dimanche 8 mai 2011

En lisant... AM Carré, La crainte de Dieu et les maladies de l'espérance


Une conclusion, au moins, vient de se dégager : l'espérance chrétienne ne se confond pas avec l'optimisme humain. Un enfant de Dieu peut posséder l'espérance théologale, et connaître en même temps certains états de désespoir dont nous avons dit qu'ils étaient légitimes.

La portée de cette conclusion est grande. Combien parmi nous ont besoin d'être libérés d'une conception inexacte des rapports entre le ciel et la terre ! La transcendance des biens que la Grâce fait convoiter permet de juger la terre sans complicité avec ses idoles, elle nous dégage d'un optimisme à courte vue en face des réalités temporelles. « Le paradoxe fondamental du christianisme consiste, semble-t-il, à dire à la fois que le mal est vaincu de toute éternité — sans quoi il n'y aurait qu'à souscrire au manichéisme — mais aussi que si l'on s'en tient aux apparences terrestres, tant que l'épreuve humaine se poursuivra, ces maux garderont toute leur consistance redoutable, et qu'il émanera toujours d'eux comme une invitation au désespoir et au reniement1 »

L'espérance ne se laisse pas confondre non plus avec un certain optimisme que nous qualifierons de pseudo-chrétien, parce qu'il se fonde sur une notion erronée des réalités chrétiennes elles-mêmes. L'optimisme humain se nourrit, pour une part, d'illusions sur le monde. Il évite de trop scruter les apparences terrestres, il fuit la pensée de la mort, se détourne, par réflexe de défense, de la souffrance et de « sa consistance redoutable ». Le faux optimisme chrétien est à base, lui aussi, d'illusions. La théologie lui donne le nom de présomption. À son origine, on décèle toujours une fausse idée, soit de l'homme et de ses possibilités, soit de Dieu et de sa providence.

La présomption et ses mirages.


Il arrive, en effet, que le chrétien surestime ses propres forces. Si beaucoup de gens souffrent d'un complexe d'infériorité fort dommageable, d'autres ont une confiance en eux, dans leur droiture, dans les ressources de leur générosité, qui les met à l'abri de l'angoisse. Sans nier leur condition de pécheurs, ils comptent beaucoup (sans l'avouer peut-être) sur leurs qualités et l'expérience acquise pour surmonter les tentations et mener à bien l'aventure humaine. Comment faire ici la part de la présomption coupable et celle de la bêtise ?... Le discernement n'est pas aisé. Une fatuité assez superficielle fournit souvent l'explication suffisante. Heureusement ! Mais certaines déficiences dans le jugement peuvent être aussi en cause : la conscience morale n'a pas été formée, le sens délicat et vrai du péché, l'authentique componction du cœur font défaut. Une telle attitude est grave alors elle atteint quelque chose du christianisme rédempteur dans son essence. On peut sourire du pénitent qui vante, au confessionnal, son habituel comportement à l'égard du prochain (« tout le monde le sait, interrogez qui vous voulez »), et à l'évocation de certaines fautes contre la justice ou la chasteté répond, avec une naïveté désarmante « Bien sûr, j'ai agi ainsi… comme tout le monde », il reste que l'absence de contrition, la complaisance en soi-même faussent les rapports du pécheur avec son Dieu.

Plus fréquemment, et selon une mesure de culpabilité tout à fait variable, l'illusion ne naît pas d'une notion inexacte des forces humaines, mais d'une fausse conception de Dieu et de son rôle dans le salut du monde. Les exigences de l'Amour incarné sont alors sous-estimées. Le quiétisme guette les âmes. Sous prétexte que Dieu nous a aimés jusqu'au sacrifice de la Croix, tels chrétiens oublient que cet Amour ne nous sauve pas sans nous, car il ne veut « rien faire sans nous y associer2 ». Minimisant des textes formels de l'Évangile, où le Seigneur invite ses disciples à porter du fruit et précise durement que tout sarment improductif sera jeté au feu, ils imaginent une action de la Grâce qui ne réclame point l'effort humain.

D'autres, s'égarant tout autant, écartent ce qu'on leur dit du Jugement de Dieu, du « sérieux » de l'affrontement suprême entre la créature et son Sauveur, quand les masques tomberont et que les pensées des cœurs seront mises à nu. L'amour de Dieu, croient-ils, suppléera à tout. Car Dieu est bon et comprend toutes choses. Mieux qu'avec les prêtres, on s'expliquera directement, de vive voix3...

C'est oublier que l'évangéliste de la miséricorde, saint Luc, est aussi celui qui retient des paroles du Seigneur l'appel aux plus grands dépouillements. N'opposons pas si facilement la miséricorde de Dieu à sa justice ; le risque est grand de déprécier la miséricorde, au sens le plus littéral des mots. Par présomption, la miséricorde est ravalée au niveau de l'indulgence complice. Or, si Dieu est plus grand que notre cœur, quand notre cœur nous condamne (et, ajouterons-nous, si notre cœur nous condamne par juste et nécessaire appréciation de notre misère), quelque chose reste impossible à Dieu : être de connivence avec le mal qui est en nous, ce mal dont il est venu nous guérir. Le christianisme place chacun des rachetés devant une justice sans défaut et une miséricorde sans bornes. Là aussi, comme dit Bossuet, « il faut tenir les deux bouts de la chaîne ».

La véritable crainte de Dieu


L'espérance théologale doit donc se garder de la présomption, issue de conceptions déséquilibrées du pouvoir de l'homme et de l'amour de Dieu. La présomption est une tentation permanente pour la vie chrétienne, comme — à ses antipodes — le désespoir coupable. Or, placée entre ces deux écueils, l'espérance est une réalité imparfaite. Elle ne peut pas triompher sans aide. Ne l'oublions pas : la foi, l'espérance, la charité ne relient pas l'âme à Dieu de manière indestructible. Toute vertu, même théologale, s'adaptant à nos facultés humaines, se pliant à leur mode humain d'agir, est affectée par là d'une certaine fragilité. Nous avons parlé des « fissures » qui permettent aux assauts démoniaques de forcer les défenses les mieux établies. Vertus suprêmes, sources majeures de la vie chrétienne, les trois théologales ont besoin comme les autres d'être soutenues, confortées. Des suppléances d'ordre proprement surnaturel doivent venir compenser les déficiences de tout ce qui s'enracine dans l'humain. Chaque vertu a ses recours déterminés. Ce sont les Dons du Saint-Esprit (trésor méconnu de notre patrimoine !) qui offrent ce soutien. Reçus au baptême, renouvelés en plénitude par le sacrement de Confirmation, alimentés par les grâces multiples au long des jours, ils remédient aux imperfections des vertus : par eux le chrétien surmonte les périls les plus subtils.

Aux prises avec les deux tentations où elle peut achopper, l'espérance fait appel à un don précis du Saint-Esprit, dont le nom et le contenu sont souvent mal interprétés le don de la crainte de Dieu.

