Le désert m'environne. Le vent qui
s'engouffre dans les cimes des
pins derrière moi gronde comme l'océan. Dans l'étendue bleue au-dessus de moi,
des vagues de nuages moutonnants viennent caresser le sommet de la montagne que
je viens de gravir. À mes pieds s'étend à perte de vue une mer d'armoise. Elle
revêt une teinte pourpre, mais la plus grande partie de l'année, elle est gris
argent. C'est le genre de paysage qu'on pourrait traverser à cheval pendant des
jours sans jamais rencontrer âme qui vive. Aujourd'hui, je suis à pied. Bien
que le soleil brille avec éclat cet après-midi, la température n'excédera
probablement pas 0 degré, près de la grande faille continentale. D'ailleurs,
trempé de sueur à la suite des efforts déployés pour escalader cette face,
maintenant je tremble de froid. Nous sommes fin octobre et l'hiver approche. Au
loin, à environ cent cinquante kilomètres en direction du sud-ouest, d'autres
montagnes sont déjà couvertes de neige.
Mes jeans sont imprégnés de la forte
odeur de sauge qui dégage mes voies respiratoires. Je suffoque, car à plus de 3 000
mètres d'altitude, l'air s'est raréfié. Je suis contraint de me reposer, même
si je sais que chaque halte m'éloigne un peu plus de mon gibier. Celui-ci a
toujours eu l'avantage. Bien que les traces repérées ce matin soient fraîches —
d'il y a juste quelques heures — j'ai peu d'espoir. Dans ce laps de temps, le
bouquetin mâle peut facilement parcourir de grandes distances dans ce paysage
accidenté, surtout s'il est blessé ou traqué.
Le bouquetin est l'une des créatures
les plus insaisissables. Il est le roi qui hante les hauteurs, plus prudent et
défiant que le cerf, et donc plus difficile à capturer. Il vit à des altitudes
plus élevées et parcourt en une journée des distances supérieures à celles
parcourues par n'importe quel autre gibier. Le mâle semble posséder un sixième
sens qui détecte la présence humaine. J'ai parfois réussi à m'en approcher,
mais l'instant d'après, il avait détalé. Il s'évanouissait en silence dans des
fourrés si denses qu'on aurait pu les penser impénétrables même pour un lièvre.
Il n'en fut pas toujours ainsi.
Pendant des siècles, les bouquetins ont gambadé dans les prairies ; des
troupeaux entiers venaient se repaître de l'herbe grasse des verts pâturages.
Maintenant, si on désire les apercevoir, c'est selon leur bon vouloir, dans des
repaires inaccessibles, bien loin de la civilisation. C'est pour cela que je
suis venu.
Et aussi pour cela que je traîne,
laissant le vieux bouquetin poursuivre sa course. Voyez-vous, ma chasse n'a
rien à voir avec cet animal. Et je le savais avant même d'arriver en cet
endroit. Je poursuis autre chose, ici, dans la nature sauvage. Je suis à la
recherche d'une proie encore plus fuyante... une proie que je ne pourrai saisir
qu'avec l'aide des solitudes désertiques. Je recherche mon cœur.
Le cœur à l'état brut
Ève fut créée dans la beauté
luxuriante du jardin d'Eden. Mais souvenez-vous qu'Adam, lui, fut créé à l'extérieur
du jardin, dans le désert. Dans le récit de nos origines, le deuxième chapitre
de la Genèse le dit clairement : Dieu créa l'homme au sein d'une nature
sauvage, non domestiquée. C'est seulement après l'avoir créé que Dieu
l'introduisit dans le jardin d'Eden. Depuis ce temps, les garçons ne se sont
jamais vraiment sentis chez eux à l'intérieur, et les hommes ont une soif
insatiable d'exploration. Nous aspirons à retrouver le lieu où Dieu nous a
façonnés. Comme l'a dit le naturaliste John Muir, c'est dans les montagnes que
l'homme se sent chez lui. La partie la plus profonde du cœur de l'homme n'est
pas domptée, et c'est bien qu'il en soit ainsi. « La vie dans un bureau ne
me convient pas, pouvait-on lire sur une publicité de la marque d'articles de sport North Face. La vie dans
un taxi ne me convient pas non plus, pas davantage que le fait de marcher sur
un trottoir ». Je ne peux que dire « Amen ! » à ces
paroles. Et d'en conclure : « Ne jamais cesser d'explorer ».
Mon genre semble avoir besoin
d'encouragement. Ce besoin est naturel, comme notre amour des cartes de géographie.
