« Je suis le chemin, la vérité et la
vie », dit le Christ, dans l'Évangile de Jean (14, 6). Cette parole est
fondamentale. Jésus répond à la question de Thomas : « Nous ne savons
pas où tu vas, comment pouvons-nous connaître le chemin ? » (14, 5).
Il nous invite donc à méditer sur ce qui fut incompréhensible pour les premiers
disciples, et qui le reste encore pour nous. Le chrétien s'éprouve comme un
vagabond qui marche dans un clair-obscur, il suit le Christ sans savoir où il
le mène. Mais dans cette fidélité même, il lui faut découvrir qu'il connaît
déjà le chemin : « Ils savaient donc ces choses, mais ils ignoraient
qu'ils le savaient », dit Augustin 1. Il lui faut
apprendre qu'en suivant le Christ, il suit le chemin, même s'il ne sait pas où
il le conduit. Le Christ n'est pas seulement le but, mais le chemin qui y
conduit, pas seulement une fin extérieure, mais la vie qui l'anime
intérieurement : « Nul ne va vers le Père, sinon par moi » (14,
6).
L'identité du Christ à Dieu et de
Dieu à la Vérité sans déclin est au cœur de la théologie chrétienne. Cette
Vérité est l'accomplissement de tous les désirs des hommes. Elle dépasse toutes
les images qu'ils ont pu se faire de Dieu. Mais ce primat de la vérité risque
de nous faire délaisser le reste : l'homme a toujours la tentation de
placer le chemin et la vie sur un plan inférieur, comme un échafaudage dont il
pourrait se passer, une fois atteinte la vérité du Père. Comme si nous pouvions
la comprendre ! Notre prétention à nous saisir de la vérité nous fait
négliger la rigueur des deux autres noms de Dieu : « chemin » et
« vie », alors que le Christ met les trois noms sur le même plan. Il
s'agit ici de méditer sur ce que nous oublions : le Christ est le chemin, il
n'est pas au bout du chemin ; le Christ est la vie, il n'est pas la fin de
la vie. Nous ne voyons pas le bout du chemin, mais il nous conduit déjà. La Vie
nous comble déjà mystérieusement, par elle nous passons chaque jour de la mort
à la vie.
L'essence du christianisme est la
logique du Christ. La vérité n'est plus au bout du chemin, la vie ne commence
plus à la fin de l'existence biologique. Elle commence ici et maintenant, dans
nos échecs et nos
balbutiements, donc aussi grâce à eux. De manière invisible, que seuls les
saints peuvent voir et que nous pouvons seulement pressentir, le Christ
remplace la mort et la destruction par la vie et l'édification de l'homme.
Or ce cheminement est aussi une
expérience de la liberté, puisque « la vérité vous rendra libres » (Jean
8, 32). L’existence chrétienne, à tout âge et
en toutes circonstances, est une éducation à la liberté. Que cette éducation
soit inséparablement vie, chemin, liberté, voilà ce qu'il nous faut comprendre. Car cette expérience n'est
pas réservée aux chrétiens, elle est proposée à toute l'humanité.
1/ Liberté
Pour éduquer à la liberté, il faut
savoir quel but nous poursuivons. Qu'est-ce que la liberté ? Est-ce de
faire ce que nous
voulons ? Mais c'est la plus vide de toutes les définitions : tout le
monde fait ce qu'il
veut. La question est de savoir ce que
nous voulons. S'il n'y a pas de liberté sans capacité de choisir, il reste
encore à définir ce que l'on choisit, et pourquoi on le choisit. Il ne s'agit
pas simplement d'avoir un libre arbitre, mais de l'orienter vers ce que nous
désirons, vers ce qui se
manifeste comme bon. C'est pourquoi H. Arendt voyait dans cette « liberté
des modernes » le plus bas degré de la liberté, et dans la crise de
l'éducation la forme la plus aiguë de la crise de la culture 2.
La vraie liberté est la liberté du
bien.
