« La venue du Fils de Dieu sur
la terre est un événement si immense, que Dieu a voulu le préparer pendant des
siècles. Rites et sacrifices, figures et symboles de la « Première
alliance » (Hébreux 9, 15), Il fait tout converger vers le Christ ;
Il l'annonce par la bouche des prophètes qui se succèdent en Israël. Il éveille
par ailleurs dans les cœurs des païens l'obscure attente de cette venue » (C.E.C. 522). L'humanité entière
était dans la détresse, soumise au péché et à la mort, esclave de Satan,
incapable de se relever, mais dans cette nuit qui semblait ne plus avoir de
fin, il y avait des lueurs d'espérance : le brûlant désir des Patriarches
et des prophètes qui attendaient le Sauveur ; Jésus lui-même a affirmé
qu'Abraham avait tressailli de joie en voyant son jour (Jean 8, 39).
Attente universelle, venue du fond des siècles, à laquelle la création entière
participe.
« Abreuve-toi à l'Ancien et au
Nouveau Testament, écrit
Saint Ambroise, dans l'un et l'autre, tu boiras le Christ ». Saint
Jean Baptiste sera le prophète du seuil messianique, « l'ultime voix
avant le Verbe », selon l'expression de Saint Augustin, l'ultime cri
de détresse, devant celui qui apporte la miséricorde. La détresse disparaît,
quand se lève « le soleil qui éclaire tout homme ». Mais,
Origène (v.185-v.253) y voit aussi l'attente de Dieu qui appelle les hommes,
qui « s'exténue » à vouloir les sauver du fond de leur indifférence
et les provoque sans cesse : « Demande-moi
un signe » dit le Seigneur. Le roi Achaz, n'a pas su ou voulu répondre
à Dieu qui était prêt à donner un signe : « Écoutez maison de
David, ne vous suffit-il pas de fatiguer les hommes que vous en veniez à
fatiguer le Seigneur ? » (Isaïe 7, 10-18).
Ce signe viendra lorsque Dieu ne pourra résister aux
désirs ardents de la Vierge Marie, la plus belle parmi les créatures, la pleine
de grâces, celle qui, selon Isaïe, concevra un Fils dans son sein ; selon
saint Augustin, Marie « prius concepit mente quam ventre » (Sermon
215, 4), elle a conçu Jésus dans son esprit, dans son cœur, avant de le
concevoir dans son sein. Oui, la Vierge Marie est la modalité par laquelle Dieu
a voulu nous ressembler. En elle, coexistent tous les éléments du Salut : l'Ancien
et Nouveau Testament se croisent dans le cœur de cette jeune fille, chef-d'œuvre
de Dieu, « Hortus conclusus soror mea, sponsa ; Ma sœur et
ma fiancée est un jardin enclos » (Cantique 4, 12), périmètre sacré où l'infini se fait fini,
visible, palpable, aimable. Le Fiat de Marie fait écho à l'offre de
salut de Dieu, et le Verbe Éternel dit aussi son Fiat, « Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta
volonté » (Hébreux 10, 7). Alors, la promesse s'accomplit en
Marie et, le « Désiré de toutes les nations » (Aggée 2, 8),
s'est fait chair et a habité parmi nous.
Qu'est-ce que l'Avent ? Adventus, dans le
latin classique, signifie venue, avènement, mais aussi entrée triomphale, terme utilisé pour un roi
qui entre dans sa ville pour y prendre le pouvoir, pensons par exemple à la
dernière entrée royale dans Paris de Charles X après le sacre, sous un arc
triomphal éphémère à la Place du Trône, aujourd'hui Place de la Nation. Cela
nous le trouvons dans le cérémonial impérial romain et plus tard dans la
liturgie impériale byzantine, et plus exactement dans le Livre des Cérémonies
de Constantin VII Porphyrogénète, dont le sacre ne prévoyait pas d'onctions
royales comme en Occident, mais toute une série d'Adventi, d'entrées
triomphales dans la ville, à Sainte Sophie et au Palais Impérial, avec l’acclamation
du peuple. Les onctions royales viendront après, sous l'influence franque. Le
terme Avent est connu dans la Vulgata
et dans la littérature chrétienne depuis les premiers siècles, bien avant
l'instauration du Temps de l'Avent proprement dit, au Ve siècle
environ. Pour nous, c'est bien l'avènement d'un Roi qu'il s'agit, et de quel
Roi !
Comme dit la Sagesse : « du haut des cieux,
ta Parole toute-puissante s'élança du trône royal » (18, 15), pour
venir dans nos cœurs, pour nous rendre riches en grâces et nous sauver. Alors,
comment vivre ce temps liturgique qui nous prépare à Noël, certes, mais qui en
même temps nous dispose au dernier avènement, à la Parousie ? En préparant
le chemin du Seigneur dans notre âme. Beaucoup de chrétiens attendent Jésus
comme ils attendent un autobus, sans parler de l'homme d'aujourd'hui qui se
croit maître de sa destinée, alors qu'il n'est qu'un pauvre aux désirs
exaspérés, pleins d'illusions et de désillusions. Il y a, hélas, des attentes
trompeuses qui mènent nulle part. L'Avent est le temps propice pour accueillir
le Christ, l'unique qui peut nous guérir de nos faiblesses, et nous consoler de
sa présence. Saint Augustin n'hésite pas à dire que : « Personne
n'est sauvé, s'il n'accueille pas le Christ qui vient » (In Io. Gv.
tr. 2, 13).
Autrefois, l'Avent était un véritable temps pénitentiel,
plus long qu'aujourd'hui. Suivons bien la liturgie, car elle exprime toutes les
qualités qui doivent animer un vrai chrétien en ce temps de grâce. Il y a la vigilance,
vertu spécifique de celui qui vit dans la fervente attente du Sauveur. La Foi,
nourriture et soutient pour accueillir, comme Marie, le mystère de Dieu fait
homme. L'espérance pleine de désirs ; la conversion du cœur, qui prépare à
la rencontre avec le Christ. La prière fervente et la joie, qui aura son épanouissement
dans le Royaume des cieux. L'Avent est surtout Dieu qui nous attend ; et
nous, qu'attendons-nous ?
Ô Jésus, vivant en Marie, venez et
vivez en vos serviteurs : dans l’esprit de votre sainteté, dans la plénitude
de votre force, dans la perfection de vos voies, dans la vérité de vos vertus,
dans la communion de vos mystères ; dominez sur toute puissance ennemie,
en votre Esprit pour la gloire du Père. Ainsi soit-il. (Abbé Olier, 1608-1657)
Don Carlo Cecchin