En 1260, Marco Polo mit les voiles en direction de la Chine. Quant à moi, en
1967, à l'âge de sept ans, avec mon ami Daniel, je me mis à creuser un trou
profond à l'arrière de notre cour. Nous avons renoncé à poursuivre lorsque nous
avons atteint la profondeur impressionnante de deux mètres ! Hannibal
traversa les Alpes avec ses éléphants ; dans la vie d'un garçon arrive le
jour où il commence par traverser la rue et entre dans la compagnie des grands
aventuriers. Scott et Amundsen firent voile vers le pôle Sud, Peary et Cook
vers le pôle Nord. L'été dernier, lorsque je permis à mes garçons de prendre
leurs vélos pour aller jusqu'à l'épicerie pour s'acheter une boisson, on aurait
cru que je leur avais donné un charter pour aller en Équateur ! Malgré
tous les avertissements qu'il reçut, à savoir que lui et son équipage
tomberaient dans le néant une fois arrivé au bout de la terre, Magellan fit
résolument cap vers l'ouest en contournant la pointe de l'Amérique du Sud.
Mes garçons et moi étions debout sur
les rives d'une rivière au printemps 1998, animés du désir impérieux de la
descendre en raft. Le cours d'eau, enflé par la fonte des neiges abondantes
tombées durant l'hiver, était sorti de son lit et coulait entre les arbres des
deux côtés. Au milieu de la rivière, l'eau, claire comme du cristal vers la fin
de l'été, ressemblait plutôt à du chocolat au lait ; le cours d'eau
charriait des troncs, des branches enchevêtrées qui constituaient des obstacles
plus grands que des voitures. Et bien d'autres objets encore descendaient le
torrent. Haute, boueuse et rapide, la rivière n'était pas engageante. On ne
voyait aucune embarcation sur l'eau. Ai-je d'ailleurs mentionné qu'il pleuvait ?
Mais nous avions un canoë flambant neuf, les rames en main ; certes, je
n'avais jamais flotté sur cette rivière à bord d'une embarcation légère, ni
d'ailleurs sur aucune autre rivière, mais qu'est-ce que cela pouvait bien faire ?
Nous avons sauté dans notre canoë et avons filé vers l'inconnu, comme
Livingstone s'enfonçant dans l'intérieur de l'Afrique noire.
L’aventure, avec tout ce qu'elle
comporte de danger et d'inconnu, est une aspiration spirituelle profondément
ancrée dans l'âme d'un homme. L'être masculin a besoin d'un lieu où il n'y a
rien de préfabriqué, de modulaire, de « zéro pour cent de matières grasses »,
pas de restauration rapide, pas d'internet, pas de micro-ondes. Un endroit où
il n'y a pas de lignes de démarcation, de téléphones cellulaires ni de réunions
de comité. Où il y a de la place pour l'âme. Où, finalement, la géographie suit
le contour du cœur. Regardez les héros des textes bibliques : Moïse n'a
pas rencontré Dieu sur une zone commerciale ; il L'a trouvé (ou plutôt il
a été trouvé par Lui) quelque part dans les déserts du Sinaï, loin, très loin
du confort de l'Égypte. C'est vrai également de Jacob qui lutta avec Dieu non
sur le divan de son salon, mais dans un oued, quelque part à l'ouest du Yabboq
en Mésopotamie. Où le grand prophète Élie se rendit-il pour refaire ses forces ?
Dans le désert. Tout comme Jean-Baptiste et son cousin Jésus, qui fut conduit
par l'Esprit dans le désert.
Quoi que ces explorateurs aient pu
chercher, ils étaient également en quête d'eux-mêmes. Au plus profond du cœur
humain sont tapies quelques questions fondamentales auxquelles on ne peut
répondre autour d'une table de cuisine. Qui suis-je ? De quoi suis-je fait ?
À quoi suis-je destiné ? C'est la peur qui maintient l'homme chez lui où
tout est net et bien ordonné et sous son contrôle. Or, il ne faut pas chercher
la réponse à ces questions à la télévision ou dans le réfrigérateur. Moïse
reçut son ordre de mission pour la vie et découvrit sa raison d'être sur les
sables brûlants du désert, perdu dans l'étendue vierge de tout chemin battu. Il
était appelé à une tâche bien plus grande qu'il n'aurait pu imaginer, à une
fonction plus importante que PDG ou « Prince d'Égypte ». C'est sous
des étoiles qui lui étaient étrangères, dans la terreur nocturne que Jacob
reçut son nom nouveau, son vrai nom. À ce moment-là, il n'est plus le
négociateur rusé ; il est celui qui lutte avec Dieu. La mise à l'épreuve
du Christ dans le désert lui sert en fait à affirmer son identité. « Si Tu es vraiment ce
que Tu prétends être... » Celui qui veut réellement découvrir qui il est
et pourquoi il est sur terre, doit entreprendre ce pèlerinage personnel.
Il doit le faire pour retrouver son cœur.
La fuite du cœur
La manière dont la vie se déroule
aujourd'hui a tendance à repousser le cœur de l'homme dans les régions les plus
éloignées de l'âme. Heures interminables devant l'écran de l'ordinateur ;
vente de chaussures dans la zone commerciale ; réunions, emplois du temps
surchargés, appels téléphoniques. Le monde des affaires — celui où la plupart
des Occidentaux vivent et meurent — exige que l'homme soit efficace et
ponctuel. Les politiques mises en œuvre et les dispositions prises ne visent
qu'un but : harnacher l'homme à la charrue et l'obliger à produire. Mais
l'âme refuse obstinément de se laisser harnacher. Elle ne sait rien des
chronométreurs, des dates limites et des bilans avec pertes et profits. L'âme
soupire après la passion, la liberté, la vie. Comme l'a dit le poète D.