À l'autre extrême, la liberté
consiste-t-elle à bien agir ? Mais quel sens a le bien agir s'il est imposé de l'extérieur ? Il ne s'agit pas
d'imposer une idée du bien, comme le croyait Platon. D'abord parce que dans
notre expérience finie, seuls existent des biens particuliers. Ensuite parce
qu'une idée théorique ne nous enseigne absolument pas comment agir 3.
Comme dit Augustin, il vaut mieux être libre en risquant de faire le mal,
qu'agir bien, mais en étant contraints par la nécessité : « Une
créature qui pèche par volonté libre est meilleure que celle qui ne pèche pas
parce quelle n'a pas de libre arbitré »4. Le bien est le
bien de la liberté.
La liberté que nous poursuivons à
travers la formation de l'homme n'est pas un simple arbitraire, ni une pure
adhésion au bien (à supposer qu'on puisse y avoir accès), mais l'art d'apprendre à se décider entre divers
biens, ce qu'on peut appeler la prudence ou le discernement. Ainsi, est
libre celui qui est capable de choisir par lui-même ce qui se présente comme
bon. L’éducation a bien pour but une émancipation, de permettre à l'homme
d'atteindre cette liberté qui est son essence. Dès lors, il n'existe pas de
liberté absolue, mais seulement une liberté conditionnée et progressive — une
libération.
Contrairement à ce que dit Rousseau,
nous naissons dans les fers, et nous devenons peu à peu libres. Par conséquent,
l'éducation doit être, à proportion de la capacité de celui qu'on éduque, une
expérience progressive de cette liberté, partant de la plus radicale servitude,
et débouchant sur de plus hauts degrés de liberté.
« Aime et fais ce que tu veux », disait
Augustin 5. Mais le sens de cette phrase n'est précisément pas
de sacraliser l’arbitraire de nos choix particuliers. Au contraire, il s'agit
de définir l'ordo amoris (la logique immanente de la charité). Si le
principe de mon vouloir est l'amour (de Dieu et d'autrui), alors je voudrai bien,
et ce que je voudrai sera bon. Mais qui peut prétendre avoir atteint
ce stade ? Nous ne
pouvons pas faire tout ce que
nous voulons, parce que nous ne savons pas encore aimer. Apprendre à aimer (à
vouloir) et apprendre à bien agir ne font qu'un.
2/ Éduquer
Éduquer à la liberté, n'est-ce pas un
pléonasme ? En latin, educere signifie « tirer
de » : arracher à l'ignorance, à la sauvagerie, à la servitude des
passions. L’éducation va plus loin que l'instruction, vers un certain
épanouissement de la personne. On peut enseigner une matière, on ne peut pas
enseigner à être libre. Mais même pour apprendre, il faut quelque collaboration
de la part de celui qu'on éduque : on ne peut pas imprimer en lui les
apprentissages ; il faut une collaboration active, une expérience
intérieure, une acceptation consentie. Mais alors, pour entrer dans un
processus éducatif, ne faut-il pas posséder déjà quelque degré de
liberté ? — C'est le paradoxe central de l'éducation : on peut faire
le bien des autres malgré eux, mais on ne peut pas les libérer contre leur gré.
Soit l'homme est déjà libre, et l'éducation n'a pas de dimension morale, soit
il ne l'est pas, et on voit mal comment de la contrainte subie peut surgir la
liberté.
L'éducation et la culture traversent
actuellement une crise grave, qui reflète une contradiction entre ces deux conceptions de
l'éducation : prétendre qu'il suffise de laisser s'épanouir l'individu
pour qu'il parvienne à une liberté plénière ; croire qu'il suffit de réaffirmer la loi pour
que l'homme s'y conforme, comme s il pouvait y adhérer sans une transformation
intérieure.
a/ D'une part, l'éducation a été
bouleversée : au lieu du modèle républicain et chrétien, qui valorise le
travail et le mérite, la pédagogie valorise le jeu et la liberté. L'éducation
ne doit pas contrarier l'épanouissement individuel, mais favoriser la
créativité. Cette pratique repose en réalité sur le principe métaphysique de l'autofondation du sujet,
sur l'illusion de la toute-puissance, sur la suppression des limites et la
destitution de l'autorité comme puissance de séparation. Cette éducation (et la
culture dans laquelle elle s'inscrit) produit des adultes qui n'ont pas dépassé
le stade du narcissisme 6.
