vendredi 8 mai 2015

En continuant... Albert Chapelle, Humanae Vitae et Donum Vitae

Les analogies et références de ces deux documents sont nombreuses. Elles intéressent l'histoire ; elles concernent la doctrine morale prêchée par le Magistère romain en cette dernière partie du XXe siècle. Nous laisserons ici de côté les contextes historiques, la préparation des textes, l'autorité magistérielle des deux documents et même leurs enjeux spirituels et ecclésiaux. Nous présenterons une étude des contenus doctrinaux de l'Encyclique (1968) et de l'Instruction (1987).
Cette relecture de Donum vitae à la lumière de Humanae vitae montre la continuité de l'enseignement magistériel. Son développement aussi. L'Instruction évalue moralement les fécondations artificielles à la lumière du même principe qui conduisait l'Encyclique à considérer comme « intrinsèquement déshonnête » la contraception, même par voie orale. Mais de plus l'Instruction, s'appuyant sur Familiaris consortio et sur la catéchèse de Jean-Paul II, montre le fondement de ces déterminations morales dans la nature et la dignité personnelles de l'embryon humain et de sa procréation.
Une comparaison précise est nécessaire pour illustrer « la continuité et le progrès » entre les enseignements de ces documents. Notre propos suivra le fil de Donum vitae.
Dans cet exposé, nous nous limiterons au commentaire de l'Introduction et de la Deuxième partie de l'Instruction : l'analogie avec Humanae vitae y est explicite. Nous laisserons de côté les apports neufs de la Première partie sur la dignité personnelle de l'embryon humain. Nous renonçons aussi à traiter de la Troisième partie et de la distinction opérée, en vertu de la dignité de la personne humaine, entre loi morale et législation civile.
La référence à la personne constitue l'horizon dans lequel l'Instruction médite les exigences morales du respect de l'embryon et de la procréation ; la dignité personnelle de tout être humain implique et suppose la dignité personnelle de la génération humaine.
1/ L'Introduction de Donum Vitae
L'Introduction illustre ce propos. La doctrine de la personne y constitue une des plus remarquables nouveautés par rapport à Humanae vitae. Il faut, pour s'en convaincre, reprendre d'abord les termes de l'Encyclique de 1968 et méditer ensuite les fondements doctrinaux élaborés dans l'Introduction de Donum vitae. L'analogie entre les déclarations magistérielles sur la contraception et celles sur la fécondation artificielle s'éclaire et se fonde d'une façon renouvelée dans cette doctrine « de la nature et de la personne » (Familiaris Consortio FC, 32).
Humanae vitae caractérisait l'amour conjugal en termes de « communion des personnes » (Humanae Vitae HV, 18) et parlait de l'« amitié personnelle entre les époux » (HV, 9). L'Encyclique reconnaissait aussi « dans le pouvoir de donner la vie, des lois biologiques qui font partie de la personne humaine » (HV, 10)1. Ces allusions ne suffisaient cependant pas à fonder dans une métaphysique de la personne la réflexion de Paul VI sur l'amour conjugal et la paternité responsable.
Certains avaient cru voir dans cette discrétion de Humanae vitae à propos de la personne humaine un recul par rapport à Gaudium et spes et à Vatican II. Il est sûr que la première partie de la Constitution pastorale s'était construite autour de la « dignité de la personne humaine » (ch. I, 12-22). Le chapitre consacré à la dignité du mariage et de la famille avait invoqué à plusieurs reprises la personne (47, 1)2. Selon Gaudium et spes, le consentement des personnes (48, 1) fait l'alliance matrimoniale, si précieuse au « progrès personnel » comme « au sort éternel de chacun des membres de la famille » (ibid.). L'amour conjugal y est décrit en termes personnalistes : « il va d'une personne vers une autre personne et enveloppe le bien de la personne tout entière » (49, 1) : il atteste l'égale dignité personnelle (49, 2) de l'homme et de la femme. Cependant la Constitution conciliaire, à la différence de ce que dira FC, 18, n'avait pas parlé de la procréation en termes personnels. Les enfants n'y avaient pas été expressément désignés comme des personnes 3. Elle avait traité de l'amour conjugal en termes personnalistes, mais n'avait pas considéré le parenté responsable dans la même lumière. À la seule exception peut-être de ce passage : « lorsqu'il s'agit de mettre en accord l'amour conjugal avec la transmission de la vie, la moralité du comportement ne dépend donc pas de la seule sincérité de l'intention et de la seule appréciation des motifs, mais elle doit être déterminée selon des critères objectifs tirés de la nature de la personne et de ses actes, critères qui respectent, dans un contexte d'amour véritable, la signification totale d'une donation réciproque et d'une procréation humaine » (Gaudium et Spes GS, 51, 3).
Les regrets énoncés à propos de l'absence de personnalisme dans Humanae vitae ont ainsi quelque chose d'anachronique. En fait Gaudium et spes n'avait pas unifié la réflexion théologique : le caractère personnel de l'amour des époux n'avait pas éclairé la dignité personnelle des enfants, de leur procréation, de la paternité responsable. Cette affirmation peut surprendre. Elle est si vraie que certains experts conciliaires ont cru trouver dans la dignité personnelle de l'amour conjugal des raisons qui pouvaient légitimer, ou du moins interdire de condamner, au nom de la paternité responsable, certaines pratiques contraceptives. L'étonnement sera grand (et chez certains, la déception), quand Paul VI verra dans la connexion naturelle entre amour conjugal et « paternité consciente » le principe et fondement de la récusation morale de toute intervention contraceptive. Il sera dit que l'Encyclique était moins personnaliste que le Concile. La discrétion de Humanae vitae sur la personne apparaîtra à certains ruineuse de son argument, sinon de son enseignement. Plus d'un ne reconnaîtra d'ailleurs pas dans l'Encyclique la considération métaphysique de la nature, de ses fins et de ses actes propres et méconnaîtra dès lors la portée rationnelle et morale de son argumentation traditionnelle.
