J'aurais voulu, Mesdames, pouvoir
m'arrêter sur chacun des beaux textes que nous rencontrons dans le magnifique
Office qui fait le sujet de nos entretiens, mais il faut passer rapidement à
travers tous ces trésors ; et c'est pourquoi, laissant, à mon grand
regret, les antiennes et les répons du second nocturne, dont je vous ai déjà
par anticipation expliqué quelques-uns,
dont nous retrouverons quelques autres, ou du moins les pensées qu'ils
expriment, dans la suite de nos lectures, car cette liturgie reproduit plus
d'une fois, sous des formes variées, les mêmes grands enseignements.
J'arrive aux antiennes et aux répons
du troisième nocturne. Et qu'est-ce que j'y trouve ? Un hymne incomparable
à la gloire de la femme chrétienne. Après avoir retracé ses devoirs et ses vertus,
ainsi que vous l'avez vu dans les textes qui ont déjà passé sous vos yeux, en
présence de la femme réalisant le type présenté par lui, on dirait que
l'Esprit-Saint tout à coup s'émeut, et s'élève, j'allais dire, à une explosion
d'admiration. Je ne crois pas que dans les saints Livres, là même où ils
exaltent si haut la femme forte, on puisse trouver des pages où l'Esprit-Saint
se soit livré à la louange comme ici. Nulle part je n'ai vu un pareil éloge.
À quoi cela tient-il ? Je me le
suis demandé. Est-ce à la faiblesse originelle qu'il y a en vous et dont votre
première mère a été le premier et triste exemple ? Je ne sais. Peut-être !
Peut-être que, voyant en vous, à côté de tant de noblesse, une telle misère
aussi, une telle dépravation possible, l'Esprit-Saint, lorsqu'il rencontre la
force dans cette faiblesse, la pureté sans tache où pourrait être la dépravation,
quand, dis-je, l'Esprit-Saint rencontre cela, il est ému, si je puis appliquer
ce mot à Dieu, et, devant ce spectacle, il suscite dans l'écrivain sacré
inspiré par lui l'enthousiasme.
Quoi qu'il en soit, écoutez cet
hymne. Je commence par vous lire les antiennes des trois psaumes, avec le
verset qui les suit :
C'est
toi la gloire de Jérusalem, c'est toi la joie d'Israël, c'est toi l'honneur de
notre peuple.
Tu es bénie du Seigneur, et tout le peuple sait que tu es une femme pleine de vertu.
Le Seigneur mettra sa joie en toi ; dans son amour il demeurera près de toi en silence, et ce silence fera place à des éclats d'admiration.
Sois donc bénie du Seigneur ;
— Et puisses-tu voir la prospérité de Jérusalem tous les jours de ta vie.
Tu es bénie du Seigneur, et tout le peuple sait que tu es une femme pleine de vertu.
Le Seigneur mettra sa joie en toi ; dans son amour il demeurera près de toi en silence, et ce silence fera place à des éclats d'admiration.
Sois donc bénie du Seigneur ;
— Et puisses-tu voir la prospérité de Jérusalem tous les jours de ta vie.
L'hymne se prolonge dans les répons.
Avez-vous remarqué déjà, Mesdames, comment, dans cette belle liturgie, c'est
l'Ancien Testament qui commence, c'est le Nouveau qui réplique et continue ?
Ainsi les deux Testaments concordent et se répondent ?
Bien
des filles ont amassé des richesses ; mais tu les as toutes surpassées.
La beauté est vaine et la grâce trompeuse ; seule la femme qui craint Dieu mérite d'être louée.
— L'ornement des saintes femmes, c'est l'incorruptibilité d'un esprit modeste ;
et cela est une riche parure devant Dieu.
La beauté est vaine et la grâce trompeuse ; seule la femme qui craint Dieu mérite d'être louée.
— L'ornement des saintes femmes, c'est l'incorruptibilité d'un esprit modeste ;
et cela est une riche parure devant Dieu.
Tu
as agi virilement, ton cœur a été fort devant Dieu, parce que tu as aimé la
chasteté.
Et c'est pourquoi la main du Seigneur t'a fortifiée, et pourquoi tu seras bénie éternellement.
— Ô femme, que ta foi est grande !