L'individu devient incapable de renoncer à ses fantasmes de toute-puissance infantile. Il
n'intériorise plus les exigences sociales. Il a du mal à se dépasser, à
supporter l'autorité de la loi, à comprendre qu'il y a en lui plus que
lui-même. Sa pensée reste dans le registre de l'émotion. Du coup, tous les
points de vue sont relatifs. Au plan social, l'universel cède le pas au
particulier ; chacun se replie sur ses communautés d'appartenance. l'individualisme
déstructuré conduit au relativisme culturel et au communautarisme. Mais cette
indétermination culturelle bute sur une contradiction : le problème du
relativisme ou du communautarisme. Que va-t-on dire devant une culture
radicalement différente (excision, burka, etc.) ? Au nom de quoi
l'interdire ?
b/ Face à ce « nihilisme
passif », pour reprendre l'expression de Nietzsche (qui y voyait un signe
de faiblesse et d'épuisement), la rigueur de la loi demeure indispensable. Les
sociétés ont une fonction disciplinaire inéluctable : « Ainsi la
fonction sociale de l'autorité a-t-elle pour visée un désenlacernent,
d'infliger au sujet qu'il renonce au totalitarisme, à sa représentation d'être
tout, c'est-à-dire en définitive de le limiter »7. Le sujet ne
peut devenir un sujet qu'en intégrant en lui‑même des règles sociales. Mais au
nom de quoi réaffirmer l'autorité ? Les rappels à la loi se multiplient, sans qu'on
sache la justifier. À l'école, on réaffirme les interdits, mais sans les fonder
sur autre chose que sur leur inscription dans le règlement intérieur. Car
qu'est-ce qui justifie ces interdictions ? La simple position d'une loi
risque de ne pas suffire.
Les tentatives se multiplient pour
proposer un bloc de vérité qui se présenterait comme l'hégémonie du bien. Or si
ce bien n'est pas légitimé rationnellement, nous tombons dans le dressage et
restons dans le communautarisme : « valeurs chrétiennes »,
« valeurs humanistes », « d'entreprise »,
« écologiques », etc., se disputent le marché. Or si nous ne pouvons
pas nous passer de contrainte, il reste qu'il faut nous mettre d'accord sur les
buts de cette éducation qui implique certaines contraintes. La
contrainte seule a besoin d'être justifiée ; elle ne peut pas être une fin
en soi et une solution à tous les problèmes.
Au sein du christianisme, la
tentation est grande de répéter « la vérité vous rendra libres » (Jean
8, 32), en oubliant que cette vérité est le
Christ : nul ne peut se l'approprier pour ses propres fins, ni s'ériger,
blasphématoirement, en possesseur de la vérité. Le modèle de la liberté
chrétienne ne peut être autre que la liberté du Christ ; or celle-ci ne
consistait pas en une soumission à une incompréhensible volonté divine (sur le
modèle stoïcien : « obéir à Dieu, voilà la liberté »8).
Le Christ avait une volonté humaine, parfaitement libre, qu'il accordait à la
volonté divine, parfaitement libre 9. C'est en cela qu'il est
notre modèle. Le christianisme n'est pas une soumission, mais un libre choix du
bien divin.
Cette double tentation traverse tous
les lieux où se pose la question de l'obéissance de la liberté. Si elle touche
au premier chef l'école, comme le rappellent plusieurs articles de ce
numéro 10, elle travaille en profondeur toutes les communautés
chrétiennes 11.
3/ La voie étroite
Mais ces deux positions contraires
ont pour point commun de considérer la loi, l'autorité, l'ordre social, comme
une pure contrainte, la première pour la rejeter, la seconde pour la
réaffirmer. Or la loi n'est pas morale en elle-même ; seule est morale la
décision prise en conscience 12. Et la liberté n'est pas
l'arbitraire d'une affectivité fugace et subjective. La question n'est pas
celle d'une application (rigoriste ou laxiste) de la loi. Elle est celle de la
capacité qu'ont les individus à intérioriser cette loi, à se reconnaître en
elle.