Il appartiendra à l'enseignement de Jean-Paul II, à celui de Familiaris consortio et des catéchèses du mercredi, de redire en termes de personne et de communion, non seulement l'amour conjugal, mais encore la procréation des enfants (FC, 15), la connexion de ces biens et toute la vie familiale (FC, 16, 18, 19)4. L'Instruction Donum vitae dit en conséquence de cet enseignement : « La procréation humaine demande une collaboration responsable des époux avec l'amour fécond de Dieu ; le don de la vie humaine doit se réaliser dans le mariage moyennant les actes spécifiques et exclusifs des époux, suivant les lois inscrites dans leurs personnes et dans leur union » (DV, Introd., 5). Toute l'Instruction est marquée de ce sceau de la personne.
L'examen des critères moraux fondamentaux présentés dans l'Introduction est éloquent. La première page évoque les « valeurs et les droits de la personne humaine ». Le terme a pour le moins une signification morale et juridique. Mais sa pertinence métaphysique apparaît aussi dès le premier paragraphe : « Le Magistère de l'Eglise entend proposer la doctrine morale qui correspond à la dignité de la personne et à sa vocation intégrale ». Dignité et vocation (GS, 12), condition naturelle et vocation intégrale de l'homme (GS, 11) : ces expressions de Gaudium et spes et de Dignitatis humanae reprennent la thématique traditionnelle de la destinée surnaturelle de l'homme, « personne dotée d'une âme spirituelle, de responsabilité morale et appelée à la communion bienheureuse avec Dieu » (Donum Vitae DV, Introd., citant DH, 2). La dignité de la personne, selon le chapitre I de Gaudium et spes et la Déclaration Dignitatis humanae personae, est le lieu où la nature humaine s'accomplit comme être d'esprit et est ordonnée à sa fin 5 ; elle est appelée au-delà d'elle-même à la « communion » de la grâce et de la béatitude avec Dieu 6.
La « personne humaine » et les « valeurs morales » où s'atteste son bien indiquent à la science et à la technique leurs finalités et leurs limites. « La science et la technique requièrent, pour leur signification intrinsèque..., le respect inconditionné des critères fondamentaux de la moralité ;... elles doivent être au service de la personne humaine, de ses droits inaliénables, de son bien véritable et intégral, conformément au projet et à la volonté de Dieu » (DV, Introd., 2 ; cf. FC, 8). Sciences et techniques sont des activités humaines à évaluer moralement, conformément à la dignité de la personne humaine ; elles doivent la servir dans le respect de ses droits moraux et juridiques, en vue du bien correspondant à sa vérité native et à sa vocation intégrale, suivant le Dessein divin. Le concept métaphysique de la personne aide à fonder dans la dignité et la fin de celle-ci les « critères fondamentaux de la moralité » (FC, 8).
C'est en ce sens que l'Instruction parle de la « nature de la personne humaine » et évoque sa « dimension corporelle »7 pour « éclairer les problèmes posés aujourd'hui dans le cadre de la biomédecine ». Les données anthropologiques sont évoquées en référence à la « personne humaine » (DV, Introd., 3) qui « s'exprime et se manifeste » à travers son corps. Dès lors, « la loi morale naturelle exprime et prescrit les finalités, les droits et les devoirs qui se fondent sur la nature corporelle et spirituelle de la personne humaine ». C'est pourquoi toute « intervention sur le corps », en engageant la personne elle-même, comporte une signification morale. Pour concourir au « bien intégral de la vie humaine, biologie et médecine ont « à venir en aide à la personne... dans le respect de sa dignité de créature de Dieu ».
Cette norme doit s'appliquer dans le domaine de la sexualité et de la procréation (ibid.). Ceux-ci sont la source et comme le sommet de la vie corporelle, les lieux où l'homme et la femme mettent en œuvre les valeurs personnelles de l'amour et de la vie. L'ordre de la personne, de ses valeurs et de ses significations naturelles détermine la moralité de l'union sexuelle et de la procréation. C'est suivant ce critère rationnel que sont évaluées moralement les procréations artificielles : « par référence à la dignité de la personne humaine et de sa vocation divine au don de l'amour et de la vie » (ibid.).
Ces lignes sont caractéristiques de la pensée immanente à notre document. C'est celle de Jean-Paul II : l'anthropologie et la morale thomistes s'y retrouvent enrichies de données phénoménologiques (le corps comme manifestation et expression) et d'une métaphysique de la personne. La théologie du corps et de la rédemption y retrouve ses sources dans le Mystère de Dieu Créateur et Père. Le Verbe incarné y révèle en sa Personne la vérité de Dieu et la vérité de l'homme. Donum vitae ne développe pas ces considérations. Il faut se reporter à l'Exhortation apostolique Familiaris consortio pour obtenir une intelligence plénière du document et de ses implications d'ordre doctrinal et sacramentel, pastoral et spirituel. En dehors de cette référence à Familiaris consortio, l'Instruction ne livre pas tout son sens chrétien. La référence à Humanae vitae n'y suffit pas 8.
