Si l'on demandait à Claudel ce que c'est que le Théâtre, je
pense qu'il reprendrait les paroles mêmes qu'il a mises dans la bouche de Lechy
Elbernon :
Il y a la scène et la salle.
Tout étant clos, les gens viennent là
le soir et ils sont assis par rangées les uns derrière les autres, regardant,
... Ils regardent le rideau de la
scène.
Et ce qu'il y a derrière quand il est
levé.
Et il arrive quelque chose sur la
scène comme si c'était vrai.
... Je les regarde, et la salle n'est
rien que de la chair vivante et habillée.
Et ils garnissent les murs comme des
mouches jusqu'au plafond.
Et je vois ces centaines de visages
blancs.
L'homme s'ennuie et l'ignorance lui
est attachée depuis sa naissance.
Et ne sachant de rien comment cela
commence ou finit, c'est pour cela qu'il va au théâtre.
Et il se regarde lui-même, les mains
posées sur les genoux.
Et il pleure et il rit, et il n'a
point envie de s'en aller.
Et je les regarde aussi et je sais
qu'il y a là le caissier qui sait que demain
On vérifiera les livres, et la mère
adultère dont l'enfant vient de tomber malade,
Et celui qui vient de voler pour la
première fois et celui qui n'a rien fait de tout le jour.
Et ils regardent et écoutent comme
s'ils dormaient. 1
Vraiment, n'est-il pas un dramaturge,
et un grand dramaturge, celui qui, définissant ainsi le théâtre, atteste une
telle connaissance des hommes ?
Les drames constituent la majeure
partie de l'œuvre de Claudel. Ce n'est point à l'aventure que le poète a choisi
par-dessus tous autres le mode dramatique pour s'exprimer : aussi
convient-il d'étudier de près Claudel, en tant que dramaturge.
§
Il est d'usage, lorsqu'on juge un
drame, de prendre pour critérium le sentiment éprouvé par le spectateur
collectif, idéal, qui remplit la salle du théâtre. Je veux dire qu'on attend,
d'un drame, un ensemble d'émotions enchaînées les unes aux autres et
susceptibles d'être ressenties dans l'ordre, en deux, trois ou quatre heures de
temps. À cette série d'émotions essentielles, nécessaires, sont liées d'autres
émotions accessoires que le drame donne ou au lecteur, ou à l'auditeur averti
par une ou plusieurs représentations successives. Mais, en principe, le vrai
drame doit supporter une épreuve « à vue ». Il doit donner son sens
et sa signification générale, en l'espace d'une soirée, et l'art dramatique est
pour cela même un art pénible, héroïque, ingrat et hasardeux.
Pour satisfaire à de telles
conditions, le théâtre, comme je l'ai dit dans la première partie de cet essai,
a proportionné ses réalisations aux facultés mêmes de l'auditoire. J'entends le
bon, le meilleur théâtre, et non point ces spectacles qui prodiguent à un
public fatigué les satisfactions de la plus basse et la plus brutale
sensualité. Il est bien évident qu'une tragédie parfaite, une tragédie de
Racine, Britannicus, par exemple, est faite à la mesure d'un esprit
élevé et d'un goût délicat. Mais, voyez le souci avec lequel le poète surveille
son auditoire : comme il varie le dialogue avec le besoin naturel de
diversité qu'éprouve notre âme et avec la connaissance exacte des lois de la
controverse courante. Chaque scène, par ses dimensions, met d'accord les
nécessités de l'action et la puissance d'attention du spectateur : tout
est dit, dans une scène, au moment précis où celui qui écoute souhaite un
mouvement des personnages et commence à redouter de la fatigue. Si le poète
excède ces limites courantes, il le fait prudemment, et avec tant de force ou
d'habileté que le spectateur ne peut pas songer à lui en faire reproche.
En nous asseyant dans le fauteuil du
spectateur, nous abandonnons, malgré nous, toutes nos vertus de lecteurs ;
nous adoptons immédiatement un mode de curiosité et de patience qui ne souffre
pas d'être déçu ou brutalisé. Quelles que soient nos résolutions, nous devenons
exigeants, rétifs, sans force contre les sollicitations de la collectivité.
Nous sommes prêts à trahir, à céder, à faire tout, sauf ce que nous nous étions
promis.
Nous soutenons, dans la vie, des
discussions qui peuvent durer plusieurs heures, mais la stylisation scénique
ramène tout cela à des proportions qui ne doivent jamais, pratiquement,
méconnaître l’urgence du théâtre.
Si l'on examine tous les grands
tragiques, tous les grands dramaturges, on voit qu'ils n'ont pas échappé à ces
nécessités. Shakespeare, avec son apparent mépris de certaines règles, a
scrupuleusement respecté, dans ses œuvres, les tyranniques lois qui sont le
fondement même de l'art dramatique. L'antique Eschyle subissait déjà cette
législation obscure aussi vieille que le monde et le spectacle. Eschyle nous
semble parfois parler plus haut et plus longtemps que d'autres, mais n'oublions
pas qu'il portait un masque et des cothurnes...