S'il est clair que l'éducation a pour
but de former des hommes libres, citoyens de la cité terrestre, s'il est clair
aussi que toute éducation requiert une pédagogie adaptée et progressive, il
faut encore souligner que celle-ci a pour fin, non pas de glorifier la
singularité de l'individu (et de le figer dans sa particularité), mais de le
décentrer de lui-même, de le conduire vers un but qui le dépasse.
Faut-il libérer l'enfant pour libérer
en lui l'adulte à venir ? Ou faut-il le former avec discipline et
contrainte, pour lui permettre d'accéder à l'autonomie ? En réalité, cette
alternative est un faux problème qui n'a pas de solution théorique, mais
seulement pratique. D'une part, l'apprentissage, même sous ses formes les plus
disciplinaires, ne peut être qu'un apprentissage spontané. Depuis le Traité
du maître d'Augustin, nous savons que le vrai maître est un maître
intérieur, — et pourtant Augustin a gardé un souvenir cuisant des châtiments
corporels ! D'autre part, la formation scolaire, même dans ses projets les plus
« libertaires », présuppose toujours un cadre dans lequel
s'exerce la liberté de découvrir et d’expérimenter. Dans cette définition de la
liberté, la discipline n'est pas exclue, elle est même implicitement
présente : dans l'idée de libre choix, un travail de maîtrise des pulsions
est sous-entendu. La liberté ne s'enseigne pas : seul un savoir fait
l'objet d'un apprentissage, la liberté est une capacité intérieure de décider.
On peut initier quelqu'un à la liberté, mais non l'enseigner.
La liberté n'est pas donnée comme un
tout à l'origine. Même si J.-J. Rousseau, dans l’Émile, fait de la
liberté un moyen pour l'éducation, la discipline est toujours là dans les
coulisses. Le précepteur d'Émile est un inquisiteur pointilleux : il doit
être toujours présent pour guetter la moindre occasion d’apprentissage et
construire les dispositifs correspondants pour qu'Émile apprenne par lui-même.
De même, il est remarquable que Kant,
le penseur de la liberté morale absolue, lorsqu'il traite de pédagogie, doive
reconnaître que notre liberté est toujours conditionnée par des motivations. L’éducation
est précisément la discipline qui réoriente ces noirs désirs, qui permet à un
être possédé par la sauvagerie de ses pulsions de devenir libre. L'éducation
repose sur une contradiction : « Comment cultiver la liberté par la
contrainte ? » À cela, Kant répond qu'il n'y a pas à sortir du
paradoxe, mais à le résoudre pratiquement, au jour le jour : « On
veille à sa culture pour qu'il [l'élève] puisse un jour être libre »13.
Mais Kant, qui n'admet pas
d'expérience sensible de la liberté, et pas de liberté autre que fondée sur la
loi morale, n'insiste pas sur l'apprentissage du libre choix. Il prévoit
une éducation à la liberté rationnelle, c'est-à-dire à la norme morale, mais
pas au libre arbitre, à la capacité de choisir entre divers biens singuliers et
contingents.
Or dans une société libérale
complexe, l'apprentissage du discernement et de l'exercice de la conscience est
une part essentielle de l'éducation. Elle est liée à la capacité de choisir ce qui nous semble bon, et
aussi à la capacité de discerner, pour que ce qui nous semble bon soit le
meilleur possible (mais certes pas le bien en soi, auquel nous n'avons pas accès). La liberté n'est pas
séparable de l'intelligence : sans discernement de ce qui est à faire,
nous n'aurons pas conscience de nos désirs, nous serons incapables de
comprendre la situation et de prendre une décision.
Il importe que nos enfants apprennent
à être de bons discutants : ils sont dans une société pluraliste où
ils doivent apprendre à se formuler à eux-mêmes et à affirmer devant autrui
leurs raisons de croire, le sens de leurs convictions, les ressorts de leur
comportement. Il leur faut apprendre à être à l'aise dans la différence, sans
renier ce qu'ils sont.
