dimanche 10 juin 2012

En souffrant... Jean-François Six, Charles de Foucauld et la Croix


Revenir à lÉvangile.
La vie de Nazareth reste, dans ses orientations nouvelles, au centre de toutes les conceptions de Frère Charles. Non pas la condition d'existence de Nazareth en tant qu'elle reproduit littéralement les conditions d'existence de Jésus durant sa vie cachée ; mais la vie de Nazareth en tant qu'elle est le signe de la réalité de la vie de Jésus : une vie de pauvreté d'âme et de disponibilité à tous, une vie de dernière place, d'insertion au cœur de ce qu'il y a de plus humain, de plus pauvrement humain ; la vie de Nazareth en tant qu'elle est transposition étonnante, en des tâches communes et quotidiennes, du grand acte de la Croix. C'est là l'expression de la foi extraordinaire du Frère Charles, telle qu'elle s'explicite dans ce passage d'une lettre de 19o9 : « Jésus nous a dit, en nous bénissant : « Allez prêcher l'Évangile à toute créature » ; nous aussi nous pouvons tout en Celui qui nous fortifie ; Il a vaincu le monde ; comme Lui, nous aurons toujours la croix ; comme Lui, nous serons toujours persécutés ; comme Lui nous serons toujours vaincus en apparence ; comme Lui, nous serons toujours triomphants en réalité. Et cela dans la mesure de notre fidélité à la grâce, dans la mesure où nous Le laisserons vivre en nous et agir en nous et par nous [...] Revenons à l'Évangile. Si nous ne vivons pas l'Évangile, Jésus ne vit pas en nous »1.
C'est la croix qui « prépare », qui est première. Les « ouvriers-évangéliques » tels que les veut Frère Charles, doivent avoir intimement le sens de cette primauté de la mort de la croix ; le don en pure perte de soi demeure sans cesse, pour Frère Charles, le centre de sa conception ; les frères de la congrégation qu'il veut fonder doivent avant tout regarder l'échec apparent de la Croix, le mode silencieux et « abject » de la Rédemption : c'est seulement ainsi que se prépare la diffusion de l'Évangile. L'apôtre qui marche à la suite de Frère Charles doit s'engager à travailler sans dessein de connaître ni de peser les aboutissements de son œuvre : son travail ne doit pas être d'apostolat direct — où l'on peut, où il faut même, mesurer des résultats et prévoir des avancées — mais c'est un travail de défrichement sans fin, reposant sur la seule foi nue, un travail accompli dans la nuit, un « si obscur apostolat »2.
Frère Charles veut donner sa vie, et totalement. Mais, ce qui est surprenant à constater, c'est qu'il conçoit le don de sa vie bien autrement qu'auparavant.
Si, autour de 1896-1897, s'épanouit à l'extrême, en Frère Charles, le désir du martyre, si le même désir continue à s'exprimer par la suite, à Béni Abbès, par exemple, en 1902 : « Je voudrais aimer Jésus... Priez-Le pour que je L'aime... Cela suffit... Je voudrais cependant bien aussi être martyr, quoique indigne... Mais que Sa volonté se fasse et non la mienne »3 ; et encore, à l'arrivée à Tamanrasset, en septembre 1905 : « Votre enfant aurait le sort de notre arrière-grand-oncle Armand, n'en seriez-vous pas heureuse ? Jésus a dit que c'était la plus grande marque d'amour, ne seriez-vous pas heureuse de voir votre enfant la donner ? »4, bientôt ce désir laisse la place à ce que Frère Charles voit de plus en plus comme une équivalence du martyre : l'immolation quotidienne de soi à Jésus pour tous les hommes, dans une amitié et un service constants, un véritable anéantissement par un total don de soi aux autres. Et nous en arrivons à cette pensée, en 1913 : « Je ne puis pas dire que je désire la mort ; je la souhaitais autrefois ; maintenant, je vois tant de bien à faire, tant d'âmes sans pasteur, que je voudrais surtout faire un peu de bien et travailler un peu au salut de ces pauvres âmes »5.