Tout cela m'amènera-t-il à dire que
l'œuvre dramatique de Claudel n'est pas du théâtre au sens strict du mot ?
— Certes, c'est autre chose que ce qu'on nomme couramment du théâtre.
J'imagine les drames de Claudel
représentés avec un appareil scénique différent de celui que nous connaissons,
avec des acteurs possédant des moyens vocaux exceptionnels et possédant une
âme, devant un auditoire purifié, restreint, prévenu, jalousement choisi. Le
théâtre de Claudel prendrait alors sa signification totale, définitive. Je ne
dirai pas de Claudel qu'il a écrit des poèmes dramatiques : ses ouvrages ne sont pas de ceux
qui n'empruntent au drame que la commode forme du dialogue. Ils ont toutes
les vertus du drame, mais à un degré incompatible avec l'état actuel de
l'auditoire humain. Cela est vrai, même pour les derniers drames de Claudel,
comme L'Otage, même
pour ceux dans lesquels il observe une mesure plus commune, sans toutefois
reconnaître encore les prérogatives d'un public, dût ce public être composé
justement avec ce qu'on nomme l'élite intellectuelle.
Il n'en demeure pas moins que les
drames de Claudel représentent une forme supérieure, anormale, du théâtre. Et
c'est bien du point de vue dramatique qu'il faut les considérer.
§
Le théâtre de Claudel est lyrique,
par essence, et l'est constamment. Mais l'évolution du théâtre de Claudel
constitue à cet égard un précieux enseignement.
Dans toutes les pièces qui
appartiennent à la première série du théâtre de Claudel on découvre comme un parti
pris de lyrisme. Ce mot ne comporte, bien évidemment, aucun sens péjoratif.
Je crois, et je ne suis pas seul à le croire, qu'il ne peut y avoir de grand
théâtre sans lyrisme. On conçoit donc que l'une des façons d'adapter le lyrisme
sur la scène soit de l'admettre a priori, la convention du langage
lyrique étant une convention de plus dans un art qui vit de conventions.
Or, à lire les derniers ouvrages
dramatiques de Claudel, on constate que son lyrisme a changé sinon de nature,
du moins de position. Ce n'est plus le lyrisme préconçu de Tête d'Or, ou
du Repos du septième jour : c'est un lyrisme déterminé, conditionné
par les nécessités dramatiques mêmes. Il ne préexiste pas au drame, il ne
commence pas avec lui ; il se déchaîne seulement lorsque les caractères,
amenés au contact les uns des autres et entrés en conflit, ne peuvent plus
s'exprimer qu'à condition d'employer la langue lyrique, les mots et les moyens
lyriques.
Je suis porté à croire que cette
seconde forme de lyrisme (le lyrisme résultant) est bien la plus logique, la
plus efficace. Il faut acclimater le lyrisme sur la scène, et, lorsqu'il
apparaît, il faut qu'il satisfasse un secret et impérieux besoin chez le
spectateur.
Or un des plus grands problèmes
soulevés avec cette question du lyrisme dramatique est celui de la diversité
des caractères.
Le mot lyrique, appliqué à la poésie,
a longtemps voulu signifier l'expression d'émotions, de
sentiments personnels. L'introduction des moyens lyriques dans le drame
pourrait nuire à la caractérisation de personnages auxquels le poète doit être
tenté de prêter ses images, son vocabulaire familier et son instinctive méthode
de notation. Or, je constate que Claudel a résolu dans la plupart des cas cette
difficulté capitale. Certes, il demeure Claudel, il n'obtient ni ne cherche,
sans doute, cette dépersonnalisation complète réalisée à un haut degré
par un romancier comme Balzac, par exemple, et réalisé par un auteur,
dramatique comme Molière ; mais Claudel donne parfois dans le même temps à
son lyrisme deux ou trois faces si dissemblables, si adverses, que l'on sent
aussitôt que le problème a reçu un solution magnifique.
Les héros de Claudel sont tous
différents les uns des autres et sont cependant bien tous les créations
filiales d'un même homme. Il y a là une mesure à laquelle le Claudel des
derniers drames s'est parfaitement tenu. Si nous considérons L'Otage, par
exemple, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître la même source lyrique à
l'origine des divers caractères : Sygne, Georges de Coûfontaine, Badilon,
Toussaint Turelure. Toutes ces figures se font violemment opposition ;
mais la ruse et la truculence d'un Toussaint Turelure sont empreintes d'une
grandeur inévitable, dirai-je, que n'altèrent pas les trivialités stylisées du
langage.
Voici comment s'exprime Georges de
Coûfontaine, l'homme de l'ancien régime :
Comme la terre nous donne son nom, je
lui donne mon humanité.
En elle nous ne sommes pas dépourvus
de racines, en moi par la grâce de Dieu elle n'est pas dépourvue de son fruit,
qui suis le Seigneur.