La liberté s'éprouve une fois qu'elle
a été engagée. Celui qui apprend (enfant ou adulte) doit comprendre qu'il est
libre de se tromper, comme de ne pas être aimé par tout le monde. C'est à ce prix qu'il gagnera la
capacité de dire non et de s'affirmer lui-même. Par conséquent, qu'il s'agisse
de la vie intellectuelle, de la vie morale ou de la vie spirituelle, la
véritable pédagogie devra être graduelle et individualisée.
. Graduelle. La gradualité de la progression vers
la loi n'est en rien une relativisation de la loi ; c'est la
reconnaissance du fait que notre parcours passe par diverses étapes. Ce n'est
pas la loi qui est graduelle, c'est l'homme qui y accède graduellement 14.
La doctrine chrétienne est un itinéraire de conversion, elle exige du temps
pour s'inscrire dans la chair et le sang de chacun 15. La
construction de la liberté spirituelle s'accomplit dans le temps, et d'abord
celui nécessaire pour que chacun relise son histoire personnelle en la
comprenant à la lumière de la miséricorde 16.
. Individualisée. Il est illusoire de nous représenter
le cheminement de chacun comme une convergence dans un grand tout où nous
serons tous semblables (la nuit où tous les chats sont gris). Bien au contraire,
la vocation de chacun est de trouver sa figure personnelle, unique et
singulière, différente de toute autre. Dans ses Propos de Pédagogie, Kant
a une très belle image : les hommes sont comme ces fleurs qu'il appelle
les « oreilles d'ours » : leurs graines sont toutes semblables,
mais elles donnent chacune des fleurs de couleurs différentes 17.
C'est ici qu'il importe de
reconnaître l'originalité de la pastorale. Le gouvernement politique n'a
d'autre instrument que la loi : il s'adresse donc à l'ensemble de la
communauté, à l'intérieur d'un territoire, et sous la forme de l'universel.
Mais le pouvoir pastoral (ou la direction spirituelle), sous la forme du
conseil, s'adresse à chacun, dans sa particularité, en tenant compte des
circonstances, c'est un « pouvoir individualisant »18.
Nous sommes déjà capables de liberté,
mais nous ne sommes pas encore pleinement libres. Pour devenir réellement ce
que nous sommes par essence, il nous reste encore beaucoup de chemin à
découvrir, et toute une vie à parcourir. Mais pour le chrétien, cette vie et ce chemin, si tortueux et si
ténébreux soient-ils, sont déjà éclairés et guidés par la présence du Christ.
Dans cet obscur cheminement, la loi est notre pédagogue, elle nous arrache à
notre sauvagerie native : « La Loi a été notre pédagogue vers le
Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi. Mais la foi étant venue,
nous ne sommes plus sous un pédagogue (paidagôgos) » (Galates 3, 24-25). L’unique
promesse d'Abraham qui s'accomplissait
sous la loi s'accomplit dans la foi. Le pédagogue mène l'enfant jusqu'au
maître. Mais nous ne sommes pas maîtres : « Il y a un seul maître (didaskalos)
[...] le
Christ » (Matthieu 23, 8 et
1o). Si nous méditons cette phrase, nous ne serons pas tentés de nous
approprier la place du maître. Les chrétiens ne sont pas des donneurs de
leçons. Ils ne sont maîtres qu'en tant qu'ils sont à l'école du seul maître, le
Christ. Comme disait Augustin lorsqu'il prêchait : « Écoute avec
moi ; écoutons l'un et l'autre ; apprenons tous les deux. Si je parle
et si vous écoutez, en concluez-vous que je n'écoute pas avec vous ? [...]
Apprends avec moi ; je ne te dis pas de m'écouter, mais d'écouter avec
moi. À cette école, nous sommes tous condisciples »19.
Nous avons encore tant à apprendre !
Olivier
Boulnois, in Communio 2017-6
Directeur d'Études à l'École Pratique des Hautes Études,
marié, quatre enfants, trois petits-enfants.
Il étudie la philosophie médiévale et l'histoire de la métaphysique.