C'est en rapport avec la personne que Donum vitae formule les deux critères fondamentaux pour un jugement moral relatif aux « techniques de procréation artificielle humaine » (DV, Introd., 4).
a/ « Le droit à la vie de l'être humain appelé à l'existence » est inviolable « depuis le moment de la conception jusqu'à la mort » en signe et comme une exigence de l'inviolabilité de la personne, à laquelle le Créateur a fait don de la vie.
b/ « La transmission de la vie humaine a son originalité propre qui dérive de l'originalité même de la personne humaine » (ibid.). « Le don de la vie humaine doit se rechercher dans le mariage moyennant les actes spécifiques et exclusifs des époux, suivant les lois inscrites dans leur personne et leur union » (ibid., 5) « dans un contexte d'amour véritable », en respectant « le sens intégral de la donation mutuelle » inscrite dans la procréation humaine comme dans l'union des époux.
Tel est le terme de l'Introduction de Donum vitae. Nous laissons ici la première section et sa considération de la dignité personnelle de la vie humaine embryonnaire. Nous considérons maintenant la seconde section de l'Instruction et son propos sur la dignité personnelle de la procréation humaine. La première réflexion éclaire la seconde. Il faut éprouver celle-ci dans ses relations avec Humanae vitae.
2. Interventions sur la procréation humaine
L'Instruction entend « par procréation ou fécondation artificielle, les diverses procédures techniques destinées à obtenir une conception humaine d'une manière autre que par l'union sexuelle de l'homme et de la femme ». Pour les évaluer moralement, elle se réfère au mariage. L'institution matrimoniale, ses biens et ses actes spécifiques offrent traditionnellement les critères du discernement éthique en matière de sexualité comme de procréation. C'est à la lumière de l'institution matrimoniale et de l'union conjugale que Humanae vitae avait apprécié négativement les nouvelles méthodes de contraception orale. Le discernement de Donum vitae sur les récentes procréations artificielles s'inscrit dans la même tradition. Aussi le premier discernement du texte porte-t-il sur la pratique de ces fécondations en dehors ou à l'intérieur du mariage. Le document traite successivement des procréations artificielles hétérologues puis homologues.
a/ Fécondations artificielles hétérologues
La question des fécondations artificielles hétérologues (II A, 1-3) est ainsi posée en référence à l'unité du mariage : « La fidélité des époux dans l'unité du mariage comporte le respect réciproque de leur droit à devenir père et mère, l'un par l'autre » (DV, II, 1).
La fides est un des biens du mariage selon Augustin et le Concile de Florence. Suivant Casti connubii (I, 2), elle est le « bien de la fidélité, de la foi et de la chasteté ». Ce thème s'était développé canoniquement à travers la « propriété » de l'« unité » du mariage (Code de Droit Canonique CIC, c. 1056) et pastoralement sous le signe de l'amour des époux (GS, 48 ; HV, 8 et 9 ; FC, 19). Donum vitae précisera que l'amour des époux dans l'unité du mariage ne les enrichit pas seulement l'un par l'autre de leur don mutuel (GS, 48-49), mais encore du « don de leur enfant », « confirmation et accomplissement de leur donation réciproque » (DV, II, 1). Cette réflexion conduit « à un jugement moral négatif sur la fécondation artificielle hétérologue » (DV, II, 2). Nous risquerons-nous à dire que l'ensemble ou du moins la grande majorité des théologiens catholiques a reçu cette doctrine comme certaine ?
Que l'enfant, et non seulement la relation conjugale, soit compris comme un don, voilà qui était déjà clair dans Gaudium et spes : « Les enfants sont le don le plus excellent du mariage » (GS, 50, 1, cité dans HV, 9). Humanae vitae avait considéré la procréation responsable comme un prolongement de l'amour conjugal et comme un don — don mutuel (HV, 8-9) et don de Dieu (HV, 13). Cependant malgré la citation conciliaire, l'Encyclique n'avait pas développé ce thème de l'enfant comme don. C'est en revanche le propos de Donum vitae : « Tout être humain doit être accueilli comme un don et une bénédiction de Dieu » (DV, II, 1 : il s'agit de l'enfant). « L'enfant n'est pas un dû et il ne peut être considéré comme objet de propriété : il est plutôt un don — le plus grand — et le plus gratuit du mariage, témoignage vivant de la donation réciproque de ses parents » (DV, II, 8). En citant Gaudium et spes (50), et Familiaris consortio (14), l'Instruction apprend à voir dans l'enfant comme un « être de don » (DV, II, 8), don de Dieu attesté comme « confirmation et accomplissement » (DV, II, 1), « fruit » (DV, II, 1, 4), « signe » (DV, II, 1) et « témoignage » (DV, II, 8) de la donation mutuelle de ses parents (DV, II, 1)9.
Si l'enfant est un « être de don », c'est – pouvons-nous comprendre – qu'il est expressément évoqué comme une « personne nouvelle » (DV, II, 1). La génération humaine est « procréation de la personne humaine » (DV, II, 3). Cette désignation de l'enfant comme personne (déjà soulignée à propos de l'embryon dès sa conception : DV, 1, cf. supra) constitue (depuis FC, 18) un accent neuf dans la réflexion du magistère. Il est parlé de « maturation de l'identité personnelle » de l'enfant (DV, II, 2) ; celui-ci est uni à ses parents dans une même « dignité personnelle » (DV, II, 1). Les « relations personnelles » (DV, II, 2) à l'intérieur de la famille désignent les parents et les enfants. Regarder d'emblée l'enfant comme une personne — et non pas seulement comme individu physique ou un sujet de droit — amène à considérer sa procréation comme un acte personnel autant que naturel. Comme l'Exhortation Familiaris consortio, Donum vitae introduit une dimension nouvelle dans l'intelligence du bonum prolis. À la différence des documents magistériels antérieurs, la procréation et l'éducation des enfants (comme l'amour conjugal, depuis Gaudium et spes) sont maintenant appréciés dans les termes de « relations personnelles » entre les époux et leurs enfants (cf. FC, 36-37). Entre eux tous, l'égale dignité de personnes.