Qu'est-ce que la crainte de Dieu ? — Les évangiles synoptiques, l'Évangile de saint Luc en particulier, mêlent constamment la prédication de la crainte à celle de l'espérance. Et les paroles qu'ils mettent sur les lèvres du Seigneur caractérisent assez nettement cette attitude mystérieuse exigée des apôtres et de leurs disciples. Spontanément, nous songerions peut-être à une sorte de quatrième vertu ; ayant confessé : je crois en Dieu, j'espère en Dieu, j'aime Dieu y le chrétien ajouterait : et je crains Dieu. Ce serait un correctif à l'aveu précédent, une forte nuance introduite dans un sentiment d'amour qui, sans elle, engendrerait une familiarité sacrilège. Le crainte de Dieu apparaîtrait ainsi au même niveau que les vertus théologales.

Mais non ; la démarche religieuse est ici toute différente. En disant : je crois en Dieu, j'adhère à Dieu qui est le terme de ma foi. En espérant en Dieu, je tends vers le Dieu qui m'a agrégé à son peuple et sera mon bonheur ; il est le terme de cette espérance. Quant à la charité, elle me permet d'atteindre Dieu dans la vie éternelle commencée sur le terre, et je le rejoins comme le terme de mon amour. Or la crainte, elle, ne me met pas en route vers Dieu comme vers l'objet de ma recherche et de mon amour : Surtout, ce n'est pas Dieu en lui-même, en tout ce qu'Il est, que je crains. Je puis affirmer de façon absolue, sans distinction ni limitation : je crois en Dieu, j'espère en lui, je l'aime, Lui, dans sa vérité totale, au sein de sa Trinité adorable, par delà ce que je sais de son Être, de si Vie. Malgré mon, ignorance et ma petitesse, enfant du Père et non plus serviteur, je franchis les limites du mystère et je saisis Dieu tel qu'Il est, dans sa réalité invisible. Par contre, déclarer : je crains Dieu, appelle aussitôt la précision suivante : je crains, non pas Dieu, mais le mal que serait pour moi le châtiment de Dieu ou la séparation d'avec Lui.

Car tels sont les dangers qui menacent toujours, à l'horizon des âmes : être puni par le Maître de la vie et de la mort ; se trouver séparé de Lui. Voilà, très exactement, le contenu de cette crainte, sujette à tant de confusions. Suivant que prédomine la crainte du premier ou du second de ces deux maux, nous voyons se justifier une distinction classique : il s'agit soit de la crainte servile, soit de la crainte filiale.

La crainte est servile quand elle s'inspire principalement des châtiments de l'au-delà. Peur imprécise, faite d'appréhensions plus ou moins ataviques, « cette crainte de quelque chose après la mort, mystérieuse contrée d'où nul voyageur n'est revenu4 » ; ou bien très lucide, au contraire, quand elle envisage la peine qui sanctionne le péché, purgatoire ou enfer : « Craignez celui qui peut envoyer l'âme et le corps en enfer (Mt., X, 28) ». Cette crainte est bonne en soi, surnaturelle, compatible avec l'état de charité, puisque la bonté de Dieu ne fait pas oublier sa colère. Mais le caractère déficient d'une telle attitude vient d'abord de sa servilité même. On ne voit en Dieu qu'un juge, le détenteur redoutable des condamnations éternelles. Il est causé ensuite par un égotisme plus ou moins camouflé. Peur d'esclave, dit-on. Certes, pour une part, mais aussi réaction instinctive d'un homme très préoccupé de soi, et qu'angoisse la pensée d'un avenir peu confortable. L'amour de Dieu n'est pas absent de ce cœur ; il est néanmoins insuffisant. La hantise des sanctions imaginées par Dante et les sculpteurs des cathédrales le submerge ; elle agit plus que lui pour maintenir la vie chrétienne dans le droit chemin.

La crainte filiale est d'une autre qualité. Elle ne porte pas directement sur la peine qui sanctionnera la faute, mais sur la faute elle-même. Elle écarte l'âme du péché, en raison de ce qu'il est : une offense au Père qui est dans les cieux, le reniement d'un amour. La crainte filiale trouve une de ses plus justes expressions dans la prière que, chaque matin, le prêtre prononce avant de communier : « Seigneur Jésus, ne permettez pas que je sois jamais séparé de vous ».

Reconnaissons qu'un tel sentiment rencontre peu d'échos dans notre littérature actuelle. Le sens du péché — faute contre l'Amour entraînant la séparation d'avec l'Amour — manque à trop de chrétiens pour que les romans ou les essais soient tentés de l'illustrer, en lui donnant sa vraie consistance. On saisit de préférence le mal dans ses répercussions au sein des sociétés, quand il désagrège les liens humains, crée du scandale ou fait éclater des injustices. On l'ignore s'il prend les précautions dont s'entourait Tartuffe. À part Georges Bernanos, François Mauriac avec le « Jeudi Saint », Julien Green dans les derniers tomes de son « Journal », et quelques autres peut-être, qui donc jette une lumière crue sur les crimes commis dans le secret, contre Dieu et son amour ?

Il est très important de rappeler aux chrétiens que seule la crainte filiale est Don du Saint-Esprit. Les baptisés en état de grâce et tous les hommes justifiés la possèdent, et elle grandit à chaque étape d'une vie chrétienne montante. Mais la tiédeur de la vie spirituelle réduit son activité. Les motifs de la crainte servile peuvent alors prédominer, à moins qu'un scepticisme corrosif n'amène le croyant à reléguer au rang des légendes les châtiments de l'au-delà. Que subsiste-t-il en ce cas ? De tels enfants de Dieu n'ont plus le sens, ni de la peine, ni de la faute. Ils ne songent pas au Juge suprême, et leurs oreilles sont fermées à la voix de l'Esprit.

Si la crainte filiale n'est pas étouffée dans, l'âme, elle préserve celle-ci à la fois de la présomption et du désespoir. Elle est l'antidote puissant que nous annoncions, le remède qui guérit des maladies de l'espérance. Mais — dira-t-on — comment fait-elle face, avec autant d'efficacité, à deux tentations dont les origines apparaissent totalement opposées ? Essayons maintenant de le préciser.

AUX PRISES AVEC LA PRÉSOMPTION


La crainte filiale mène la lutte contre la présomption, en développant les perceptions religieuses que fait naître l'incorporation au peuple chrétien.

Le sens du Dieu tout-puissant


Elle inculque la connaissance et le respect du Dieu transcendant, de son immensité, du caractère infini de ses attributs. Sous son action, les versets du Gloria : « Tu solus sanctus, Tu solus Dominus, Tu solus altissimus » montent aux lèvres, avec une joie que nuance cette admiration pleine de saisissement sacré dont Bach est l'interprète dans la Messe en si. Elle aide le fidèle du Nouveau Testament à maintenir dans son héritage les intuitions et les certitudes qui conféraient tant de noblesse à ceux de l'Ancien. Car nous sommes injustes, et pour bien des raisons, à l'égard d'Israël. Les activités et les visages de certains juifs que stigmatisa le Seigneur occupent nos mémoires. N'oublions pas qu'en même temps vivaient, à Jérusalem et dans les villages alentour, ces grandes familles de croyants où furent façonnées les âmes de Zacharie, d'Élisabeth, de Siméon, d'Anne, de Jean, celle de la Vierge Marie. Le sens de Dieu qui les animait doit rester vivant en nous. Ce n'est point parce que ce Dieu, à la plénitude des temps, s'est déclaré Amour, qu'il n'est plus le Tout-puissant. Les révélations qu'accueillirent Abraham et Moïse ne sont pas abolies. Au chrétien d'aujourd'hui le Seigneur dit encore : « Je suis Celui qui suis ». Complétée par les confidences inouïes de l'Évangile, la substance de l'Ancien Testament est passée dans le Nouveau. Celui qui s'émerveille parce que le Christ est tout proche et que sa main a pris notre main, celui-là doit confesser aussi la majesté du Créateur en qui n'existent « ni changement, ni variation, ni ombre (Ép. Jac., I, 17) ». Avec saint Augustin, il prie : « Mais vous, Seigneur, vous êtes toujours le même vous-même ».