Directeur d'Études à l'École Pratique des Hautes Études,
marié, quatre enfants, trois petits-enfants.
Il étudie la philosophie médiévale et l'histoire de la métaphysique.
Il
a publié récemment :
Au-delà de l'image, Une archéologie du visuel en Occident (d'Augustin au Concile de Trente),
Paris, Des Travaux/Seuil, 2008 ;
Métaphysiques rebelles, Genèse et structures d'une science au Moyen Âge,
Paris, PUF, Épiméthée, 2013 ;
Lire le Principe d'individuation de Duns Scot, Paris, Vrin, 2014.
Au-delà de l'image, Une archéologie du visuel en Occident (d'Augustin au Concile de Trente),
Paris, Des Travaux/Seuil, 2008 ;
Métaphysiques rebelles, Genèse et structures d'une science au Moyen Âge,
Paris, PUF, Épiméthée, 2013 ;
Lire le Principe d'individuation de Duns Scot, Paris, Vrin, 2014.
1. Homélies
sur l'Évangile de Jean LXIX, 1 (BA 74 A, p. 244).
2 . H. Arendt, La crise de la culture, Paris, 1972, surtout le ch.4. « Qu'est-ce que la
liberté ? »
3. C'est pourquoi l'Éthique à
Nicomaque d'Aristote commence par une critique de l'idée du Bien : elle
se prend en de multiples sens et elle ne sert à rien pour l'action (I, 4, 1096 a 11 - 1097 a 14).
4. Augustin, Le libre arbitre III, 5, 15 (BA 6, 410).
5. Augustin, Homélies sur la première épître de
saint Jean VII, 8
(BA 76, p. 304).
6. Voir le dialogue entre D. Struyf et B. Pottier,
« L’intervention
thérapeutique, ou psychologique, éduque-t-elle la liberté ? », Communio 2017-6, p. 63-75.
7. P. Legendre, Leçons VI, Fayard, Paris, 1992, p. 52.
8. Sénèque, La vie heureuse, 15.
9. Voir Maxime le Confesseur, L'agonie du Christ, trad. M.-H. Congourdeau, Paris, 1996,
p.99-100.
10 Voir J.-N. Dumont, « Liberté
dans l'école », Communio 2017-6,
p. 96-103 et l'interview de S. Guerra, « L'école de la liberté », Communio 2017-6, p. 87-95.
11. Voir H. Donneaud,
« Liberté et obéissance dans les
communautés nouvelles », p. 39-52. Les difficultés rencontrées par
certaines communautés nouvelles sont des questions que toute communauté et tout
lieu de formation doivent affronter.
12. Voir
l'article de H.Geissler, « La conscience est le premier vicaire du Christ ».
Un aperçu de la doctrine de Newman sur la conscience, Communio 2017-6, p. 23-36.
13. Kant, Propos de pédagogie (AK IX, 453), trad. fr. œuvres philosophiques
« Bibliothèque de la Pléiade », Paris, 1986, p.1161. Voir l'article
d'Émilie Tardivel, « Les conditions de la liberté — Kant contre
Kant », Communio 2017-6, p. 77-85.
15. Voir l'exhortation du pape François, La joie de
l'amour, §22 :
« la Parole de Dieu ne se révèle pas comme une séquence de thèses
abstraites, mais comme une compagne de voyage, y compris pour les familles qui
sont en crise [...], et leur montre le but du chemin ». Ses adversaires
n'ont pas compris que, dans la vie spirituelle, « le temps est supérieur à
l'espace » (§3).
16. Voir B. Guillon, « Dix ans après : la liberté
à l'épreuve de la maturité », Communio 2017-6, p. 53-62.
17. Kant, Propos de pédagogie (AK IX, 445), trad. fr. p.1153.
18. Voir M. Foucault, « Omnes et
singulatim. Vers une critique de la raison politique », Dits et Écrits, éd. D. Defert, F. Ewald, Paris, 1994, IV, p. 134-161 ; Sécurité,
territoire, population : cours au Collège de France, 1977-1978, éd. M. Senellart, Paris, 2004.
19. Augustin,
Sermon 261 (PL 38).