La lutte autour du « schéma
XIII », qui allait être adopté le 7 décembre 1965 sous le nom de
constitution pastorale « sur l'Église dans le monde de ce temps »1
constituait le véritable centre des travaux de la dernière session du Concile.
Ce texte, extérieurement le plus volumineux du Concile, fait sans aucun doute
aussi partie de ses résultats les plus importants du point de vue du contenu et
requiert de ce fait une attention plus minutieuse.
1 — La préhistoire du texte
Ses antécédents remontent à
la fin de l'automne 1962. Marquées par la scolastique romaine classique, les
commissions préparatoires avaient envisagé de codifier tout l'état actuel de
cette théologie en formulations claires et judicieuses, mais prisonnières du
cercle inhérent au système, si bien que ce qu'elles gagnaient intrinsèquement
en perfection et en clarté, elles le perdaient en contact avec la réalité. Les
questions actuelles de l'homme d'aujourd'hui étaient en tout cas parfaitement
prises en compte dans ces textes. Un texte traitait du problème de l'éthique chrétienne
en général, un autre était consacré aux problèmes du mariage et de la famille.
Mais leurs réponses étaient trop faites pour convaincre. Elles étaient
empreintes d'une sûreté qui ne trouvait aucun fondement dans la révélation et
d'une détermination autoritaire qui n'était tout simplement pas adaptée aux nuances
du réel. Elles étaient aussi exprimées en des catégories qui trouvaient
davantage leur origine dans l'Antiquité païenne que dans le christianisme. Le
mariage fut envisagé sous la catégorie fondamentale de la finalité, sa moralité
étant dérivée abstraitement du concept de nature. De la sorte, la convenance sociale
du mariage semblait mise au-dessus de sa dimension inter-personnelle. Le ton
d'ensemble était cantonné à l'affirmation et à l'accentuation des droits de
l'Église qui recouvraient, sur le plan pratique, sa dimension de service.
Comme on s'en souvient, la
discussion du premier de ces textes, le projet sur la révélation, conduisit à
un vote générique de défiance à l'encontre de cette forme de théologie, à la
base de tous ces projets de texte. Cela signifiait du coup l'exigence d'un nouveau
commencement qui mettrait clairement de côté ce qui avait été fait précédemment
comme insuffisant. La profondeur de ce bouleversement montrait jusqu'où portait
la discussion engagée : il ne s'agissait pas de telle ou telle théorie, de
telle ou telle spécialité d'érudit, mais d'une forme d'annonce de la parole de
Dieu et de pénétration intellectuelle de celle-ci qui, dans son entier, faisait
débat et ne pouvait pas recueillir l'approbation du Concile. Une fois que fut
écarté le texte proposé, il restait à se demander : et maintenant, que
faire ? C'est alors que, pour la première fois, s'esquissa l'idée de
regrouper toutes les questions actuelles traitant de l'orientation chrétienne
dans le monde d'aujourd'hui à l'intérieur d'un grand schéma nouveau sur
l'Église dans le monde actuel, schéma qui aborderait les problèmes tournant
autour de la famille et du mariage, de la guerre et de la paix, et d'autres
semblables. Le cardinal Suenens, à qui le pape Montini donna son accord, conçut
un nouveau programme d'ensemble du Concile. Son travail devait avoir pour sujet
central l'Église en traitant en premier lieu les questions internes à l'Église
et en second lieu la question de son rapport avec le monde extérieur 2.
Le programme était plus
facile à concevoir qu'à transposer dans le réel. Ce n'est qu'au cours de
l'année 1964 que le texte commença seulement à prendre forme. Son rédacteur
principal était le rédemptoriste allemand Bernhard Häring, un spécialiste de théologie
morale. À l'automne 1964, le projet de texte, essentiellement rédigé par lui,
put être proposé à la discussion dans l'aula conciliaire. L'idée de base
dérivait des événements qui avaient été à l'origine du schéma. Aux dispositions
autoritaires, on devait privilégier le dialogue ; à la revendication de
droits, on devait préférer la réflexion sur le service auquel est appelée
l'Église dans la société ; à la finalité sociale, on devait privilégier la
dimension personnelle ; à un concept de nature abstrait qui avait été essentiellement
la base de la théologie morale jusqu'alors, on devait préférer une réflexion
sur les réalités humaines concrètes et sur leur historicité. À partir de ces
idées directrices, on développa en trois chapitres une anthropologie chrétienne
générale et en quatre autres chapitres, on traita de quelques questions
particulières : le mariage et la famille, la guerre et la paix, la
problématique sociale, la relation des chrétiens à la culture et à la
civilisation technique de notre temps.
La première et fondamentale
difficulté inhérente à ce texte tenait au fait que celui-ci existait pour ainsi
dire sous deux formes : dans le « schéma » proprement dit, et dans
ses annexes où l'ensemble se trouvait en partie réécrit de manière plus
précise. Il en résulta la nécessité de retravailler tout le projet à fond pour
arriver à fondre les deux textes en un seul. À cela s'ajouta qu'une grande
partie des affirmations restaient largement indéterminées et surtout que deux
perspectives se croisaient de façon fort peu claire : d'un côté la volonté
de s'écarter de la scolastique pour s'ouvrir à la Bible, de l'autre celle de
s'adapter à la situation moderne et à son langage, ce qui avait pour
conséquence que le texte ne pouvait être ni bibliquement exact ni véritablement
conforme à la pensée moderne. Au terme des débats subsistait une approbation
générique vis-à-vis de la voie empruntée, de la volonté qui avait été
jusqu'alors manifestée, mais, en même temps, la nécessité de reprendre du tout
au tout ce qui avait été vu.
On se retrouva en janvier à
Ariccia, près de Rome, pour satisfaire à cette exigence. L'attaché de presse de
la conférence épiscopale française, l'abbé Haubtmann, avait déjà réussi à préparer
sur ces entrefaites un nouveau texte qui réussit à s'imposer face à un projet
polonais élaboré lui aussi dans le même intervalle. Il était certainement d'une
langue plus déliée, mais sa précision théologique laissait à désirer. Les
Allemands, qui étaient venus les mains vides, durent s'en contenter, le
critiquant et l'améliorant ici et là, mais sans le modifier fondamentalement.
Dans les mois qui suivirent, le texte continua son chemin à travers les
différentes étapes du travail en commission et, au cours de l'été, il put être envoyé
aux Pères conciliaires.
2— Le schéma de l'automne 1965
Il commençait par une
analyse de la situation historique contemporaine, développait ensuite dans une
première partie les traits fondamentaux de l'anthropologie chrétienne, où
étaient également traités des problèmes comme celui de l'athéisme, de la
signification anthropologique de la technique et de l'histoire, des questions
comme celle de l'espérance chrétienne confrontée aux espoirs profanes de notre
temps et enfin la place de l'Église dans le monde contemporain. La seconde
partie, qui se rattachait plus fortement à l'ébauche de Häring, revenait sur
les questions particulières et prenait position de manière détaillée sur des
problèmes comme la signification de la science et de son autonomie, l'État, la
communauté des peuples, l'aide aux pays sous-développés et des questions
connexes. L'ensemble aboutissait, comme on l'a dit plus haut, à un document de
83 pages dans sa version latine, et de 120 dans sa version allemande. Il est
clair qu'un document de cette ampleur, élaboré en si peu de temps, ne pouvait
pas traiter les questions abordées avec tout le soin requis. Il ne pouvait pas
non plus présenter pour les groupes d'experts un problème trop insurmontable.