H. Lawrence à juste titre : « Je ne suis pas un mécanisme ».
L'homme a besoin de vibrer au rythme des battements de la terre ; il a
besoin de tenir en main quelque chose de concret, la barre d'un bateau, les
rênes d'un équipage, une corde rugueuse ou tout simplement une pelle. L'homme
peut-il passer toute sa journée à conserver ses ongles propres ? Est-ce de
cela que rêve le garçon ?
La société ne parvient pas à bien
définir ce qu'est l'homme. Après avoir consacré les trente dernières années à
redéfinir la masculinité et faire des hommes des êtres plus sensibles, plus
sûrs, plus abordables, bref, plus féminins, elle reproche maintenant à l'homme
de ne plus être viril ! Elle soupire : « Les garçons doivent
rester des garçons ! » Comme si pour être vraiment homme, celui-ci
devait renoncer au désert et à l'esprit d'aventure, s'installer confortablement
et vivre en toute sécurité dans un salon feutré. « Où sont les vrais hommes ? »
Cette question revient souvent et fait l'objet de nombreuses émissions et de
livres. Je suis tenté de répondre : « On leur a demandé d'être des
femmes ! » Il en
résulte une confusion des genres telle qu'il n'en a jamais existé dans toute
l'histoire du monde. Comment savoir si on est homme quand on s'est fixé comme
objectif de veiller sur ses manières ?
Et puis, hélas, il y a l'église. Tel qu'il est
généralement, le christianisme a considérablement porté atteinte aux hommes.
Tout compte fait, je pense que la plupart des hommes qui fréquentent une église
croient que Dieu les a placés sur terre pour qu'ils soient de braves garçons.
On nous ressasse alors que l'ennui avec les hommes, c'est qu'ils ne savent pas tenir
leurs promesses, se conduire en guides spirituels, parler comme il faut à leurs
épouses, élever leurs enfants. Mais s'ils consentent à faire les efforts
nécessaires, ils arriveront tout de même à être de braves gars. C'est ce qu'on
nous présente comme modèle de maturité : être de braves gars. Ne pas
fumer, ne pas boire, ne pas jurer : voilà ce qui fait de nous des hommes.
Permettez-moi de poser une question à mes lecteurs masculins : dans vos
rêves d'enfance, envisagiez-vous de devenir un brave gars ? (Mesdames, le
prince de vos rêves était-il un homme fougueux et passionné ou un brave gars ?)
Est-ce que j'exagère ? Entrez
dans n'importe quelle église, jetez un regard autour de vous et demandez-vous :
qu'est-ce qu'un homme chrétien ? N'écoutez pas ce qu'on vous en dit.
Observez. Vous n'aurez plus aucun doute. Vous devrez admettre qu'un homme
chrétien s'ennuie. Lors d'une récente retraite d'église, je me suis entretenu
avec un homme dans la cinquantaine. Je l'écoutai attentivement me parler de son
cheminement d'homme. « Je me suis efforcé au cours des vingt dernières
années d'être un brave homme comme l'église le définit ». Perplexe, je lui
demandai de m'indiquer ce qu'il entendait par là. Il marqua une longue pause et
répondit : « Plein d'égards pour autrui et coupé de son propre cœur ».
« Vraiment une description parfaite, me dis-je. C'est tout à fait cela ».
Comme s'en plaint Robert Bly dans L'homme
sauvage et l'enfant 1 : « Certaines femmes ne veulent pour mari qu'un
homme passif ; l'Église souhaite un homme dompté, qu'elle appelle prêtre ;
l'université recherche un homme civilisé, bien installé dans sa fonction ;
l'entreprise veut un homme propre, bien rasé, béni oui-oui ». On assiste à
une attaque en règle contre l'âme masculine. C'est pourquoi le cœur de
l'homme se réfugie sur les hauteurs, dans les endroits reculés, comme un animal
blessé qui cherche un abri. Les femmes le savent, et se lamentent de ne pas
avoir accès au cœur de leurs maris. Les hommes aussi ont conscience de cet état
de choses, mais ils sont souvent incapables d'expliquer pourquoi leur cœur est
absent. Ils savent qu'il est parti à l'aventure, mais ils ignorent comment
retrouver sa trace. L'Église secoue la tête et se demande pourquoi elle
n'arrive pas à intéresser davantage les hommes à ses programmes. La réponse est
simple : nous n'avons pas encouragé l'homme à se connaître au plus profond
du cœur et à vivre avec son cœur.
Une invitation
Mais Dieu a créé le cœur masculin et
l'a placé dans l'homme. Ce faisant, Il lui adresse une invitation : viens
et sois ce que Je t'ai destiné à être. Permets-moi de court-circuiter le débat :
« Le genre est-il inné ? » qui cherche à opposer la nature à la
culture ambiante ; permets-moi de poser une seule question : l'homme
et la femme sont-ils créés à l'image de Dieu en tant qu'homme ou en tant que femme ?