Dès lors comment ne pas voir « la perception aiguë de la disproportion qui existe entre Dieu et sa créature5 ? » Certes, l'une des conclusions les plus sûres de la théologie demeure : l'homme est ordonné à Dieu, capable de Dieu — </span>capax Dei — et le bon plaisir divin peut donc lui offrir la vie de la Grâce, un dialogue personnel d'amitié, et l'éternel face à face. Mais le Mystère nous enveloppe de toutes parts, et le regard de la foi s'accommode mal à l'infini. Les voies de Iahvé ne sont pas nos voies, ses pensées nos pensées, nous a appris le Prophète. Étreint par le sentiment de son impuissance, l'ami de Dieu se voit, avec saint Augustin que tourmente le problème de la prédestination, sous les traits d'un enfant voulant vider la mer avec sa petite coquille... A l'heure où tant d'êtres demandent des comptes à Dieu, et veulent ramener à leur mesure, soumettre à leurs critères, les jugements et les paroles du Christ, la crainte filiale garde l'intelligence du chrétien dans l'humilité. Quelque belles et éclatantes que soient sur la terre des hommes les traces divines, « c'est une grande présomption en ce monde de prétendre aller vers le Bon Dieu autrement qu'à tâtons6 ». Le temps de la pleine lumière n'est pas venu. Dieu se tait : Il y a des choses qui n'ont pas d'explication ici-bas.

L'âme en qui agit l'Esprit-Saint admet cette obscurité due à son état transitoire, elle consent à ne comprendre qu'au-delà du voile les épreuves dont le rôle lui échappe, le pourquoi des tentations où ses forces semblent s'user. Elle abandonne tout cela dans le secret de Dieu„ Elle ne prétend point aller vers Lui autrement qu'à tâtons...

En même temps, la crainte filiale fait prendre conscience à la créature de sa dépendance par rapport à ce Dieu tout puissant. Dépendance qui ne se justifie pas seulement au plan métaphysique, en raison du geste divin qui tira chacun de nous du néant : dépendance qui relie la moindre minute de nos vies rachetées et leur salut éternel à la Providence et à la gratuité de son amour. Il y a deux moments essentiels dans le temps de notre pèlerinage, ceux que désigne la prière de l'Ave Maria : maintenant, et à l'heure de la mort. L'instant que je connais présentement est remis à la souveraine liberté de mon Créateur et de mon Rédempteur, tout autant que la dernière minute où « maintenant » se confondra avec « l'heure de notre mort ». En attendant cette visite du Seigneur, ce jour qui « viendra tel un voleur (II Petr., III, 10) », en attendant l'imprévisible apparition du Juge nous « redemandant notre âme (Luc, XII, 20) », puisse la crainte filiale nous faire vivre chaque maintenant dans la vérité de notre condition !

Le sens du péché contre l'Amour


Pour lutter contre la présomption, le don du Saint-Esprit révèle aussi aux chrétiens la gravité du péché. Sous son influence les mots : être séparé de Dieu prennent peu à peu leur sens effrayant, et douloureux. L'horreur d'une telle rupture s'explique par la nature des liens qui nous unissent au Seigneur. Si Dieu est le Tout-puissant devant qui nous sommes « disproportionnés », et ce Créateur qui nous tient et nous garde au creux de sa main, Il est d'abord l'Amour qui a commandé à l'homme, au printemps du monde : tu aimeras. Nos relations avec Lui prennent par là un aspect personnel, dramatique, à quoi l'être humain tout entier se trouve intéressé.

Supposez, en effet, que se soient manifestées seulement des exigences de justice. Nos attitudes seraient celles d'un esclave, au moins d'un débiteur. Une certaine dignité présiderait à notre comportement, le sens de l'offense serait lié à celui de la loi, des prescriptions indiqueraient sans risque d'erreur la route du salut, mais la gravité des transgressions ne dépasserait pas le cadre d'un ordre juridique. Au sein de tels échanges, introduisez de l'estime et de la sympathie : quelque chose de nouveau apparaît. En une mesure souvent large, la sympathie d'un être lui confère des droits sur nous, et appelle en tous cas une réponse. Allez plus loin, prenez au pied de la lettre l'affirmation du Sauveur : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis (Jo., XV, 15) » et supposez qu'une amitié, au sens courant et admirable du terme, définisse le genre d'échanges que le Créateur propose à ses enfants, toute infidélité relèvera alors d'un monde de préceptes que l'ordre juridique ne peut seul contenir. Les exigences propres de l'amitié jugeront l'ingratitude. Or l'amitié dont parle le Christ inclut davantage encore. Si Dieu a réclamé l'amour des hommes, c'est que lui-même, de toute éternité, est Amour. À la réalité humaine la plus exaltante et la plus tragique, la plus mystérieuse aussi, Dieu fait appel pour dire le sentiment qu'il éprouve pour sa créature et celui qu'il attend d'elle. Dans ces conditions, se séparer de Lui, c'est se séparer de sa Charité.

La crainte filiale met ainsi dans une lumière crue les conséquences du péché. Comment blesser l'Amour qui enveloppe nos vies, atteindre par delà les commandements Quelqu'un de vivant ? Et comment compter sur soi seul, instable, pour que jamais ne se dénouent les liens sans quoi le destin de l'homme perdrait son sens ? Une sorte d'effroi, pleine de tendresse et d'espérance, passe dans la prière du prêtre à la Messe « Domine Jesu Christe, a te nunquarn separari permittas ».

Le sens de la gratuité de cet Amour


Enfin, la crainte filiale nous garde de la présomption, en faisant apparaître à nos yeux les dons de Dieu tels qu'ils sont gratuits. Cette œuvre de l'Esprit — où l'on peut voir la synthèse des deux grâces précédentes — est difficile à comprendre par les chrétiens d'aujourd'hui. Elle heurte certains courants de pensée, et des manières d'être et de juger. Elle nous introduit, pourtant, à une vérité essentielle du christianisme.

