Avant-Propos
Nous remercions
le R. P. Doncœur d'avoir bien voulu autoriser la publication à La
Clarté-Dieu d'un article paru aux Études, le 20 février 1932, sous le titre que nous lui avons conservé : Préface pour de jeunes chrétiens.
Bien qu'il n'y soit pas formellement traité de liturgie, nous sommes
fondés rétrospectivement à considérer ce texte comme une des pièces maîtresses
du renouveau liturgique français. Nous voudrions nous expliquer à ce sujet
brièvement.
En 1924, dans
une plaquette : Cadets, qui devait avoir sur la génération montante
une influence décisive, le R. P. Doncœur dessinait
d'une main ferme les orientations à prendre en matière de liturgie :
Revenus aux
liturgies essentielles, ils [les jeunes chrétiens d'aujourd'hui] reprendraient
dans l'intelligence du baptême, de la confirmation, de l'Eucharistie, la
connaissance parfaite de leur corps, façonné une première fois par les mains
divines, lavé dans l'Eau et l'Esprit, oint des huiles
consacrantes, nourri du Corps et du Sang du Dieu incarné, tabernacle de la
Trinité, instrument
sanctifié des grandes œuvres humaines et divines où s'achèverait leur sainteté...
1924. Le Missel de Dom Gaspar Lefèvre
avait déjà commencé d'une manière pacifique et irrésistible la conquête de
l'élite des catholiques de langue française. Et désormais, les Cours
d'Apologétique supérieure, les Précis de religion
chrétienne (en trente leçons), — livres dont on ne niait pas pour autant le bienfait et la nécessité
pédagogique, — ne pouvaient plus prétendre
au monopole des instruments de la culture chrétienne. Pie X n'avait-il pas indiqué la liturgie « comme la source première et indispensable du véritable esprit
chrétien » ? Aux
garçons et aux filles qui demandaient avec la naïveté de leur âge : « Indiquez-moi un livre où je puisse apprendre ma religion », on pouvait maintenant, grâce à Dom
Lefèvre, répondre : « Ce
livre essentiel existe, et c'est le missel ».
Pour fournir d'autres repères, c'était aussi le temps où les œuvres du
P. Plus et de Dom Marmion habituaient les chrétiens à considérer le Christ comme « la vie de leur âme », où, à Saint-Maximin, le P. Bernadot prolongeait le bienfait de son livre De l'Eucharistie à la Trinité en fondant La Vie
Spirituelle, et recevait des mains
de Jacques Maritain le texte du Mystère
de l'Église du P. Clérissac...
La Route des Scouts de France était en train de naître et devait être
caractérisée dès le début par une option catégorique en faveur de la liturgie. Le R.P. Doncœur, qui n'occupait alors aucune situation
officielle dans la Fédération, mais lui apportait le prestige de son crédit et
l'autorité de ses conseils, a contribué alors, plus que tout autre, à mettre la vie religieuse des Scouts de France en contact avec les
sources les plus pures de la liturgie. Routiers, sous la conduite du R.P. Doncœur, et universitaires catholiques, sous la direction du regretté M. Paris,
ont fourni, de fait, pendant les vingt-cinq dernières années, les masses de manœuvre les plus importantes du mouvement liturgique
français.
Roland parut à beaucoup une entreprise
d'archéologie destinée à
promouvoir la restauration d'un
étrange folklore musical,
chrétien et français. Cette
entreprise, assuraient les docteurs en Israël, était vouée à
l'échec, et pourtant Roland, bravant tous les scepticismes, assurait qu'on pouvait marcher, qu'on pouvait chanter... même
en France ! C'est de ce temps et de cette première étape que le R.P. Doncœur devait
écrire, en 1941 :
Nous avions,
il y a vingt ans, des feux de camp vivants qui nous ont à tous donné un choc.
On y sentait une ferveur, une sève jaillissante. Ils nous ouvraient un domaine
merveilleux et magique qui nous délivrait enfin des spectacles de patro sur des
théâtres sales, le ciel el les étoiles, la terre et le feu, l'immensité d'un
monde tel que Dieu nous l'avait bâti et offert. Ce fut pour nous la révélation
d'un art frais, sincère et chrétien. Cet art ne faisait peut-être que
s'annoncer. Il bégayait, mais avec un grand charme...1
Quelques clans chantaient alors timidement — et, avouons-le, plutôt mal
— la messe des Anges. On
assurait même que des garçons, singeant les moines, sous le regard narquois des
étoiles, chantaient les complies après la dernière étape. Cette piété
d'archéologue restait suspecte et soulevait plus de brocards que de blâme,
quand il fallut un jour se rendre à l'évidence : on n'était pas en présence d'essais plus ou moins originaux et voués tôt ou tard à l'échec, mais d'un mouvement cohérent et irrésistible qui présentait
tous les caractères de ce que les Anglais appellent un revival. Une nouvelle sensibilité chrétienne cherchait ses formes d'expression,
et déjà elle annonçait qu'elle avait trouvé les principales. La Route était frayée, et, à, la manière habituelle
des communautés de jeunes, elle n'inventait pas, elle retrouvait. 2
De ce revival,
le P. Doncœur était l'animateur jamais lassé, jamais découragé. Dans le même temps,
il donnait aux Etudes des bulletins de liturgie qui contribuaient efficacement à aider le clergé elles chrétiens cultivés à opérer les redressements nécessaires.