Il ajoute : « Mais le bon Dieu les aime plus que moi et Il n'a pas besoin de moi. Que Sa volonté se fasse ! » C'est que le martyre peut encore être une « œuvre ». Or, il n'y a qu'une chose à faire : se laisser aimer, se laisser conduire par l'Amour. « Nous sommes portés à mettre au premier rang les œuvres dont les effets sont visibles et tangibles ; Dieu donne le premier rang à l'amour et ensuite au sacrifice inspiré par l'amour et à l'obéissance dérivant de l'amour. Il faut aimer et obéir par amour en s'offrant en victime avec Jésus comme il Lui plaira ! à Lui de faire connaître s'Il veut pour nous la vie de saint Paul ou celle de sainte Magdeleine »6.
C'est pour obéir à Jésus qu'il envisage ainsi de continuer de vivre pour sauver avec Lui par une mort quotidienne, plutôt que de donner, d'un seul geste, sa vie pour Lui. Non pas qu'il ne désire pas Le retrouver bien vite ! Mais il accepte, par amour, d'attendre ; il fait le sacrifice d'une rencontre proche avec le Bien-Aimé pour les âmes qui ne Le cherchent pas ; il offre les retards du rendez-vous et les temps où Jésus se fait absent pour les âmes qui ne Le trouvent pas. Toutes ces épreuves et ces attentes ne sont-elles pas des progrès sur le chemin vers Lui et ne permettent-elles pas de L'approcher d'un peu plus près ? Les derniers pas de Frère Charles sont formés de cette marche dans le désert ; il écrit, quatre mois avant sa mort : « L'amour consiste non à sentir qu'on aime, mais à vouloir aimer ; quand on veut aimer par-dessus tout, on aime par-dessus tout.
« S'il arrive qu'on succombe à une tentation, c'est que l'amour est trop faible, ce n'est pas qu'il n'existe pas : il faut pleurer, comme saint Pierre, se repentir comme saint Pierre, s'humilier comme lui, mais, comme lui aussi, dire par trois fois : « Je Vous aime, je Vous aime, Vous savez que malgré mes faiblesses et mes péchés, je Vous aime ».
« Quant à l'amour que Jésus a pour nous, Il nous l'a assez prouvé pour que nous y croyions sans le sentir ; sentir que nous L'aimons et qu'Il nous aime, ce serait le ciel : le ciel n'est, sauf rares moments et rares exceptions, pas pour ici-bas... »7.
Dans la paix et la gloire de Jésus.
Le 1er décembre 1916, premier vendredi du mois, à la tombée de la nuit, Frère Charles meurt, « violemment et douloureusement tué »8.
Il est seul chez lui quand l'un de ses amis touaregs l'appelle dehors : le courrier est arrivé. On le saisit et les vingt hommes qui ont entouré sans bruit le fortin pénètrent à l'intérieur. Ils avaient formé le projet de piller le bordj et de prendre Frère Charles comme otage 9 et leur coup réussit très bien. Lui attend d'être emmené, les bras derrière le dos, les poignets attachés aux chevilles avec des guides de chameaux. Il se tait, il regarde devant lui, il se tient immobile.
On l'a confié à la garde d'un garçon de quinze ans qui est debout près de lui, fusil en mains, tandis que les autres accomplissent la mise à sac. Mais quelqu'un crie : deux méharistes arrivent 10. Une fusillade éclate. Affolé, le jeune gardien tire sur Frère Charles : il tombe sans un cri. Le drame a duré vingt minutes à peine.
La mort de Frère Charles est, à l'image de sa vie, une mort de tous les jours, sans rien d'extraordinaire ni de sensationnel, un fait divers 11. Elle est effacement : c'est l'ensevelissement silencieux du grain tombé en terre 12. Il avait vécu, depuis sa conversion, trente ans de vie cachée.
Rien d'un geste glorieux et triomphal, mais un accomplissement humble et simple de ce qui était, ce jour-là, volonté du Seigneur. En ce 1er décembre, il avait écrit à l'un de ses amis ces lignes qui expriment tellement bien l'acte de sa mort : « Nous devons donner l'exemple du sacrifice et du dévouement. C'est un principe auquel il faut être fidèle toute la vie, en simplicité, sans nous demander s'il n'entre pas de l'orgueil dans cette conduite : c'est le devoir, faisons-le, et demandons au Bien-Aimé Époux de notre âme de le faire en toute humilité, en tout amour de Dieu et du prochain »13.
En ce même jour de sa mort, Frère Charles écrivait à sa cousine cette phrase qu'il faut sans cesse avoir devant les yeux pour comprendre sa vie : « Notre anéantissement est le moyen le plus puissant que nous ayons de nous unir à Jésus et de faire du bien aux âmes »14. Frère Charles ajoute : « C'est ce que saint Jean de la Croix répète presque à chaque ligne »15.