Lorsqu'à l'automne 1965
furent pris les premiers contacts privés et que commencèrent les premières
discussions, on s'aperçut que la vieille ligne de front entre intégristes et progressistes
menaçait d'éclater. Il n'y avait plus l'ancienne majorité face à l'ancienne
minorité, mais de nouveaux fronts qui se dessinaient face à de nouvelles
questions et à leurs nouvelles interrogations. Certes, les intégristes
s'étaient organisés entre-temps en une solide organisation intitulée « Coetus
internationalis Patrum » dont les responsables étaient Mgr
Sigaud, un Brésilien, Mgr Carli, un Italien, et Mgr
Lefebvre, le Supérieur général des Spiritains. Il prenait comme modèle de ses
travaux les discours tenus au Concile par les cardinaux Ruffini, Siri, Santos
et Browne. Ce « Coetus », qui s'était constitué lors de
l'automne de l'année 1964, déploya lors de la quatrième session une activité
considérable. Sur toute une série de questions — surtout autour du problème de
la liberté religieuse et du projet de texte sur le rapport de l'Église aux religions
non chrétiennes (ce que l'on avait appelé auparavant le schéma sur les juifs)
—, il combattit en formation serrée, entraînant avec lui environ deux cents
évêques. Mais ici, avec le schéma XIII, il n'avait pas pris de position
commune, pas plus d'ailleurs que le groupe des « progressistes » dans
lequel d'ailleurs une opposition sembla apparaître provisoirement entre tenants
de la théologie française et tenants de la théologie allemande, bien qu'il y
ait eu, évidemment, des représentants de conceptions différentes, voire opposées,
en chacun des camps.
a)
Les problèmes de structure du texte
Le premier problème du
texte tenait naturellement au langage utilisé. C'était une transposition latine
du français. Cela signifiait que le texte avait été pensé en français et était
à peine compréhensible en latin. Cela mettait en lumière les limites du latin :
il devait exprimer un état de choses qui était étranger à ce monde dans lequel
il s'était développé et où il puise toujours ses racines. Le monde qui avait
trouvé son expression dans la langue latine n'était déjà plus le monde
d'aujourd'hui. On ne peut pas franchir sans violence la frontière historique
qui est liée à la langue.
Les problèmes de fond
étaient plus sérieux. D'abord apparaissait en pleine lumière la contradiction
dont avait déjà souffert le schéma de Häring, à savoir le dilemme que l'on pourrait
décrire, en slogans incisifs, comme l'opposition entre biblicisme et modernité.
Dans le combat contre le systématisme d'une pensée néoscolastique un peu
étroite, les deux sensibilités avaient pu encore se retrouver. Car ces textes
étaient ni bibliques ni empruntés au monde des hommes d'aujourd'hui. Celui qui adoptait
le point de vue de la modernité pouvait pourtant se dire que l'ouverture à l'humanité et au siècle,
présente aussi dans la pensée et le discours bibliques, devait inclure une
ouverture au réalisme de l'être homme réel, ce qui devait naturellement conduire
à la pensée, au discours et aux questions d'aujourd'hui. Inversement, celui qui
privilégiait le point de vue biblique pouvait se dire que la destruction du
système actuel pouvait signifier l'ouverture sur le fondement de la pensée et
du discours théologiques dans le monde de la Bible qui était déjà si humain parce
que traversé de part en part par le divin.
Personne ne contestera
aujourd'hui qu'il y ait une raison objective à ce lien entre le biblique et le
moderne, mais il est devenu clair aussi que les deux ne sont pas synonymes et
que leur unité ne va pas de soi. Le monde biblique, en soi, est une réalité
historique qui ne peut devenir nôtre sans une transposition intérieure. Notre
monde, de son côté, ne peut être rapporté à son origine biblique sans un appel
intérieur à ses forces et à ses fondements cachés. Le texte, dont la
préoccupation première était de s'adresser aux hommes de ce temps, avait
cherché à exprimer les idées théologiques fondamentales d'une manière actuelle
et avait cantonné, peut-être plus encore que son devancier scolastique, la
dimension biblique à une fonction ornementale. Cela n'hypothéquait pas
seulement la portée œcuménique du texte mais cela rendait aussi le texte
problématique pour l'homme contemporain car on devait alors se demander quel
intérêt pouvait bien avoir pour quelqu'un se tenant à l'extérieur de l'Église
une affirmation théologique qui s'était largement détachée de sa propre
origine. Pour ceux qui se tenaient à l'intérieur de l'Église s'ajoutait la question
de savoir quelle espérance pouvait encore bien se rattacher à un renouveau qui
avait pour but de vouloir à tout prix satisfaire tout le monde.
Il
devenait clair que le problème formel biblique moderne débouchait directement
sur le problème essentiel du discours théologique. Le groupe des théologiens
français qui avaient conçu le schéma défendait sa conception un peu de la
manière suivante : si nous voulons nous adresser aux hommes d'aujourd'hui,
nous ne pouvons pas directement commencer par les données les plus hautes de la
théologie et de la foi. Nous devons bien plutôt débuter par ce qui est
compréhensible et accessible à tous, et ensuite progresser pas à pas. Nous ne
pouvons pas non plus offrir trop de théologie professionnelle mais, au
contraire, nous devons plutôt sortir du ghetto de la spécialisation pour
présenter simplement, donc sans protection scolastique, une réalité dont nous
ne pourrons pas dissimuler la dureté derrière les artifices de notre savoir.
Personne ne contestera que
dans le fond tout cela est juste et que l'une des tâches principales de la
théologie aujourd'hui est de sortir des murs protecteurs du langage d'école
pour aller directement à la rencontre du questionnement de l'homme vivant. Mais
dans l'ébauche proposée par les Français, cette perspective avait conduit à ce
que l'on commence d'une manière si rationnelle et si aimable qu'aucun fantôme
théologique inattendu ne vienne troubler prématurément la réflexion et que l'on
puisse, arrivé à la fin, en quelque sorte humblement confesser que l'on a bien
encore quelque chose d'autre à ajouter : qu'à côté de cette belle représentation
de l'homme comme être appelé à dominer le cosmos et à se déterminer librement
sur son destin, il y a encore la christologie qui affirme que l'homme ne peut
être sauvé que par le Christ.
Au fond, cette approche
signifiait que l'on avait malencontreusement tiré de l'enceinte protectrice de
la faculté de théologie ce genre d'affirmations que la théologie partage de
toute façon avec n'importe quelle vision tant soit peu spirituelle et éthique
de l'homme ; par contre, on avait laissé de côté, dans un congélateur conceptuel,
ce qui est propre à la théologie : le discours sur le Christ et sur son œuvre,
faisant apparaître cela comme inintelligible et démodé par contraste avec la
partie plus aisément compréhensible. Dans ces conditions, on ne pouvait manquer
de se demander de quoi il était question lorsqu'on parlait de salut et ce que
pouvait donc bien signifier pour l'homme sa totalité, s'il peut être défini
sans elle, et que l'on puisse ainsi en faire un portrait juste et satisfaisant.