Et c'est pourquoi la main du Seigneur t'a fortifiée, et pourquoi tu seras bénie éternellement.
— Ô femme, que ta foi est grande !
Toutes
tes paroles sont vérité, et il n'y a rien à reprendre dans ton langage.
Maintenant donc, prie pour nous, car tu es une femme sainte et craignant Dieu.
— Ta foi t'a sauvée.
Maintenant donc, prie pour nous, car tu es une femme sainte et craignant Dieu.
— Ta foi t'a sauvée.
Le voilà, cet hymne triomphal, ce
chant lyrique incomparable. Ce qu'il fait d'abord éprouver à l'âme, c'est une
sorte d'éblouissement. On croit voir comme une gerbe de lumière, ou comme l'un
de ces grands spectacles que l'on a quelquefois le soir d'un beau jour sur les
bords de notre Loire, quand le soleil couchant, nous envoyant ses dernières
splendeurs, peint dans les nuages un de ces tableaux radieux comme Dieu seul,
l'artiste suprême, en sait faire.
Mais si après ce premier et vif sentiment
d'admiration, nous cherchons à nous recueillir et à considérer de plus près ces
beaux textes, nous pourrons voir se détacher de l'ensemble quelques traits plus
éclatants, je veux dire quelques vertus dominantes, qui méritent que nous y
arrêtions un moment nos regards.
Voici celles que nous pouvons surtout
distinguer ici : d'abord cette belle et fondamentale vertu de chasteté,
qui est l'auréole de la femme chrétienne : ce qui la produit, la force ;
ce qui la sauvegarde, la modestie ; ce qui en est le fruit, la gloire.
Puis, cette autre chasteté d'âme, la
droiture, le respect délicat de la vérité, qui se traduit dans la sincérité
absolue des paroles, comme dans la simplicité de la conduite.
Enfin, la vertu, principe des autres,
la grande foi. Reprenons les textes où ces vertus sont glorifiées. Et d'abord
la chasteté.
« Vous avez agi virilement » avec courage, avec énergie ; « et c'est de votre amour pour la chasteté que
venait à votre cœur cette force ». Il est triste de le dire ;
mais dans les temps où nous vivons, ce courage, cette énergie, cette virilité
ne se rencontre pas souvent, même chez les hommes ! « Vous avez agi avec virilité et votre cœur a
été fort » — le cœur ! qui est souvent si faible ! « et, à cause de cela, la main du Seigneur
s'est reposée sur vous avec complaisance pour vous soutenir ».
Oh ! Mesdames, on parle beaucoup
de votre faiblesse, mais pas assez de votre force. Soyez fortes ! Sachez
résister ! Ne soyez pas de ces feuilles légères, mortes, que le vent
emporte et balaye ; ayez de la consistance, de la fermeté, de l'énergie. La vertu est
assez belle pour être envers et contre tout défendue ! Soyez, comme il est
dit quelque part dans l'Écriture, la citadelle, la forteresse qu'on ne prend
pas. Vous pouvez, quand vous voulez, être invincibles.
Une des conditions de cette force,
c'est l'horreur ou le mépris pour tout ce qui peut amollir et, affaiblir, pour
cette vanité féminine, en particulier, qui se produit par le goût exagéré de la
parure. Les textes que nous étudions l'indiquent expressément : la
sauvegarde de la vertu, c'est la modestie. « L'ornement des saintes Femmes, c'est l'incorruptibilité d'un esprit
modeste ; et cela est une riche parure devant Dieu ». Quelle
belle leçon !
Veuillez le remarquer, il ne s'agit
pas seulement de la modestie dans ses lois les plus élémentaires : c'est
de sa plus haute délicatesse qu'il est ici parlé, c'est l'esprit de modestie
qui doit régner en vous. L'esprit d'une chose veut dire cette chose portée à
son plus haut point. L'esprit de modestie est donc cette vertu portée à son
plus haut degré, cette vertu dans toute sa fleur, dans tout son charme. Mais
ont-elles cet esprit de modestie, ces femmes vaines pour qui la parure est une
si capitale affaire, et qui consacrent à cette misère tant de temps, d'argent,
et de passion ! Ornez-vous, puisqu'il le faut : mais que ce soit
toujours, comme dit l'Apôtre, dans l'incorruptibilité d'un esprit modeste.