Or, pour le grand Docteur mystique, dont Frère Charles lit sans cesse les écrits depuis vingt ans, c'est la Croix qui est l'anéantissement suprême de Jésus : « À sa mort, il est certain qu'il fut anéanti dans son âme. Son Père le laissa sans aucune consolation et sans nul secours ; il l'abandonna à la sécheresse la plus profonde... Ce fut l'abandon le plus grand, le plus sensible qu'Il ait jamais éprouvé en Sa vie. Mais c'est alors aussi qu'Il accomplissait la plus grande œuvre de Sa vie, celle qui surpassait tous les miracles et les prodiges qu'Il avait jamais accomplis sur la terre et au ciel. Je veux dire la réconciliation du genre humain et son union à Dieu par la Grâce. Cette œuvre s'accomplissait au temps et au moment où le Sauveur était le plus complètement anéanti »16.
Pas une autre vie que la Sienne !
Depuis près de trente ans, Frère Charles a entendu l'appel du Crucifié et il a appris, jour par jour, qu'il fallait faire, de toute sa vie une mort continuelle avec Lui.
Cela avait surtout commencé à Noël 1888, en Terre Sainte : il avait pris, là, conscience plus vive de ce qu'avait été la Croix ; il avait été bouleversé en pensant à Jésus au Calvaire, Jésus humilié, méprisé comme le dernier des hommes, Jésus dont tous les passants méconnaissaient l'amour.
Lui, du moins, ne sera pas de ceux-là : il mettra tout en œuvre pour L'aimer ! Et quand on aime quelqu'un, on l'imite, pour partager sa vie. Alors il veut imiter les souffrances de Jésus, il se dit qu'il ne doit « vivre que pour le soulagement de Son cœur »17. Il lui fait, à lui dont « toute la vie n'a été que sacrifices », « le plus grand sacrifice qu'il soit possible d'accomplir » ; et c'est ainsi qu'il entre à la Trappe, pour souffrir avec Lui.
Il recherche les souffrances qui le rendront présent à Jésus en Croix : il ne veut pas « quitter le pied de la Croix »18, il désire participer aux angoisses et peines de Jésus ; c'est un bonheur, pour lui, de se trouver près de Jésus dans une solitude cachée qui est une mort à lui-même, en ne faisant rien d'autre que de Lui répéter qu'il L'aime. Jésus crucifié devient pour lui le compagnon de chaque heure, Celui avec qui on vit en amitié très proche.
Comment dire ces affirmations d'amour ? Pour le jeune converti, il n'y a aucune hésitation à avoir : puisque Jésus, qui s'est livré sur la Croix pour les hommes, est présent dans le Saint-Sacrement, c'est devant l'Hostie, expression réelle de l'amour extrême de Jésus, qu'il faut L'adorer et Lui exprimer qu'on L'aime. Alors commencent pour lui les innombrables temps de présence devant le Saint-Sacrement : « On Le regarde, on Lui dit qu'on L'aime, on jouit d'être à Ses pieds, on Lui dit qu'on veut y vivre et y mourir »19. Il est immobile devant l'Hostie des journées, des nuits entières ; il voudrait « passer toute sa vie immobile au pied du Tabernacle »20.
Et comment prouver en actes cet amour ? D'abord en reproduisant dans sa vie la vie même de Jésus. Frère Charles veut réaliser une imitation toute littérale — sans glose — du Maître Bien-Aimé : il faut souffrir comme Jésus a souffert, il faut travailler de ses mains de la même manière que Jésus a travaillé de ses mains : « Je ne puis supporter de mener une vie autre que la sienne, une vie douce et honorée, quand la sienne a été la plus dure et la plus dédaignée qui fût jamais »21.
Il faut, en un mot, « l'imitation la plus fidèle possible »22. « Chaque jour, je désire davantage me précipiter dans le dernier abaissement à la suite de Notre-Seigneur ». « Partager Sa vie et surtout Ses prières, Ses misères ». « Me jeter plus que jamais dans la solitude, dans tout ce qu'il y a de plus obscur, de plus retiré, de plus bas ». Il veut rechercher un état de solitude avec Jésus, de solitude où l'on partage Sa dernière place. Recherche indéfinie, recherche d'une passion et d'un dynamisme de plus en plus ardents, car à mesure qu'il avance, à mesure aperçoit-il que Jésus est allé plus loin encore et qu'il doit L'y suivre.