« Dieu créa l'homme à son image : il le créa à l'image de Dieu,
homme et femme il les créa » (Genèse 1.27). Nous savons bien que Dieu n'a
pas de corps ; la ressemblance ne peut être physique. Le genre doit donc
se nicher au niveau de l'âme, dans les endroits les plus profonds et les plus
permanents de notre personnalité. Dieu n'a pas créé une espèce générique, mais
des êtres très distincts : nous sommes homme ou femme. En d'autres mots,
il y a un cœur masculin et un cœur féminin qui, chacun à leur manière,
reflètent ou dépeignent le cœur de Dieu au regard du monde.
Dieu poursuivait un projet bien
défini lorsqu'il créa l'homme ; si nous voulons réellement savoir qui nous
sommes, nous devons découvrir l'intention divine. Qu'a-t-il inscrit dans le cœur
masculin ? Au lieu de vous demander ce que vous estimez devoir accomplir
pour devenir un homme meilleur (ou une femme meilleure, pour mes lectrices),
méditez plutôt la question : Qu'est-ce qui vous fait vibrer ? Qu'est-ce
qui éveille votre cœur ? Nous allons maintenant nous aventurer dans un
territoire inconnu pour la plupart d'entre nous. Nous pénétrons dans un domaine
où il n'y a pas de chemins clairement tracés. Ce voyage nous conduit à explorer
les profondeurs de notre cœur, à sonder nos désirs les plus intimes. Comme le
déclare le dramaturge Christopher Fry :
La
vie est une hypocrisie si je ne peux la vivre
Comme elle m'incite à le faire !
Comme elle m'incite à le faire !
Je décèle trois désirs très
profondément inscrits dans mon cœur, et je sais maintenant que je ne peux plus
les ignorer sans perdre mon âme. Ils sont au centre même de mon identité et de
ce que j'aspire à être. Je songe à mon enfance, je parcours les pages de la littérature,
j'écoute d'innombrables hommes, et je suis alors convaincu que ces aspirations
sont universelles, qu'elles constituent un signe de la masculinité. On peut les
déplacer, les oublier, les dévier, mais au plus profond de tout homme il y a le
désir ardent de livrer un combat, de vivre une aventure et de conquérir une
belle. Pensez aux films que les hommes préfèrent, à ce qu'ils font de leur
temps libre, et surtout aux aspirations des petits garçons. Vous verrez alors
si je n'ai pas raison.
Un combat à livrer
Sur un des murs de la maison est
accrochée la photo d'un petit garçon de cinq ans environ, les cheveux en
brosse, les joues bien remplies, l'air malicieux. La photo est vieille, ses
couleurs sont passées, mais elle représente quelque chose d'intemporel.
C'était le matin de Noël 1964. je
venais d'ouvrir mon cadeau, le cadeau de Noël préféré de tous les garçons :
le costume de Zorro, une épée, un fouet, un masque, un chapeau, une cape et des
bottes noires brillantes. J'avais endossé l'habit et ne l'avais pas quitté
pendant des semaines, car, voyez-vous, il ne s'agissait pas d'un « costume »,
mais bien d'une identité. Certes, une jambe du pantalon est serrée dans
la botte et l'autre pend pardessus, mais cela ne fait qu'ajouter à l'image d'un
garçon « prêt à se mettre en selle ». Je suis armé et dangereux.
Attention, les chenapans ! La ville n'est pas assez vaste pour vous et moi !
Capes et épées, tenues de camouflage,
foulards et pistolets, voilà les uniformes préférés des garçons. Ceux-ci
ont besoin de savoir qu'ils sont forts, qu'ils sont dangereux, qu'il faut
compter avec eux. Combien de parents n'ont pas essayé d'empêcher en vain leur
petit Pierre de jouer avec un fusil ! Renoncez-y. Si vous ne donnez pas
des armes en jouet à votre garçonnet, il en fabriquera avec ce qui lui tombera
sous la main. Mes garçons découpaient leur grande biscotte en forme de pistolet
avec leurs dents au petit déjeuner. N'importe quel bout de bois devient une
lance ou mieux encore, un bazooka. Malgré ce que de nombreux éducateurs
prétendent, ce n'est pas la preuve de troubles psychologiques induits chez
l'enfant par les scènes de violence présentées sur le petit écran, ou par un
déséquilibre chimique dans son organisme. La tendance agressive fait partie du modèle
masculin. Nous sommes câblés ainsi. Si nous croyons que l'homme est créé à
l'image de Dieu, alors souvenons-nous que « l'Éternel est un guerrier.
