Au printemps, dès que les
chemins furent de nouveau praticables, François se mit en route pour aller voir
sœur Claire. Il avait fini par céder aux instances de frère Léon. L'hiver qu'il
venait de passer à l'ermitage avait été le plus pauvre en soleil de toute sa
vie. Et cependant, en quittant la petite montagne, il ne lui disait pas adieu.
Il se promettait bien d'y revenir le plus tôt possible. Avec Léon, son
compagnon habituel de route, il descendit les pentes boisées qui déjà se
couvraient de jeunes pousses vertes. Et par-delà les collines toutes luisantes
d'eau et de soleil, il gagna la route qui mène à Saint-Damien.
La joie de Claire fut
grande quand on lui annonça que François était là. Mais lorsqu'elle vit son
visage amaigri et terreux où se lisait une immense souffrance, elle fut saisie
de pitié et de tristesse.
— Oh, Père, fit-elle
doucement, comme vous avez dû souffrir ! Pourquoi avez-vous donc tardé si
longtemps à venir nous voir ?
— La tristesse, lui
répondit François, m'accablait et me paralysait. J'ai souffert terriblement. Et
ce n'est pas encore fini.
— Pourquoi, Père, vous
attrister à ce point ? Vous voyez bien que cela vous fait mal. Et nous
avons tant besoin, nous autres, de votre paix et de votre joie.
— Je ne m'attristerais pas
tant, répondit François, si le Seigneur ne m'avait confié cette grande famille.
Et si je ne me sentais pas responsable de garder mes frères dans la fidélité à
leur vocation.
— Oui, je comprends, dit
Claire, qui voulait lui éviter d'entrer dans des explications trop pénibles.
Mais François désirait
parler. Il avait le cœur si lourd. C'était pour lui un soulagement que de
s'exprimer librement.
— Aujourd'hui, reprit-il,
notre vocation est remise en question. Certains frères regardent avec envie
vers des formes de vie religieuse plus organisées, plus puissantes et mieux
installées. Ils voudraient que nous les adoptions. Je crains qu'ils ne soient
poussés en cela par la peur de paraître moindres que les autres. Ils sont
avides de se tailler une place au soleil. Quant à moi, je n'ai rien contre ces
formes de vie religieuse que la sainte Église approuve. Mais le Seigneur ne m'a
pas appelé pour fonder un Ordre puissant, une université ou une machine de
guerre contre les hérétiques. Un Ordre puissant vise un but précis. Il a quelque
chose à faire ou à défendre et il s'organise en conséquence. Il faut qu'il soit
fort pour être efficace.
« Mais le Seigneur ne
nous a pas demandé, à nous frères mineurs, de faire ou de réformer ou de
défendre quoi que ce soit dans la Sainte Eglise. Lui-même m'a révélé que nous
devions vivre selon la forme du saint Évangile. Vivre, oui, simplement vivre.
Cela seulement, mais pleinement. En suivant l'humilité et la pauvreté du Très
Haut Seigneur Jésus-Christ, en laissant de côté toute volonté de domination, tout
souci d'installation et de prestige et jusqu'à tout vouloir particulier. Durant
ma retraite sur la montagne, cet hiver, j'ai beaucoup réfléchi à cela. Et c'est
devenu pour moi une évidence que cette vie selon la forme de l'Évangile est
telle qu'on ne peut lui appliquer les principes d'organisation des autres
Ordres sans du même coup la détruire. Elle ne se laisse pas tailler et régler
de l'extérieur. Cette vie évangélique, si elle est vécue d'une manière
authentique, doit jaillir librement et trouver sa loi en elle-même.