Il s'agit donc de témoigner à Jésus, sans cesse, en chaque occasion, qu'on L'aime, par un témoignage réel, effectif : « L'Époux divin est avec nous dans les luttes qu'Il vous impose pour son amour. Par les combats et la souffrance soutenus pour Lui, Il se fait faire par vous une déclaration d'amour quotidienne, plus que quotidienne ; aussi souvent répétée que l'épreuve — non une déclaration seulement, mais une déclaration avec preuve »23.
Cet amour, il faut le prouver activement, en portant partout l'Évangile de Jésus. Comment une contemplation pourrait-elle être une séparation égoïste d'avec les hommes ? Si nous aimons Jésus, s'Il est en nous, il n'est pas possible que nous n'allions pas le porter aux autres.
Cela signifie-t-il qu'il faille le proclamer à grand renfort de publicité ? Bien au contraire, car Jésus a fait son travail rédempteur à travers beaucoup de silences et de méconnaissances.
Et Frère Charles, comprenant l'insertion de Jésus dans une petite bourgade de Galilée, et son acceptation d'être rivé à la Croix, s'enfonce lui-même dans un enracinement de plus en plus particulier, en se livrant pour un tout petit groupe d'hommes bien déterminés : les Touaregs. Il se limite au Hoggar comme Jésus s'est limité à Nazareth. Alors vraiment, il universalise, au même titre que Jésus, son amour des hommes.
Comment s'opère cette universalisation ? Par la Croix. Frère Charles installe en effet — délibérément — la Croix salvatrice au centre de la vie de Nazareth ; et puisque la Croix a racheté tous les hommes, toute insertion particulière dans une infime communauté d'hommes peut comporter, comme la Croix et Nazareth, une même dimension universelle. C'est bien l'imitation de Jésus en Croix qui a conduit sans cesse Frère Charles, qui l'a conduit à mener la vie de Nazareth et à devenir petit frère universel.
Mais comment cette imitation de plus en plus profonde a-t-elle pu s'effectuer, comment a-t-elle été nourrie ? Par l'Eucharistie. Frère Charles a reçu de comprendre que l'Eucharistie est d'abord le don que le Père lui faisait de tous les hommes et que, par elle, il était mis en état d'accueil vis-à-vis d'eux. C'est l'Eucharistie qui a livré à Frère Charles le secret de l'attitude apostolique de Nazareth qui consiste, au lieu de se lancer avant tout à l'assaut des autres pour leur faire du bien, à les reconnaître tous comme des fils du Père et à vivre parmi eux, comme eux, parce qu'ils sont des frères de Jésus. C'est l'Eucharistie qui a été pour lui exigence de présence à autrui : pour Frère Charles, sauver des âmes ne consiste pas d'abord à se substituer à elles en s'offrant comme victime en expiation, mais à attirer maintenant les âmes à la Croix du Christ en allant rendre présente la Croix au milieu d'elles, en la rendant présente par la vie qu'on mène, crucifiée. Sa présence aux hommes est une présence qui se veut éminemment rédemptrice par la ressemblance qu'il aura avec Jésus en Croix. Dès lors, la « Visitation », c'est pour lui aller porter à tous les hommes, par notre seule pauvre vie, la Rédemption. C'est ainsi que Jésus a agi : « Visitavit et fecit redemptionem (sauver des âmes !) »24.
C'est pour cette raison qu'il doit être le plus incognito dans la masse, le plus commun, le plus indistinguable : « Que je reste entièrement inconnu, ignoré »25. « Être du pays » « tout petit », « abordable »26. C'est là vraiment toute sa vie, c'est là Sa Croix où nous voyons la vie naître de la mort. Frère Charles est profondément fidèle à cette mort de Jésus qui précède la Résurrection ; et cette fidélité à la Croix se manifeste admirablement dans sa présence à autrui, présence qui est en quelque sorte une absence 27.
Dès lors il va vers les autres en se disant tout tranquillement que, pour les sauver, il doit d'abord installer la Croix au cœur de sa vie. Non qu'il vise avant tout à réaliser une conversion purement individuelle. Mais Frère Charles sait que sa conversion silencieuse affectera toute sa présence à autrui. Il le dit en 1902 28 ; il le dit quelques mois avant sa mort, de la même façon : « Sanctifions-nous, sanctifions-nous pour Notre-Seigneur à qui nous le devons. Sanctifions-nous pour faire plus de bien aux âmes. On fait du bien aux autres dans la mesure de la vie intérieure qu'on possède et il faut faire du bien aux âmes »29. C'est en quelque sorte le salut des autres qui nous accule à la sainteté.