C'est pourquoi précédé du de, je suis l'homme qui porte son nom par
excellence [...]
Ainsi la nation n'avait pas à se
fabriquer elle-même ses chefs et ses lois, défendue contre les rêves.
Mais la nature dans toute la France
les lui donnait avec ses autres productions, bons ou mauvais, depuis le roi
jusqu'au juge,
Au tournant de chaque vallée, au
flanc de chaque coteau, chacun en sa saison refleurissant de son pied ou de sa
souche,
Comme les fleurs et les fruits en
leur variété. 2
Et voici comment s'exprime Toussaint
Turelure, l'homme du régime nouveau :
Seigneur ! que nous étions
jeunes alors, le monde n'était pas assez grand pour nous !
On allait flanquer toute la
vieillerie par terre, on allait faire quelque chose de bien plus beau !
On allait tout ouvrir, on allait
coucher tous ensemble, on allait se promener sans contrainte et sans culotte au
milieu de l'univers régénéré, on allait se mettre en marche au travers de la
terre délivrée des dieux et des tyrans !
C'est la faute aussi de toutes ces
vieilles choses qui n'étaient pas solides, c'était trop tentant de les secouer
un petit peu pour voir ce qui arriverait !
Est-ce notre faute si tout nous est
tombé sur le dos ? Ma foi, je ne regrette rien.
C'est comme ce gros Louis
Seize ! la tête ne lui tenait guère. 3
Que ces
deux exemples fassent comprendre les modifications objectives que peut admettre
le lyrisme, selon qu'il emplit l'une ou l'autre personne.
Je trouve, dans le Magnificat, une
phrase qui exprime admirablement ce que peuvent être cette unité et cette
diversité des créations du même poète : « De cet esprit que vous avez
mis en moi, dit Claudel, voici que j'ai fait beaucoup de paroles et d'histoires
inventées, et personnes ensemble dans mon cœur avec leurs voix
différentes »4.
Ce qu'il faut reconnaître, c'est que
Claudel ne confie pas le lyrisme à tous ses personnages. Certains en
sont totalement dépourvus. Il y a quelques individus, comme le Tribun du
peuple, dans Tête d'Or, à qui
Claudel prête brusquement un langage nu, certes savoureux de vérité et de
naturel, mais résolument différent de la langue parlée par ses personnages de prédilection,
qu'ils soient bons ou mauvais. De telles différences tranchées sont fréquentes
dans Tête d'Or, très fréquentes dans la première version de La Ville,
relativement rares dans L'Otage et dans L'Annonce faite à Marie, où
la fusion des styles est fort harmonieuse. Je mets de côté Partage de Midi, qui
représente à mon sens une œuvre de transition, mais parfaite, et où Claudel
saute d'un extrême dans l'autre avec une si magnifique
audace qu'on est aussi vite conquis qu'ébranlé.
Avant de quitter ce chapitre du
lyrisme dramatique, remarquons encore, dans les premiers ouvrages de Claudel,
l'abondance de beautés d'un ordre proprement lyrique et, dans les ouvrages de
la maturité, l'abondance de beautés d'ordre dramatique. Dans Tête d'Or, dans
Le Repos du septième jour, dans
La Ville, on a souvent ,l'impression d'une lutte à distance entre les
personnages. Le conflit, les met aux prises, mais le lyrisme les isole souvent.
Ils parlent pour eux, peu soucieux de la réplique ; ils s'expriment
longuement et plus encore par des paroles que par des actes. Dans certaines
scènes, ils semblent exilés les uns des autres, bien qu'en proie au même drame
et déchaînés dans le même cirque.
Mais, avec L’Échange et toutes
les autres pièces, on voit s'épanouir les vertus plus strictement dramatiques
du poète. Le dialogue se resserre ; les personnages se contemplent et
s'attaquent de front. Le lyrisme, d'un souffle aussi puissant qu'à l'origine,
fait plus étroitement corps avec l'action ; il la sert mieux, il l'aggrave
plus régulièrement et lui emprunte plus volontiers ses mobiles. Voyez plutôt le
prologue de L'Annonce faite à Marie et le premier acte de ce même drame,
le second acte de L'Otage, les deux premiers actes
de L’Échange et toutes les scènes essentielles de Partage de Midi.
§
En discutant du lyrisme dramatique de
Claudel j'ai dû déjà parler des caractères. Il faut y revenir. De tous les
genres littéraires, le théâtre est celui qui vise le plus à l'imitation de la
nature, et le but du théâtre est bien la création d'hommes et de femmes, la
création de caractères qui se manifestent à l'occasion d'un conflit.
Claudel a la gloire d'avoir créé des
types, de grands types. Louis Laine , Marthe, de L’Échange, Violaine et
Mara, Ysé, Amalric et Mesa, Sygne, Turelure,
Coûfontaine et Badilon, autant de figures inoubliables. Nous ne connaissions
rien de semblable avant Claudel et, maintenant, voilà des noms qui, pour nous,
signifient des êtres vivants auxquels nous pensons comme à des personnes que
nous aurions connues.