« Certains frères me
demandent une règle plus précise, plus déterminée. Mais je ne puis leur dire
autre chose que ce que je leur ai déjà dit et que le Seigneur Pape a pleinement
approuvé, à savoir que la règle de vie des Frères Mineurs consiste à observer
le saint Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ. À cela, aujourd'hui encore,
je n'ai rien à ajouter ou à retrancher. Que les frères vivent donc dans la
condition humble et pauvre qui fut celle du Seigneur, qu'ils annoncent comme
lui le Royaume de Dieu à toute créature et, si on les chasse ou les persécute
dans un endroit, qu'ils aillent dans un autre. Et partout où ils seront reçus,
qu'ils mangent de tout ce qu'on leur offre. Les frères qui vivront ainsi ne
constitueront sans doute pas un Ordre puissant, mais ils formeront partout où
ils passeront de libres communautés d'amis. Ils seront de vrais fils de l'Évangile.
Ils seront des hommes libres parce que rien ne limitera leur horizon. Et
l'Esprit du Seigneur soufflera en eux comme Il veut.
Claire écoutait,
profondément émue. Elle cachait avec peine son émotion. Ce qu'elle entendait là
trouvait en elle un écho si profond ! Et ce qu'elle voyait achevait de la
bouleverser. François, en parlant, s'était animé. Cet homme chétif, malingre,
qui n'avait plus aucune apparence, rayonnait en ce moment d'une beauté surhumaine.
Ce qu'il disait prenait un accent de force et de grandeur. Une grande
passion le soulevait et l'illuminait. C'était un prophète qui parlait.
Volontiers
Claire se serait contentée d'admirer et d'approuver. Mais elle ne pouvait
oublier qu'en ce moment elle avait un rôle important à jouer. L'extraordinaire
grandeur dans laquelle François apparaissait alors faisait ressortir encore
davantage la souffrance qui le hantait ! Claire le laissait parler parce
qu'elle voyait que cela le soulageait. Mais, tandis qu'elle l'écoutait, elle ne
cessait de se demander comment elle pourrait le prendre par la main et le
remettre dans le chemin de la paix.
François,
lui, tout entier pris par son sujet, ne sentait plus ses brûlures d'yeux et
d'estomac. Il avait l'impression de revivre. Toutes ses souffrances étaient
absorbées par la passion qui l'animait. Volontiers, il aurait alors entrepris
de parcourir toute la terre pour voir se réaliser la volonté du Seigneur à son
sujet. Il comptait sans ses forces physiques. Celles-ci ne soutenaient plus la
flamme qui le consumait. Tandis qu'il parlait encore, il se sentit soudain
envahi par une très grande fatigue. Et, avec la lassitude, réapparut bientôt dans
son âme l'abattement. Alors les papillons noirs se remirent à danser devant ses
yeux.
—
Hélas ! poursuivit-il après un court moment de silence, je suis comme un
père rejeté par ses propres enfants. Ils ne me reconnaissent plus. Ils
rougissent de moi. Ma simplicité leur fait honte. Que le Seigneur ait pitié de
moi, sœur Claire !
—
Tous vos enfants ne vous ont pas rejeté, reprit doucement Claire. Et Dieu vous
tient toujours par la main.
—
Dieu ! soupira douloureusement François. Quand je me présente devant lui
dans la solitude, maintenant, j'ai peur et je tremble. Si seulement je savais
ce que je dois faire !
—
Il n'y a peut-être rien à faire, repartit Claire.
Il
y eut un moment de silence. Puis Claire reprit
—
Vous savez ce que le Seigneur dit dans l'Évangile : « Il en est du
Royaume des cieux comme d'un homme qui a semé du bon grain dans son
champ... Le blé a levé, mais l'ivraie aussi. Et les serviteurs sont venus
demander à leur maître s'ils ne devaient pas s'employer activement à arracher
l'ivraie. N'en faites rien, leur fut-il répondu. Vous risqueriez de tout
arracher, et l'ivraie et le blé. Laissez-les donc croître ensemble jusqu'à la
moisson ».
« Dieu
ne partage pas nos craintes, ni notre fierté, ni notre impatience. Il
sait attendre comme seul Dieu sait attendre.
