« Tout a son temps, dit l'Ecclésiaste, et toutes
choses sous le ciel s'accomplissent en leurs temps ».
Il y a temps de naître à Bethléem et
temps de mourir au Golgotha ;
Temps de planter la Croix et temps de
l'arracher ;
Temps de tuer les âmes et temps de
les guérir ;
Temps de détruire la Maison d'or et
temps de bâtir la maison d'argent ;
Temps de pleurer au passage du Christ
sanglant, comme pleuraient les Filles de Jérusalem, et temps de rire comme rira
la terrible Femme au Dernier jour ;
Temps de se désoler avec la Vierge aux
Sept Épées dans le cœur et temps de danser avec la fille prostituée de
l'incestueuse pour obtenir le Chef de saint Jean ;
Temps de disperser les pierres
vivantes et temps de les rassembler ;
Temps d'étreindre le Bien-Aimé qui
vient en bondissant par les collines et temps de fuir les embrassements épouvantables
dont nul ne délivre ;
Temps de tout acquérir et temps de
tout perdre ;
Temps de garder la Loi du Seigneur et
temps de la rejeter comme un vêtement inutile ;
Temps de déchirer en deux le Voile du
temple et temps de coudre le Suaire du Rédempteur ;
Temps de se taire sous les outrages
et temps de parler dans les éclats de la foudre ;
Temps de l'Amour fort comme la mort
et temps de la Haine délicieuse comme l'Eucharistie ;
Temps de la guerre contre les saints
et temps de la paix irrévélable des heureux morts.
Quelle autre chose, demande Salomon,
l'homme peut‑il espérer de son labeur ?
« J'attends du mien la
ressemblance avec les Démons et mon logement préparé dans leurs habitacles de désespoir »,
répondra le Bourgeois, quand sera venu pour lui temps de répondre avec
un discernement parfait.
Léon Bloy, in Exégèse des Lieux Communs