On a parlé du symbolisme de Claudel.
Je sais bien qu'à tout type créé doit correspondre une série de significations
secondaires. Toute grande figure du théâtre représente un certain nombre
d'idées et, en cela, elle est symbolique. Mais elle m'intéresse surtout parce
qu'elle représente un être humain.
Claudel écrit, dans l'Art poétique : « Il
n'est science que du général, il n'est création que du particulier »5.
Je m'empare de cette phrase avec joie ! Pour qu'un visage créé par un
peintre, par un sculpteur ou par un poète atteigne à cette grande généralité
qui est la suprême vertu de l'art et la garantie de l'œuvre dans le temps, il
faut qu'il soit inspiré par tout ce que la vie invente de particulier, de
précaire et d'individuel.
Pour moi, je n'ai cure de savoir si
Lechy Elbernon représente l'esprit de destruction, et Lâla la folie, et Marthe
l'ordre et la paix affectueuse. Je vois trois femmes, je les écoute et les sens
d’autant mieux réelles, qu'elles parlent plus pour elles-mêmes et moins pour un
type...
Je suis reconnaissant à Claudel
d'avoir créé, à côté de ses grands héros, une foule de personnages qu'il a
placés, avec précision et sans hasard, dans des régions dont l'accès périlleux
est, d'ordinaire, sans bénéfice.
Repousser un traître dans les
bas-fonds du vice, élever au petit bonheur, et aussi haut que possible, un
noble cœur vers l'empyrée, voilà qui demande plus de vigueur dramatique que de
justesse et de certitude. Il en va autrement
quand l’écrivain, ayant entrepris de dépeindre un homme-moyen, fait dans
ce dessein l'effort nécessaire, exact, suffisant.
Ibsen, en écrivant Le Canard
sauvage, a exécuté le portrait en pied d'un certain photographe dont la création
m'apparaît comme aussi importante que celle de Polyeucte.
En considérant toutes les figures
nobles ou viles que Claudel a groupées autour de Violaine, dans L'Annonce
faite à Marie, je ne
peux m'empêcher de reconnaître en la curieuse silhouette d'Élisabeth Vercors
une des plus audacieuses réalisations du dramaturge.
Le théâtre choisit le plus souvent,
entre les traits distinctifs d'un caractère, ceux qui sont les plus saillants,
les plus immédiatement perceptibles. Tandis que le roman peut s'arrêter aux
plus ténus linéaments, le théâtre recherche volontiers les reliefs
décisifs : les dramaturges peignent par masses et par volumes.
J'aime en Claudel ce souci de détails
subtils que l'on n'entend pas toujours, mais dont la présence assure au tableau
entier une profonde et minutieuse vérité.
On a reproché devant moi au
personnage de Thomas Pollock Nageoire, de L'Échange, ses violentes couleurs
et son serti, brutal. Mais a-t-on bien remarqué la délicatesse du pinceau qui
s'est appliqué à fixer, sur la même toile, l'image de Marthe et celle de Louis
Laine ?
Ce dernier, au cours d'une querelle,
dit à sa femme : « Tu te fais ton pain toi-même : car tu ne peux
pas manger le même que les autres ». Et Marthe répond, avec son calme têtu
d'exilée : « Je ne puis pas manger le pain qu'on fait ici, il n'est
pas cuit »6. C'est une réponse qui semble sans importance et
qui, à mon sens, fait plus pour le caractère et pour le drame que bien d'autres
déclarations.
Il est loin de mon esprit ce goût qu'ont les critiques
de prodiguer leur admiration aux créations de second plan pour désapprouver
avec plus d'éclat les figures centrales d'un drame. J'admire en Claudel le
peintre de Violaine, de Sygne, de Simon Agnel et de tant d'autres, mais j'ai de
l'affection pour ces comparses, voués à une destinée dramatique sans grandeur,
et que le poète aime pour eux-mêmes, plus que pour leur utilité scénique. La
majesté de Tête d'Or ne me fait pas oublier Cébès, et la falote silhouette d'Élisabeth
Vercors n'est pas, à mes yeux, sacrifiée dans un drame où passent les plus
lumineux et les plus sombres masques.
Dirai-je que je ne pense jamais sans
curiosité à la pièce que pourrait écrire un dramaturge assez dépourvu de parti
pris de construction pour, à la longue, découvrir un héros dans un personnage
de dixième plan et lui laisser finalement l'avant-scène ?
Mais la question est de savoir s'il y
a des personnages accessoires dans les drames de Claudel. M. Henri Ghéon semble
en douter, et il écrit à propos de L'Échange : « Quatre
personnages, pas plus, quatre protagonistes en présence. Et c'est un fait digne
de remarque, le plus frappant sitôt qu'on aborde L'Échange et
d'ailleurs tous les drames de Paul Claudel, que rien jamais ne s'interpose
entre les principaux personnages, ni une figure secondaire, ni un confident, ni
une utilité ; rien de ce qui facilita la tâche de nos grands
classiques ; rien de ce qui supplée, chez nos auteurs en vogue, à la
création poussée des caractères : cette foule de comparses croqués
lestement, vivement mêlés et qui ne servent qu'à combler les vides »7.