On avait un peu l'impression que les auteurs considéraient la dimension
christologique même, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus central dans le
christianisme et qui ne peut être accueilli que par la foi, comme un monde secondaire
qui se déployait à côté du premier, celui de la vie réglée et ordinaire, un
monde qui ne devait pas importuner prématurément et inutilement l'humanité. Un
observateur impartial de ce texte devait finir par se dire : ou bien la
foi au Christ touche véritablement le centre de l'existence humaine, elle est
quelque chose de vraiment réel qui pénètre le cœur de l'homme de sorte qu'ayant
accueilli la foi celui-ci ne peut plus se comprendre qu'à partir d'elle, ou
bien elle est un monde parallèle qui existe à côté du monde habituel. Mais
alors est-elle encore en mesure de réclamer quelque chose du plus profond de
nous-mêmes, ou n'est-elle plus considérée que comme une sorte d'idéologie par ceux
qui ont besoin d'un refuge face au réel ? Si la théologie ose sortir des
enceintes universitaires, elle doit aussi avoir le courage de le faire jusqu'au
bout. Elle ne peut pas, par prudence, laisser caché ce qu'elle possède de
meilleur. Tel était l'enseignement qui se dégageait de la critique de ce texte.
À la contradiction entre
biblicisme et modernité, entre théologie d'école et affirmation directe de la
foi, se rattachait dans le texte un autre problème, plus formel, qui n'est pas
moins important pour la possibilité qu'a la foi d'entrer en contact avec le monde
de ce temps. On pourrait lui donner le nom de dilemme entre l'ambition de la
foi et la liberté du dialogue. Le schéma s'était situé tout entier sous la
catégorie du dialogue et était tombé assez souvent dans un langage où la foi
apparaissait comme une sorte de philosophie obscure qui traite de choses sur
lesquelles à vrai dire l'homme ne sait rien, alors qu'il désirerait — et même devrait
— en savoir quelque chose, puisque, après tout, ces choses concernent son
propre destin. Mais il entre dans l'essence de la foi d'être certitude et de
donner à l'homme un terrain solide sur lequel il puisse se tenir et vivre
précisément là où le savoir purement humain ne conduit au mieux qu'à des
vraisemblances ou des conjectures. Là aussi la perspective était bien
intentionnée. Pour ne pas déranger la position du dialogue, la foi fut
considérée comme une contribution à l'éclaircissement de ces choses obscures
dont on voulait s'entretenir. Mais le partenaire sait bien que le croyant, lui,
ne tient pas ces choses pour aussi obscures s'il croit vraiment. Il se sent
facilement trompé par l'apparence de recherche et de questionnement s'il
réfléchit au fait que le doute n'est pas le contenu de la foi, mais l'opposé de
celle-ci. C'était d'autant plus étonnant que le texte passait ensuite par
endroit au sujet de choses profanes à des exigences et à des ordres qui lui
tenaient à cœur sans qu'apparaissent de réels motifs. Ce n'est pas non plus
sans malaise que l'on observait l'ample usage de la catégorie douteuse de « peuple
de Dieu », comme si le peuple de Dieu ne ressentait les problèmes des
autres hommes que par empathie et qu'il ne se composait pas lui aussi d'hommes
avec toute leur humanité. On avait l'impression que ce « peuple de Dieu »
était comme une sorte de groupe sociologique parmi d'autres qui cherchait à
entrer en relation avec d'autres groupes. L'exigence spirituelle de la foi
était ainsi projetée sur un plan qui lui convenait mal.
Il faut reconnaître que la
difficulté à laquelle se heurtait le texte pour parvenir à une position appropriée
était en fait extraordinairement grande. Car pour un dialogue chrétien vers
l'extérieur, c'est-à-dire qui sorte de la sphère de la foi pour aller vers le
monde profane, on manquait, sur le plan du magistère, d'expérience et de
modèles. Le type même du langage magistériel est, depuis le début, d'un côté le
symbole, c'est-à-dire la confession de foi reçue par tradition et qui lie celui
qui l'accepte, et de l'autre côté l'anathème qui exclut. Dans les deux cas, il
s'agit d'une forme d'expression qui n'a de sens qu'à l'intérieur de la sphère
de la foi, parce qu'elle repose sur la prise en compte de l'autorité de la foi.
Le rétrécissement du cercle de ceux qui étaient prêts à se plier aux exigences
que le magistère appuie sur la foi est devenu, depuis le commencement des temps
modernes, toujours plus inquiétant. De cette manière s'est développé, dans une
mesure croissante, le besoin de développer une forme d'expression qui puisse
également posséder hors du cercle étroit des croyants une force obligatoire.
Mais, de manière significative, cette forme de langage a été construite par
analogie avec le discours valable à l'intérieur de l'Église, ce qui lui a donné
une structure autoritaire qui, certes, renonce à employer les mots de la foi,
car elle se veut en fait l'explicitation du droit naturel et ainsi se réserve
le droit de toucher tous les hommes. Cependant, on avait trop peu pris garde au
fait que l'acceptation de la lecture du droit naturel faite par l'Église
n'était vraiment possible que dans la foi. Plus l'injonction est autoritaire,
moins elle peut espérer atteindre véritablement les oreilles de ceux qui se
situent hors de l'Église.
C'était sans doute un
mérite du projet conciliaire d'avoir reconnu ce problème et d'avoir essayé d'y
répondre par une nouvelle forme de langage qui ne fût pas autoritaire. Il
aurait certainement fallu encore une fois distinguer entre annonce et dialogue.
Au lieu de recourir à l'exigence autoritaire, on aurait fait un premier pas en
ce sens en s'avançant sur la voie de l'annonce qui ouvre les portes de la foi
aux non croyants et qui ne requiert pas d'autre autorité que l'autorité
intérieure de la vérité de Dieu qui se donne à reconnaître à l'auditeur dans le
message même. Une telle tentative devrait en même temps inclure un essai de
traduction, c'est-à-dire l'effort de rendre audible le message dans la langue de
l'autre. C'est ici que la question du dialogue se fait sentir : elle ne
supprime pas l'exigence portée par le message, mais elle concerne sa
compréhensibilité et aussi ses limites
qu'assez souvent celui qui porte l'annonce ne distingue pas très clairement :
il a en effet tendance à mêler la foi à une situation donnée du monde de manière
si indissoluble qu'il mêle aussi directement une part de lui-même au message
qu'il annonce alors qu'il ne s'agit en fait que de sa manière à lui,
personnelle, d'envisager la foi.
