La douceur est
bonté généreuse, libéralité
de Dieu à l'égard de son peuple, mansuétude de Jésus-Christ envers les hommes.
Le Seigneur redouble d'attention bienveillante envers le fautif pour l'aider à
se convertir, il soigne à la manière du bon Samaritain. Bon pasteur, il
s'échine à retirer les épines de la brebis perdue. En contraste, loin de la
douceur voulue par les Béatitudes, confessons notre fermeture d'esprit, notre
dureté de cœur envers le prochain quand la douceur est bienveillance foncière
envers lui, soucis affectueux, délicatesse et service. On est loin des « feintes douceurs, des douceurs
dédaigneuses, pleines d'une fierté cachée ; ostentation et affectation de
douceur, plus désobligeante, plus insultante que l'aigreur déclarée » (Bossuet), dont le chrétien peut
s'enticher. Ce style compassé porte préjudice car il manque de naturel, de
grandeur d'âme et d'humilité propres à la douceur.
En effet
l'humilité est la source de la véritable douceur. Aussi le modèle du maître doux et
humble préfiguré par Moïse, « le plus doux des hommes », a-t-il profondément marqué les
disciples ; non une humilité douceâtre mais l'humilité forte du roi « humble et monté sur un ânon ».
Car la douceur est
la force même de Dieu, force qui, voulant nous éviter d'enfler comme un bœuf,
nous fait devenir « comme
cet âne sur lequel le Seigneur était assis et qui ne prenait pas pour lui les
hosanna qui s'adressaient au Fils de Dieu » (St Augustin). La douceur est donc
d'abord humble reconnaissance de soi, complaisance en Dieu plus qu'en soi. « Fleur de la charité » (St François de Sales), la douceur
remédie à l'orgueil.
« Il faut tout faire par amour et non par force ». La douceur apparaît alors comme
maîtrise de soi. C'est elle qui domine les instincts d'agressivité, modère,
permet prudence et compassion à l'égard d'autrui. Pour réduire un fond
orgueilleux et colérique, rien ne vaut la prière, en ondes douces, envers les
proches ou envers soi-même, pour cesser de se dépiter des imperfections. Loin
de la complaisance relativiste, la douceur de Dieu est sans faiblesse. Elle est
le fait d'un amour fort et exigeant conformé à la douceur du Christ. C'est
celle de saint Étienne parlant sans colère ni arrogance à ses bourreaux qui
reconnaissent en lui le visage d'un ange. Vertu chrétienne qui conforme au
Christ, la douceur devient la parure de l'Église-épouse qui trouve son égalité
d'âme dans une vie spirituelle tournée vers la contemplation.
Enfin, la
douceur apparaît missionnaire. Elle
permet d'affronter les loups. Elle se déploie dans un cœur magnanime qui ne
craint pas de se donner jusqu'à l'héroïsme. Vertu énergique en liaison avec
l'audace de la prédication évangélique, elle est liée au martyre. Elle prend la
défense du prochain sans revendication personnelle tel saint Maximilien Kolbe.
Indice d'une grande force d'âme, elle commande la vie apostolique. C'est
pourquoi, à l'image de l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde, les
apôtres sont eux-mêmes envoyés « comme des agneaux au milieu des loups ».
Don Montfort de Lassus, in Sub Signo Martini n°62