* * *
Le moment semblait venu de coordonner les efforts et de fournir à une
équipe, qui était prête désormais à recevoir le message dans sa teneur intégrale, un terrain de rencontres
et un moyen d'expression. Ceux qui ont vingt ans aujourd'hui ne savent pas
quelles étaient, les terres désolantes d'ennui que nous habitions alors, et quand
leur vient spontanément aux lèvres le chant d'une Alouette, quand ils se reconnaissent, à des
comportements types, comme citoyens d'un même monde qu'ils habitent maintenant
avec aisance el dans la joie, ils ne savent pas de quelles victoires sur le conformisme
et fa routine ces gains ont été achetés. L'apparition des Cahiers du Cercle Sainte-Jehanne fut
pour beaucoup d'entre nous une révélation décisive. C'était un appel, « la voix magique d'un oiseau de nuit qui chantait sous la fenêtre d'un
mourant ».
Il nous souvient, pour
nous, que ce fut après un cours de feu Bouglé (ou, je crois même, pendant) que nous nous mîmes à lire un commentaire de Marie-Simonne Thisse sur le Traité
de la Force de la Somme
Théologique, qui paraissait dans un
des premiers numéros...
Quand on écrira
l'histoire du renouveau catholique d'entre les deux guerres, il faudra faire
une place très large à l'histoire des Cahiers. C'est dans ce laboratoire modeste, qui n'a
jamais bénéficié d'une publicité tapageuse, voire d'un patronage officiel,
qu'ont été pressenties et élaborées des formes qui apparaissent, de nos jours, comme
les plus neuves, les plus vigoureuses
et les plus authentiques de l'esprit chrétien.
* * *
Préface pour de jeunes chrétiens, huit ans après Cadets, marquait l'étape.
La victoire était assurée. On pouvait regarder l'avenir tranquillement. La
magnanimité ne paraissait plus de la
jactance. Un monde nouveau était en train de naître.
Dies venit, dies tua
In qua reflorent omnia.
In qua reflorent omnia.
Nous connaissons peu de textes, même aujourd'hui, où vit une telle
certitude. Du dilemme inévitable : « Créer, faire œuvre neuve, ou redescendre aux catacombes et disparaître de l'histoire », il n'était même pas question d'examiner le second terme. Pie XI, alors,
ne cessait de déclarer, au nom de l'Église, qu'il se sentait le cœur à refaire un monde.
Nous n'éprouvons aucune tristesse, en 1943, à relire ce texte, à évoquer ce passé récent. Nous savons que nos
meilleures raisons d'espérer demeurent et qu'elles sont là. Dans le désarroi
universel, seule la Croix du Christ tient, — stat, — notre
espérance unique. Elle nous interdit le désespoir et nous demande de vivre,
pour nous et pour les autres. Vidi aquam egredientem de latere dextro et omnes ad quos pervenit aqua ista salvi facti sunt, et dicent : Alleluia !
Alleluia !
Pâques 1943.
Pie Duployé,
op
Préface pour de jeunes chrétiens
I/ Les Termes du Problème
Sollicitées d'ouvrir une
enquête sur les sentiments
religieux de la jeune génération, les Études ne
désespèrent pas de réunir une information assez vaste et précise pour être
fidèle. Le présent travail est plus modeste. Si dix années de contact
permettent de formuler quelques constatations, elles ne suffisent pas à porter
un jugement universel. Limitant cette étude au cas de nos Routiers, ce choix ne signifie ni
complaisance ni exclusivisme ; méthodique, il marque le désir de parler de ce
que l'on sait. 3
Le problème
est limité : on suppose
des jeunes catholiques de bonne volonté, fidèles, malgré les sollicitations,
à une foi qui
juge ( si elle ne
régit pas toujours) leur conduite, lassés de certaines contraintes, bouillant
de quelques fièvres, jaloux d'une liberté longtemps refusée. Ils ne connaissent
plus la paix de l'innocence soumise, ils ignorent encore celle de l'équilibre
assuré ; intellectuellement, moralement, physiquement, ils sont inquiets
de prendre possession d'eux-mêmes. Lorsque, vers les dix-huit ans, le scoutisme
des garçons n'est plus à
leur taille, plusieurs renoncent, quoique désireux de prolonger une amitié
dont ils apprécient la qualité. Dans cette crise, quelques-uns succombent,
perdent la foi, les mœurs ou temporairement le courage. Ce n'est pas de ceux-ci
qu'il est question. D'autres entendent poursuivre leur effort scout. À eux
s'ouvre la Route, où après un noviciat, ils s'engagent par un Départ solennel.
