C'est
après avoir vécu intensément le Vendredi saint et le silence plein d'espérance du
Samedi saint que nous pouvons goûter davantage les joies spirituelles du matin
de Pâques, le plus beau matin depuis le commencement du monde : « Voici
le jour que le Seigneur a fait, passons-le dans l’allégresse et dans la joie »
(Ps 117, 24) ; le Jour par antonomase,
plus beau que le premier matin du monde, vers lequel toute l'histoire humaine
converge, et sur lequel toute notre Foi est fondée. Le deuxième matin sera celui
sans fin de la Jérusalem céleste. La Résurrection du Christ est la raison
d'être même de notre Foi : si Jésus est ressuscité, moi aussi je ressusciterai
un jour. C'est justement parce que ce jour de Pâques est le plus saint de tous,
que l'Église nous avait demandé une salutaire purification pendant le Carême,
afin de mieux nous préparer à la rencontre du Christ ressuscité avec un cœur
purifié des souillures du péché, et ainsi entrer dans la lumière de la
résurrection.
Mais,
les quarante jours qui, chaque année, nous sont donnés pour considérer les tristes
conséquences du péché, laissent maintenant la place aux cinquante jours du temps
pascal. Car, le Vendredi et le Samedi saints avec leur dramatique réalité de la
mort salvifique du Fils de Dieu, ne furent pas le dernier mot de la vie de
Jésus. Sa mort ne fut pas suivie par le silence absolu de Dieu. Le Fils éternel
du Père ne devait pas rester la proie de la mort. En Lui, qui s'était dit « Vie »
(Jn 5,26), la « Résurrection » (Jn 11,25 s.) et la « Lumière
de la vie » (Jn 8,12), la mort est vaincue et nous le rencontrons dans
le mystère pascal. L'antique séquence de Pâques Victimae Paschalis laudes,
dit : « La mort et la vie se sont affrontées dans un duel
prodigieux : le Maître de la vie est mort ; vivant, Il règne ». La
mort est donc vaincue, anéantie par la puissance et la plénitude de la vie divine
du Christ ; la mort, entrée dans l'humanité sainte du Fils de Dieu,
immergée dans l'océan de vie qui est en Dieu, meurt, et devient porteuse de vie :
« Notre Seigneur Jésus Christ, en ressuscitant, dit saint Augustin,
a rendu glorieux le jour qu'il avait rendu funeste en mourant ». Alors,
c'est à raison qu'une antienne des laudes du Samedi saint tirée d'Osée (13,14)
chante : « O mors, ero mors tua », Ô mort, je serai ta
mort ! La mort n'est donc pas immortelle, mais...mortelle, et débouche à
cette source intarissable de Vie qu'est le Christ ressuscité.
Il
nous reste maintenant à vivre de cette Vie du Christ, à vivre en ressuscités.
Car, le Fils de Dieu s'est abaissé, s'est penché sur nous, jusqu'aux recoins
les plus sombres de notre âme pour l'illuminer, il nous tend sa main pour nous
tirer vers Lui dans la lumière de sa Résurrection. Le mystère pascal ne
s'épuise donc pas dans la souffrance et la mort de Jésus - bien que la croix
sera toujours présente dans notre vie – mais s'épanouit pleinement dans la
gloire du Christ ressuscité. Pâques, n'est pas l'heureuse issue d'une belle
histoire, d'un conte de fées, mais le commencement d'une nouvelle vie avec le
Christ qui aboutira dans la vie éternelle. « Si donc vous êtes
ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d'en haut, où le Christ
demeure assis à la droite de Dieu ; affectionnez-vous aux choses d'en haut
et non aux choses de la terre : car vous êtes morts, et votre vie est
cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, apparaîtra, alors
vous apparaîtrez, vous aussi, avec Lui dans la gloire » (Cl 3,1-4).
Cette lumière divine qu'Il nous a fait percevoir lors de sa Transfiguration, et
qui la nuit de Pâques aveugla les gardes veillant au sépulcre, a traversé le
temps et l'espace, et resplendit à présent dans notre âme pardonnée et
justifiée par la Grâce. Voila pourquoi, après la via crucis de la
Passion du Christ, il nous faut désormais parcourir la via lucis,
le chemin de lumière, avec Lui, avant-goût de la vie éternelle. Cette lumière
divine continue à déchirer les ténèbres de la mort, à porter au monde la
splendeur de Dieu, la splendeur de la Vérité et du Bien. Mais, gardons-nous à
ne pas retourner dans les ténèbres de la mort par une conduite indigne. Étant
pardonnés, sauvés et illuminés, le Christ nous attend au bout de notre vie,
mais, en même temps, Il marche avec nous vers des cieux nouveaux et une terre
nouvelle (Ap 21,1). Certes, dans notre vie il y aura toujours de la joie et de
la douleur, sur notre visage il y aura toujours des sourires et des larmes,
ainsi est notre vie terrestre, mais par la Grâce nous sommes déjà des citoyens
du Ciel, appelés à vivre en plénitude la vie éternelle avec Dieu dès ici-bas :
c'est la Bonne Nouvelle du message du Christ : Jésus ne nous attend pas en
Galilée, mais au Ciel.
Don Carlo Cecchin