La procréation de l'enfant dans le mariage est ainsi pensée selon Donum vitae en termes d'« origine » (DV, II, 4) et de « don » de la « personne ». Cette conception de la personne comme être de don, en référence « naturelle » à son origine 10 est insinuée dès les paragraphes consacrés aux fécondations artificielles hétérologues ; elle devient décisive dans l'évaluation morale de la « fivete » homologue.
b/ Fécondations artificielles homologues
La fécondation artificielle homologue est appréciée par Donum vitae en référence étroite, on le sait, à l'Encyclique Humanae vitae. Celle-ci avait « réaffirmé » et « réexposé » l'enseignement de la tradition (FC, 29) : « Il est nécessaire que tout usage du mariage demeure par soi destiné à la procréation de la vie humaine » (HV, 11)11.
Cette doctrine s'appuyait dans l'Encyclique sur une argumentation nouvelle. Celle-ci concernait moins l'institution matrimoniale et ses fins que l'acte conjugal et ses significations. Humanae vitae avait pris acte de la réflexion éthique de Gaudium et spes, plus attentive à l'amour des époux qu'à la seule détermination juridique du contrat matrimonial, de ses droits et des devoirs. L'Encyclique assumait pareillement la relative discrétion de la Constitution pastorale sur la doctrine classique des biens et des fins du mariage. La tradition n'en serait pas pour autant prescrite. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi devait en effet rappeler la position de la Commission conciliaire des modi : « Dans un texte de caractère pastoral qui vise à établir un dialogue avec le monde, il n'y a pas besoin d'éléments juridiques... En tout cas, l'importance primordiale de la procréation et de l'éducation est exprimée au moins dix fois dans le texte ». C'est pour ce motif, explique la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, que la Commission a déclaré refuser l'insertion d'un amendement comportant la mention explicite de la distinction hiérarchique des fins du mariage 12. Comme le dira Jean-Paul II, le 10 octobre 1984 :
La doctrine de la Constitution Gaudium et spes et de même celle de l'Encyclique Humanae vitae projettent une lumière sur le même ordre moral (de la vie des époux) dans leur référence à l'amour entendu comme force supérieure qui confère contenu et valeur adéquats aux actes conjugaux, selon la vérité des deux significations, l'unitive et la procréative, en plein respect de leur caractère inséparable. Dans cette perspective rénovée, l'enseignement traditionnel sur les fins du mariage (et leur hiérarchie) se trouve confirmé et en même temps approfondi du point de vue de la vie intérieure des croyants, c'est-à-dire de la spiritualité conjugale et familiale. 13
La spécificité de Humanae vitae à l'intérieur de la tradition morale se caractérise ainsi par son point de vue formel sur la vie conjugale et ses actes propres. C'est dans cette perspective que l'Encyclique confirme et approfondit l'enseignement traditionnel sur l'institution matrimoniale et que Paul VI parle des significations immanentes à l'acte conjugal plutôt que des biens ou des fins du mariage.
L'affirmation centrale de Humanae vitae porte, on le sait, « sur le lien (nexus) indissoluble que Dieu a voulu (statuit) et que l'homme ne peut rompre de sa propre initiative (sua sponte) entre les deux significations de l'acte conjugal : union (imitas) et procréation. En effet, par sa structure (ratio) intime, l'acte conjugal (conjugii) en même temps qu'il unit profondément les époux, les rend aptes à la génération d'une nouvelle vie, selon les lois inscrites dans l'être (natura) même de l'homme et de la femme » (HV, 12, cité dans FC, 32). Les significations de l'acte conjugal se tirent de la structure intelligible (ratio) de l'acte matrimonial. Celui-ci est le lien renouvelé des époux et la capacité effective de génération en vertu des lois inscrites dans la condition sexuée et la nature spirituelle de l'homme et de la femme. Les développements de l'Encyclique sur l'amour conjugal (HV, 8-9) et la paternité responsable (HV, 10-11) imposent cette interprétation, exclusive de toute réduction objectivante ou matérialiste (cf. FC, 32).
Ces lignes constituent un point central de la déclaration doctrinale de Humanae vitae 14 ; elles sont aussi le point de départ du raisonnement de Donum vitae quant aux fécondations artificielles homologues. Cependant l'Instruction réfère aussi le propos de l'Encyclique à l'ensemble de la tradition. D'où ces passages qui inscrivent l'enseignement sur les significations de l'acte conjugal (Humanae vitae) dans la perspective de l'enseignement traditionnel sur les biens (Casti connubii) et donc la nature du mariage (cf. FC, 32 in fine) 15.
L'instruction DV, II, 4 énonce plusieurs fois cette doctrine complexe : « L'enseignement de l'Église sur le mariage et la procréation humaine affirme le lien indissoluble que Dieu a voulu, et que l'homme ne peut rompre de sa propre initiative, entre les deux significations de l'acte conjugal (HV, 12) ». Ce principe moral est « fondé sur la nature du mariage et la connexion intime de ses biens ». C'est pourquoi le « lien entre les significations de l'acte conjugal et les biens du mariage » constitue un critère moral de la vie conjugale des époux et un principe d'intelligibilité de leur union. La doctrine traditionnelle des biens du mariage se trouve ainsi confirmée et approfondie à l'aide de la réflexion conciliaire et pontificale sur les significations de l'acte conjugal ou les motivations des époux. Donum vitae unifie ainsi (comme Familiaris consortio) les doctrines de Casti connubii, de Gaudium et spes et de Humanae vitae.
C'est avec cette précision que l'Instruction rappelle la prise de position bien connue de Humanae vitae sur le plan de la paternité et de la maternité responsables 16 et qu'elle entend éclairer le problème moral des fécondations artificielles homologues.