Il ne suffit pas de respecter les secrets de Dieu, et d'entrer dans l'univers religieux que régit un amour : l'homme doit reconnaître qu'il n'a pas de droits sur Dieu, pas de droits sur les dons de Dieu et, pour préciser encore, pas de droits sur ce don de Dieu qu'est la vie éternelle commencée. Cette grâce en nous, elle nous habite, corps et âme, par bienveillance. Nous sommes aimés gratuitement, et jusqu'au dernier jour nous voici remis, livrés, à cette gratuité. Affirmer cela n'est pas nier la permanence, la force d'enracinement de la grâce. Les dons de Dieu sont sans repentance. Ici même, dans un chapitre précédent, la croissance de la vie divine a paru si assurée que nous avons pu parler d'un mouvement continu, se précipitant à mesure que le terme approche. Néanmoins, l'enfant de Dieu ne doit pas cesser d'implorer la « grâce en ce monde » dans un cri de supplication. Car si la grâce sanctifiante, « habituelle » ainsi qu'on l'appelle, vit en lui, en plus de cette présence le pécheur a besoin d'un secours constant et renouvelé. C'est ce secours qu'il lui faut implorer, non pas en vertu de ses mérites personnels, ni même de l'amitié divine dont témoigne l'état de grâce où il se trouve : au nom de la Miséricorde dont il attend tout et qui ne lui doit rien.

L'objection est facile : si l'habitation des Trois Personnes est accordée à cet homme justifié, ne va-t-elle pas se suffire à elle-même ? La Grâce ne connaît-elle point, elle aussi, une sorte de « logique vivante » qui dissipe toute crainte de l'avenir ? Qui empêchera le baptisé de continuer sa route au sein du peuple de Dieu, sous la poussée de cette vie qui veut l'épanouissement éternel ?

La réponse est fort nuancée. Il ne s'agit pas de mettre en doute la puissance du don reçu. Mais tenons compte de l'expérience humaine : les chrétiens constatent, chaque jour, que leur condition implique la versatilité. Le libre arbitre, restauré, ne parvient pas à se fixer de façon immuable. Un tel idéal est hors des possibilités d'ici-bas. Qui donc, après saint Paul, n'a pas souffert douloureusement de cette versatilité inscrite dans la nature déchue ? Qui n'a pas élevé cette plainte : j'ai fait ceci, qui cadre si mal avec cela ; où trouver l'explication de ma propre conduite ? Le même moi est-il responsable de ce bien, puis de ce mal ? Or l'homme qui se plaint ainsi est un ami de Dieu, habité par lui. Possédant les trésors divins dans un vase fragile, il a besoin d'un secours supplémentaire, celui de la grâce « actuelle », pour le fixer quotidiennement.

À la Miséricorde, il lui faut adresser une ultime requête. Ne point la mentionner, sous prétexte que cette prière déconcerte les tièdes et les pharisiens, modifierait gravement les rapports des créatures rachetées avec leur Sauveur. Un don spécial nous est nécessaire à la dernière minute de notre existence : la grâce de la persévérance finale. L'enseignement courant de la théologie est que la persévérance finale dépend d'une grâce supérieure, distincte des autres, et dont la grâce actuelle du dernier instant est comme la suprême expression. En cet instant où va passer la figure de ce monde, tandis que le vent de l'éternité « nous bat au visage », c'est elle qui nous permet de nous fixer, pour toujours, en Dieu.

Certes, les apparences d'une telle doctrine sont étranges. Franchement — dira le lecteur qui nous aura suivi jusqu'ici — comment admettre cette impuissance personnelle devant le salut ? Le saint, parvenu au terme dans la fidélité, entraîné par l'élan grandissant de son amour, ne serait-il pas établi immuablement en Dieu sans l'aide d'une faveur nouvelle ? — Non, répond le théologien. L'adhésion décisive, qui couronne les fidélités, est fruit de la libéralité du Père qui est dans les Cieux. Et puisque vous parlez des saints, interrogeons-les justement à l'heure de l'ultime affrontement. Non pas, certes, pour trouver là un argument théologique, mais l'illustration au plan psychologique d'un dogme mystérieux entre tous7. Face au grand passage, riches de faveurs spirituelles sans nombre, les saints ont crié leur pauvreté et se sont confiés, comme des enfants pauvres, à la douce pitié de Dieu. La crainte filiale, qui les avait protégés du quiétisme et du mépris des efforts humains, leur dictait en même temps un total détachement à l'égard des mérites accumulés. Eux qui avaient tant « ajouté » à la Passion du Seigneur « pour son Corps, l'Église », se jugeaient serviteurs inutiles, et appelaient avec d'autant plus de joie le geste suprême qui les confortât et leur ouvrît les portes du Royaume.

Nous saisissons là une attitude comparable à celle de grands écrivains, de peintres, de philosophes, d'artistes. Lorsque, en plus du génie, une âme limpide est leur trésor, parvenus au terme ils regardent, jugent avec une lucidité sans complaisance leurs œuvres les plus achevées : de la fumée, des ébauches informes, des esquisses décevantes sans lien réel avec ce qu'ils ont pressenti, avec ce que, maintenant, ils commencent à voir. Les saints ne considèrent pas d'autre façon les œuvres de leur Charité. « Proportionnés », par grâce, à la condition des élus, ils estiment misérable leur bagage de foi, d'espérance et d'amour. Vous les trouvez riches ; aux approches de la Gloire de Dieu, devant le Bonheur qui les attend, ils sont tellement pauvres que la grâce dernière de persévérance et de rectification leur apparaît plus gratuite que toute autre ; leurs mains se joignent pour la prière du publicain : « Ô Dieu, ayez pitié de moi, soyez-moi propice, à moi qui suis un pécheur ». À une telle prière, n'en doutons pas, Dieu répond. La fidélité qui fait s'endormir un fils de Dieu dans la paix, on l'obtient pour soi, et pour les autres, comme cette espérance dont nous avons dit qu'elle est un bien de famille qu'on partage.

Telle est l'action de l'Esprit-Saint. Elle préserve le chrétien de la présomption, en le gardant dans une constante dépendance, celle d'une créature pécheresse qui se sait aimée, gratuitement. Le voici progressant sur la voie royale de la Charité « avec une crainte qui n'enlève pas l'espérance, et avec une espérance qui ne dissipe pas la crainte8 ».

AUX PRISES AVEC LE DÉSESPOIR


Cette action est si adaptée à la mentalité du présomptueux qu'on se demande, peut-être, par quel tour de force le don de crainte va guérir aussi l'homme des morsures du désespoir. À première vue, cette supposition laisse rêveur. Les sentiments que l'Esprit-Saint développe dans l'âme du baptisé ne poussent-ils pas celui-ci, précisément, vers le désespoir ? Nous venons de multiplier, comme à plaisir, les raisons de redouter les fautes contre l'Amour : une consistance nouvelle, une acuité plus vive ne vont-elles pas être données à la terreur d'une âme qui croit que Dieu s'est lassé, ou se juge trop éloignée pour revenir ?

Non, car notre analyse est incomplète : la crainte filiale n'a pas que ces effets-là. Il est temps de la voir engendrer d'autres attitudes religieuses, complémentaires des précédentes. Ainsi sera compensé le déséquilibre qui menaçait ; ainsi seront tempérées, dans leurs excès, les angoisses d'une créature qui fait l'expérience déchirante de sa pauvreté.

Disons plus : pour me délivrer d'un mal mortel, le don de la crainte filiale n'accuserait pas, avec cette sûreté d'intuition et cette vigueur, la distance qui me sépare de mon Dieu, s'il n'avait en même temps, pour me sauver d'un autre mal aussi mortel, le pouvoir de « combler l'abîme qu'il a creusé ».

