EVA
– AVE
Tous les ans, alors que nous sommes
dans la joyeuse attente de Noël, une grande fête nous fait célébrer Celle qui, depuis l’Annonciation, avec un
désir ardent et un immense élan de foi et d’amour, attendait de contempler le
Fils qu’elle formait en son sein : le Verbe de Dieu fait homme ; Celle
qui seule a été trouvée digne d’enfanter notre Dieu et Sauveur : la Sainte
Vierge Marie, l’Immaculée Conception ! Les Pères de l’Eglise (Augustin,
Ambroise, Léon le Grand) affirment que Marie avait conçu Dieu dans son esprit
bien avant de le concevoir dans son sein, puisque tout son être était tourné
vers Dieu. Marie est alors la figure essentielle de l’Avent, elle est même la Femme
de l’Avent par excellence, la Vierge Prudente qui veille, attendant
l’arrivée de l’Époux.
Plus encore, Marie est aussi la
figure centrale de l’histoire du Salut, car depuis saint Irénée de Lyon, elle est comparée à une autre femme, Ève.
Les deux femmes signifient les deux économies, celle de l’esclavage et celle de
la liberté, celle de la mort et celle de l’immortalité, celle de la chute et
celle du salut. Le mystère de Marie figure aussi le mystère de l’Église, qui
elle aussi attend. L’Avent se présente à la fois comme une venue et comme une
attente. La venue du Christ s’accomplit sans cesse et ne sera achevée qu’avec
le retour du Christ en gloire. L’Avent symbolise la recherche de l’homme en
quête de Dieu, « cherchant toujours celui qui est trouvé… et qui comble
celui qui cherche pour qu’il cherche encore et trouve en plénitude » (saint
Augustin). En Marie est résumée toute l’espérance du genre humain, depuis
qu’Ève l’a entraîné dans sa déchéance. Elle est donc l’Ève Nouvelle,
de même que Jésus est le Nouvel Adam. Nos premiers parents, même avant
la chute, en étaient seulement une pâle image. La Mère de
Dieu est donc la créature humaine la plus parfaite et accomplie ;
l’histoire de Marie est une histoire de Grâce : depuis le commencement,
dès sa conception, elle a été soustraite à la mystérieuse conséquence du péché
originel.
L’homme ne naît pas coupable, du
moins personnellement, mais difforme : difforme par rapport au modèle originel,
c’est-à-dire Jésus Christ. Toute l’histoire de l’homme est aussi une histoire
de Grâce, de dons gratuits de Dieu dont l’amour est toujours premier et non
mérité. L’Immaculée Conception n’est pas méritée non plus ; c’est un pur don de
Dieu, son libre choix. Cela signifie que dans ses desseins éternels, Dieu a
pensé dès le commencement au Christ -
si je peux m’exprimer ainsi, car en Dieu il n’y a ni avant ni après - et ensuite aux autres hommes. Dans la
mystérieuse pensée de Dieu, qui décide de créer, l’humanité du Christ apparaît
alors comme le sens, le but même de toute la Création. Est-ce cela qui
répugnait tant à Lucifer et l’a fait se révolter contre Dieu ? Marie a été
l’instrument, ô combien saint et parfait, du plan de Dieu. Marie aussi a été
rachetée par le sacrifice de la croix, mais par anticipation ; sa conception
immaculée est aussi un don de Jésus crucifié : Marie n’est donc pas en dehors
de la Rédemption car celle-ci s’est pleinement réalisée en elle par avance de
façon efficace, parfaite et exemplaire. C’est la Femme revêtue de soleil,
c’est-à-dire de la sainteté de Dieu, la lune est sous ses pieds et douze
étoiles couronnent sa tête ; en elle est mise l’inimitié entre le serpent et sa
postérité qu’elle écrase sous ses pieds, et est le commencement de la
descendance du Christ que nous sommes. Plus encore : elle est notre Mère !
Permettez-moi de terminer par la
théologie poétique de Dante : « Vierge Mère, fille de ton Fils,
humble et élevée plus qu'aucune créature, terme fixe d'un éternel conseil, tu
es celle qui a tant ennobli l'humaine nature, que son
auteur ne dédaigna point s'en revêtir. En ton sein se ralluma l'amour, par la
chaleur duquel, dans l'éternelle paix, a ainsi germé cette fleur. Ici,
pour nous, tu es en son midi le flambeau de la charité, et en bas,
parmi les mortels, tu es la vraie fontaine d'espérance… En toi
miséricorde, en toi pitié, en toi magnificence, en toi se rassemble tout ce que
dans les créatures il y a de bonté » (Divine Comédie, Paradis, chant
XXXIII).
Ô tendre Mère, ne nous oublie
pas, nous sommes tes enfants.
Don Carlo Cecchin