Le procédé en a étonné plusieurs. La fécondation artificielle n'a-t-elle pas pour effet la procréation d'une nouvelle vie humaine dont le refus était stigmatisé par Paul VI ? Le paradoxe surprend ceux qui s'en tiennent à une lecture technique et objectivante des comportements physiques, sans procéder à une analyse morale des actes humains. Il faut entendre ceux-ci comme des actes volontaires, dégager l'objet voulu qui les spécifie et les référer aux normes fondamentales de la moralité pour rendre intelligible ce propos déjà ancien de Pie XII : « Il n'est jamais permis (moralement) de séparer (volontairement) ces divers aspects (essentiels de l'acte conjugal), au point d'exclure positivement, soit l'intention procréatrice (comme dans la contraception), soit le rapport conjugal (quand est voulue une procréation humaine d'une manière autre que par l'union sexuelle des époux) »17.
Le texte de Donum vitae est connu : « La contraception prive intentionnellement l'acte conjugal de son ouverture à la procréation, et opère par là une dissociation volontaire des finalités du mariage » (DV, II, 4). Cette reprise de Humanae vitae parle de « finalités », terme qui suggère en plus des « significations » l'inclination du vouloir et le poids du réel. « La fécondation artificielle homologue, poursuit l'Instruction, en recherchant une procréation qui n'est pas le fruit d'un acte spécifique de l'union conjugale, opère objectivement une séparation analogue entre les biens et les significations du mariage » (ibidem). Qu'il s'agisse de la contraception ou de la fécondation artificielle, le raisonnement explicite l'objet moral d'un acte volontaire (« prive intentionnellement »... opère une dissociation volontaire... recherchant une procréation... opère objectivement une séparation analogue »). Il ne s'agit pas formellement de performance physique ou de réussite technique, mais du jugement moral porté sur un acte humain rationnel qui se porte librement vers l'objet qui le détermine moralement. Puisque l'être humain est un être d'esprit, Donum vitae, comme Humanae vitae et la tradition morale, peuvent faire abstraction des circonstances et des intentions pour décrire un objet librement voulu et en définir la nature, la signification et la valeur morale.
« La fécondation est licitement voulue quand elle est le terme d'un acte conjugal apte de soi à la génération, auquel le mariage est destiné par sa nature et par lequel les époux deviennent une seule chair »18. Mais la procréation est moralement privée de sa perfection propre quand elle n'est pas voulue comme le fruit de l'acte conjugal, c'est-à-dire du geste spécifique de l'union des époux (DV, II, 4a).
L'argumentation de Donum vitae s'est jusqu'à ce point articulée tout entière en référence aux principes doctrinaux de Humanae vitae. Le lien entre les significations de l'acte conjugal, est-il simplement précisé (4a), est celui des biens du mariage. Ce lien, institué par Dieu, est-il encore explicité, est d'ordre moral. L'homme ne peut volontairement le rompre sous peine de vouloir librement ce qui le prive de sa perfection propre et est ainsi contraire à sa dignité, à sa vocation et à sa fin ultime. Jusqu'ici, le discernement de l'Instruction se présente comme analogue à l'enseignement de l'Encyclique. Mais, de surcroît, cette doctrine va se trouver réexprimée dans les termes de la métaphysique de la personne caractéristique de l'Exhortation Familiaris consortio et de la Catéchèse de Jean-Paul II.
Le lien intime entre les biens du mariage et les significations de l'acte conjugal a une signification morale : voulu par Dieu, il s'impose au respect de l'être humain. Il appartient en effet à l'ordre des fins et relève par là de la nature de la personne humaine. C'est ce que Donum vitae tente de manifester. Son raisonnement peut se schématiser comme suit.
— Les significations de l'acte conjugal en sont aussi les valeurs.
— Ces significations et ces valeurs sont d'ordre corporel : elles « s'expriment dans le langage des corps ». Ceux-ci disent de manière articulée et élémentaire la distinction de ces significations sponsales et parentales : ils en prononcent aussi l'intime unité 19. « C'est dans leur corps et par leur corps que les époux consomment leur mariage et peuvent devenir père et mère » (DV, II, 4b).
— La référence de l'acte conjugal à la consommation du mariage en suggère la portée juridique et historique. L'acte conjugal ne se réduit pas à une étreinte sexuelle : il a valeur d'engagement libre et moral. Le langage des corps est celui d'êtres humains qui s'expriment réciproquement leur amour personnel.
— L'acte conjugal est « inséparablement corporel et spirituel ». Ses significations physiques relèvent encore de l'ordre de l'esprit et donc du don (cf. FC, 32). L'union et la procréation sont à comprendre non seulement comme des significations et des valeurs, mais encore comme des dons, puisqu'elles sont des biens, avant même d'être des fins. « L'acte conjugal, par lequel les époux se manifestent réciproquement leur don mutuel, exprime aussi l'ouverture au don de la vie » (DV, II, 4b).
— Le lien corporel et spirituel entre le don de l'amour et le don de la vie caractérise spécifiquement la sexualité des personnes humaines, êtres d'esprit, êtres de don 20. Ce lien est lui-même un bien personnel. Son respect s'impose moralement en vertu de la logique du don qui anime l'amour personnel des époux. « Pour respecter le langage des corps et leur générosité naturelle, l'union conjugale doit s'accomplir dans le respect de l'ouverture à la procréation » (DV, II, 4b) sous peine de contrarier l'ordre corporel et spirituel où se fonde et s'accomplit l'unité personnelle de l'être humain.