 « C'est possible à Dieu »


Cette œuvre, un texte de l'Évangile l'illustre en saisissant chacun de nous au cœur de son inquiétude et de son attente. Tentons de le relire avec des yeux neufs : « Je vous le répète, dit le Seigneur, il est plus facile à un chameau de passer par un trou d'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume des Cieux ». À ces mots, note saint Matthieu (pour le réconfort de qui prend peur en face de telles exigences), les disciples restèrent tout interdits. « Qui donc peut être sauvé ? » demandèrent-ils. Fixant sur eux son regard, Jésus leur dit : « Pour les hommes, c'est impossible, mais pour Dieu tout est possible (Mt., XIX, 25-26) ».

L'admirable parole ! Le don de crainte, c'est aussi une voix qui murmure au fond de l'âme : Tout est possible à Dieu... Fais-lui confiance. Croire, espérer, aimer : est-ce autre chose que se fier à Dieu ? Se fier à sa vérité ; se fier à ses promesses, jouer son destin sur elles ; s'abandonner avec une confiance d'enfant ? Chaque fois que tu prendras une conscience plus exacte de ta faiblesse, ne te laisse pas écraser, profite plutôt de cet instant de lucidité pour te jeter dans la Miséricorde10. Sois généreux, agis comme Abraham, père des croyants, et entends sa réponse aux questions du petit Isaac : « Dieu verra... (Gen., XXII, 8) ». Car la Charité « espère tout (1 Cor., XIII, 7) ».

« Nous autres, nous avons connu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru (I Jo., IV, 16) ». Cette connaissance est le premier effet du don de l'Esprit, pour empêcher le désespoir. La crainte, qui m'a fait voir en Dieu le Créateur tout-puissant à ne pas outrager, l'Amour dont rien ne doit me séparer, cette crainte qui approfondit jusque dans la sainteté les sentiments de dépendance et d'indignité, elle est filiale. Par conséquent, elle m'inspire d'autres sentiments. « Travaillez dans une crainte anxieuse à accomplir votre salut », dit saint Paul, mais il ajoute immédiatement : « Aussi bien, Dieu est là qui opère en vous à la fois le vouloir et l'opération même, au profit de ses bienveillants desseins (Phil., II, 12-13) ».

Être aimé ne crée pas seulement des devoirs. Être aimé donne une certitude. Puisqu’il existe une sorte de modèle, aux dimensions infinies, de toutes les tendresses humaines, puisque les richesses de l'amour paternel, maternel, conjugal, ne sont que le très pauvre signe parmi nous d'un Amour où elles trouvent leur source, et puisque cet Amour contient, au delà de l'imaginable, des trésors de vie à partager, un puissant mouvement d'allégresse soulève l'enfant de Dieu. Les hésitations de l'imparfaite vertu d'espérance sont balayées, les ombres disparaissent la tentation satanique a beau multiplier ses assauts, l'homme ne retirera pas sa main de la main de Dieu. L'action de l'Esprit a forgé des liens que rien ne pourra desserrer. Car dans l'âme fidèle la voix est toujours là, qui affirme : « c'est possible à Dieu ».

Se laisser faire par Dieu


Avec le même objectif, une autre attitude va être dictée par la crainte filiale. L'abandon naît de la certitude, mais cet abandon n'a rien à voir avec la caricature qu'en propose certaine littérature d'affadissement. Si l'Esprit-Saint nous inculque les raisons d'une confiance absolue, il nous suggère aussi la manière de vivre en vérité dans cet état. Or, s'abandonner signifie se laisser faire par Dieu. Comme cela est difficile ! Qui ne comprend ce que ces mots impliquent de docilité, de souplesse, nous allions dire : de malléabilité, pour réaliser les vouloirs divins ? A première vue, on classerait l'abandon chrétien parmi les comportements spirituels qui exigent la passivité. Quelle erreur ! Il requiert ces puissances de l'irascible où s'enracine, justement, l'espérance. Il mobilise les énergies volontaires. Car rien de plus ardu sur la terre que de se laisser agir par Dieu, d'accepter les idées de Dieu à la place de ses idées personnelles, la volonté de Dieu au lieu de suivre ses impulsions et ses rêves. La Vierge Marie elle-même apprit peu à peu de son Enfant à être « aux affaires du Père ».

Le don de crainte met en action nos facultés de combat et d'opiniâtreté. Il faut beaucoup lutter pour empêcher les passions, la cupidité, l'envie, l'ambition égoïste, la sensualité ou l'orgueil de diriger notre destin. Tout est possible à Dieu : certes, à condition que l'homme accepte la réalisation du Plan de Dieu sur sa vie et veuille « revêtir Jésus-Christ ». Sera sauvé, celui qui aura persévéré dans cet engendrement du vrai soi-même, « résisté, tenu bon jusqu'au bout (Mt., X, 22 ; Mc., XIII, 13) ». Franchira les portes du Royaume le chrétien qui, laissant le don de crainte s'épanouir librement en lui, aura utilisé toutes ses forces pour garder sur la route inconnue sa main dans la main de Dieu.

Le goût de Dieu et l’épreuve suprême


Là ne se limite point l’œuvre de l'Esprit. Pour nous défendre contre le désespoir, un remède nous est encore proposé. Il vient guérir le chrétien d'une maladie qui le paralyse devant Dieu, maladie dont peu se vantent, mais dont les ravages sont discernables dans de nombreuses âmes. Saint Thomas d'Aquin n'hésite pas à l'appeler par son nom, la répugnance devant les choses divines et les exigences du christianisme : préférer Dieu, le prier, l'écouter, lui remettre le jugement et la conduite de sa vie, suivre la route en compagnie des rachetés... Si l'on ne peut diagnostiquer positivement une aversion, du moins y a-t-il manque de goût. Alors le désespoir rôde, parce que Jésus-Christ « ne dit rien à notre âme11 », parce que, du côté du ciel, rien ne nous attire. Les forces de résistance ne sont peut-être pas épuisées ; pour la lutte on garde des énergies en réserve. Seulement, le ressort semble brisé ; on n'a plus tellement envie de s'asseoir au banquet de Dieu...

C'est ce goût, cet appétit des réalités invisibles que la crainte filiale excite dans l'âme. Elle provoque un réveil des sens spirituels. Le chrétien qui constate cette sorte d'atonie, de tristesse de l'âme, qu'il ne se décourage pas et appelle inlassablement à l'aide l'Esprit qui l'habite ! Peu à peu le sentiment d'être étranger à tant de richesses va s'atténuer ; l'enfant de Dieu se tournera de nouveau vers le patrimoine divin comme vers un bien de famille, et il en usera dans l'action de grâces, en chantant la gloire du Père qui est dans les Cieux. Pour comprendre la saveur d'une telle découverte, peut-être faut-il avoir beaucoup souffert de l'aridité spirituelle, de la désolation du cœur et de l'esprit. Les tentations demeurent, certains désaccords d'ordre sensible peuvent longtemps subsister ; l'action purifiante de l'Amour les utilisera. L'essentiel est acquis l'attrait du néant ne saura pas supplanter celui de Dieu.

