vendredi 3 avril 2015

En méditant... Louis de Grenade, Le Vendredi Saint


Ce jour-là, il faut contempler le mystère de la Croix et les sept paroles que le Seigneur y a prononcées. Éveille-toi, mon âme, et commence à considérer le Mystère de la sainte Croix par le fruit de laquelle se répare le dommage causé par le fruit vénéneux de l'arbre défendu.
Vois d'abord comment le Seigneur arrivé là, ces cruels ennemis, pour rendre sa mort plus honteuse, le dépouillent de ses vêtements, lui enlèvent même cette tunique de dessous, tissée d'une seule pièce sans couture. Vois ensuite avec quelle mansuétude le très innocent agneau se laisse écorcher sans ouvrir la bouche ni dire une parole contre ceux qui le traitaient ainsi. De bonne volonté, il consentit à se laisser dépouiller de ses vêtements et à rester nu. Il voulait avec ces vêtements couvrir mieux que ne l'avaient fait les feuilles de figuier notre nudité causée par le péché.
Certains docteurs disent que pour ôter au Seigneur sa tunique, on lui enleva avec une grande cruauté sa couronne d'épines et qu'après l'avoir mis à nu, on la lui replaça sur la tête en enfonçant de nouveau les épines, ce qui lui causa une douleur extrême.
On peut considérer, comme certain, qu'ils agirent avec cette cruauté ceux qui lui en firent souffrir tant d'autres extraordinaires au cours de sa passion. D'autant plus que l'Évangéliste nous dit qu'ils firent avec lui tout ce qu'ils voulurent.
Mais comme la tunique était collée aux plaies faites par la flagellation et que le sang coagulé ne faisait qu'un avec son tissu, en la lui enlevant les malfaiteurs, qui étaient étrangers à toute pitié, l'arrachèrent d'un seul coup et avec tant de force qu'ils écorchèrent et renouvelèrent toutes les plaies de la flagellation. Ce saint corps restait ainsi tailladé de toutes parts comme écorché. Ce n'était qu'une seule plaie d'où le sang coulait de tous côtés.
Considère ensuite, ô mon âme, la grandeur de la bonté et de la miséricorde divine qui resplendit si clairement dans ce mystère. Vois comme Celui qui couvre le ciel de nuages et les champs de fleurs est là dépouillé de ses vêtements. Considère le froid que dut endurer ce saint corps, nu et dépouillé, non seulement de ses vêtements, mais encore la peau enlevée avec toutes ses plaies ouvertes.
Si saint Pierre, malgré ses habits et sa chaussure, sentait le froid la nuit précédente, combien plus devait souffrir ce corps très délicat, sans vêtement, couvert de blessures.
Après cela, considère comment le Seigneur fut cloué à la croix et les douleurs qu'il souffrit lorsqu'on enfonça de gros clous dans les membres les plus sensibles de ce corps, le plus délicat de tous.
Et considère aussi ce que la Vierge dut ressentir lorsqu'elle vit de ses yeux et entendit de ses oreilles les coups terribles qui ne cessaient de tomber sur les membres divins.
Vraiment, les coups de marteau enfonçaient les clous dans les mains du Fils, mais ils traversaient le cœur de la Mère.
Vois comme ensuite ils élevèrent la croix et l'enfoncèrent dans un trou préparé à cet effet ; n'écoutant que leur cruauté, pour l'y placer, ils la laissèrent tomber d'un seul coup et ainsi tout ce saint corps fut balancé en l'air, les trous qu'avaient fait les clous se déchirèrent davantage, cause d'une intolérable douleur.
Ô mon Sauveur et mon rédempteur, quel sera le cœur de pierre qui ne se partagera pas de douleur puisque ce jour-là les pierres se fendirent en voyant ce que tu as souffert sur cette croix ! Seigneur, tu es entouré des douleurs de la mort, toutes les ondes de la mer ont déferlé sur toi. Précipité dans la profondeur des abîmes, tu ne trouves rien pour te servir d'appui. Le Père t'a abandonné, mon Seigneur que peux-tu espérer des hommes ? Tes ennemis t'insultent, tes amis te brisent le cœur, ton âme est angoissée et tu ne veux pas de consolation par amour pour moi : mes péchés furent cruels et la peine que tu subis pour eux le montre.