— Du caractère personnel de l'amour conjugal, l'Instruction passe alors au caractère personnel de la procréation humaine, et ce en vertu de la logique et du dynamisme de l'amour. « Qui aime vraiment son conjoint (disait HV, 9) ne l'aime pas seulement pour ce qu'il reçoit de lui, mais pour lui-même, heureux de pouvoir l'enrichir du don de soi ». Cette générosité et cette gratuité de l'amour se redoublent dans la génération par laquelle les époux se rendent père et mère en offrant à chacun et en s'ouvrant ensemble au « don le plus grand et le plus gratuit » du mariage (DV, II, 8 citant GS, 50) : la nouvelle personne humaine de l'enfant (cf. FC, 22). Pour Donum vitae en effet (cela a déjà été noté), l'enfant est expressément une personne, comme ses parents. Sa seule présence montre en lui le terme de l'amour des époux. Il en est la fin, comme il en est le fruit et le don le meilleur. Or la personne se définit par son origine. Celle-ci, pour être digne de la personne humaine, doit résulter de l'amour personnel de ses parents dans une procréation liée à l'union corporelle et spirituelle des époux unis par le lien du mariage (DV, II, 4b, citant Pie XII) 21. La réflexion sur le « respect de l'unité de l'être humain » fonde ainsi dans la communion des personnes le respect moralement dû au lien naturel « voulu par Dieu et que l'homme ne peut rompre » (HV, 12) entre les significations unitive et procréative de l'acte conjugal.
Cette méditation ré-exprime en termes nouveaux la doctrine des biens du mariage. Un des fruits de cette ré-élaboration est de réfléchir à partir de l'enfant lui-même sur la procréation conforme à la dignité de la personne humaine (DV, II, 4c). Cette argumentation ne dépend plus seulement des principes doctrinaux de Humanae vitae. Elle s'appuie sur la réinterprétation de Familiaris consortio qui étend la doctrine personnaliste de Gaudium et spes à la procréation de l'enfant.
« Dans son origine unique, non réitérable, l'enfant devra être respecté et reconnu égal en dignité personnelle à ceux qui lui donnent la vie. La personne humaine doit être accueillie dans le geste d'union et d'amour de ses parents ». Ainsi l'enfant sera-t-il associé à leur communion sans être soumis à la domination qu'instituerait une quelconque technique de reproduction. Une tension, sinon une contrariété, est ici à relever entre la volonté de puissance et de domination immanente au mouvement des sciences et des techniques et la symbolique du respect et de la gratuité constitutive de l'amour conjugal et familial 22. À cet effet, Donum vitae précise, du point de vue de la personne de l'enfant, une grande affirmation de Humanae vitae, 13 (« Nous ne sommes pas les maîtres des sources de la vie, mais plutôt les ministres du dessein établi par le Créateur » ; cf. GS, 50, 2) : « La génération d'un enfant devra être le fruit de la donation réciproque qui se réalise dans l'acte conjugal où les époux coopèrent comme des auteurs et non comme des maîtres à l'œuvre de l'Amour créateur ». La génération digne de la personne de l'enfant doit s'opérer dans une procréation issue de l'amour des personnes et destinée à élargir et renouveler leur communion.
Cette reprise de la doctrine de Humanae vitae reconnaît, dans l'union des époux et dans la procréation de l'enfant, des dons, et aussi des actes, expressifs de la dignité des personnes humaines. Les biens du mariage ne peuvent être dissociés sans contrarier la logique de la génération et la vérité de l'amour. La méditation de Donum vitae fonde dans la communion des personnes la doctrine et les obligations de l'Encyclique. Elle propose de comprendre l'union des époux et la procréation humaine à partir du mystère de génération et d'amour où la personne est originée et se donne en acte. L'Instruction n'évoque pas les fondements trinitaires d'une telle personnologie, mais elle tire sobrement la conclusion morale suivante : « La procréation d'une personne humaine doit être poursuivie comme le fruit de l'acte conjugal spécifique de l'amour des époux » (DV, II, 4)23.
Le discernement par Donum vitae (II, B) de la moralité des fécondations artificielles homologues s'articule autour de cette reprise de « la doctrine traditionnelle sur les biens du mariage » y compris sur les significations de l'acte conjugal, à la lumière de la « dignité des personnes » (II, 5). L'Instruction dégage la nature de la fivete homologue, décrit l'acte humain qui s'y exerce, met en évidence sa spécificité morale et explicite le jugement éthique porté par l'Église. Celle-ci affirme par la voix de son Magistère romain demeurer contraire, du point de vue moral, à la fécondation homologue in vitro. Cette procédure « est en elle-même illicite ». Car elle est contraire et « opposée à la dignité de la procréation » (dont la personne doit tirer son origine), comme à la dignité des actes spécifiques « de l'union conjugale », où doivent s'opérer la donation mutuelle des époux (GS, 51, 3) et le don de la vie à une nouvelle personne humaine (cf. FC, 18).
Le respect du lien entre procréation et acte conjugal, et l'illicéité de la fécondation homologue in vitro apparaissent étroitement corrélatifs. Ce contenu doctrinal de Donum vitae reste analogue à celui de Humanae vitae. Mais l'argumentation s'est enrichie des apports de Familiaris consortio et des allocutions de Jean-Paul II 24. L'inspiration demeure celle du Concile dont elle assure et élargit la réflexion personnaliste sur la dignité du mariage et de la famille 25.
C'est en des perspectives identiques qu'est repris l'enseignement déjà explicite du Magistère concernant l'insémination artificielle homologue. En effet, cette déclaration morale « se fonde sur la doctrine de l'Église au sujet du lien entre union conjugale et procréation (allusion à HV, 12) et sur la considération de la nature personnelle de l'acte conjugal et de la procréation humaine » (reprise de GS, 51, 3 ; DV, II, 6).
