Ce jour-là, tu pourras penser à la descente de Notre-Seigneur
dans les enfers ; à son apparition à Notre-Dame, à sainte Madeleine et aux
apôtres, ainsi qu'au mystère de sa glorieuse Ascension.
Sur le premier point, considère
quelle fut au séjour des morts l'allégresse de ces saints Pères lorsqu'ils
virent présent leur libérateur et quelles actions de grâces et quelles louanges
ils lui rendirent pour ce salut tant désiré, tant espéré.
Considère aussi l'allégresse de la
Très Sainte Vierge, allégresse du Fils ressuscité. Il est bien certain que
comme elle fut celle qui sentit le plus les douleurs de sa passion, elle fut
aussi celle qui se réjouit le plus de sa résurrection.
Quels sentiments dut-elle éprouver
quand elle vit devant elle ce Fils vivant et glorieux accompagné de tous ces
saints Pères qui ressuscitèrent avec Lui.
Que fit-elle ? Que dit-elle ?
Quels furent ses embrassements, ses baisers, les larmes pieuses de ses yeux et
le désir d'aller à Lui si cela eût été permis ?
Considère l'allégresse de ces Saintes
femmes et spécialement
de celle qui pleurait devant le sépulcre quand elle vit l'ami de son âme et
qu'elle se jeta à ses pieds, ayant trouvé ressuscité et vivant Celui qu'elle
cherchait et qu'elle désirait voir alors qu'elle le croyait mort.
Remarque qu'après Sa Mère, elle fut
la première personne à laquelle il ait apparu, parce que, plus qu'aucune autre,
elle l'aime, lui est fidèle, le pleure et le cherche avec la plus grande
sollicitude. Ainsi tu peux tenir pour certain que tu trouveras Dieu si tu le
cherches avec le même soin et les mêmes larmes.
Considère aussi de quelle manière il
apparut, comme un pèlerin, aux disciples qui allaient à Emmaüs. Vois comme il
se montre affable , comme il les accompagne familièrement, comme il se dissimule
avec douceur, et finalement comme il se découvre avec amour et les laisse avec
la douceur du miel sur les lèvres.
Que tes conversations soient
semblables à celles qu'ils tenaient, traite avec un sentiment profond de
douleur ce qu'ils traitaient eux-mêmes — c'est-à-dire les souffrances et les
épreuves du Christ — et tiens pour sûr que tu peux compter sur sa compagnie si
tu es toujours fidèle à sa mémoire.
Pour le mystère de l'Ascension,
considère en premier lieu comme le Seigneur retarde cette montée au ciel
pendant l'espace de quarante jours. Dans ce temps, il apparut à plusieurs
reprises à ses disciples, il leur donnait son enseignement, il parlait avec eux
du royaume des cieux.
De telle sorte qu'il ne voulut ni
monter au ciel ni se séparer d'eux jusqu'au jour où il les laissa capables de
pouvoir, en esprit, monter au ciel avec lui. Tu peux comprendre par là que
souvent la présence corporelle du Christ — c'est-à-dire la consolation sensible
de la dévotion — manque à ceux qui peuvent, en esprit, voler en haut, où ils
sont plus à l'abri de tout danger. En cela resplendit merveilleusement la
providence de Dieu et la manière dont il traite les siens dans les divers
temps.
Il réjouit les faibles, il exerce les
forts, il donne le lait aux petits et sèvre ceux qui sont grands.
Il console les uns et éprouve les
autres et ainsi il traite chacun selon le degré de son avancement. C'est pour
cela que celui qui est consolé ne doit pas avoir de présomption, car la
consolation indique la faiblesse et celui qui est éprouvé ne doit pas être
affligé puisque c'est très souvent l'indice de la force.
En présence de ses disciples, sous
leurs regards, il monte au ciel pour qu'ils puissent témoigner de ces mystères,
et nul n'est meilleur témoin des œuvres de Dieu que celui qui les a éprouvées
par expérience. Si tu veux savoir en vérité combien Dieu est bon, combien doux
et suave pour les siens, quelle est la vertu et l'efficacité de sa grâce, de
son amour, de sa providence et de ses consolations, demande-le à ceux qui l'ont
éprouvé, ils te rendront de cela un très suffisant témoignage.
Il voulait aussi que ses disciples le
vissent monter au ciel pour qu'ils puissent le suivre des yeux et de l'esprit.
Il voulait qu'ils sentissent son départ pour que son absence les laissât dans
la solitude, c'était la meilleure préparation pour recevoir sa grâce. De telle
sorte que ceux-là seront participants de l'Esprit du Christ à qui l'amour fera
sentir le départ du Christ, ceux qui sentiront son absence et seront sur cette
terre toujours soupirants après sa présence.
Puis quels furent la solitude,
l'impression, les paroles et les larmes de la Très Sainte Vierge, du disciple
aimé et de sainte Madeleine et de tous les apôtres quand ils virent s'en aller
et disparaître à leurs yeux celui qui emportait leurs cœurs avec lui. De tout
cela, on dit qu'ils revinrent à Jérusalem avec une grande joie, tant ils
l'aimaient.
Ce même amour qui leur faisait sentir
si cruellement son départ les faisait, d'autre part, se réjouir de sa gloire,
parce que le véritable amour ne se cherche pas lui-même, mais seulement celui
qu'il aime.
Il reste à considérer avec quelle
grande gloire, avec quelle allégresse, quelles acclamations et quelles louanges
ce noble triomphateur fut reçu en la cité souveraine. Quelle fut la fête et la
réception qu'on lui fit. Que sera-ce de voir réunis ensemble hommes et anges et
tous s'avancer dans cette noble cité, aller occuper ces sièges vides depuis tant d'années, et
au-dessus de tous s'élever cette très sainte humanité pour prendre place à la
droite du Père ?
Tout cela est à prendre en grande
considération pour voir comment sont bien employés les travaux faits pour
l'amour de Dieu et comme celui qui s'humilie et souffre plus que toutes les
créatures, est aussi grandi et élevé au- dessus d'elles toutes. Par cela les
amants de la véritable gloire doivent entendre le chemin qu'ils doivent suivre
pour l'atteindre : descendre pour monter ; s'abaisser au-dessous de
tous pour être élevé au-dessus de tous.
Louis de Grenade, in Méditations sur la Passion de Notre-Seigneur