Que d'orgueil il y a dans cette
triste passion ! C'est pourquoi, dans les versets du nocturne que j'ai
passés, l'orgueil est si fort stigmatisé. Je reprends un de ces textes ;
écoutez-le ; je ne sais comment le traduire : « Qui facit
superbiam ! Celui qui fait
l'orgueil ». Quelle expression ! faire l'orgueil ! Eh bien !
« celui qui fait l'orgueil n'habitera
pas dans ma maison ». Cela ne veut pas dire qu'une maîtresse de maison
doive renvoyer de chez elle tous ceux qui se montrent vains et les orgueilleux ;
mais il est, pour les femmes du monde, une certaine manière d'être, une
dignité, une autorité aimable, qui inspire à tous, même aux personnes hautaines
et vaines, les convenances et le respect ; et cela souvent, comme j'ai eu
déjà occasion de vous le dire, par un simple mot, un regard, une attitude, le
silence même. Oh ! combien Dieu a en mépris l'âme frivole et vaniteuse qui
s'enorgueillit de tout : de sa parure, de son luxe, de sa richesse !
C'est pourquoi, dans un autre des textes que je ne vous ai pas lus, et que je
rapproche ici naturellement de celui qui nous occupe, l'Esprit-Saint met sur
les lèvres de la femme chrétienne ces paroles d'un psaume célèbre : « J'ai aimé vos préceptes, plus que l'or et
les topazes ». Les préceptes divins bien observés, voilà la vraie
parure d'une femme sérieuse, d'une femme vertueuse ! Et pour inculquer
plus fortement cette pensée, la réplique de ce répons emprunte à l'évangile de
saint Luc ces autres fortes paroles : « Quelque riche que soit un homme, ce ne sont pas les biens qu'il possède
qui lui donneront la vraie vie ». Donc, la véritable sagesse,
Mesdames, c'est la modestie en toutes choses ; et il faut redire encore
ces belles paroles : « L'ornement
des saintes femmes, c'est l'incorruptibilité d'un esprit modeste, et cela est
une riche parure devant Dieu ». Si je voulais du reste approfondir
toutes ces choses, je vous montrerais des affinités secrètes et terribles entre
la vanité, l'orgueil, et le vice opposé à la chaste vertu que l'Esprit-Saint
exalte ici.
La modestie est la sauvegarde de la
chasteté, et la gloire en est le fruit et la récompense. « Parce que vous ayez aimé la chasteté, vous
serez bénie éternellement ». Vous serez « la gloire de votre cité, l'honneur et la joie de votre peuple »
l'orgueil de votre mari et de vos enfants. Oui, Mesdames, ces choses ont besoin
d'être dites et d'être comprises : cette belle vertu, c'est la gloire, de
même que son contraire, c'est la honte et le malheur. Les âmes courageuses,
héroïques, de qui la vertu est le grand trésor, eh bien ! qu'elles le
sachent, les récompenses de Dieu leur sont promises, et aussi les bénédictions des hommes. Ceux mêmes
qui ne sont pas chrétiens s'estiment heureux d'avoir une femme chrétienne, et
ils en savent bien le prix.
J'ai appelé de plus une sorte de
chasteté d'âme cette incorruptible droiture qui fait que rien que de vrai,
comme rien que de pur, ne sort des lèvres d'une femme vertueuse. Cet éloge est
formel dans l'Écriture : « Toutes
tes paroles sont vérité, et il n'y a rien à reprendre dans ton langage ».
Heureuse la femme qui mérite cet éloge ! Je ne veux pas dire que vous
mentiez ! cette bassesse du mensonge formel, il est facile de n'y pas
tomber ; mais il y a tant de manières de blesser la vérité ! Et qu'il
y a peu d'âmes assez délicates pour se tenir toujours dans le vrai en toutes
choses, petites ou grandes ! Je ne dis pas qu'on blesse la vérité trop
grossièrement, mais elle est si délicate ; comme elle est si belle !...
Tellement belle, que Dieu a voulu qu'on dise de lui qu'Il est la vérité... Dieu
est vérité !... Vous respectez la vérité ; mais respectez-vous
assez la délicatesse de la vérité ?