Ce que la personne révèle d'unicité dans l'origine et de plénitude dans le don, n'a pas fini d'éclairer le mystère de la vie et de l'amour parmi les hommes 26.
Conclusion
Cette relecture de Donum vitae en référence à Humanae vitae appelle une réflexion sur la portée de ces documents. L'un et l'autre se réfèrent à la doctrine traditionnelle des biens du mariage et de la charité conjugale. Mais Donum vitae (comme Familiaris Consortio) implique une métaphysique personnaliste plus articulée que dans l'Encyclique Humanae vitae. En ceci déjà, l'Instruction de 1987 propose un développement dans l'enseignement du Magistère en matière morale.
De surcroît, certaines des questions posées étaient nouvelles. Les réponses du document ont donc quelque chose d'inédit. Elles n'appartiennent pas à la matérialité de l'Écriture et ne peuvent raisonnablement être supposées prescrites dans la lettre du message apostolique. Nous assistons ainsi, d'une décennie et d'un siècle à l'autre, à un lent déploiement du Mystère révélé. Ce développement doctrinal s'opère à l'initiative et sous l'autorité de l'Église à laquelle est confiée la vérité de l'Évangile.
Au cours des siècles, au prix de ruptures parfois graves, les doctrines trinitaires et christologiques, l'ecclésiologie et la mariologie ensuite, ont marqué une intégration progressive à la confession de la foi apostolique d'éléments et de termes qui lui étaient jusqu'alors étrangers. Aujourd'hui, l'anthropologie et donc aussi la morale chrétiennes se trouvent nouvellement éclairées par ce travail d'assimilation des recherches, expériences et découvertes contemporaines dans le Mystère du Christ. À la lumière du Saint-Esprit et sous la conduite du Magistère, le processus d'intégration est discernement de la vocation chrétienne et de la condition créée de l'homme dans les diverses circonstances de son histoire.
Ces considérations sur le développement de la doctrine de l'Église en matière de foi et de mœurs peuvent éclairer un des axes majeurs de l'enseignement du Magistère depuis le dernier Concile. À travers des affrontements violents, un axe d'interprétation de Vatican II semble ici se dégager. Gaudium et spes et Dignitatis humanae ont posé les prémisses d'une théologie morale renouvelée qui se cherche encore et prend progressivement en compte les droits fondamentaux et la dignité de la personne humaine. Les thèmes majeurs de l'anthropologie conciliaire (dignité de la personne, de sa conscience morale et de son corps, juste respect de la liberté et des conditions sociales de son exercice) débordent l'enseignement classique. Les voici déployés dans leur force véritable. De ce point de vue, Donum vitae comme Familiaris consortio sont encore davantage en affinité avec Libertatis nuntius et Libertatis conscientia qu'avec Humanae vitae.
L'Encyclique de Paul VI supposait l'anthropologie énoncée dans les termes davantage formels, moraux ou juridiques de Pacem in terris ou de Gaudium et spes. Donum vitae s'appuie sur un enseignement approfondi par la reprise fondatrice d'une métaphysique de l'être et de la création. La liberté de l'être spirituel et la personne comme être de don sont des points majeurs de cette vision intégrale, religieuse et théologique. Notre époque de renouveau n'a pas fini de découvrir, dans la communion des personnes, dans l'édification du Corps du Christ (cf. Ep 4, 12 ; 1 Co 11, 29), donc dans l'amour préférentiel des petits et des pauvres, les fondements d'une doctrine renouvelée de la loi naturelle et du bien commun.
Ce développement de la théologie morale restera un des fruits repérables de Vatican II et de l'enseignement de Jean-Paul II.
Albert Chapelle, s.j.
Conférence donnée à Rome le 11 novembre 1988
au IIe Congrès international de théologie morale
« Humanae vitae : vingt ans après »,

1. Le texte français de HV, 14 traduit « indigne de la personne humaine » le latin homine indignum.
2. La perfection « personnelle » (48, 2) traduit perfectio propria ; de même en 52, 3, « vie personnelle » traduit propriae vitae.
3. S'il est parlé en 52, 7 d'un ordre authentique de personnes, celui-ci comprend les époux, et non explicitement les enfants. La Tradition est en fait immémoriale : comme la paternité, « la maternité se termine à la personne ». C'est une implication rationnelle de la Confession de la Theotokos au Concile d'Éphèse (Dz-ScH 251-252). Cf. R. LAURENTIN, Court traité sur la Vierge Marie, Paris, Œil, 1967, p. 127.
4. L'Instruction Donum vitae privilégiera abondamment le seul texte conciliaire qui évoque, à propos de l'« accord entre l'amour conjugal et la paternité responsable », « la nature de la personne et de ses actes » (GS, 51, 3). Ce texte est seulement évoqué dans HV ; il est cité intégralement dans FC, 32, et dans l'Introduction de DV, 12 (cf. n. 10 et 30) ; il est cité deux fois dans la deuxième partie de l'Instruction (II, 45, 54). dont il commande le raisonnement.
5. S. Th. 1a, q. 29, a. 3c : la personne est ce qui est le plus parfait dans toute la nature : id quod est perfectissimum in tota natura.
6. Donum vitae donne à dignité de la personne un sens fort, précisé à travers le ch. I de GS, 11-17. Le terme (surtout quand il est rapproché de condition humaine) comporte toutes les significations classiques du vocable nature humaine, dotée de vie et de raison, donc corporelle, sociale et spirituelle. Ceci se vérifie dans les trois sections de l'Instruction de 1987.
7. « Dimension corporelle » de la personne. Cette expression constitue une reprise précise des leges biologicas quae humanam personam pertinent (HV, 10 ; cf. FC, 32).