La question de savoir si,
avec le texte final, on a vraiment réussi à trouver une forme appropriée de
langage ecclésial à destination du monde extérieur reste ouverte. Le simple
fait d'avoir essayé constitue déjà un pas important en avant et peut être
considéré comme un tournant dans la pratique du magistère ecclésiastique qui,
en abandonnant sa position antérieure, celle d'une exigence autoritaire, en est
revenu d'une manière nouvelle à sa fonction missionnaire et donc par là,
beaucoup plus fortement, à la vulnérabilité de la simple Parole et à la mission
qu'elle a reçue d'elle pour agir.
b)
Le principal problème quant au contenu : la foi face au monde de la
technique
La véritable contradiction
que le schéma renfermait se rapportait à un problème que tout ce qui a été dit
jusqu'à présent ne touchait que de l'extérieur : le problème de la
relation fondamentale du christianisme à un monde marqué par la technique. À
partir de la pensée de Teilhard de Chardin, une position semble se développer
qui cherche à résoudre le problème par l'identification la plus large possible
de l'espérance chrétienne à la foi moderne au progrès en présentant le
processus progressif d'hominisation du monde à l'aide de l'idée du Christ
cosmique comme processus de christification. Le point oméga vers lequel tend
tout le processus voit coïncider dans cette perspective le stade final du
développement de la technique et la christogenèse parvenue à son point
d'accomplissement. L'utopie technique et l'attente chrétienne du royaume de
Dieu coïncident et l'effet du façonnage du monde par la technique apparaît en
même temps comme une activité directement chrétienne, la préparation même du
royaume de Dieu. La réconciliation du christianisme et du monde moderne paraît
ainsi complète 3.
Le schéma s'était
évidemment écarté d'une telle construction simpliste, qui pouvait, dans une
certaine mesure aussi, paraître caricaturer outrageusement le propre projet de
Teilhard, mais qui existait cependant en tant que tendance à l'intérieur du teilhardisme.
En ce qui concerne le schéma conciliaire, malgré toute la distance prise par
rapport à ces idées, il subsistait en lui une fascination presque naïve pour le
progrès, fascination à peine tempérée par l'ambivalence qui caractérisait les
progrès concrets de l'humanité. Il y avait certainement quelque chose de grand,
un pas significatif de grande portée historique, sur lequel on ne devait plus
revenir, dans cette renonciation au ressentiment contre la civilisation
technique qui avait régné largement dans les esprits et qui provenait en grande
partie de l'orientation médiévale de la pensée de l'Église. Mais en même temps
il faudrait ajouter que ce ressentiment ne sera complètement éteint que le jour
où l'on sera devenu libre de voir paisiblement l'aspect négatif et de reconnaître
sans euphémisme la régression qui affecte aussi le progrès, c'est-à-dire la
distance qui existe entre progrès technique et progrès humain. La question
véritablement décisive dont il s'agit ici va cependant plus loin. Elle se
laisse en quelque sorte formuler dans l'alternative suivante : quel est le
rapport entre rédemption technique et rédemption par la foi ? Quel rapport
entre progrès technique et espérance chrétienne ? La solution proposée par
un teilhardisme vulgarisé consiste, comme on l'a vu, à les identifier. La
faiblesse du schéma tenait, en gros, à ce que l'un et l'autre n'étaient pas
suffisamment distingués.
Sans aucun doute, la
technique procure à l'homme, et sous de multiples aspects, une sorte de
rédemption. Tant de choses autrefois espérées dans la foi sont maintenant
attendues de la technique : la victoire sur la maladie, sur la famine, sur
le froid et sur la chaleur, sur la pauvreté, l'âge et même la mort. La technique
offre à l'homme une espérance qui non seulement l'atteint lui-même en tant
qu'individu mais aussi qui concerne l'humanité tout entière et va ainsi au
devant des aspirations les plus profondes de l'homme. Elle lui donne une
espérance qui est assez grande pour qu'il lui consacre sa vie. Ce qui conduit sans
aucun doute à se poser cette question : que représente alors, comparée à
elle, l'espérance chrétienne ? Le teilhardisme, nous l'avons vu, a
pratiquement présenté, avec l'aide d'une christologie cosmique, le progrès
technique comme un progrès christologique et il a donc appelé les chrétiens à
s'enrôler à son service. Mais, même dans la forme édulcorée que lui a donné le
schéma XIII, le considérable surcroît de sens apporté par le christianisme
restait reconnaissable, même lorsque, sporadiquement, les affirmations sur
l'attente chrétienne du monde à venir étaient réduites aux espoirs générés par
la technique. Le schéma, en envisageant la relation du chrétien au monde
technique, tendait fondamentalement à voir la signification du christianisme
dans la lumière sacrée qui auréolait le travail technique au lieu de le
déployer à partir d'un tout autre plan, celui de la passion de la vie humaine et
de l'amour humain.
On peut peut-être expliquer
ce qui vient d'être dit en recourant à une expression. Le schéma parlait des
victoires du genre humain et renvoyait par là aux étapes significatives du
progrès technique. L’Écriture, elle aussi, parle de victoire, mais pour elle
cela renvoie à la foi et, à travers la foi, à l'amour dont le Cantique des
Cantiques dit qu'il est plus fort que la mort. Le Nouveau Testament dit en
quelque sorte la même chose lorsqu'il dévoile la figure du Christ dans laquelle
l'amour s'est révélé plus fort que la mort, le Christ ne
reculant pas devant son destin, l'exécution sur la croix. Le Nouveau Testament
pose la croix comme étant la grande victoire de Jésus-Christ, victoire par
laquelle un homme a véritablement vaincu la mort de telle sorte qu'il est
devenu Seigneur de tout l'univers (Ph 2, 4-11). Le sens de l'affirmation
chrétienne, à partir de cela, ne peut consister en une glorification de la
technique. Il se manifeste bien plutôt dans la découverte d'un domaine qui n'est
pas supprimé par la technique. En fin de compte, il faut bien admettre que le
monde n'est pas racheté par des appareils, mais par l'amour. Et le chemin qui
relie la mentalité chrétienne à la mentalité technicienne ne passe pas par la
sacralisation de cette dernière, mais par l'idée, sobrement comprise, de
l'amour. Le service qu'apporte la technique est christianisé lorsqu'il est conduit
par une mentalité qui vise à humaniser l'homme, lorsqu'il sert l'amour. Ce
n'est que dans cette mesure qu'il est au service du christianisme, et ce n'est
aussi que dans cette mesure qu'il constitue un progrès. Le message chrétien n'a
pas pour tâche de glorifier la technique — celle-ci n'en a d'ailleurs pas
besoin —, mais de lui donner les critères dont elle a besoin pour bien
s'orienter.
c)
Question et réponse dans le schéma XIII
Ce
qui vient d'être dit permet d'éclairer l'horizon sur le fond duquel s'est
déroulée la discussion concernant le schéma XIII qui, par ailleurs, avait à
traiter toute une série de questions de la plus haute complexité concernant le
mariage et la famille, Église et question sociale, guerre et paix,
développement de la communauté des peuples. Il était nécessaire pour esquisser
un bilan du schéma XIII de délimiter le cadre de cet horizon parce que, même
après l'adoption du texte, les questions qu'il soulevait continuaient à se poser.
Il ne pouvait entrer dans la perspective du Concile d'écarter tout d'un coup la
problématique fondamentale du rapport entre foi et compréhension de l'existence
humaine contemporaine. La signification du dialogue conciliaire autour du
schéma XIII consistait bien plus dans le fait d'avoir identifié ces problèmes, de
les avoir reconnus comme tels et d'avoir posé un pas sur la voie de leur
résolution, tout en s'engageant à continuer de cheminer sur cette voie.