La première mort, qui lui permettra de sauver des âmes, c'est en effet sa conversion, Frère Charles en est intimement persuadé : « Quand le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul, s'il meurt, il porte beaucoup de fruits ; je ne suis pas mort,, aussi je suis seul... Priez pour ma conversion, afin que, mourant, je porte du fruit »30.
À mesure que Frère Charles effectue cet oubli continuel de soi, à mesure est-il poussé à le faire, non pas dans la solitude, mais au milieu des hommes. Les Pères du désert s'enfonçaient, eux, dans la solitude ; car le désert leur apparaissait comme le lieu de Satan et ils allaient l'y affronter en un combat semblable à celui que Jésus avait mené avant sa vie publique. C'est toujours pour rencontrer Satan que Frère Charles s'enfonce au désert 31, mais lui se dit que le désert est tout lieu où les âmes sont les plus éloignées de Dieu et les plus enchaînées au démon ; qu'il n'est pas d'abord une fuite du monde, mais une recherche des âmes les plus perdues. C'est pour cette raison que, pour convertir ce monde éloigné de Dieu tout apôtre doit avoir une vie de profonde et continuelle union à Dieu, une vie d'imitation de Jésus, d'ensevelissement en Jésus, une vie de Père du désert : il faut « qu'un missionnaire mène la vie de saint Antoine du désert »32 ; il faut des ermites morts à eux-mêmes et morts au monde, des ermites qui, plongés au plus profond de la pâte humaine, annonceront, par leur vie silencieuse, l'Évangile du Sauveur.
Jean-François Six, in Itinéraire spirituel de Charles de Foucauld

1. Lettres à l’abbé Caron, 3o juin 1909. Cf. Lettres à Monseigneur Guérin, 29 juin 1909. Cf. « La voie royale de la croix : c'est la seule pour les élus, la seule pour l'Église, la seule pour chaque fidèle ; c'est la loi jusqu'à la fin du monde : l'Église et les âmes, épouses de l'Époux crucifié, devront partager ses épines et porter la croix avec lui : la loi de l'amour veut que l'épouse partage le sort de l'Époux » Lettres à Madame de Bondy, 12 janvier 1909.
2. Lettres à l’abbé Caron, 5 avril 1906.
3. Lettre à Dom Martin, 16 juin 1902, Cahiers Charles de Foucauld, 2. Cf. le même jour Lettres à Madame de Bondy.
4. Lettres à Madame de Bondy, 3 septembre 1905.
5. Lettres à Madame de Bondy, 20 juillet 1914.
6. Lettres à Madame de Bondy, 29 mai 1915.
7. Lettre à M. Massignon, 15 juillet 1916.
8. Notes spirituelles, 6 juin 1897. (L'intention de l'Apostolat de la Prière pour décembre 1916 était la conversion des Musulmans).
9. Comme cela s'était pratiqué à Djanet et en région Azdjer (René Bazin, Charles de Foucauld).
10. Ce sont deux méharistes de Fort-Motylinski qui étaient au village et attendaient la nuit pour repartir (B, p. 453).
11. Cette mort passa bien inaperçue ; elle laissa les Touaregs, sauf Moussa Ag Amastane et quelques-uns, assez indifférents. Quant au commandant de Fort-Motylinski, il ne se rendra à Tamanrasset que trois semaines plus tard ; et en France, en dehors d'un petit cercle, personne n'en parla ; la guerre occupait d'ailleurs toutes les attentions.
12. Si on ne peut pas affirmer que Frère Charles est « martyr » au sens canonique du mot, du moins peut-on dire que sa mort est un ultime « témoignage ». Et on peut lui appliquer ce qu'il exprimait à la nouvelle de la mort de deux Pères Blancs assassinés en 1906 : « J'espère qu'ils sont dans la paix et dans la gloire de Jésus ; ils sont morts par suite de leur charité, de leur dévouement ; j'espère que Jésus a reçu leur mort, l'offrande de leur vie comme un martyre : ils ont obéi à l'impulsion de la grâce, l'obéissance est le meilleur des sacrifices » (Lettres à Monseigneur Guérin, 5 juin 1906).