Comme seul un père infiniment bon sait attendre. Il est longanime,
miséricordieux. Il espère toujours. Jusqu'à la fin. Peu lui importe que des tas
d'ordure s'amoncellent dans son champ et que cela ne soit pas beau à voir si, à
la fin du compte, il ramasse beaucoup plus de blé que d'ivraie. Nous autres,
nous avons de la peine à penser que l'ivraie puisse un jour se changer en blé
et donner de beaux grains roux et dorés. Les paysans nous diront qu'ils n'ont
jamais vu pareille métamorphose s'opérer dans leurs champs. Mais Dieu, qui ne
regarde pas aux apparences, sait qu'avec le temps de sa miséricorde, il peut
changer le cœur des hommes.
« Il
y a un temps pour tous les êtres. Mais ce temps n'est pas le même pour tous. Le
temps des choses n'est pas celui des bêtes. Et celui des bêtes n'est pas celui
des humains. Et par-dessus tout et différent de tout, il y a le temps de Dieu
qui enferme Unis les autres et les dépasse. Le cœur de Dieu ne bat pas au même
rythme que le nôtre. Il a son mouvement propre. Celui de son éternelle
miséricorde qui s'étend d'âge en âge et ne vieillit jamais. Il nous est très
difficile d'entrer dans ce temps divin. Et cependant, là seulement nous pouvons
trouver la paix.
—
Vous avez raison, sœur Claire. Mon trouble et mon impatience partent d'un fonds
trop humain. Je le vois bien. Mais je n'ai pas encore découvert Dieu. Je ne vis
pas encore dans le temps de Dieu.
—
Qui oserait prétendre qu'il vit dans le temps de Dieu ? demanda Claire. Il
faudrait pour cela avoir le cœur même de Dieu.
—
Apprendre à vivre dans le temps de Dieu, reprit François, c'est sans doute là
le secret de la sagesse !
—
Et la source d'une très grande paix, ajouta Claire.
Il
y eut à nouveau un moment de silence. Puis Claire reprit
—
Je suppose que l'une des sœurs de cette communauté vienne s'accuser d'avoir
cassé quelque objet par suite d'une maladresse ou d'un manque d'attention, je
lui ferais sans doute une observation et je lui donnerais une pénitence, comme
il est d'usage. Mais si elle venait me dire qu'elle a mis le feu au monastère
et que tout est brûlé ou presque, je crois qu'à ce moment-là je n'aurais rien à
lui dire. Je me trouverais devant un événement qui me dépasse. La destruction
du monastère, c'est là vraiment une trop grosse affaire pour que j'en sois
troublée profondément. Ce que Dieu lui-même a bâti ne saurait tenir à la
volonté ou au caprice d'une créature. C'est autrement solide.
—
Ah ! si seulement j'avais la foi gros comme un grain de sénevé !
soupira François.
—
Vous diriez à cette montagne : « Ôte-toi de là », et la montagne
s'évanouirait, ajouta Claire.
—
Oui, c'est bien cela, approuva François. Mais, à présent, je suis devenu comme
un aveugle. Il faut que quelqu'un me prenne par la main et me conduise.
—
On n'est pas aveugle quand on voit Dieu, répliqua Claire.
—
Hélas ! fit François. Dans ma nuit, je tâtonne et je ne vois rien.
—
Mais Dieu vous conduit malgré tout, affirma Claire.
—
Je le crois, malgré tout.
On
entendait les oiseaux chanter dans le jardin. Au loin, dans la plaine, un âne
jeta son braiement. Une cloche se mit à tinter distinctement.
—
L'avenir de cette grande famille religieuse que le Seigneur m'a confiée, reprit
François, c'est assurément une trop grande affaire pour que cela dépende de moi
seul et que je m'en préoccupe au point d'en être troublé. C'est aussi et
surtout l'affaire de Dieu. Vous l'avez bien dit. Mais priez afin que cette
parole germe en moi comme une semence de paix.
François
resta quelques jours à Saint-Damien. Grâce aux soins de Claire, il reprit un
peu de forces. Dans la paix de ce couvent et la douce lumière du printemps
ombrien, François semblait avoir donné congé à ses soucis et à ses inquiétudes.
