Ce jour-là, il y a
lieu de considérer le coup de lance donné au Seigneur, la descente de la croix,
les lamentations de la Sainte Vierge,
l'accomplissement de la Sépulture.
Considère comment le Sauveur étant
expiré sur la croix et le désir de ses ennemis qui désiraient tant le voir mort
se trouvant réalisé, la rage de leur fureur n'est pas apaisée et ils veulent
encore se venger et s'acharner sur ces saintes reliques, ouvrage de leurs
mains.
Voici un de leurs serviteurs qui
s'avance, une lance à la main : il perce avec une grande force la poitrine
nue du Sauveur. La violence du coup souleva la croix et fit jaillir de l'eau et
du sang.
Ô
ruisseau qui vient du paradis dont les eaux couvrent toute la face de la terre.
Ô
blessure de ce Cœur précieux, faite par l'amour des hommes plus que par le fer
de la lance cruelle.
Ô
porte du ciel, fenêtre du paradis, lieu de refuge, tour fortifiée, sanctuaire
des justes, sépulcre des pèlerins, nid des colombes pures et lit fleuri de
l'épouse de Salomon !
Salut
blessure du Cœur précieux qui blesse les cœurs des
dévots, blessure qui blesse les âmes des justes, rose d'ineffable beauté, rubis
d'un prix inestimable, entrée du cœur du Christ, témoignage de son amour et
gage de la vie sans fin.
Après cela, considère comme le même
jour, sur le tard, arrivent ces deux saints compagnons, Joseph et Nicomède. Ils
appuient leurs échelles à la croix et descendent dans leurs bras le corps du
Sauveur.
Quand la Vierge vit que le tourment
de la passion était terminé et que le corps reposait à terre, elle voulut lui
donner sur son sein un refuge assuré et des bras de la croix le recevoir dans
les siens. Elle demanda avec la plus grande humilité à cette noble compagnie de
la laisser arriver jusqu'à son Fils, puisque de sur la croix, elle n'avait pu
recevoir ses adieux et ses derniers embrassements.
Sa douleur serait encore plus grande,
si ses ennemis, l'ayant séparée de son Fils quand il était vivant, ses amis
l'empêchaient de l'approcher maintenant qu'il est mort.
Ensuite, quand la Vierge le tint en
ses bras, quelle langue pourrait exprimer ce qu'elle ressentit.
Ô
anges de la paix, pleurez avec cette sainte Vierge ! Pleurez cieux,
pleurez étoiles du ciel et vous toutes les créatures du monde, que vos
gémissements accompagnent ceux de Marie !
La Mère tenait dans ses bras ce corps
mutilé, le pressait fortement sur son sein — pour cela seul, il lui restait des
forces. — Elle mettait sa
figure au milieu des épines que portait cette tête sacrée. Elle collait son
visage sur celui de son Fils. La face de la très sainte Mère se teignit du sang
du Fils, celle du Fils était arrosée des larmes de la Mère.
Ô
douce Mère ! est-ce là votre très doux enfant ? Est-ce lui dont la
conception vous rendit si heureuse ; que sont devenus votre bonheur passé
et vos anciennes joies ? Où est ce miroir de beauté où vous retrouviez
votre image ?
Tous ceux qui étaient là pleuraient.
Elles pleuraient les saintes femmes, ils pleuraient ces nobles compagnons, le
ciel et la terre pleuraient et toutes les créatures accompagnaient de leurs
larmes celles de la Vierge. Il pleurait aussi le saint Évangéliste, embrassant
le corps de son Maître. Il disait :
Ô
bon Maître et mon Seigneur, à l'avenir qui m'instruira, à qui irai-je porter
mes doutes ?
Sur quelle poitrine pourrai-je me reposer ?
Qui me communiquera les secrets du ciel ?
Sur quelle poitrine pourrai-je me reposer ?
Qui me communiquera les secrets du ciel ?
Avant-hier
au soir, tu me tenais sur ta poitrine et tu me donnais l'allégresse de vivre,
maintenant, je remémore un si grand bienfait en te tenant mort sur mon cœur.
Est-ce là le visage que j'ai vu tout transfiguré au Mont Thabor ;
Est-ce là le visage plus éclatant que le soleil en son midi ?
Est-ce là le visage que j'ai vu tout transfiguré au Mont Thabor ;
Est-ce là le visage plus éclatant que le soleil en son midi ?
Elle pleurait aussi cette sainte
pécheresse et embrassant les pieds du Sauveur elle disait :
Ô
lumière de mes yeux et remède de mon âme !
Renonçant
au péché qui me recevra ?
Qui pourra gémir sur mes plaies ?
Qui répondra pour moi ?
Qui me défendra contre les pharisiens ?
De quelle différente manière j'ai tenu ces pieds et je les ai lavés quand tu me permis de les toucher.
Ô amour de mes entrailles, que l'on me dise donc que je peux mourir avec toi !
Ô la vie de mon âme, comment puis-je dire que je t'aime puisque je suis vivante et que tu es mort devant mes yeux ?
Qui pourra gémir sur mes plaies ?
Qui répondra pour moi ?
Qui me défendra contre les pharisiens ?
De quelle différente manière j'ai tenu ces pieds et je les ai lavés quand tu me permis de les toucher.
Ô amour de mes entrailles, que l'on me dise donc que je peux mourir avec toi !
Ô la vie de mon âme, comment puis-je dire que je t'aime puisque je suis vivante et que tu es mort devant mes yeux ?
Ainsi pleurait et se lamentait toute
cette sainte compagnie, arrosant et lavant de ses larmes ce corps sacré.
Ensuite l'heure de la sépulture étant
arrivée, ils enveloppèrent ce saint corps d'un linceul immaculé, placèrent sur
sa tête un suaire et le portèrent sur un brancard jusqu'au sépulcre. Ils
déposèrent là ce précieux trésor. Le sépulcre fut couvert d'une pierre et le cœur
de la Mère de sombres et tristes ténèbres.
Là elle quitte une autre fois son
Fils, là elle commence à sentir de nouveau son isolement, là elle se sent
dépouillée de tout son bien.
Elle laisse là son cœur dans le sépulcre
où elle laisse son trésor.
Louis de Grenade, in Méditations sur
la Passion de Notre-Seigneur