À
bien des égards, ce qui est presque plus important que les solutions apportées
par le texte, c'est la mentalité qui leur est sous-jacente et qui a produit une
nouvelle sorte de discours dans l'Église : le courage d'adopter un
document ouvert, qui souhaite être non pas une définition close sur elle-même,
mais un commencement qui doit conduire plus loin. C'est avec cette conviction
fondamentale que le Concile a retrouvé son unité, après les difficultés du
début, malgré toutes les affirmations insatisfaisantes qui demeuraient. Car
cette conviction pouvait être approuvée conjointement par cette grande majorité
d'évêques qui avaient porté le Concile et lui avaient donné sa physionomie. La
résistance, au terme, n'était plus alors le fait que d'un groupe relativement
restreint qui percevait l'esprit du Concile comme un rejet de la Tradition
chrétienne et donc comme une dangereuse erreur.
3 — Vers le texte définitif de la constitution
pastorale sur l'Église dans le monde de ce temps
Si,
d'après ce qui vient d'être dit, il était d'abord nécessaire de voir les
problèmes qui ont caractérisé après le Concile le schéma XIII, devenu
entre-temps la constitution pastorale sur l'Église et le monde de ce temps, et
de comprendre ces mêmes problèmes dans l'ouverture créée par cette
constitution, ce qui du même coup permet de circonscrire l'ambition du Concile,
il serait cependant injuste de ne
parler que de problèmes. Le texte, tout provisoire qu'il
paraisse, offre de vastes orientations, riches de contenu, que nous nous devons
d'examiner brièvement dans une dernière partie qui formera notre conclusion.
Tenter, même par esquisse, de présenter la totalité de ce qui a été traité
dépasserait de
loin les limites de ce travail, car la taille du document à commenter, malgré
toutes les tentatives du Concile pour le raccourcir à la fin des délibérations,
s'est encore accru de deux pages, s'ajoutant ainsi aux 83 pages grand format en
latin du texte initial. On se bornera donc à mettre en évidence la physionomie du
texte définitif grâce à trois exemples en lesquels le caractère de la
constitution, sa manière de discuter les problèmes et d'aller à la rencontre
des questions des hommes de ce temps seront dans une certaine mesure rendus
perceptibles.
a)
Le chrétien et le monde technique
Le premier exemple peut se
rattacher à la question fondamentale développée plus haut sur la relation du
chrétien au monde technique qui est traitée dans le troisième chapitre de la
première partie et intitulée « L'activité humaine dans l'univers ».
Le texte commence, au n°33, par formuler le problème. Il renvoie à la nouvelle
situation de l'homme qui vit une heure historique en ce sens où le pluralisme
des différentes cultures le cède toujours davantage à la domination de la
civilisation technique qui conduit à une unification croissante de l'humanité.
La caractéristique propre à cette civilisation réside en particulier dans le
fait que l'emploi systématique de la technique sur un donné scientifiquement
reconnu confère à l'homme un pouvoir sans précédent sur l'univers, pouvoir qui
produit une orientation nouvelle de l'existence reposant essentiellement sur la
réduction des choses à l'état d'instruments au service de l'activité humaine.
Mais cela signifie que la relation fondamentale de l'homme au réel est changée :
celui-ci n'est plus considéré, essentiellement, qu'en fonction de son utilité
pour l'homme. L'homme ne se situe plus en face du monde comme celui qui
contemple ou qui s'étonne, mais il adopte la posture de celui qui mesure, qui
pèse, qui agit. De la sorte le mystère religieux qui habitait les choses
disparaît peu à peu, puisqu'il ne peut faire l'objet d'aucune approche méthodique.
À la place de l'attitude fondamentale d'attente, marquée par la prière,
apparaît une attitude où l'on se sait responsable de son propre destin.
Face à la situation ainsi
décrite, le Concile n'éclate pas en lamentations. Il commence par délimiter ses
compétences. Même si la foi, fondamentalement, dit le texte (n°33), offre à
l'homme des indications sur l'origine et sur la fin de sa destinée, cela ne signifie
pas pour autant que l'Église soit en mesure de répondre de manière immédiate à
chacune des questions qui se posent. Elle relie bien plutôt dans la foi les
questions qui lui sont posées à la recherche de l'humanité en vue de trouver
des réponses à toutes ces questions. Un pas supplémentaire est accompli dans le
paragraphe suivant (n°34) où il est dit que cette attitude nouvelle possède une
légitimité fondamentale. Dans l'une des nombreuses versions qui ont précédé le
texte final avait été introduite l'idée selon laquelle une approche qui prend
sans crainte les choses pour ce qu'elles sont correspond au dessein créateur et
doit être encouragée car elle s'oppose à une interprétation magique de ce dessein.
Les évêques latino-américains, particulièrement engagés dans la lutte contre
l'adultération de la foi chrétienne par la magie, avaient insisté pour
introduire cette précision. Ils avaient discerné que la sobriété de la science,
qui dissipe l'éclat magique des choses, constitue le meilleur allié de la foi :
l'objectivité de la science correspond à l'intention de base de la création
bien plus que cette forme fausse de divinisation du monde qui s'oppose aussi bien
à la science qu'à la foi 4. Dans la version finale du texte, cette
précision n'a pas été reprise mot à mot, mais son esprit demeure : la
vision scientifique du monde qui présuppose, d'un côté, qu'il n'est pas divin
et, de l'autre, que sa structure est logique, susceptible d'être mise en
lumière par la raison, correspond à cette compréhension de l'univers qui le
considère comme créé (c'est-à-dire non divin en soi) et provenant du Logos,
c'est-à-dire du Verbe rempli de l'Esprit de Dieu, et donc par conséquent à l'image
du Logos, rationnellement structuré. On pourra même dire que les sciences de la
nature ne peuvent prospérer que sur la base d'une telle compréhension. C'est
sur la base de tels compléments que l'affirmation du texte prend sens.
Autrement elle pourrait facilement passer pour une apologie facile : « On
voit par là que le message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction
du monde et ne les incite pas à se détourner du sort de leurs semblables :
il leur en fait au contraire un devoir plus pressant » (n° 34).
Cette idée est développée
dans un paragraphe ultérieur (n°36) et aboutit à la doctrine expressément
enseignée de l'autonomie des réalités terrestres, doctrine qui sera reprise
dans les chapitres plus détaillés de la deuxième partie concernant le domaine
des sciences et de la vie politique 5. Le texte ne recule pas devant
la mention de la méconnaissance de cette donnée fondamentale dans le passé de
l'Église et renvoie, dans une note (n°7), à l'affaire Galilée. On peut résumer
les conséquences de cette présentation du problème dans la maxime suivante :
agir chrétiennement veut dire agir de manière juste, sans inféodation fausse
aux règles de l'Église qui nieraient l'autonomie des réalités terrestres et contrediraient
la différence existant entre elle et le royaume de Dieu, différence qui fonde
le caractère provisoire du domaine ecclésiastique et la limitation de ses
compétences profanes 6.