M. Henri Ghéon, dans une note, fait
une exception pour Tête d'Or, et il a raison. Il faudrait faire encore
exception pour La Ville et pour L'Annonce faite à Marie, pièces
dans lesquelles Claudel a dessiné des personnages de second plan. À cela près,
il faut reconnaître avec quelle sévérité Claudel isole sur la scène les acteurs
essentiels du drame. Le fait, frappant pour L'Échange, ne l'est pas moins pour
Le Partage de Midi.
On doit louer Claudel d'avoir su mener
à bien des œuvres dramatiques considérables avec un nombre aussi restreint de
protagonistes ; on doit admirer ce dédain des utilités, dont parle
Henri Ghéon. Néanmoins, je ne me plains pas quand Claudel ouvre plus grande la
porte et laisse rentrer d'autres bonshommes que ceux qui lui sont apparemment
indispensables.
S'il veut demeurer fidèle à la vie,
dont il est la stylisation, mais non la réduction, le théâtre doit ne pas
ignorer certaines figures dont la vérité même est au second plan.
Pour en avoir introduit
d'innombrables dans ses drames, Shakespeare ne s'est pas cru dispensé de
pousser ses caractères. La perspective exige ces contrastes. Je suis persuadé
que ce n'est pas dans le but de faciliter sa tâche qu'Ibsen a placé, dans la
demi-teinte de ses grands tableaux, une foule de personnages dont la destinée
dramatique même est de demeurer à l'état de croquis, à l'imitation de tous ces
gens qui ne sont dans la vie, que des croquis, mais qui cependant vivent et
dont on ne saurait se désintéresser.
Il n'y a rien là d'absolu, Claudel le
croit, qui ne s'est importuné d'aucune règle.
§
En lisant un drame de Claudel, il ne
faut pas se hâter de construire un scénario : on s'exposerait à
trop de déconvenues. Claudel n'est pas de ces dramaturges qui conduisent avec
ménagement le spectateur où celui-ci souhaitait précisément aller.
Il y a un certain métier dramatique
qui consiste à fournir les données d'un conflit d'une façon sommaire et assez
franche, puis à résoudre le problème comme l'aurait résolu le bon sens qui
s'assied dans les fauteuils d'orchestre. Quelle n'est pas l’habileté de cet
écrivain qui donne sans cesse raison à la psychologie déterministe de son
public ! Il ne suffit pas d'émouvoir ; il faut, avant tout, faire
dire : « Ça y est ! je l'avais bien prévu ! »
Claudel compose seul. Rien ne motive
ses décisions créatrices que la vie même de ses héros et leurs passions. Le
vieux Corneille estimait, avec une candeur rusée, de quel prix est
« l'amitié du spectateur ». Mais Claudel semble ignorer l'existence
du spectateur. Rien ne permet d'ailleurs de prévoir l'attitude que celui-ci
pourrait prendre par représailles.
Pour moi, j'admire en Claudel ce
besoin d'aller où bon lui semble. Il juge en dernier ressort ; il sait
mieux que nous ce que ses personnages peuvent faire. Et nous devons
toujours reconnaître à ses combinaisons
dramatiques des mobiles puissants que la méditation justifie.
§
Il n'a qu'un style, le sien, mais il
semble écrire dans les plus divers, ce
qui est proprement dramatique. Les propos du soldat déserteur, à la
fin de Tête d'Or, sont du réalisme le plus violent, mais l'air est
encore ébranlé de cette voix que l'esprit parle, à son tour...
Partage de Midi offre le plus hardi mélange des
langages. Entendez Mesa, ce même homme qui chantera bientôt son divin cantique
dans la solitude de l'agonie, entendez-le deviser avec Ysé :
Vous voudriez me faire parler !
dites, cela vous amuserait de me voir faire le veau !
Vous le savez très bien que ces
pauvres diables d'hommes, ces gros garçons,
Cela n'aime rien tant que parler, mentir, montrer
son noble cœur.
Combien j'ai souffert, combien je suis beau.
Je n'ai rien à vous dire. Vous, vous êtes heureuse, cela
suffit. 8
C'est dans cette même conversation
que la femme, considérant soudain l'homme, lui jette cet avertissement
mystérieux dont le sens me semble si tragique :
Mesa, je suis Ysé, c'est moi. 9
Je ne peux m'arrêter sur l'audace
avec laquelle Claudel mêle, dans un tel ouvrage, le lyrisme et l'esprit, l'invraisemblable
et le vrai, le pittoresque et le sublime. J'ai déjà, maintes fois, cité les
versets les plus pathétiques de cette pièce ; je ne crois pas moins utile
d'en reproduire d'autres passages.