13. René Bazin, Charles de Foucauld
14. G. Gorrée, Sur les traces du Père de Foucauld
15. ibid
16. Trad. P. Grégoire de Saint-Joseph.
17. Lettres à Madame de Bondy, 12 janvier 1891.
18. Lettres à Madame de Bondy, 6 février 1890.
19. Écrits spirituels
20. Ibid
21. Lettre à H. Duveyrier, 24 avril 1890.
22. Lettres à Madame de Bondy, 26 août 1893.
23. Lettre à M. Massignon, 31 juillet 1909.
24. Carnet, 9 juillet 1914.  
25. Lettres à Monseigneur Guérin, 31 mai 1907.
26. Lettres à Monseigneur Guérin, 2 juillet 1907.
27. Quand il vient en France, en 1908-1909, il discute avec Monseigneur Bonnet d'un grand projet de fondation : des missionnaires qui viendraient simplement vivre au milieu des infidèles, des « missionnaires incognito ».
28. Cahiers Charles de Foucauld, 2 ; Cahiers Charles de Foucauld, 30.
29. Lettre à Mère saint Michel, 3o avril 1916.
30. Lettres à Suzanne Perret, 15 décembre 1904.
31. Il se propose dès Beni Abbès d' « ouvrir la guerre contre Satan » (Noël 1902).
32.  1er juin 1903, in René Bazin, Charles de Foucauld.


[ndvi : En ce jour de fête du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, j'adjoins le Lauda Sion de saint Thomas d'Aquin, chanté juste avant la lecture de l’Évangile]


Loue, Sion, ton Sauveur, loue ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants.
Autant que tu le peux, tu dois oser, 
car Il dépasse tes louanges et tu ne pourras jamais trop Le louer.
Le sujet particulier de notre louange, le Pain vivant et vivifiant, 
c'est cela qui nous est proposé aujourd'hui.
Au repas sacré de la Cène, au groupe des douze frères, Il a été clairement donné.
Que notre louange soit pleine, qu'elle soit sonore ; 
qu'elle soit joyeuse, qu'elle soit belle la jubilation de nos cœurs.
C'est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution.
À cette table du nouveau Roi, 
la nouvelle Pâque de la nouvelle loi met fin à la Pâque ancienne.
L'ordre ancien cède la place au nouveau, la vérité chasse l'ombre, la lumière dissipe la nuit.
Ce que le Christ a fait à la Cène, Il a ordonné de le refaire en mémoire de Lui.
Instruits par ces commandements sacrés, 
nous consacrons le pain et le vin en victime de salut.
C'est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son Corps et le vin en son Sang.
Ce que tu ne comprends pas, ce que tu ne vois pas, 
la foi vive l'affirme, hors de l'ordre naturel des choses.
Sous des espèces différentes, signes seulement et non réalités, 
se cachent des choses sublimes.
Sa chair est nourriture, son Sang est breuvage, 
pourtant le Christ tout entier demeure sous l'une ou l'autre espèce.
Par celui qui le reçoit, il n'est ni coupé ni brisé, ni divisé : Il est reçu tout entier.
Qu'un seul le reçoive ou mille, 
celui-là reçoit autant que ceux-ci et l'on s'en nourrit sans le détruire.
Les bons le reçoivent, les méchants aussi, 
mais pour un sort bien inégal : pour la vie ou pour la mort.
Mort pour les méchants, vie pour les bons, 
vois comme d'une même communion l'effet peut être différent.
Quand le Sacrement est rompu ne te laisses pas ébranler, 
mais souviens-toi qu'il y a autant sous chaque fragment que dans le tout.
La réalité n'est pas divisée, le signe seulement est fractionné ; 
mais ni l'état ni la taille de ce qui est signifié n'est diminué.
Voici le pain des anges devenu l'aliment de ceux qui sont en chemin, 
vrai Pain des enfants à ne pas jeter aux chiens.
D'avance il est annoncé en figures : 
lorsqu'Isaac est immolé, l'Agneau pascal sacrifié, la manne donnée à nos pères.
Ô bon Pasteur, notre vrai Pain, Jésus, aie pitié de nous, 
nourris-nous, protège-nous, fais-nous voir le bonheur dans la terre des vivants.
Toi qui sais tout et qui peux tout, Toi qui sur terre nous nourris, fais que, là-haut, 
invités à ta table, nous soyons les cohéritiers et les compagnons des saints de la cité céleste. 
Amen. Alléluia.