L'Éternel est son nom ». (Exode 15.3)
Les petites filles n'inventent pas
des jeux où beaucoup de gens meurent, où le plaisir est conditionné par
l'effusion d'une grande quantité de sang. Le rugby n'est pas un jeu d'invention
féminine, pas plus que la boxe. Le garçon éprouve spontanément l'envie de
frapper. L'homme aussi, même si ce n'est que sur une petite balle blanche sur
un tee, ce petit socle utilisé dans le golf pour y placer la balle avant de la
lancer. Le joueur veut envoyer la balle dans les nuages. En revanche, mes
garçons ne s'asseyent pas autour d'une tasse de thé. Ils ne passent pas de
longues minutes à téléphoner à leurs copains pour leur parler de leurs
relations. Ils s'ennuient rapidement des jeux qui n'impliquent pas de danger,
de compétition ou de sang versé. Les sorties organisées par les entreprises
pour mettre leur personnel dans des situations difficiles où les uns ont besoin
des autres sont un non-sens. « Personne n'est tué ? demandent-ils
incrédules. Personne ne gagne ? Quel est l'intérêt du jeu ? » La
nature universelle de cette caractéristique aura déjà suffi à nous convaincre :
le garçon est un guerrier ; garçon est son nom. Et il ne se livre pas à
des simulacres puérils. Quand les garçons font la guerre, ils se préparent à
prendre part à un drame beaucoup plus grand. Un jour, vous aurez besoin de ce
garçon pour vous défendre.
Comment les troupes alliées
auraient-elles pu débarquer sur les plages de Normandie, si ces hommes
n'avaient pas obéi à une motivation fortement ancrée au plus profond
d'eux-mêmes ? La vie a besoin que l'homme soit féroce et fermement
consacré à une cause. Les blessures qu'il recevra tout au long de sa vie lui
feront perdre courage s'il n'a été entraîné qu'à des assauts à fleurets
mouchetés. C'est surtout vrai dans les eaux boueuses des relations humaines,
dans lesquelles l'homme est mal préparé à avancer. Comme le dit Robert Bly, « dans
toute relation, il faut de temps à autre un peu d'impétuosité ». Il se
peut maintenant que cette aspiration ait été étouffée par des années de
négligence, et que l'homme n'éprouve plus le besoin d'affronter ce qui
l'attend. Cette aspiration a aussi pu être détournée de son noble but et
récupérée pour le mal, comme c'est le cas des bandes de voyous qui font la loi
dans certaines banlieues. Mais le désir est toujours là. Tout homme veut avoir
le rôle de héros. Tout homme a besoin de savoir qu'il est fort. Ce ne
sont pas les femmes qui ont fait de Braveheart un des plus grands films
à succès de cette décennie. Le Pont de la rivière Kwai, Les sept
mercenaires, Le train sifflera trois fois, Il faut sauver le soldat Ryan, Top
Gun, Gladiator, ces films aimés des hommes révèlent ce après quoi soupire
le cœur masculin, ce qu'il recèle dès sa naissance. Qu'on le veuille ou non, il
y a quelque chose d'impétueux dans le cœur de chaque homme.
Une aventure à vivre
« Ma mère aime passer ses
vacances dans les musées », confiai-je à un ami. Lui et moi parlions de
notre amour pour la nature ; il me donna les raisons qui l'avaient poussé
à quitter la grande ville pour s'installer près des montagnes. J'ajoutai :
« Je suppose que ces visites lui conviennent tout à fait. Elle est
passionnée par la culture. Quant à moi, j'ai besoin d'espaces sauvages ».
Notre conversation faisait suite à un film que nous avions vu : Légendes
d'automne. Il retraçait l'histoire de trois jeunes devenus adultes au début
des années 1900, dans le chalet de leur père. Alfred, l'aîné, est un homme
pragmatique et prudent, au sens pratique. Il envisage d'aller dans la grande
ville pour y développer ses affaires et finir dans la politique. Mais quelque
chose en lui s'étiole et meurt. Il devient un homme creux. Samuel, le plus
jeune, est resté petit garçon à bien des égards. C'est encore un enfant tendre,
cultivé, sensible, timide. Il est tué en Europe à la Première Guerre mondiale
dès le début du film, et le spectateur sait qu'il n'était pas prêt à se battre.
Et puis, il y a Tristan. C'est un
enfant au cœur sauvage. Il attrape l'étalon fougueux et le dompte, combat un
ours avec un couteau et fait la conquête de la jolie femme. J'aimerais rencontrer
un homme désireux de ressembler à Alfred ou à Samuel. J'aimerais rencontrer une
femme désireuse d'épouser l'un d'eux. Il y a une raison pour que le commandant
Cousteau ait pris des proportions mythiques. Il incarne l'aspiration que tout
homme connaît depuis sa jeunesse, à savoir aller vers l'inconnu, pour y trouver
un lieu où il pourra s'épanouir et réaliser son vrai destin. Il veut être
conforme à ce que Walter Brueggeman dit de Dieu, « sauvage, dangereux,
indépendant et libre ».
