dimanche 5 avril 2015

En méditant... Louis de Grenade, Le dimanche de la Résurrection


Ce jour-là, tu pourras penser à la descente de Notre-Seigneur dans les enfers ; à son apparition à Notre-Dame, à sainte Madeleine et aux apôtres, ainsi qu'au mystère de sa glorieuse Ascension.
Sur le premier point, considère quelle fut au séjour des morts l'allégresse de ces saints Pères lorsqu'ils virent présent leur libérateur et quelles actions de grâces et quelles louanges ils lui rendirent pour ce salut tant désiré, tant espéré.
Considère aussi l'allégresse de la Très Sainte Vierge, allégresse du Fils ressuscité. Il est bien certain que comme elle fut celle qui sentit le plus les douleurs de sa passion, elle fut aussi celle qui se réjouit le plus de sa résurrection.
Quels sentiments dut-elle éprouver quand elle vit devant elle ce Fils vivant et glorieux accompagné de tous ces saints Pères qui ressuscitèrent avec Lui.
Que fit-elle ? Que dit-elle ? Quels furent ses embrassements, ses baisers, les larmes pieuses de ses yeux et le désir d'aller à Lui si cela eût été permis ?
Considère l'allégresse de ces Saintes femmes et spécialement de celle qui pleurait devant le sépulcre quand elle vit l'ami de son âme et qu'elle se jeta à ses pieds, ayant trouvé ressuscité et vivant Celui qu'elle cherchait et qu'elle désirait voir alors qu'elle le croyait mort.
Remarque qu'après Sa Mère, elle fut la première personne à laquelle il ait apparu, parce que, plus qu'aucune autre, elle l'aime, lui est fidèle, le pleure et le cherche avec la plus grande sollicitude. Ainsi tu peux tenir pour certain que tu trouveras Dieu si tu le cherches avec le même soin et les mêmes larmes.
Considère aussi de quelle manière il apparut, comme un pèlerin, aux disciples qui allaient à Emmaüs. Vois comme il se montre affable , comme il les accompagne familièrement, comme il se dissimule avec douceur, et finalement comme il se découvre avec amour et les laisse avec la douceur du miel sur les lèvres.
Que tes conversations soient semblables à celles qu'ils tenaient, traite avec un sentiment profond de douleur ce qu'ils traitaient eux-mêmes — c'est-à-dire les souffrances et les épreuves du Christ — et tiens pour sûr que tu peux compter sur sa compagnie si tu es toujours fidèle à sa mémoire.
Pour le mystère de l'Ascension, considère en premier lieu comme le Seigneur retarde cette montée au ciel pendant l'espace de quarante jours. Dans ce temps, il apparut à plusieurs reprises à ses disciples, il leur donnait son enseignement, il parlait avec eux du royaume des cieux.
De telle sorte qu'il ne voulut ni monter au ciel ni se séparer d'eux jusqu'au jour où il les laissa capables de pouvoir, en esprit, monter au ciel avec lui. Tu peux comprendre par là que souvent la présence corporelle du Christ — c'est-à-dire la consolation sensible de la dévotion — manque à ceux qui peuvent, en esprit, voler en haut, où ils sont plus à l'abri de tout danger. En cela resplendit merveilleusement la providence de Dieu et la manière dont il traite les siens dans les divers temps.
Il réjouit les faibles, il exerce les forts, il donne le lait aux petits et sèvre ceux qui sont grands.
Il console les uns et éprouve les autres et ainsi il traite chacun selon le degré de son avancement. C'est pour cela que celui qui est consolé ne doit pas avoir de présomption, car la consolation indique la faiblesse et celui qui est éprouvé ne doit pas être affligé puisque c'est très souvent l'indice de la force.
En présence de ses disciples, sous leurs regards, il monte au ciel pour qu'ils puissent témoigner de ces mystères, et nul n'est meilleur témoin des œuvres de Dieu que celui qui les a éprouvées par expérience. Si tu veux savoir en vérité combien Dieu est bon, combien doux et suave pour les siens, quelle est la vertu et l'efficacité de sa grâce, de son amour, de sa providence et de ses consolations, demande-le à ceux qui l'ont éprouvé, ils te rendront de cela un très suffisant témoignage.
Il voulait aussi que ses disciples le vissent monter au ciel pour qu'ils puissent le suivre des yeux et de l'esprit. Il voulait qu'ils sentissent son départ pour que son absence les laissât dans la solitude, c'était la meilleure préparation pour recevoir sa grâce. De telle sorte que ceux-là seront participants de l'Esprit du Christ à qui l'amour fera sentir le départ du Christ, ceux qui sentiront son absence et seront sur cette terre toujours soupirants après sa présence.
Puis quels furent la solitude, l'impression, les paroles et les larmes de la Très Sainte Vierge, du disciple aimé et de sainte Madeleine et de tous les apôtres quand ils virent s'en aller et disparaître à leurs yeux celui qui emportait leurs cœurs avec lui. De tout cela, on dit qu'ils revinrent à Jérusalem avec une grande joie, tant ils l'aimaient.
Ce même amour qui leur faisait sentir si cruellement son départ les faisait, d'autre part, se réjouir de sa gloire, parce que le véritable amour ne se cherche pas lui-même, mais seulement celui qu'il aime.
Il reste à considérer avec quelle grande gloire, avec quelle allégresse, quelles acclamations et quelles louanges ce noble triomphateur fut reçu en la cité souveraine. Quelle fut la fête et la réception qu'on lui fit. Que sera-ce de voir réunis ensemble hommes et anges et tous s'avancer dans cette noble cité, aller occuper ces sièges vides depuis tant d'années, et au-dessus de tous s'élever cette très sainte humanité pour prendre place à la droite du Père ?
Tout cela est à prendre en grande considération pour voir comment sont bien employés les travaux faits pour l'amour de Dieu et comme celui qui s'humilie et souffre plus que toutes les créatures, est aussi grandi et élevé au- dessus d'elles toutes. Par cela les amants de la véritable gloire doivent entendre le chemin qu'ils doivent suivre pour l'atteindre : descendre pour monter ; s'abaisser au-dessous de tous pour être élevé au-dessus de tous.

Louis de Grenade, in Méditations sur la Passion de Notre-Seigneur