Bien sûr ces affirmations
positives ne sont pas isolées. Elles ne le peuvent pas. Car le monde technique
— nous l'avons déjà souligné — a ses propres questions et lui-même pose
question. Le déchiffrement de la structure physique des choses n'épuise pas le déchiffrement
de l'être même. Il nous fait seulement expérimenter le mystère de celui-ci dans
toute sa profondeur et avec lui, le mystère de notre propre existence. Pourquoi
tout cela ? De telles questions montrent à quel niveau se situe proprement
le christianisme : il ne fait pas concurrence à la technique mais soulève
ces questions originelles de l'homme auxquelles la vision technique du monde
assigne une nouvelle place sans pour autant pouvoir les supprimer. Cette
réalité proprement chrétienne apparaît dans le texte conciliaire très
clairement dans cette phrase empruntée à Gabriel Marcel : « L’homme
vaut plus par ce qu'il est que par ce qu'il a » (n°35). « Être »
et « avoir » apparaissent comme les deux ordres de l'existence
humaine : l'être comme l'espace de décision proprement humain qui demeure
toujours identique sous les changements qui affectent l'avoir. C'est sur
l'horizon de cette permanence que se détache l'ambivalence du « progrès »,
qui fait grandir dans la même mesure les possibilités d'autodestruction de
l'homme et les possibilités de véritable humanisation de son être. Le « progrès »
possède donc une double face inquiétante. Ce n'est pas la technique qui
détermine s'il agit en vue du salut ou de la perdition. Cette détermination vient
d'ailleurs (n°37). Cette remarque conduit à faire un dernier pas. Elle ouvre
une échappée sur l'unique force véritablement salvatrice : la puissance rédemptrice
de l'amour qui ne trouve finalement sa garantie la plus sûre que dans celui qui
par nature est l'amour même. Celui qui n'a pas seulement l'amour mais qui est
l'amour...
b)
La doctrine sur le mariage et la famille
Prenons comme deuxième
exemple de l'état du texte final ses développements sur le thème du mariage et
de la famille (2ème partie, chapitre I). Il est bien sûr
complètement impossible de présenter une par une les déclarations du Concile
sur ce sujet aux aspects multiples. On ne cherchera donc qu'à mettre en évidence
la nouvelle structure qui sous-tend ses affirmations dans ce domaine.
Si l'on veut comprendre la
forme qu'a revêtue jusqu'alors la théologie morale sur la question du mariage,
il faut se reporter aux circonstances particulières de ses origines. Le Nouveau
Testament ne contient pas de morale détaillée, mais juste une série
d'impératifs concrets, ainsi qu'une orientation nouvelle et capitale qui
découle de l'antithèse entre loi et grâce. À l'égard des préceptes,
c'est-à-dire à l'égard du contenu de la morale, il en reste à des allusions, et
la dualité entre loi et grâce met davantage en évidence les limites d'une pure
morale qu'elle ne sert de point de départ à une présentation d'ensemble de la
morale. Cela pourrait bien être l'une des causes principales du fait que la
cristallisation de la forme concrète de l'idée morale du Nouveau Testament dans
le christianisme des origines se soit inspirée largement des modèles
contemporains de la pensée morale, et en particulier de l'éthique stoïcienne 7.
Le recours à l'Antiquité, spécialement au Portique, eut pour conséquence la
prédominance dans la doctrine du mariage de deux catégories.
1 — Le mariage fut
essentiellement considéré sous l'angle de la génération, au double sens que le
mariage est ordonné au « genus humanum », au genre humain
comme tel, et donc à la « generatio », au sens social de
propagation de ce même genre humain. Selon cette conception, le mariage
concerne l'homme en tant qu'être sexué, qua genus, et n'a rien à faire
au fond avec sa dimension individuelle et personnelle. Cette conception
orientée vers la génération cantonne le mariage au plan biologique et le fait
apparaître surtout comme moyen de propagation de l'espèce. Le concept de
finalité s'offre ainsi comme catégorie fondamentale pour en réguler l'éthique.
Dire de la génération d'une descendance qu'elle est la « fin première »
du mariage est apparu jusqu'à aujourd'hui comme l'expression classique en
théologie morale aussi bien qu'en droit canonique 8.
2 — Sans préjuger de sa
grandeur spirituelle, il faut bien dire que la position de base du stoïcisme
relève du naturalisme, tout simplement parce que le Portique découvre l'action
indicatrice du Logos, son sens divin universel, dans une nature tenue pour divine.
En conséquence, la norme morale ne peut être autre chose que l'agir « kata
physin », c'est-à-dire conforme à la nature.
La morale de l'Église a là
aussi largement suivi les conceptions du Portique, si bien que nous pouvons
dire que la réduction du mariage à la génération et le naturalisme des préceptes
qui en norment l'usage forment le double cadeau empoisonné de l'Antiquité à la
doctrine chrétienne du mariage. Cette confusion s'est perpétuée jusqu'à nos
jours dans les catégories de la théologie morale qui le concernent.
C'est ayant ce fond présent
à l'esprit que l'on peut essayer de voir si l'affirmation de la constitution
sur l'Église et le monde de ce temps s'est écartée ou non de ces deux
catégories. En effet, on ne voit pas apparaître dans le texte ce langage qui
tient la génération d'enfants pour la fin première du mariage et qui prescrit à
l'éthique matrimoniale de « suivre la nature ». Avec cette
élimination des catégories antiques, qui ne s'est pas réalisée sans peine, on
voit se dessiner avec la plus grande clarté le tournant énergique du nouvel
ancrage de la morale par rapport aux formes extrinsèques jusque-là véhiculées
par la tradition en théologie morale. À la conception orientée sur la génération
s'oppose désormais une conception personnaliste qui ne peut pas
négliger pour autant la dimension essentiellement sociale du mariage si elle ne
veut pas, de l'autre côté, tomber dans des raccourcis problématiques 9.
Il est encore plus important de noter que les normes venues d'en bas, d'une
nature dont, en vérité, le sens n'est pas univoque, s'opposent à une évaluation
d'en haut, venant du lien spirituel entre mariage et famille. En conséquence,
le texte renvoie à la conscience, à la parole de Dieu, à l'Église enseignante
comme aux instances propres à délivrer des normes d'agir éthique dans le
mariage.