8. Cf. spécialement FC, 11-16 ; 49-64 ; 65 ss.
9. Ces termes se trouvent dans FC, 29 et 32.
10. Cl. BRUAIRE (+) a élaboré une métaphysique neuve et puissante de l'être de don (« onto-do-logie ») caractéristique de l'être d'esprit ; cf. Pour la métaphysique, Paris, Fayard, 1980 ; L'être et l'esprit, Paris, PUF, 1983 ; La force de l'esprit, Paris, DDB, 1986.
11. La traduction officielle porte : « tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie » : cf. FC 29.
12. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre à Mgr Quinin (13 juillet 1979) sur le livre de A. KOSNIK, La sexualité humaine. Nouvelles directions dans la pensée du catholique américain. Le texte de la Commission conciliaire se trouve dans les Acta Synodalia Sacrosancti Concilii Vaticani II, vol. 4, pars VII, 1978, p. 477-478.
13. L'amour humain dans le plan divin. De la Bible à Humanae vitae, Paris, Cerf, 1985, p. 78 ; voir aussi cat. du 11 juillet 1985, p. 39-40. On se reportera à l'excellent commentaire donné par A. MATTHEEUWS, Union et procréation. Développement de la doctrine des fins du mariage, Paris, Cerf, 1989, p. 224-225.
14. Jean-Paul II commente ce passage en en montrant la portée éthique et théologique : « La norme de l'encyclique Humanae Vitae regarde tous les hommes du fait qu'elle est une norme de la loi naturelle et qu'elle se base sur la conformité avec la raison humaine (lorsque, bien entendu, celle-ci cherche la vérité). À plus forte raison concerne-t-elle tous les fidèles membres de l'Église, étant donné que le caractère raisonnable de cette norme trouve indirectement une confirmation et un solide soutien dans l'ensemble de la théologie du corps. C'est en nous plaçant à ce point de vue que, dans nos précédentes analyses, nous avons parlé de l'ethos de la rédemption du corps.
La norme de la loi naturelle basée sur cet ethos trouve non seulement une nouvelle expression, mais aussi un plein fondement anthropologique et éthique soit dans les paroles de l'Évangile soit dans l'action purificatrice et corroborante de l'Esprit.
Il existe toutes les raisons pour que chaque chrétien, et en particulier chaque théologien, relise et comprenne toujours plus profondément dans ce contexte intégral la doctrine morale de l'encyclique » (ibid., cat. du 18 juillet 1984, p. 43-44).
15. Cf. l'allocution pontificale du 10 octobre 1984, qui donne à ces expressions de Donum vitae une si grande importance pour la relecture de la tradition morale.
16. Est-il ajouté, dans la ligne de FC, 22, et suivant la catéchèse du 1er août 1984 (L'amour humain..., cité n. 13, p. 51-54).
17. PIE XII, Discours aux participants au IIe Congrès Mondial de Naples sur la fécondité et la stérilité humaines, 19 mai 1956, dans AAS 48 (1956) 470.
18. Citation du CIC, c. 1061, 1.
19. Cf. cat. du 22 août 1984, L'amour humain..., p. 58-62.
20. Cf. A. CHAPELLE, Sexualité et sainteté, Bruxelles, Institut d'Études Théologiques, 1977, p. 236-237.
 21. Cf. à ce propos les publications de C. CAFFARRA et notamment en français, Sexualité humaine et loi naturelle, dans Provie, Congrès international de la Famille, Paris, Fayard, 1987, p. 53-60.
22. Cette appréciation lucide doit beaucoup à la méditation de M. Heidegger sur l'« essence de la technique ». Cf. J. LADRIÈRE, Approche philosophique de la problématique bioéthique, dans Revue des questions scientifiques 52 (1981) 353-383 ; M. SCHOOYANS, Maîtrise de la vie et domination des hommes, Paris, Lethielleux, 1986 ; J. Ratzinger, Aspects anthropologiques de l’Instruction Donum Vitae dans Oss. Rom., éd. fr., 17 mars 1987, p. 12-13 ; G. MATHON, art. Procréation, L'enfant au risque de la technique, IV, dans Catholicisme, t. XI, 1988, col. 1199-1214. Suivant cet auteur, l'ouvrage du docteur P. SIMON, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France, De la vie avant toute chose, Paris, Mazarine, 1979, illustre « presque jusqu'à la caricature » l'idéologie technicienne qui menace le pouvoir médical et l'enfant pris « entre l'amour et la technique » (ibid., col. 1210-1212) ; ce que dénonce sobrement DV, Introd., 3 ; II, Introd., 4c, 5, 7 ; III, Introd.
23. JEAN-PAUL II, dans la Lettre apostolique Mulieris dignitatem, développe amplement cette thématique, ainsi n. 7, Personne, communion, don ; n. 18, Maternité ; n. 29, La dignité de la femme et l'ordre de l'amour.
24. Cf. encore les catéchèses du 11 juillet et du 28 novembre 1984, dans L'amour humain..., p. 35-109. Donum vitae honore à sa façon la demande de FC, 31 (rappelée par Jean-Paul II, le 28 novembre 1984) d'une élaboration plus complète des « aspects... personnels de la doctrine contenue dans Humanae vitae ». Mais le propos de l'Instruction n'est pas de développer les « aspects bibliques, » de cette doctrine (L'amour humain..., p. 108). Cependant l'Écriture y est symboliquement citée quatre fois.
25. J.L. BRUGUÈS, La F.I.V.E.TE. au risque de l'éthique chrétienne, Paris, Fayard, 1989.
26. J. RATZINGER opère ce rapprochement dans la Présentation des aspects anthropologiques de l'Instruction Donum vitae, dans Oss. Rom. éd. fr., 17 mars 1987, p. 12-13.