Est-ce à dire que les désaccords d'ordre sensible soient négligeables ? Pour une part sans doute, vu cette victoire essentielle. Mais il faudrait bien mal connaître le monde mystérieux des âmes pour traiter aussi légèrement une des épreuves les plus douloureuses de la vie intérieure. On peut s'abreuver aux sources de la Rédemption, demeurer avide des réalités de la Grâce dans la foi, l'espérance, la charité, et ne pas sentir l'étanchement de cette soif ni jouir de cette avidité. La terre est irriguée, elle fleurit, elle n'attend rien d'autre que l'eau du ciel — qui doit venir, qui ne peut pas ne pas venir — et pourtant vous la croiriez désertique. Terre comblée par le Maître des saisons, et pourtant, sous le regard, « terre aride, faute d'eau (Ps., LXII, 2) ».

L'Esprit-Saint est à l'œuvre en cette âme et les anges de Dieu se réjouissent de ce qu'ils contemplent, mais l'âme, elle, ne voit pas ces splendeurs. Épreuve majeure, répétons-le, si désolante que sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus craignait de blasphémer en la décrivant, si grave en ses répercussions que le désespoir peut à nouveau apparaître à l'horizon.

Car il est une cause de tentation dont nous n'avons point parlé jusqu'ici. Elle n'est pas liée à l'expérience de la vie, à la connaissance de soi, à des erreurs de jugement, elle ne se confond pas avec des doutes lancinants sur la Miséricorde, et c'est pourquoi nous devions la situer dans un contexte différent.

Elle se présente au cours d'une vie théologale authentique, elle a prise même sur la sainteté. C'est l'angoisse devant le néant, parce qu'on a perdu toute « jouissance de la foi ».

Une âme proche de Dieu peut être tentée à l'extrême, alors que le don de Crainte la défend contre tous les périls que nous avons dénombrés. Une âme livrée à l'Amour peut rejoindre les malheureux qui ont accumulé les obstacles entre eux et Dieu. Et la souffrance est capable de tels actes que ses témoins prennent peur, comme le confesseur de Lisieux qui avertit sainte Thérèse que son état spirituel était très dangereux pour son salut. Le prêtre n'avait pas tort, mais à moins de renier sa vocation la carmélite n'y pouvait rien. Ou plutôt il ne lui restait qu'une issue, celle où elle jeta toutes les ressources de sa générosité héroïque : la confiance de l'enfant. Elle dit oui à Celui qu'elle voulait aimer et faire aimer par l'humanité entière, elle consentit aux vouloirs rédempteurs et multiplia les actes de foi jusqu'à ce que la mort mit fin à son martyre.

De telles épreuves — moins rares, d'ailleurs, que l'on ne suppose — nous incitent à nuancer nos affirmations. Certes, l'Esprit-Saint ravive et développe le goût de Dieu, et par là il sauve le chrétien de la désespérance, mais la discrétion de son œuvre — quand Dieu permet que celle-ci échappe aux sens — peut devenir à son tour tentation suprême. Ne perdons pas cœur néanmoins si déroutantes que soient les apparences, la réalité subsiste. L'Amour est là, dans une indicible proximité. Et nul n'est éprouvé au delà de ses forces. Au chrétien fidèle d'aimer encore davantage, comme la Vierge Marie au pied de la Croix : dans une âme d'enfant l'angoisse du néant ne triomphera jamais de la présence de Dieu.

« Nous attendons la vie du siècle à venir »


Ne nous étonnons pas si cette attirance de Dieu (même non « ressentie ») fait s'affadir le goût terrestre des choses qui passent. Pour nous établir en Dieu, l'Esprit nous détache, nous libère. Toute créature qui n'est pas vue dans la lumière du Créateur, aimée dans son amour, rapportée à lui, perd sa séduction. Certes, l'espérance ne nous veut pas déserteurs, loin de là, mais parce qu'elle combat l'idolâtrie (autre forme, plus subtile, d'évasion) la crainte filiale est une terrible puissance de déracinement. À la mesure même où l'absolu captive un être, le relatif est ramené à ses justes limites. Plus moyen de confondre les valeurs, ni de prendre le transitoire pour de l'éternel. Puisque « le temps se fait court » et qu'elle passe, « la figure de ce monde », alors le conseil de saint Paul aux hommes mariés, à ceux qui pleurent, qui se réjouissent, à ceux qui achètent ou possèdent, prend son exacte signification : qu'ils usent de ce monde « comme s'ils n'en usaient pas véritablement (I Cor., VII, 29-31) ». La tradition chrétienne a raison de mettre la béatitude de la pauvreté en référence au Don que nous analysons13.

Dans son livre La Révélation de l'Espérance dans le Nouveau Testament, le P. Spicq constate que les premières générations chrétiennes avaient une attente très vive du monde à venir, mais que celle-ci s'atténua lentement. En les persécutant de moins en moins, en finissant par les admettre, puis les soutenir, le monde présent offrit à certains de quoi combler superficiellement leurs espoirs14. À son tour, le prêtre fugitif que M. Graham Greene met en scène dans la Puissance et la Gloire cède à l'envoûtement de la sécurité.

Sans doute l’œuvre de l'Esprit peut s'accomplir en toute circonstance, y compris au sein d'un grand bonheur humain : elle ne détruit pas les richesses de la terre, elle veille seulement à ce qu'elles soient orientées vers le Règne à venir, et elle défend avec jalousie la place qui est dûe à Dieu. Mais pour maintenir cette place dans sa primauté absolue, il lui faut nous détacher de beaucoup de choses. Et c'est ici qu'elle utilise nos déceptions, nos inconforts, nos insatisfactions, nos détresses cachées.

Or, qui ne connaît, à un moment quelconque, ce que Simone Weil appelait des « vides » ? Dans son activité : on ne se sent pas tout à fait dans son rôle, pas exactement fait pour cela qui donne le pain quotidien, alors que tant d'autres emplois, d'autres charges, des responsabilités réelles ont échappé ou ne se présenteront jamais ; — dans son cœur : à cause de la solitude, des rêves brisés, parce que le foyer est douloureux, ou s'il réussit à conquérir son harmonie (souhaitons-le ardemment), en raison de la plénitude de bonheur qui se refusera toujours, des craintes justifiées ou déraisonnables, des crises, des deuils ; — dans son esprit, à l'intime de sa propre raison d'être sur la terre, quand le sens du destin échappe et que pèse sans rémission une existence dont le lendemain n'est jamais assuré ; — dans son âme, quand on comprend sa misère et que le Ciel est silencieux... À tous les niveaux des couches sociales et de toutes les vies une longue plainte monte. Car personne n'échappe au sort commun.