Marquons une pause pour préciser un
point. Je ne suis pas un grand chasseur, et je n'ai pas de trophées d'animaux
qui ornent les murs de ma maison. Je n'ai pas joué au rugby dans ma jeunesse. À
cette époque, je pesais soixante et un kilos et n'avais rien d'un athlète. En
dépit de mes rêves d'enfant, je n'ai jamais été pilote de voiture de course ou
d'avion de chasse. Je n'éprouve aucun plaisir à regarder les émissions
télévisées sportives. Je n'aime pas boire de la bière, et même si je me plais à
conduire un vieux 4x4, ses pneus ne sont pas très larges. Je le dis d'avance,
parce que je soupçonne quelques lecteurs — hommes et femmes — d'être tentés de
me prendre pour une sorte de macho fervent des rallyes. Pas du tout. Je suis
simplement en quête, comme beaucoup d'hommes (et de femmes, je l'espère) d'une
authentique masculinité.
Lorsque l'hiver ne parvient pas à
nous gratifier d'une neige suffisamment abondante, mes garçons entrent leurs
traîneaux dans la maison et dévalent les escaliers. L'autre jour, ma femme les
surprit au moment où ils allaient descendre en rappel de leur chambre au
deuxième étage à l'aide d'une corde. La recette pour procurer du bonheur aux
garçons est simple : inclure dans n'importe quelle activité un élément de
danger, un brin d'exploration, une note de destruction, et vous aurez réussi.
Leur façon de skier en est une parfaite illustration. Allez sur le point le
plus élevé de la piste, choisissez la descente la plus raide et laissez-vous
aller. Plus vous irez vite, mieux c'est. Et cela ne change pas avec l'âge ;
l'adulte fixe simplement la barre plus haut.
Un juge dans la soixantaine, avec un
costume chic en tweed et s'exprimant avec aisance et élégance, vint me trouver
lors d'une conférence. Calmement, presque en s'excusant, il me confia sa
passion pour la voile, les balades en mer. Il me raconta que lui et un ami
avaient construit un voilier entièrement de leurs mains. À ce moment, une lueur
éclaira son regard. « Il y a quelques années, nous naviguions au large des
Bermudes quand une tempête soudaine, venant d'on ne sait où, s'abattit sur
nous. Des vagues de six mètres menaçaient notre barque artisanale de dix
mètres. Je pensais sincèrement que notre dernière heure était venue ». Il
s'arrêta quelques instants pour mieux faire ressortir le côté dramatique de
cette situation, puis il m'avoua : « Ce fut le meilleur moment de ma
vie ».
Comparez, par exemple, ce que vous
ressentez en regardant un James Bond ou un Indiana Jones avec ce que vous éprouvez
en allant à la réunion d'étude biblique. L'enthousiasme du spectateur chaque
fois que le héros réussit à se sortir de sa fâcheuse posture souligne davantage
que l'homme est fait pour l'aventure. Et il ne s'agit pas simplement de goûter
à du plaisir. L'aventure exige
quelque chose de
nous, elle nous met à l'épreuve. Tout en redoutant le test, nous avons une
folle envie de le passer pour découvrir ce dont nous sommes capables. C'est ce
qui explique pourquoi nous avons descendu une rivière en faisant fi de tout
jugement sain, pourquoi un copain et moi-même nous nous sommes aventurés dans
une région où vivaient de nombreux ours afin de trouver un endroit idéal pour
pêcher, pourquoi, jeune homme, je me suis rendu à la capitale afin de voir si
je réussirai à survivre dans ce milieu infesté de requins. Si un homme a perdu
ce désir, déclare qu'il ne veut pas courir cette aventure, c'est parce qu'il
ignore qu'il est en mesure de passer ce test avec succès, et croit qu'il
échouera. Il se dit alors qu'il vaut mieux ne même pas essayer. Pour des
raisons que j'espère montrer clairement par la suite, la plupart des hommes ont
peur de l'inconnu. Comme Caïn, ils préfèrent se fixer, bâtir leur ville et
tenir les rênes de leur vie.
Mais vous ne pouvez pas le nier :
il y a quelque chose de sauvage dans le cœur de tout homme.
Une belle à sauver
Roméo a Juliette, le roi Arthur
combat pour Guenièvre, Robin des Bois sauve Marianne, et moi, je n'oublierai
jamais la première fois où j'ai embrassé l'élue de mon cœur. C'était à
l'automne et j'étais en cinquième. J'avais rencontré Déborah au cours de
théâtre. Je tombai follement amoureux d'elle. C'était mon premier béguin, une
amourette d'adolescent ; j'attendais la fin des répétitions, je portais
son cartable. Nous nous passions des petits billets pendant les cours, nous
nous téléphonions le soir. Je n'avais jamais prêté beaucoup d'attention aux
filles jusqu'à ce moment-là. Ce désir s'éveille un peu plus tard dans le
cheminement qui conduit l'adolescent vers l'homme adulte, mais quand il surgit,
il bouleverse tout. Quoi qu'il en soit, j'avais une folle envie d'embrasser
Déborah, mais je n'arrivai pas à rassembler le courage nécessaire pour le
faire. Jusqu'à la dernière représentation scolaire. Les grandes vacances
débutaient le lendemain ; elle allait partir ; je savais donc que
c'était maintenant ou jamais. Dans l'ombre des coulisses, je lui donnai un
baiser furtif et elle m'en rendit un long. Vous rappelez-vous la scène du film
E.T. dans laquelle le petit garçon va sur la lune avec son vélo ? Je suis
certain que tout en rentrant chez moi sur mon petit vélo, jamais je ne touchai
terre ce soir-là !
