus un vieux père qui parle, c’est un homme qui a retrouvé sa raison
de vivre. Et il répète inlassablement à tout le monde « mon fils qui était
perdu est retrouvé ».
On ne peut pas taire hélas les paroles du fils aîné :
« jamais je n’ai transgressé… jamais tu ne m’as donné un chevreau… »
Il dit une vérité qu’il ressassait dans son cœur et qu’il n’avait jamais osé
dire… Le fils aîné dévoile ainsi qu’il a une âme de serviteur. Il expérimente à
sont tour ce qu’est le péché : il ne se considère pas comme un frère,
comme un fils.
Quelle lumière dans cette parabole sur le sacrement de
Pénitence ! Se découvrir pécheur ce n’est pas d’abord passer au peigne fin
tous les mobiles de nos actes (il n’est pas besoin d’être chrétien pour cela).
C’est renoncer à lire sa propre vie en circuit
fermé. C’est s’ouvrir au regard qu’un autre porte sur cette vie. Nous
regarder comme Dieu nous regarde. « Père j’ai péché contre le ciel ».
C’est à partir du moment où le fils se trouve en face de son père qu’il
abandonne son âme de serviteur pour retrouver un visage de fils mais de fils
pardonné. Prendre conscience de nos insuffisances personnelles, ce n’est pas
encore le péché. C’est en découvrant le visage paternel de Dieu qu’on découvre
la réalité du péché incluse dans la faute. Il n’y a de péché qu’à l’intérieur de
cette découverte.
Père Georges Périé