Je te vois, ô mon Roi, cloué à un madrier. Rien pour soutenir ton corps que trois crochets de fer, ta chair sacrée y est suspendue sans aucun autre appui. Si tu veux faire porter le poids de ton corps sur les pieds, leurs blessures s'élargissent avec les clous qui les traversent ; sur les mains, leurs blessures s'élargissent avec le poids du corps, et ta sainte tête, cruel tourment, couronnée d'épines, quel est l'oreiller qui la soutient ?
Oh ! comme vos bras, sérénissime Vierge, seraient bien employés à cet office. Ce ne sont pas les vôtres qui serviront maintenant, mais ceux de la croix. Sur eux, s'inclinera la tête sacrée pour trouver du repos, le soulagement qu'elle en aura sera de sentir les épines s'enfoncer un peu plus profondément.
La présence de la Mère augmenta encore les douleurs du Fils. Son cœur était crucifié comme l'était son corps. Ô bon Jésus, tu as deux croix aujourd'hui : une pour le corps, l'autre pour l'âme. L'une est de passion, l'autre de compassion. L'une traverse le corps avec des clous de fer et l'autre ton âme très sainte avec les clous de la douleur. Qui pourra, ô bon Jésus nous dire ce que tu ressentais quand tu voyais les angoisses de cette âme très sainte ; que tu savais, à n'en pas douter, être crucifiée avec toi sur la croix. Quand tu voyais ce cœur pitoyable traversé, transpercé d'un glaive de douleur ; lorsque tu levais tes yeux ensanglantés et que tu voyais ce saint visage couvert d'une pâleur mortelle et les angoisses de son âme qui ne lui donnaient pas la mort, mais plus que la mort. Ces ruisseaux de larmes que versaient ses yeux très purs et les gémissements qui jaillissaient de cette poitrine sacrée sous le poids de la grande douleur.
Après cela, tu peux méditer les sept paroles que le Seigneur prononça sur la croix :
La première : « Père, pardonne-leur, ils ne savent ce qu'ils font ».
La seconde au bon Larron : « Aujourd'hui, tu seras reçu avec moi en paradis ».
La troisième à sa très sainte Mère : « Femme, voilà ton Fils ».
La quatrième : « J'ai soif ».
La cinquième : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'abandonnez-vous ? »
La sixième : « Tout est accompli ».
Le septième : « Père, je remets mon esprit entre tes mains ».
Considère ensuite, ô mon âme, avec quelle charité dans les paroles il recommande ses ennemis à son Père, avec quelle miséricorde il accueille la prière du bon Larron, avec quel cœur il recommande sa pieuse Mère au disciple aimé, quelle soif et quelle ardeur il montre dans son désir du salut des hommes, avec quelle voix douloureuse il fait entendre sa plainte de l'abandon de Dieu, comment il pousse jusqu'au bout d'une manière si parfaite l'obéissance à son Père et comment enfin, il lui recommande son esprit et se confie tout entier dans ses très saintes mains.
Chacune de ces paroles renferme un singulier exemple de vertu.
Dans la première, il nous recommande la charité envers nos ennemis ; dans la seconde, la miséricorde pour les pécheurs ; dans la troisième, le respect pour nos parents ; dans la quatrième, le désir du salut du prochain ; dans la cinquième, la prière dans les tribulations et les épreuves que Dieu nous envoie ; dans la sixième, la vertu de l'obéissance et de la persévérance ; dans la septième, la parfaite résignation entre les mains de Dieu, ce qui est le comble que peut atteindre notre perfection.

Louis de Grenade, in Méditations sur la Passion de Notre-Seigneur