Rien ne fascine autant un homme
qu'une jolie femme. Elle peut vous inciter à monter à l'assaut d'un château,
tuer le géant, sauter des remparts. Ou tout simplement marquer un but. Un jour,
lors d'un match de base-ball chez les minimes, mon fils Samuel se trouvait dans
cet état euphorique. Il aime beaucoup le base-ball, mais la plupart des garçons
qui se lancent dans ce sport ne sont pas sûrs d'avoir l'étoffe pour devenir de
grands champions. Samuel est notre premier-né, et comme beaucoup de ceux-là, il
est prudent. Il laisse passer d'abord plusieurs occasions avant de frapper la
balle, et lorsqu'il le fait, ce n'est pas de toutes ses forces. Tous ses
lancers atterrissaient à l'intérieur du terrain. Mais ce jour-là, au moment où
Samuel s'apprêtait à frapper la balle, sa copine qui habite en bas de la rue,
une jolie demoiselle blonde, apparut le long de la ligne de touche. Elle se
dressa sur la pointe des pieds, hurla le nom de Samuel et lui fit des signes de
la main. Le garçon fit mine de ne pas la voir, donna plus d'ampleur au
mouvement de la batte, fixa la balle d'un regard plus féroce. Pour la première
fois, il envoya la balle au fond du terrain.
L'homme veut passer pour un héros aux
yeux de sa belle. Les jeunes gens qui vont à la guerre emportent avec eux la
photo de celle qu'ils aiment. Avant de partir en mission dangereuse, les pilotes de chasse peignent le
portrait d'une jolie fille sur la carlingue de l'avion. Que seraient devenus
Robin des Bois ou le Roi Arthur sans la femme qu'ils chérissaient ? Les
hommes solitaires livrent des combats solitaires. Indiana Jones et James Bond
ne seraient pas les mêmes s'ils n'avaient pas une superbe créature à leurs
côtés ; c'est pour elle qu'ils se battent. En somme, l'homme n'éprouve pas
simplement le désir de se battre, mais celui de se battre POUR quelqu'un.
Souvenez-vous des paroles de Néhémie aux braves qui défendaient la ville de
Jérusalem aux murailles écroulées : « Ne le craignez pas !
Combattez pour vos frères, vos fils et vos filles, vos femmes et vos maisons ! »
La bataille en soi ne suffit pas ; l'homme a besoin de romantisme. Il ne
lui suffit pas d'être un héros ; il veut être le héros de quelqu'un de
particulier, de la femme qu'il aime. Adam reçut en héritage le vent et la mer,
le cheval et le faucon ; pourtant Dieu lui-même reconnut que cela ne lui
suffisait pas. Il lui manquait Ève.
Oui, la passion brûle dans le cœur de
tout homme.
Le cœur féminin
J'ai trouvé que le cœur de la femme
abrite également trois désirs, qui ne sont pas fondamentalement différents de
ceux du cœur masculin, tout en conservant leur spécificité féminine. Toutes les
femmes n'aspirent pas à livrer bataille, mais chacune souhaite être l'enjeu
d'une bataille. Ecoutez attentivement le soupir du cœur de la femme :
celle-ci ne veut pas simplement être remarquée, elle veut être désirée. Elle
veut être recherchée et poursuivie. « Je veux être numéro un pour
quelqu'un », me confia une femme dans la trentaine. Les petites filles qui
rêvent qu'un chevalier dans son armure rutilante viendra les délivrer ne
sombrent pas dans un délire purement imaginaire ; leur désir est
profondément ancré dans leur cœur de femme et correspond au genre de vie à
laquelle elles sont destinées. Ainsi, Zach vient chercher Paula dans Officier
et Gentleman et Frederick vient chercher Jo dans Les quatre filles du
docteur March.
Toute femme éprouve aussi le désir de
partager une aventure. L'homme de la rivière d'argent est l'un des films
préférés de ma femme. Elle aime tout particulièrement la scène ou Jim, le héros
de Jessica, vient sauver la superbe jeune fille et où tous deux traversent les
régions sauvages des étendues désertiques d'Australie. « J'aimerais être
Isabeau dans La femme de la nuit, avoua une autre amie ; être
aimée, recherchée, conquise. Mais j'aimerais aussi être forte et partie
intégrante de l'aventure ». Beaucoup d'hommes pensent à tort que la femme est
l'aventure. Si l'homme nourrit cette pensée, il n'est pas étonnant que sa
relation avec la femme se brise rapidement. La femme ne veut pas être
considérée comme une aventure ; elle souhaite être entraînée dans quelque
chose qui la transcende. L'amie évoquée plus haut ajouta : « Je me connais,
et je sais que je ne suis pas l'aventure. Si donc un homme me considère comme
telle, je m'ennuie très rapidement avec lui. Je connais déjà cette histoire.