Voici Amalric, qui cause avec Mesa et Ysé, cependant que, le drame se noue
sourdement entre eux tous :
AMALRIC. — Tout cela est trop fin
pour moi. Diable ! s'il fallait qu'un homme tout le temps
Se tracassât précieusement de sa
femme, pour savoir si vraiment il a bien mesuré
L'affection que mérite Germaine ou
Pétronille, vérifiant l'état de son cœur, quel coton !
Tout le sentiment, c'est le petit
ménage des femmes, comme ces boîtes où elles rangent un tas de fils, et de
rubans, et toute espèce de boutons et des baleines de corsets.
Et ce qui est dégoûtant, c'est
qu'elles sont tout le temps malades.
Enfin elle est là, n'est-ce
pas ? Elle manquerait si elle n'y était pas.
C'est gentil à avoir de temps en
temps.
Que dites-vous, Mesa ? Soyez
franc, mon garçon. Ai-je raison ou pas ?
YSÉ. — Amalric... Comment donc, dit-il,
notre ami le voyageur en cuirs ?
« Vous êtes un lapin ».
Amalric, vous êtes un lapin. 10
Il m'est agréable de copier quelques
citations un peu longues, choisies à dessein dans de tels passages du drame.
Elles aideront peut-être à faire connaître Claudel à certains critiques
obstinés qui ne veulent voir en ce grand poète qu'un personnage solennel, plus
préoccupé par la littérature que par la vie.
En fait, Claudel donne souvent, dans
ses pièces, l'impression trouble de la vie qui ne conclut rien, n'éclaircit
rien et ne moralise guère.
Il paraît que, pendant les batailles,
la majeure partie des hommes, occupés à d'obscures besognes, méconnaissent le
sens général de l'action à laquelle ils concourent, aussi bien que leur utilité
propre et leur position sur la carte. Il en est ainsi de cette vie confuse où
la majorité des hommes poursuivent des destins dont ils ignorent tout et font des
gestes dont les raisons et la fin leur échappent.
Claudel se plaît parfois à donner,
sur la scène, l'impression de ce tumulte et de cette inconscience. J'en prends
pour exemple le second acte de La Ville
(première version). Les faits et les paroles se succèdent dans une
apparente incoordination ; l'atmosphère dramatique est bien celle,
véhémente et fumeuse, qu'un homme respirerait, étant descendu dans la rue un
jour de révolution. Tout s'y retrouve : les erreurs de perspective et
d'orientation, la succession irrégulière des figures et des propos,
l'emmêlement des volontés et des désirs. Mais le dramaturge est demeuré sur la
montagne et ne cesse pas de comprendre le mouvement des masses. Il sait, d'un
mot, nous restituer l'intelligence de l'ensemble et nous donner le sens du
spectacle.
J'ai dit que Claudel ne s'était
importuné d'aucune règle. C'est ainsi que dans son dernier drame, il a fait
intervenir le merveilleux chrétien : L'Annonce faite à Marie a
reçu, de ce chef, le titre de Mystère. Je n'ai pas loisir de poursuivre
une discussion sur le rôle que peut jouer le miracle au théâtre, en ce temps de
dramaturgie psychologique ; mais j'avoue, après avoir lu et relu le
troisième acte de L'Annonce faite à Marie, qu'il est difficile de faire
du merveilleux un usage plus modéré, plus opportun et plus pathétique.
§
En général, Claudel ne situe pas ses
drames dans le temps ni dans l'espace ; voilà qui est du plus haut
intérêt.
La façon la plus courante d'innover
sur la scène, c'est de réagir. Or, rien n'a plus gravement contribué à retirer
toute portée au théâtre contemporain que la localisation des événements
dramatiques dans un endroit et dans une époque. C'est qu'il y a souvent
bénéfice à emprunter aux conditions ethniques ou géographiques des éléments
d'intérêt... La curiosité du public se satisfait volontiers de particularités
qui n'ont rien à voir avec l'action, mais qui lui constituent un cadre
séduisant.
La couleur locale et les milieux
curieux, on sait ce que cela vaut pour le spectateur fatigué qui juge du
conflit par le décor et du caractère par l'habit.
La question du temps n'est pas moins
intéressante. Il ne suffit pas de voir ce péril où le goût de l'actualité peut
entraîner le drame ; on peut également manquer du sens des choses
éternelles dans une pièce moderne et dans une pièce historique. C'est pourquoi
ces deux genres sont parallèlement entrés en décadence dès que les dramaturges
ont fondé leurs ouvrages sur ce qui était ou ce qui est encore passager.
Mais ce sont là des querelles
oiseuses quand on trouve en l'adversaire, ce qui est généralement le cas, un
homme voué non pas à l'erreur, mais au calcul d'effets congrûment combinés.
Claudel, pour ses premiers drames, n'a pas donné d'indications
effectives en ce qui concerne le lieu de l'action et son époque. Pour Tête
d'Or, c'est
chose rigoureuse, comme pour La Jeune fille Violaine. La première
version de La Ville comporte une précision qui n'existe plus dans la
seconde version. Le Repos du septième jour n'est qu'en apparence situé
dans l'espace.