On peut naturellement se
demander s'il s'agit en l'occurrence plus que d'un changement de terminologie
et si le renvoi au magistère ecclésiastique ne conduit pas pratiquement à
conserver la vieille doctrine sous des habits neufs. Bien que cette objection ne
soit pas totalement injustifiée dans la mesure où elle met de fait en lumière
le silence du texte sur le problème concret du contrôle des naissances, elle ne
vaut pas à l'égard de tout le texte. Il ne revient pas au même de dire, d'un
côté, que toute la morale matrimoniale tourne autour de l'idée d'espèce, avec
le devoir de la propager et de le faire selon la nature, et, de l'autre, de renvoyer
à la conscience, à la parole de Dieu et à la responsabilité devant ses propres
enfants, les autres espèces et la communauté humaine. La manière dont la
conscience peut entrer en action, l'atmosphère d'ensemble de la décision
éthique et de la mission morale est dans les deux cas essentiellement
différente. Car ce n'est pas la même chose de se demander si l'agir d'un
individu correspond à la catégorie du naturel, ou bien si elle correspond à sa
responsabilité devant les hommes avec lesquels la communauté matrimoniale entre
en rapport, si elle se montre responsable face à la parole d'un Dieu personnel
qui a donné comme modèle à l'amour des époux la perfection de son amour,
perfection révélée dans celui du Christ pour l'Église (cf. Éph 5, 25-33).
c)
La doctrine concernant la guerre et la paix
La question abondamment
débattue de la position de l'Église à l'égard de la guerre moderne pourra
servir de troisième exemple (2ème partie, chapitre V, section 1). Là
aussi, on ne cherchera évidemment pas à commenter toutes les nuances et tous
les détails qu'offre le texte de la constitution. On se bornera de nouveau à
mettre en lumière la structure de l'argumentation, ce qui pourra faire
apparaître la nouveauté et les avancées du texte. La théologie morale
catholique avait, depuis saint Augustin — là encore à la remorque d'idées
antiques 10 — développé la théorie de la guerre juste afin de
pouvoir soumettre la guerre, elle aussi, à des normes éthiques. Mais le canon
classique des conditions de possibilité de la guerre juste a été profondément
remis en question par la réalité entièrement nouvelle et les aspects terribles
de la guerre moderne. Par ailleurs, ce ne serait pas une simplification moins
dangereuse et moins absurde que de condamner les hommes d'État, et les citoyens
qui leur sont fidèles, qui jugent bon en leur âme et conscience de défendre
leur patrie. Il en a résulté pour l'éthique, et la position éthique du
chrétien, un profond dilemme qui ne fait que rendre encore plus manifeste ce
dilemme fondamental que n'a pas effacé la doctrine de la guerre juste, qui, en
réalité, n'avait pu que le masquer terriblement. Car en considérant bien son
visage réel, et tout ce qu'elle provoque et déchaîne, on doit certainement dire
que toute guerre, « intrinsèquement », mérite d'être condamnée. Car, « intrinsèquement »,
la guerre est toujours quelque chose de tellement effrayant qu'il est difficile
de lui accoler le qualificatif de « juste ». Mais, en même temps, la
solution du désarmement total est irréalisable et l'injustice ne s'en donnerait
pas moins libre cours. Le problème gagne encore en intensité si nous lui
associons, de manière concrète, la question des armes atomiques : les
débats de ces dernières années sont encore dans toutes les mémoires 11.
Devant
cet état de choses, le Concile ne s'est pas cru investi du pouvoir de donner
une instruction univoque et définitive fixant les limites de l'utilisation des
armes modernes même si, en se rattachant à la pensée de Pie XII, il
stigmatisait comme criminelle une utilisation
des armes modernes qui anéantirait sans distinction cités et régions entières 12. On
s'était ainsi éloigné d'une détermination statique de la guerre juste qui
prétendrait fixer avec exactitude et une fois pour toute ce que la guerre juste
peut être et ne peut pas être. D'un côté, une telle détermination aurait certes
eu l'avantage d'énoncer clairement des interdits, mais d'un autre côté, en
attribuant à ce qui reste permis l'étiquette du « juste », elle lui aurait
donné une apparence qui n'aurait pas été acceptable sans réserve. Face à la
nouvelle situation devant laquelle nous nous trouvions désormais, le Concile a
choisi de passer d'une éthique statique de la guerre juste à une éthique dynamique
de l'état d'urgence reconnaissant les complications de notre situation
historique présente caractérisée par un devoir « intrinsèque » qui
est le plus souvent une impossibilité, où l'alternative « tout ou rien »
se révèle finalement moralement destructrice malgré sa logique apparente, où,
enfin, on doit s'efforcer de s'approcher le plus possible de ce qui est authentiquement
juste pour faire respecter un comportement moral qui ne peut atteindre sa
valeur la plus totale. Une telle attitude correspond parfaitement à la
pédagogie de Dieu avec les hommes telle que l'Écriture en témoigne. Il suffit
de se rappeler que Jésus explique à ses disciples que dans la morale
matrimoniale, Moïse n'avait autorisé la répudiation, qui s'opposait à l'ordre
originel, qu'en raison de « votre dureté de cœur » (Mt 19, 8). Cette
dureté de cœur qui rend nécessaire les concessions pour que les hommes
finissent par s'orienter vers leur devoir, n'est pas limitée à l'Ancien Testament.
Le problème de la guerre et de la paix montre qu'elle est bien présente encore
aujourd'hui.
À partir d'un tel point de
départ, on peut seulement dire que le but doit être la paix totale, de faire
fondre les armes pour forger des socs de charrue, de mettre hors la loi toute
guerre (n°78). Mais nous n'en sommes pas encore arrivés là. Si bien que notre attitude
morale doit être de tout faire pour y conduire, rendre possible ce but, ce qui,
concrètement, signifie : se soucier du droit des peuples, établir des
conventions pour humaniser la guerre, renoncer à la puissance des armes partout
où cela est possible, respecter le rejet du service militaire pour motif de
conscience (ce qui implique alors un service civil), travailler au désarmement et,
à l'institution d'une autorité internationale, veiller aux limites de ce qui
est véritablement criminel, appeler les chefs d'État à peser leurs énormes
responsabilités, d'autant plus grandes que les armes sont plus modernes. Face à
cette question si difficile, il faut en appeler à la conscience et à la
responsabilité des experts et de ceux qui sont investis de la confiance des
peuples plutôt que de produire des normes abstraites (n°80).
Peut-être dira-t-on que ce
résultat est bien maigre. Mais n'est-ce pas aussi que notre situation est
pleine d'ambiguïtés, de faiblesses et d'impossibilités ? Je crois que le
texte, malgré son indétermination, est cependant bon parce qu'il invite à ne
jamais tenter que ce qui est possible et au fond exige davantage de cette
manière qu'en réclamant ce qui est incontestablement irréalisable. De nouveau,
comme en matière de mariage ou de morale familiale (même s'il s'agit
naturellement d'une question toute autre), il me semble que le véritable
progrès se situe dans le schéma de pensée qui soutient des déclarations ne
prétendant pas fixer, sur cette question qui dépend de tant d'implications
techniques, politiques et historiques, de règles définitives indépendantes de
l'histoire, mais qui introduit dans le « permis » un facteur de
trouble en le réduisant à une concession provisoire autorisée dans une histoire
qui est dynamique et en laquelle nous sommes encore loin de pouvoir réaliser ce
qui serait au fond la seule chose authentiquement juste.