Le christianisme ne prêche, certes pas, la fausse résignation. Ne parlez pas de subir je ne sais quelle fatalité, dit-il. Quelle que soit votre épreuve, luttez pour vous, et pour les autres ; votre devoir est d'améliorer tout ce qui peut l'être humainement. Mais il ajoute fussiez-vous parmi les privilégiés d'ici-bas, puisqu'il restera toujours quelque chose qui ne sera pas achevé ne comblez pas ces « vides » par le désespoir, ou bien par des rêves, des constructions chimériques. Éloignez l'illusion suprême qui est de croire que telle, autre situation, tel autre foyer, tel état spirituel, un « ailleurs » conforme à vos aspirations créerait le bonheur plénier dont vous avez faim et soif. En vous, des exigences légitimes se trouveraient assouvies — ne nions pas les possibilités réelles d'épanouissement qui pourraient s'offrir —, pourtant ne vous hâtez pas de vous rebeller. Ce « vide » représente votre manière à vous de vivre la pauvreté. Connue peut-être de Dieu seul, parce que nul ne sait ce qui se passe derrière la façade des vies, cette pauvreté offre un instrument efficace à l'action du Saint-Esprit. Autour de vous on s'apitoie, on la commente, on la critique : laissez dire. Elle est bienheureuse, votre pauvreté, car par elle le don de crainte fait pénétrer dans votre cœur et à l'intime de l'âme le désir de Dieu. Au lieu de les réciter ou de les chanter distraitement, sons la seule pression de l'habitude, vous allez peu à peu les faire jaillir du sein de votre espérance, chargés d'un sens précis, lourds de substance, les articles de votre Credo : nous attendons la résurrection de la chair et la vie du siècle à venir. Nous attendons cet « ailleurs » qui est notre vraie Patrie. Nous attendons que la Gloire de Dieu nous rassasie.

Et si la grâce chrétienne ne parvient pas à vous détacher de tout, si le goût des réalités invisibles se heurte jusqu'à la fin à l'envahissante séduction des idoles, n'ayez pas peur la miséricorde de l'Église ne sera point prise en défaut. Elle agit auprès de celui que la mort menace. L'entourage d'un grand malade ignore trop souvent cette sollicitude suprême, sinon son comportement changerait. Il appellerait le prêtre avec confiance, il verrait en lui l'artisan de la guérison définitive de l'âme et du corps. Le sacrement des malades est, en effet, au service de la vertu théologale d'espérance. En cet instant d'ultime débat, lorsque le présomptueux croit encore à la valeur de ses minces mérites, et que tant d'autres mesurent plutôt l'insuffisance de leur bagage : « c'est de la paille, je n'ai rien, j'ai les mains vides », l'onction sainte aide le chrétien à étouffer les voix du découragement et à situer dans une exacte lumière le monde qu'il est en instance de quitter. L'espérance trouve là un regain de force et de certitude. L'heure est proche où l'on va larguer les amarres. Couronnant le lent travail de la Grâce et de l'Esprit, le suprême sacrement fixe l'espérance en Dieu.

Une dernière difficulté : l'idée de récompense


Une question subsiste. Elle a peut-être accompagné le lecteur tout au long de cette étude. La formuler plus tôt eût privé sa réponse de quelques éléments importants. Elle nous permettra de conclure.

L'espérance est un sentiment enviable, déclare-t-on aux chrétiens. Mais quelque chose vient la vicier : l'idée de récompense. Que vous fondiez votre attente sur vos mérites personnels ou sur la pure miséricorde de Dieu, vous envisagez une compensation aux risques courus. « Parce que vous me l'avez promis », dites-vous dans l'acte d'espérance, et comme si vous craigniez que ce rappel fût insuffisant, vous insistez « ... parce que vous êtes souverainement fidèle dans vos promesses ». Remarquez, d'ailleurs, que vous n'êtes pas seuls à mettre les points sur les i. Plusieurs textes de l'Évangile accréditent avec force cet espoir d'une juste rétribution. L'un d'eux utilise même15 une image saisissante : « Donnez, et l'on vous donnera : une bonne mesure, serrée, tassée, débordante (Lc., VI, 38) ». Voilà qui est alléchant ; mais, du fait même, l'espérance ne nuit-elle pas à l'amour ? Où est la gratuité, la liberté d'un don de soi généreux ? Apparemment détachés de tout, n'êtes-vous pas finalement les plus « intéressés » des hommes ?

N'éludons pas cette objection ! Elle n'est pas seulement courante ; elle semble fondée. D'autant que l'espérance est parfois présentée de façon caricaturale. Sur les lèvres de certains prédicateurs, elle arrive en conclusion d'un très simpliste pari de Pascal. Assurance sur le ciel, elle s'offre aux pécheurs fatigués quand approche le déclin de la vie.

Un petit effort simplement pour miser sur l'autre tableau, avec ce qui reste dans le cœur et dans l'âme...

Le danger signalé est réel. À la racine de l'espérance, il y a cet élan inéluctable vers le Bonheur que la Création a inscrit dans la nature de l'homme, ce métaphysique besoin d'achèvement où nous avons vu un égoïsme sacré et non point coupable. Car Dieu lui-même veut trouver dans ce bonheur un élément de sa Gloire. Mais le risque est constant, d'oublier que cet élan n'est sacré que s'il a précisément pour objectif la Gloire du Seigneur, et non la satisfaction de sa créature. Céder à la tentation, c'est tendre vers le Royaume, non pas à cause de Dieu et pour Dieu, mais pour soi. Une convoitise d'ordre spirituel rend alors le chrétien intéressé, comme on le disait tout à l'heure. « Beaucoup en sont là : ils s'efforcent à aimer Dieu, à lui obéir, mais en vue, avant tout, de faire leur salut, et parce qu'il n'y a pas d'autre moyen d'y parvenir16 ». Il leur a été dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. » Puisque telle est la seule manière d'obtenir la grâce en ce monde et la vie éternelle dans l'autre, ils l'adoptent, mais en songeant surtout à eux. Cette déficience est inévitable, au moins dans les débuts de la vie théologale. Par là, déclare saint Thomas d'Aquin, l'espérance comporte un amour imparfait de Dieu.

Heureusement, pour corriger l'imperfection, un remède existe : l'action purifiante de la charité. N'allons pas imaginer des cloisons étanches entre les vertus : elles se fortifient l'une l'autre. Le chrétien qui aime Dieu sera conduit, par le développement même de la grâce, à l'aimer davantage. La progression de l'amour lui fera prêter attention à Dieu, une attention de plus en plus concentrée, indifférente au reste. Cette attention et le service effectif du prochain délivreront peu à peu l'égoïsme de ses impuretés. L'intérêt se déplacera. En rendant Dieu souverainement aimable, la charité aura remédié aux insuffisances de l'espérance. Lentement dépouillé de soi-même et de la recherche de soi, jusque sous cette forme subtile de la convoitise spirituelle, le chrétien ira vers le Royaume, et vers sa propre récompense, à cause de la Gloire de Dieu.

Mais notre réponse n'est pas complète. Sur cette idée de récompense, qui est au cœur du débat, n'y a-t-il point malentendu ? Et n'est-ce pas là-dessus qu'il faut enfin s'expliquer ? Quand on parle de récompense, on fait en général allusion à une sanction qui intervient, de l'extérieur. Dans le cas présent, la décision suivrait le jugement de Dieu, après qu'aient été appréciés le pour et le contre, pesées les actions bonnes et mauvaises d'une destinée. Ainsi le bonheur final serait une rétribution.