Mais il y aurait aussi quelque excès
à exclure d'un texte tout ce qui semble propre à évoquer une date ou un
endroit. Claudel, sûr d'élever ses conflits
à la plus haute généralité, ne s'est pas arrêté à des détails. À lire Tête
d'Or, on ne sait dès l'abord si les personnages portent la toge ou le
pourpoint, et, tout à coup, un propos jeté au hasard nous transporte au cœur
des temps modernes, un autre nous ramène en France ; mais à aucun moment
on ne cesse d'être en pleine humanité.
L'Échange semble un drame strictement
moderne : cet américanisme, ces héros, ce langage... ce ne sont pourtant
qu'apparences. Dès les premières scènes, on sent que le conflit est indépendant
de certaines inventions et de certains dispositifs scéniques : il se noue
et se résout dans l'absolu.
L'Otage, il est vrai, a bien des allures du
drame historique. Mais à
celui qui voulait mettre aux prises ce qui change et ce qui demeure, la grande
révolution n'offrait-elle pas l'exemple le plus impérieux, le plus prochain, le
plus illustre ? La particularité historique est parfois si complètement
significative de la généralité humaine que ce serait inutilement plagier la
vérité que rendre l'histoire anonyme.
Pour L'Annonce faite à Marie, Claudel
a encore une fois varié la solution du problème. Dans les quelques lignes qui
précèdent le Prologue, il écrit : « Tout le drame se passe à
la fin d'un moyen âge de convention, tel que les poètes du moyen âge pouvaient
se figurer l'antiquité ». Claudel ne pouvait pas mieux situer une pièce
qu'il appelle très justement un Mystère ; il montre en outre à quel point
le drame lui semble dégagé des servitudes chronologiques.
Un détail encore curieux, à ce point
de vue, c'est lu nature des noms que Claudel donne à ses personnages. Ils sont
tantôt empruntés au plus vulgaire calendrier, tantôt inventés de toutes pièces.
Je ne crois pas inutile de citer les noms inventés par Claudel : ils sont
parfois de la plus étonnante fantaisie, comme Thomas Pollock Nageoire, tantôt
d'une incomparable beauté, ce sont bien des noms de héros. J'aime à prononcer le nom de Cœuvre, celui de
Violaine, celui d'Ysé. À les prononcer je reconnais le caractère de qui les
porte. Et c'est ainsi que je comprends pourquoi Louis Laine ne s'appelle pas Besme
et pourquoi Amalric ne s'appelle par Mesa.
§
À l'heure où j'écris cette étude, je
sais qu'on répète, à Paris, L'Annonce faite à Marie. J'attends
cette représentation avec la plus grande impatience.
Je comprends les motifs pour lesquels
Claudel a préféré voir monter cette pièce plutôt que toute autre. J'avoue
cependant que L'Otage ou L'Échange me semblaient agiter des
problèmes plus sensibles pour le public de nos contemporains.
J'ai assisté, voici quelques mois, à
une lecture que M. Jacques Copeau a faite de L'Échange. Une coupure
insignifiante avait été pratiquée ; je ne l'ai pas jugée inutile.
J'ajouterai que M. Jacques Copeau fait preuve, comme lecteur, de mérites
exceptionnels et d'une connaissance des textes que les acteurs n'ont pas
toujours le temps de prendre...
Toujours est-il que cette lecture a
produit sur un public ni choisi, ni prévenu, une impression profonde qui était
aussi une impression immédiate. Il est permis, après cette épreuve,
d'attendre beaucoup d'une manifestation plus complète et d'une interprétation
qui saurait s'inspirer de l'indication donnée ainsi, une fois, par
le rare talent de Jacques Copeau. Le jour où, grâce à la collaboration heureuse
de beaucoup de bonnes volontés, les personnages de Claudel monteront sur la
scène, une des œuvres dramatiques les plus considérables de notre littérature
recevra son expression définitive et sa consécration. 11
* * *
Dans une de ses plus belles œuvres lyriques,
dans une ode qui est une ardente prière, Claudel s'écrie : « Faites
que je sois comme un semeur de solitude et que celui qui entend ma parole rentre
chez lui inquiet et lourd »12.
J'apporterai donc à Claudel ce
témoignage : J'ai commencé d'écrire l'essai que je lui consacre
aujourd'hui dans un moment où les événements m'inclinaient à me préoccuper plus
assidûment de moi-même que de toute autre personne. Claudel m'a, pendant de
longs mois, contraint à détourner les yeux de mes soucis personnels, des luttes
de l'amour-propre et des entreprises de l'ambition. Il m'a, chaque jour,
arraché à la contemplation de mes
désirs et de cet être haïssable dont parle Pascal. Il a été un « semeur de
solitude » et je n'aurai jamais assez d'occasions de confesser ce qu'à cet
égard je lui dois.