Dans un des répons du précédent
nocturne, il est parlé de l'aversion, du dégoût qu'inspirent à la femme
vertueuse « les mauvaises langues ».
Que faire donc ? Ici encore, il y a une, manière d'agir qui prévient le
mal, ou le coupe dans sa racine. II est des gens qui ne peuvent pas parler sans
médire du prochain. Cela n'est pas acceptable. La première chose à faire, c'est
de ne jamais dire comme eux. Mais outre cela, il y a bien des circonstances où
l'on peut aimablement, ce semble, demander la compassion, la charité envers ce pauvre
prochain. C'est là un beau devoir à remplir.
La vanité, il n'est pas toujours
possible de l'arrêter autour de soi ; il faut pour cela certaines qualités
personnelles qui ne sont pas données à toutes. Mais pour la médisance, on peut
presque toujours y mettre fin, ou au moins s'empêcher d'y prendre part. C'est
difficile. Oui, mais il faut
donner l'exemple. J'ai souvent entendu dire : si on ne médit pas un peu,
et si on ne s'occupe pas de ce que vous appelez la vanité, de quoi parlera-t-on ?
C'est le fond de toutes les conversations dans le monde ; sans cela
qu'aurait-on à dire ! Comment ! rien à dire, si on ne fait ni
discours vains, ni médisances ? J'aime à espérer que votre horizon, femmes
chrétiennes, n'est pas si borné. J'ai meilleure opinion de vous, et je pense
que ce n'est pas chose si difficile d'imposer à soi-même et aux autres tous les
respects.
Et maintenant, un mot de la foi, « ô femme, votre foi est grande ! — ô femme, votre foi vous a sauvée ! » C'est la doctrine de l'Église ;
le saint Concile de Trente déclare que la foi est la racine de la sanctification.
Croyez en Dieu fortement, et vous l'aimerez. C'est pourquoi j'insiste tant
pour que toutes vous soyez bien instruites de la religion, pour que votre piété
soit éclairée. Jamais vous ne sauriez aller trop loin dans cette étude. Mais il
faut bien choisir les livres. Nous sommes inondés, malheureusement, de petits
livres de piété ridicules ; faits pour impatienter vos maris et vos fils,
lorsqu'ils les ouvrent : que voulez-vous qu'ils en disent ? Je vous
demande de ne lire jamais de ces livres creux et sans doctrine qui rétrécissent
l'esprit et déconsidèrent la religion. Ils ne seront jamais pour votre foi et
votre piété que de pauvres aliments. Est-ce que nous n'avons pas des ouvrages
sérieux, solides, d'auteurs connus et autorisés, qui peuvent éclairer et nourrir
fortement votre intelligence et votre foi ? Ce sont ces livres-là qu'il
faut lire.
Pardonnez-moi, Mesdames, ma trop
grande vivacité sur ce point ; mais ces livres sans valeur m'impatientent ;
ils font du mal à la religion et aux âmes ! Les auteurs ont de bonnes
intentions, je le veux bien ; mais, ce qui leur manque, c'est l'instruction
et le sens nécessaires pour écrire sur les matières qu'ils traitent. Si je vous
disais combien je reçois, de toutes parts, de manuscrits absurdes, dont les
auteurs me demandent de les revoir, de les faire imprimer à mes frais d'abord,
puis d'en donner le profit aux bonnes œuvres ! Laissez tous ces pauvres
livres, et prenez conseil toujours pour vos lectures de piété. C'est l'aliment
de vos âmes ; il importe donc de le bien choisir. Ne lisez, comme je vous
l'ai déjà plusieurs fois recommandé, que les bons auteurs et que les ouvrages
solides et exacts. Soyez pieuses ; oui, très pieuses ; mais d'une
piété éclairée, qui soit pour vous d'abord, pour tous ceux qui vous sont chers
ensuite, une lumière et une force. Ayez beaucoup de foi, mais une foi grande ,
cette foi dont Notre-Seigneur a dit : « ô femme, que votre foi est grande ! ô femme, votre foi vous a
sauvée ».
Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans,
in Conférences aux femmes chrétiennes (1885)
in Conférences aux femmes chrétiennes (1885)