Si l'on réfléchit un
instant à cette assertion, il saute immédiatement aux yeux qu'elle est très
appropriée pour conduire au plus profond du christianisme à partir d'un point
de vue apparemment presque profane. Car quel abîme ne s'ouvre-t-il par devant
tout agir humain lorsque nous commençons à admettre que notre comportement
moral dans ce domaine — comme en tous les autres d'ailleurs — est bien éloigné
de celui qui est authentique, lorsque nous reconnaissons que la justice que
nous cherchons à édifier n'est qu'un palliatif d'ordre au milieu d'un état de
totale injustice ? Avec quel réalisme et quelle immédiateté la voix de saint
Paul peut nous atteindre alors, lorsque, débarrassés de nos spéculations
protectrices, nous devons admettre que notre justice n'est qu'un dispositif
d'urgence au milieu de toutes nos injustices ! Quel appel à la miséricorde
de Celui qui rend juste les injustes peut-il s'élever à la vue d'une telle
situation ! Le réalisme de l'homme qui fait l'aveu de sa réalité, sans
chercher à l'embellir, porte en soi l'appel caché au mystère de la miséricorde
qui s'est manifesté dans la foi au Christ. Déceler cet appel au Christ dans la
profondeur du cœur humain pour rendre ainsi capables les hommes de l'entendre,
tel était le vœu le plus cher du Concile. Il a tenté, en cette heure historique
qui est la nôtre, d'accomplir de façon neuve le service de la foi comme service
de l'homme et pour l'humanité, afin de servir, en servant l'homme, ce Dieu qui voulut
se faire homme.
Joseph Ratzinger, in Mon Concile Vatican II (Artège)
1.
Les efforts déployés autour de ce schéma ont déjà fait l'objet de multiples publications
théologiques : voir la série éditée par J. B. Metz, Weltverstiindnis
im Glauben, op. cit. ; pour bien comprendre les travaux
du Concile il est également utile de se référer au travail du secrétaire de la
commission théologique, G. Philips, Die Kirche in der Welt von
heute [L'Eglise dans le monde d'aujourd'hui], in :
Concilium 1 (1965) 458-467.
2.
À vrai dire, ce plan n'a jamais été accepté dans son ensemble : le Concile
a — heureusement — renoncé à une systématisation totale de ses affirmations
pour simplement juxtaposer les textes qu'il produisait. Il a ainsi évité les
dangers d'un certain narcissisme ecclésiologique. La constitution sur la
Révélation a surtout permis au discours du Concile sur l'Église d'être ouvert
vers le haut, c'est-à-dire vers le Dieu qui parle, l'Église n'étant alors que
l'auditeur qui écoute : « Verbum Dei religiose audiens »,
« Quand il écoute religieusement la parole de Dieu », c'est
ainsi que commence le texte qui, du coup, résume parfaitement à travers ce
geste de l'écoute l'attitude générale du Concile.
3.
La critique la plus tranchante de cette position (qui ne renferme qu'un aspect
de la pensée de Teilhard) a été formulée par H. U. von Balthasar, Die
Gottvergessenheit und die Christen [L'oubli de Dieu et les chrétiens], in : Hochland
57 (1964/1965), pp. 1-11.
4. Cela ne signifie
naturellement pas que la perte de la dimension symbolique et que la réduction
de l'être à l'utilité technique constituent un progrès du rapport véritable au
réel. Voir sur ce point J. Ratzinger, Die sakramentale Begründung der
christlichen Existenz [La fondation sacramentelle de l'existence chrétienne], Freising,
1966.
5. n°36 : « C'est
en vertu de la création même que toutes choses sont établies selon leur
consistance, leur vérité et leur excellence propres, avec leur ordonnance et
leurs lois spécifiques, nomme doit respecter tout cela et reconnaître les
méthodes particulières à chacune des sciences et techniques. (...) À ce propos,
qu'on nous permette de déplorer certaines attitudes qui ont existé parmi les
chrétiens eux-mêmes, insuffisamment avertis de la légitime autonomie de la
science. Sources de tensions et de conflits, elles ont conduit beaucoup
d'esprits jusqu'à penser que science et foi s'opposaient ». n°42 « Certes,
la mission propre que le Christ a confiée à son Église n'est ni d'ordre
politique, ni d'ordre économique ou social : le but qu'il lui a assigné
est d'ordre religieux ». Application au domaine politique au n°76 : « L’Église,
qui en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d'aucune manière
avec la communauté politique et n'est liée à aucun système politique, est à la
fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne
humaine. Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et
l'Église sont indépendantes l'une de l'autre et autonomes ».
6.
Je me suis efforcé de présenter de manière plus détaillée ces
éléments dans mon travail Der Christ und die Welt von
heute [Le chrétien et le monde d'aujourd'hui], in J.
B. Metz, op. cit. (cf. note 5), pp. 143-160, et en particulier pp. 157 sv.
7. Voir J. Stelzenberger, Die
Beziehungen der frühchristlichen Sittenlehre zur Ethik der Stoa [Les relations
de la morale chrétienne de l'Antiquité à l'éthique stoïcienne], Munich,
1933 ; M. Spanneut, Le stoïcisme des Pères, Paris, 1957 ; J. Rief,
Stoizismus [Le stoïcisme], in : L.Th.K. X, 1088-1090.
8. Voir C.I.S. Can. 1013 §
1 : « Matrimonii finis primarius est procreatio atque educatio
prolis [La fin première du mariage est la procréation et l'éducation des
enfants] ». Voir H. Volk — R. Angermair, Ehe [Mariage], in : L.Th.K.
III, 680-690.
9. Ce sont surtout des
évêques africains qui, après la discussion du texte, ont fait part, sur le mode
de la conversation, du danger afférent. En fait, on devra dire que le point
d'ancrage personnaliste de la théologie moderne du mariage risque de méconnaître
le sens essentiellement social du mariage et menace de tomber — d'une autre
façon — dans des constructions étrangères et au réel et à la Révélation.
10.
Voir par exemple le Pseudo-Aristote (Anaximène), Ad
Alex. (éd. Bekker, t. II,
1425, 10 sv.) ; R. Hauser, Krieg
[Guerre], in : L. Th,.K. VI, 640-643.
11.
Voir par exemple l'ouvrage collectif Atomare Kampfmittel und
christliche Ethik. Diskussionbeitriige deutscher Katholiken [Armes atomiques et
éthique chrétienne. Contributions à la discussion des catholiques allemands], Munich,
1960 ; Kann der atomare Verteidigungskrieg ein gerechter Krieg sein ?
[La guerre défensive atomique peut-elle être une guerre juste ?], in
Studien u. Berichte der Kath. Akademie in Bayern [Études et
rapports de l'Académie catholique de Bavière], cahier
10, Wurtzbourg, 1960 ; bibliographie plus large in : L.Th.K.
VI, 643.
12. N° 80 §4 : « Tout
acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou
de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre
l'homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation ».
On trouve les mêmes propos chez Pie XII, Allocution du 30 septembre
1954, A.A.S. 46 (1954) 589. D'autres références dans la note 2 de la
Constitution. À cause des tendances apparemment pacifistes du texte des n°80 et
81, le cardinal Spellmann ainsi que neuf autres Pères conciliaires avant le
vote final, avait dans une lettre ouverte réclamé le rejet de tout le chapitre
sur la guerre et la paix, voire de tout le schéma. Dans un mémoire opposé, Mgr
Garrone, à qui incombait la rédaction de l'ensemble du schéma, et Mgr Schröffer,,
qui présidait la sous-commission permanente, rejetaient les reproches infondés.
Néanmoins le chapitre recueillit 483 voix négatives, contre 1710 positives et 8
nulles. Le succès d'ensemble du schéma ne pouvait dès
lors plus être mis en danger par cette action.