J'ai, en de telles circonstances,
connu qu'il ne fallait pas aborder cet auteur avec un esprit distrait et un
cœur léger. On ne peut pas parcourir les œuvres de Paul Claudel. Il ne
participe pas de la précipitation du siècle. Comme une île amarrée dans le
milieu d'un fleuve rapide, il ne saurait accueillir ceux qui ne veulent pas
résister au courant et s'arrêter.
Il échappe à l'information ; on
ne peut ni le résumer ni le diminuer. La substance de son œuvre ne tiendra
jamais dans une colonne de journal. Trop de gens veulent comprendre en une
couple d'heures ce qu'un homme a pris trente ans pour composer.
La lecture d'une étude comme celle
que j'achève ne saurait renseigner utilement que les hommes bien décidés à
donner à l'œuvre de Claudel tout le temps nécessaire.
J'avais tout d'abord cru pouvoir
intituler ces pages : Introduction à la lecture de Paul Claudel.
J'ai renoncé à ce titre qui, pour
être assez modeste, n'est encore que trop présomptueux. Le titre que je laisse
n'est qu'une indication...
C'est comme indication également que
je donnerai
l'ordre dans lequel il est bon, selon moi, de lire les ouvrages de Claudel, si
l'on veut, en dépit de la chronologie, lier avec cet écrivain une connaissance
progressive.
Je ne pense pas qu'il serait habile
de mettre un lecteur non prévenu en contact avec les premiers ouvrages
dramatiques. Je recommande, ainsi que le faisait Jules Romains dans un article récent,
de débuter par Connaissance de l'Est. La fragmentation de ce livre, son objectivité
habituelle, autan t de choses propres à faciliter la méditation, à venir en
aide à l'esprit.
Il est ensuite indiqué de lire L'Otage,
puis L’Échange, puis L'Annonce faite à Marie. En
comparant ce drame à La Jeune fille Violaine, qui en est comme la
première version, on se préparera à comparer utilement entre elles les deux
versions de Tête d'Or et de La Ville.
Je mets un peu à part ce Partage
de Midi, à qui vont
toutes mes préférences, mais que l'on aimera d'autant plus qu'on aura lié avec
Claudel une plus profonde intimité.
J'ai dit que l'Art poétique était
comme un avertissement à l'œuvre de Claudel. Il est d'usage de lire les
préfaces après avoir lu les livres. Jamais cette coutume
ne m'a paru plus juste et je pense
qu'il est bon de
lire en dernier lieu l'Art
poétique, alors qu'on aura déjà fait connaissance avec les Odes, avec les Hymnes, avec le Repos
du septième jour et ceux des ouvrages de Claudel que je n'aurais pas encore
signalés.
Les jeunes gens de mon temps ont
perdu l'habitude de la vénération. Pour moi je me trouve fort honoré de compter
parmi mes contemporains Claudel, que je n'ai jamais vu et dont je ne connais
pas la figure. Mais il n'importe ! Paul Claudel respire en même temps que
moi sur la terre, et cette idée ne peut pas se présenter à mon esprit sans me
donner du plaisir et de la fierté. Le monde des lettres n'a sans doute jamais
été aussi avili qu'à l'époque actuelle, cela pour mille raisons qu'il serait
oiseux d'analyser. Mais la présence, dans un siècle, de quelques hommes tels
que Paul Claudel permet à ce siècle de faire noblement figure en face de l'histoire.
Le moment n'est pas encore venu de
rechercher l'influence qu'exerce et qu'exercera Claudel sur les hommes et sur
les écrivains présents où à venir.
D'autres que moi s'emploieront à ce
travail avec plus de recul et plus de documents.
Je contemple Claudel, seul, vraiment
seul, à cette place qu'il a choisie, et je lui dis, comme Besme dit à Cœuvre :
« Ainsi tu te tiens isolé entre tous les hommes ».
Certes, il est seul. Et il nous est
donné à tous. Je le comprends d'autant mieux qu'il me semble l'entendre
murmurer, comme jadis Simon Agnel, mais en regardant un ciel désormais
clément : « Et qui ai-je, moi ? et qui ai-je, moi ? »
Georges
Duhamel, in Paul Claudel (1913)
1.
Théâtre, III, pp 195-196.
2. L'Otage, p. 25.
3. L'Otage, p. 100.
4. Cinq grandes Odes, p.66.
5. Art poétique, édit.,
p. 47.
6. Théâtre, III, L'Échange, p. 212.
7. Henri Ghéon, Nos directions.
8. Partage de Midi p.
37.
9. Ibid., p. 40
10. Partage de Midi p.
57.
11. Pendant qu'on imprimait cette
étude, le Théâtre de L’Œuvre a joué L'Annonce faite à Marie. Cette
représentation a été une révélation pour tout le monde et le jugement du public
a été ratifié par la presse qui, dans une mesure générale, a manifesté autant
d’admiration que de respect.
12. Cinq
grandes Odes, p. 134.