Entraîne-moi dans une autre que je ne connais pas ».
Et finalement, toute femme veut avoir
une beauté à dévoiler. Pas à conjurer, mais à dévoiler. La plupart des femmes
subissent la pression d'être belles dès leur plus tendre enfance. Mais ce n'est
pas de cela que je parle. Il y a en elles le désir simple et authentique d'être
la beauté et de s'en délecter. La plupart des petites filles ont joué à
s'habiller en mariée, à revêtir des robes ou des jupes dans lesquelles elles
aimaient tournoyer. Elles étaient fières de se présenter ainsi dans le salon,
de se montrer devant leur papa comme les mannequins qui défilent. Ce que la
fillette souhaite avant tout, c'est captiver l'attention de son père. Ma femme
se souvient qu'à l'âge de cinq ou six ans, elle se mettait debout sur la petite
table du salon et chantait. « Me remarques-tu ? semble interroger le
cœur de chaque fille. Es-tu fasciné par ce que tu vois ? »
Le monde tue le cœur de la femme
lorsqu'il l'encourage à être dure, efficace et indépendante. Le christianisme
n'a malheureusement pas su écouter les soupirs du cœur féminin. Entrez dans la
plupart des églises, promenez votre regard autour de vous, et demandez-vous : qu'est-ce qu'une
femme chrétienne ? Ne vous contentez pas d'écouter ce qu'on dit à ce sujet ;
observez et concluez. Vous n'aurez aucun doute : vous devrez reconnaître
que la femme chrétienne est... lasse. Tout ce que nous avons offert à l'âme
féminine est l'obligation « d'être une bonne servante ». Personne ne
se bat pour son cœur ; nous n'avons pas de grands projets pour l'entraîner
dans l'aventure ; et presque toute femme se demande vraiment si elle a une
quelconque beauté à dévoiler.
Selon la voie du cœur
Que préféreriez-vous qu'on dise de
vous : « Jean ? Je le connais. C'est vraiment un chic type »
ou : « Jean ? Oh, oui, je le connais bien ! C'est un homme
dangereux... mais dans le bon sens du terme ». Mesdames, qu'en est-il de
vous ? Quel type d'homme aimeriez-vous avoir pour compagnon ?
(Certaines femmes, meurtries par une masculinité détournée, opteront pour
l'homme « sûr »... et se demanderont pourquoi, quelques années plus
tard, leur mariage est dénué de toute passion, pourquoi leur mari est distant
et froid). Et en ce qui concerne votre propre féminité, qu'aimeriez-vous qu'on
dise de vous : que vous êtes une « ouvrière infatigable » ou :
« une femme captivante » ? J'ai tout dit.
Et si ? Si ces désirs profonds
dans notre cœur disaient la vérité, nous révélant du même coup la vie à
laquelle nous étions promis ? Dieu nous a pourvus d'yeux pour que nous
puissions voir, d'oreilles pour que nous puissions entendre, d'une volonté pour
que nous puissions choisir, et d'un cœur pour que nous puissions vivre. Tout
est maintenant dans la façon dont nous gérons notre cœur. L'homme doit savoir
qu'il est fort ; il doit savoir qu'il possède ce qui caractérise l'homme.
La femme doit savoir qu'elle est belle ; elle doit savoir qu'elle mérite
qu'on se batte pour elle. « Mais vous ne comprenez pas, me dit une femme.
Je vis avec un homme mou, un béni oui-oui, qui acquiesce à tout ». Non,
son cœur est toujours là. Il s'est peut-être éloigné de vous, il s'est enfui
comme un animal blessé, toujours hors d'atteinte, reculant d'un pas chaque fois
que vous avancez d'autant. Mais il est toujours là. « Je ne sais pas quand
j'ai cessé de vivre, me dit un homme. Mais j'ai l'impression que je suis sous
oxygène pour survivre ». Je comprends. Votre cœur peut se sentir mort,
mais il est encore là. Il abrite toujours quelque chose de sauvage, de fort, de
vaillant, qui ne demande qu'à s'exprimer.
Ce livre ne cherche donc pas à
indiquer les sept étapes que l'homme doit franchir pour devenir meilleur.
L'ouvrage prône la redécouverte et la libération du cœur de l'homme, pour qu'il
donne libre cours à ses passions, à sa vraie nature, celle que Dieu lui a
donnée. Ces pages sont une invitation à gambader dans les champs, vers
l'inconnu, à sauter de la falaise pour sauver une belle. En effet, si vous
voulez savoir qui vous êtes réellement en tant qu'homme, si vous voulez
découvrir une façon de vivre qui en vaut vraiment la peine, si vous voulez aimer
une femme profondément et ne pas transmettre votre confusion à vos enfants,
vous devez simplement retrouver le chemin de votre cœur. Il faut vous aventurer
dans les régions élevées de votre âme, dans les contrées sauvages et
inexplorées et traquer cette proie insaisissable.
John Eldredge, in Indomptable, Le
secret de l’âme masculine (farel)
1. Robert Bly, L'Homme sauvage, Éditions du Seuil, 1992