Il écoutait avec plaisir le chant des alouettes. Il les cherchait du regard
dans l'azur immense et profond où elles se perdaient. La nuit, retiré dans une
hutte au fond du jardin, il passait ses moments d'insomnie à regarder par la
petite fenêtre le firmament tout scintillant d'étoiles. Jamais les étoiles ne
lui avaient paru si belles. Il lui semblait les découvrir pour la première
fois. Elles brillaient claires et précieuses dans le grand silence nocturne.
Rien ne les troublait. Sans doute appartenaient-elles au temps de Dieu. Elles
n'avaient ni volonté ni mouvement propres. Elles obéissaient simplement au
rythme de Dieu. C'est pourquoi rien ne pouvait les troubler. Elles étaient dans
la paix de Dieu.
Cependant
François songeait à regagner l'ermitage. Il pensait à ses frères qu'il avait
laissés là-haut. À frère Rufin surtout, qu'il savait en grave danger. La fête
de Pâques était maintenant toute proche. Il avait hâte de rentrer pour se
retrouver avec ses frères et célébrer avec eux le Christ ressuscité.
Au
moment du départ, Claire dit à François :
—
Consentiriez-vous à nous faire plaisir ? Il s'agit de peu de chose. Les
sœurs ont recueilli de la graine de fleurs, l'automne dernier. Ce sont de très
jolies fleurs ; et elles poussent très facilement.
En voici un sachet. Prenez-les et semez-les là-haut sur la montagne.
Claire savait que François
aimait beaucoup les fleurs. Et elle pensait que cela l'aiderait à chasser de
son cœur les plantes amères.
— Je vous remercie, dit
François en prenant le sachet de graines. Vous me faites plaisir. Je les
sèmerai.
Et,
avec Léon, il prit congé de Claire et de ses sœurs.
La route du retour parut
moins longue à François. Il allait d'un pas alerte. D'une manière presque
imperceptible, quelque chose en son être s'était remis en mouvement. Il
continuait de souffrir, sans doute. Mais ce n'était plus de la même façon. Sa
souffrance était devenue moins âpre. Souvent, sur la route, lui revenait en
mémoire la parole de Claire : « La destruction du monastère, c'est là
vraiment une trop grosse affaire pour que j'en sois troublée profondément ».
Et cela versait dans son âme un peu de sérénité.
Après avoir longuement
marché, François et Léon quittèrent la route et reprirent le sentier qui
grimpait sous les hêtres et les chênes et conduisait à l'ermitage. Partout le
printemps avait fait éclosion. Les grands arbres dépliaient leur feuillage tout
neuf. Et sur le vert tendre et doré des feuilles, les rayons du soleil jouaient
au milieu du chant des oiseaux. De la terre humide et tiède des sous-bois
montait une bonne odeur de mousses, de feuilles mortes et de violettes en
fleurs. Partout perçaient gaiement des touffes de petits cyclamens rouges. Tout
cela aussi sans doute vivait et reposait dans le temps de Dieu, le temps des
origines. La terre avec sa vie secrète ne s'était pas écartée de ce temps, pas
plus que les étoiles du ciel. Les grands arbres dans la forêt épanouissaient
leur feuillage au souffle de Dieu tout comme aux premiers jours de la création.
Avec le même léger frémissement. Seul, l'homme était sorti de ce temps des
origines. Il avait voulu tracer sa route et vivre dans son temps à lui. Et,
depuis, il ne connaissait plus de repos, mais seulement l'ennui, le trouble et
la précipitation vers la mort.
À
un endroit, le sentier que suivaient François et Léon coupait un chemin que les
paysans de la montagne et des hameaux environnants empruntaient lorsqu'ils
descendaient ou montaient avec leurs charrettes. L'un d'eux justement
descendait à ce moment-là. Il marchait à côté de deux grands bœufs blancs
attelés à une voiture. Petit, trapu, le teint rougeaud et le regard bon enfant,
c'était Paolo. Il habitait un hameau que les frères de l'ermitage visitaient
assez fréquemment dans leur tournée de quête. C'était un bien brave homme, très
dévoué aux frères. Mais il lui arrivait de boire un peu plus que son compte.