Or ce sens donné au mot récompense ne s'applique pas à la vie éternelle promise à nos fidélités. « Le fils, à qui revient l'héritage, ne reçoit pas une récompense, mais seulement les serviteurs et les mercenaires17 ». Cette affirmation de saint Thomas nous fait voir les choses tout autrement. Qu'est-ce que la vie chrétienne ? — Une vie, et une vie qui ne reste pas immobile ; elle décline ou bien elle croît. Si elle croît, si la grâce du Christ ne cesse de grandir, elle parvient finalement à l'épanouissement, par son mouvement intérieur, sous sa propre poussée que rend décisive la suprême miséricorde de la persévérance. Or, la vie éternelle est précisément cet épanouissement de la grâce en ce monde. Rien ne permet de la comparer à un cadeau reçu de l'extérieur : elle est un patrimoine dont un fils de Dieu jouit, progressivement, et qu'il possède enfin avec ses frères dans sa totalité, quand passera la figure de ce monde.

La récompense apparaît donc, ici, dans le vocabulaire de l'espérance, comme l'achèvement normal, logique, de la destinée des hommes atteignant sa plénitude. Elle est l'heure du fruit, du fruit déjà contenu dans la semence. La « récompense » de la semence, c'est le fruit ; la « récompense » de la vie chrétienne, faite d'efforts, de prières et de larmes, et de la tendresse divine qui n'a cessé de l'envelopper, c'est ce fruit savoureux et inaltérable qu'est la possession définitive de l'Amour. Qui perd son âme la gagne. Qui se donne à Dieu, dans un don vraiment dépouillé de soi, le trouve. Qu'y a-t-il là de mercenaire ? Nous n'achetons pas le paradis. Et nous ne sommes pas non plus — osons cette comparaison — des assurés sociaux touchant leur retraite de membres du Peuple racheté. Nous sommes les enfants d'un Père qui nous dira un jour, au jour de l'Événement vers quoi monte l'histoire humaine tout ce qui est à moi est à vous. Nous n'attendons pas de salaire ; nous attendons tellement plus : l'Héritage, la vie commencée devenant la vie éternelle, l'état de grâce parvenant à sa maturité, se fixant dans l'état de gloire, quand le Christ espérance de la gloire sera pour jamais cette Gloire en son Corps tout entier.

Telle est « la bienheureuse espérance » annoncée par saint Paul à Tite, son disciple. Elle est à la mesure du Plan d'amour de notre Dieu, et à la mesure de la magnanimité du Peuple en marche.

Au long du pèlerinage terrestre, pendant cette « expectatio partus » que nous vivons à l'exemple de la Vierge Marie, plaise à notre Dieu, oui, plaise à l'Amour que non seulement l'espérance nous habite, mais que sa joie nous garde (Rom., XII, 1), telle la joie d'une mère qui va enfanter ! Plaise à l'Amour que l'espérance soit en nous cette voix qui nous arrache à nos douleurs comme à nos trop courtes ambitions : réjouissez-vous, car vos noms sont inscrits dans les cieux (Lc., X, 20) !

Et plaise à chacun d'entre nous d'être aussi magnanime que le Peuple en marche ! Puisque nos noms sont inscrits dans les cieux, seule l'entrée dans la Maison du Père comblera notre attente. Prions pour demeurer dans cette avidité. Car si la prière inspire l'espérance, énumère devant Dieu tous les biens promis18, elle creuse aussi la faim, elle avive la soif de l'homme qui progresse vers le Terme. Prions... Le Royaume est proche. L'enfant qui, dans la nuit, tend ses mains et ouvre son âme obtiendra plus encore qu'il n'ose espérer, quand se lèvera le Jour.



Ambroise-Marie Carré, op, in Espérance et désespoir



1. Gabriel MARCEL, Existentialisme et pensée chrétienne, dans Témoignages, cahier n° XIII, p. 169.

2. Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, Lettre à Céline (cf. André COMBES, Introduction à la spiritualité de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, p. 127).

3. « Je n'aime pas les penseurs tourmentes, Si je pouvais parier avec Pascal, je parierais contre la damnation, car je suis, sur ce point, du même avis que Henri Heine mourant à qui une amie ayant dit combien elle eût voulu être certaine qu'il ne serait pas damné, l'entendit répondre calmement : « Dieu me pardonne, c'est son état ; à quoi lui servirait-il d'être tout-puissant si ce n'était pas pour absoudre ». Déclaration d'Alain, dans les Nouvelles Littéraires du 2 mars 1950.

4. SHAKESPEARE Hamlet, loc. cit., p. 105.

5. Louis SOUBIGOU, La « vertu » d'Espérance, dans La Pensée catholique, n° 10, 1949.

6. Lettres de Georges BERNANOS à Amoroso Lima (Esprit, août 1950, p. 188).

7. Du point de vue théologique, cf. Somme de saint Thomas, Ia IIae ; q. 109 a. 10, et surtout q. 114 a. 9, avec les commentaires du P. MULARD dans l'Édition de la Revue des Jeunes.

8. SAVONAROLE, lettre à Jeanne Caraffa (Œuvres spirituelles, trad. Bayonne, III, p. 160).

9. J. LE TILLY, loc. cit., p. 247.

10. Au Bon Dieu « ce qui plaît dans mon âme, c'est l'espérance aveugle que j'ai en sa miséricorde », Sainte THÉRÈSE DE L'ENFANT-JÉSUS, Histoire d'une âme, p. 409 (dernière éd.).

11. P. LACORDAIRE, Lettres à des jeunes gens, p. 443, Téqui, 1909.

12. L'expression est de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus. Sur cette angoisse, cf. Histoire d'une âme, ainsi que les études du P. Petitot, de l'Abbé Combes, et l'article de Marcel Moré (Dieu vivant, no 24). — De même sainte Thérèse d 9;Avila, qui parle de l'expérience mystique d'une âme unie à Dieu, expérience accompagnée d'une telle certitude que « l'âme voit clairement qu'un seul moment de ce goût de Dieu ne peut être d'ici-bas », décrit ces heures « où il ne vient de consolation à l'âme ni de la terre à laquelle elle ne tient plus, ni du ciel où elle n'habite pas encore ». Alors elle se croit « abandonnée de Dieu totalement et pour toujours » (Vie par elle-même, ch. xx, Éditions de la Vie Spirituelle, I, p. 313 et ss.).

13. Saint Jean de la Croix dit admirablement « L'âme soutenue par l'espérance embrasse le dénouement et se dépouille de tous les vêtements et de toutes les parures du monde ; elle n'attache plus son cœur à rien ; elle ne s'appuie sur rien de ce qu'ils lui offrent ou lui promettent ; elle veut vivre sans autre vêtement que celui de l'espérance de la vie éternelle » (Œuvres spirituelles, aux Éditions du Seuil, p. 1196).

14. Loc. cit., p. 257. Momentanément hors d'atteinte, il risque fort de redevenir ce qu'il était avant de vivre dangereusement.

15. « ... L'idée de récompense tout autant que celle d'éternité me révolte... Si je fais la charité, ce n'est pas dans l'espoir d'une récompense, mais parce que j'en éprouve la nécessité » : André Gide à Claude Mauriac. Cf. La Table Ronde, avril 1950, p. 70.

16. Ch.-V. HÉRIS, La perfection de la charité, dans La Vie Spirituelle, avril 1950.

17. Comment. in Joannem, cap. x, lec. 3.

18. Nous avons souvent fait allusion à la prière. Mais les liens de l'espérance et de la prière sont si nombreux et étroits, que nous leur avons consacré plusieurs entretiens, à la suite de ceux-ci. Un autre volume les recueillera, sous la forme d'un Commentaire du Pater.