Chez
lui, sa femme veillait au grain. Elle avait l'œil. Aussi lorsqu'il avait
l'occasion de descendre au village, y allait-il de bon cœur, un peu comme à la
fête.
—
Bonjour !
s'écria-t-il, en apercevant les deux frères.
—
Bien le
bonjour ! Paolo, répondit Léon qui le reconnut tout de suite.
—
C'est toujours un plaisir pour moi de rencontrer les « frati », dit
le paysan, en s'arrêtant avec ses bœufs.
—
Alors, on descend au village, Paolo ? demanda Léon.
—
Eh oui, il le faut bien, répondit le paysan en hochant les épaules. Il y a mes
bœufs qui ont besoin d'être ferrés. Il y a aussi ma charrette qui a besoin
d'être réparée. Et puis, ajouta-t-il avec un air enjoué et entendu, il y a moi
qui ai besoin d'un petit coup de bon vin.
Cette
déclaration toute simple et la bonhomie du personnage amusèrent François qui se
mit à rire.
—
Allons, Paolo, dit-il, c'est bien, tu es sincère au moins. Un petit coup de bon
vin, ça ne peut pas te faire de mal. Mais attention ! Sois sage. Il ne
faut pas trop les multiplier.
Le
paysan riait de bon cœur. Soudain, fixant attentivement François, il prit un
air grave.
—
Mais, n'est-ce pas toi le frère François ? demanda-t-il. Les frères de
l'ermitage qui viennent à la quête chez nous nous ont
dit que le frère François vivait avec eux là-haut, à présent, sur la montagne.
—
C'est moi, répondit simplement François.
—
Eh bien, dit le paysan sur un ton presque confidentiel et en lui tapant
amicalement sur l'épaule, tâche d'être aussi bon qu'on le dit. Beaucoup de gens
ont mis leur confiance en toi ; il ne faut pas les décevoir.
—
Dieu seul est bon, Paolo, repartit François. Pour moi, je ne suis qu'un
pécheur. Écoute bien ceci, cher ami : si le dernier des vauriens avait
reçu autant de grâces que j'en ai reçues, il me dépasserait de cent coudées par
sa sainteté.
—
Et moi, reprit le paysan en plaisantant, est-ce que je puis devenir un
saint ?
—
Mais
certainement, Paolo. Toi aussi tu es aimé de Dieu. Tout comme moi. Il te suffit
de croire à cet amour pour voir ton cœur se changer.
—
Ah, nous
autres, nous sommes bien loin de toutes ces choses, répondit le paysan. Il faudra
venir nous voir. Nous en avons bien besoin Allez, à bientôt, je l'espère.
Et,
d'une main, il donna une tape sur la croupe de ses bœufs pour les faire
avancer, tandis que, de l'autre, il faisait un signe d'adieu aux frères.
François
et Léon arrivèrent bientôt au sommet de la première colline d'où ils pouvaient
voir surgir devant eux la petite montagne. Celle-ci avait maintenant retrouvé
son aspect verdoyant. Elle se dressait dans une lumière très pure sous un ciel
d'un bleu intense. À l’entour, les petites vallées recouvertes d’oliviers
ressemblaient à des chemins de verdure qui allaient en se resserrant entre les
pentes sèches des montagnes. Çà et là, des parterres de narcisses jaunes
éclataient au soleil comme des taches d’or. Là-bas, barrant l’horizon, la
chaîne des monts découpait dans l’azur ses masses sèches et arrondies, toutes ruisselantes
de soleil.
—
Que c’est beau ! s’écria soudain François. Et dans quelques jours, sur
tout cela resplendira la gloire du Seigneur ressuscité. N’entends-tu pas, frère
Léon, le murmure immense de toute la création qui, dans ses profondeurs, s’entraîne
à chanter l’alléluia de Pâques ?
Père Éloi Leclerc, in Sagesse d’un pauvre