Ils seront Scouts-Routiers.
Le problème
se pose donc ainsi :
auprès de jeunes hommes de bon vouloir, engagés en pleine crise, pourquoi
certaines propositions de la religion échouent-elles ? Quelles autres pourront agréer ? 4
Ramenée à son trait essentiel, la
réponse proclame la nécessité de l'adaptation. Il paraîtra candide
d'énoncer ce truisme. Le propre des truismes est d'exprimer des naïvetés
méconnues.
II/ Religion
et Scoutisme
Le principe n'est pas contesté. Le
plus banal des Traités de prédication recommande de s'adapter à son auditoire,
de ne pas parler à des orphelines comme à des théologiens, à des paysans comme
à des carmélites. Si difficile que soit l'application du principe, ce n'est pas
une raison pour renoncer à l'effort. Il n'exige, d'une part, qu'une
connaissance expérimentale du sujet, de ses capacités et de ses impuissances ;
d'autre part, une maîtrise telle de l'objet que, disséqué, réduit, recomposé,
on le coule fluide dans la forme qui le reçoit. Si rien n'est reçu qu'ad modum recipientis, tout doit être versé selon ce même
mode. Il faut pour cela une proportion réciproque, et que le plein soit apte à
épouser la forme du creux. Mauvaise comparaison, d'ailleurs, si l'on imagine
une simple juxtaposition.
Que le Routier-Éclaireur (neutre), s'il est catholique,
réserve une place à sa vie
religieuse à côté de sa vie scoute, libre à lui. Il n'en peut être de même du
Scout-Routier dont le scoutisme est catholique. « Le Scout de
France est fier de sa foi et lui soumet toute sa vie ». Intrinsèquement, le catholicisme
compose avec son scoutisme ; au sens thomiste, il l'informe. Il y a compénétration,
animation. À la façon de l'âme présente dans tout le corps et du corps humanisé
par l'âme, entre la vie religieuse et la vie scoute devront être assurées ces
liaisons et convenances
par où cette âme fait avec ce corps un être vivant.
Évidences, dira-t-on ? — Les
conséquences n'en seront que plus facilement établies. Les voici solidaires
l'une de l'autre :
d'une part, la Route 5 du Scout de France sera tout
informée de catholicisme ;
d'autre part, sa vie religieuse portera un reflet, un caractère, un style
qui la différencient et la conditionnent. Comme il est légitime et souhaitable
que le marin, le jociste, l'ingénieur donnent à leur attitude religieuse un caractère qui la leur fasse
aimer parce que harmonisée à leur vie professionnelle, ainsi sera-t-il bon que fasse
le Routier.
Entre tous
les fils de l'Église,
il n'est qu'un Christ, un baptême, une Eucharistie, mais, sans faire œuvre
de secte, il est loisible à chacun, sous le contrôle de l'Église, d'accentuer
son Credo et sa mystique d'une façon originale. Saint François s'éprendra de la pauvreté de
Jésus-Christ, saint Vincent de sa charité, saint Ignace de la gloire de
Dieu ; les Congrégations de la Sainte Vierge, la Croisade eucharistique,
les Pénitents gris feront porter leurs préférences sur tels éléments où ils
trouveront plus de saveur. Divisiones gratiarum sunt, idem Spiritus. Pour n'être
pas une association de piété et ne pas s'assigner d'objet religieux spécifique,
pour embrasser tout ce que la vie catholique lui propose sans imposer à ses
adhérents de choix ni surtout d'exclusivité, le scoutisme peut dans l'ordre
religieux revêtir un mode à
lui. S'il a connu tant de succès pour avoir incarné aux yeux de nos garçons
un style qui les a conquis, ne serons-nous
pas heureux de voir ce style donner à des chrétiens un attachement plus fier à leur foi ?
III/ Scoutisme et Jeunesse
Quel est
l'élément caractéristique de ce style, celui non pas auquel se réduise la
pensée scoute, mais qui, à la façon d'un ferment, travaille le plus
universellement sa masse, informe ses activités, ses gestes, et qui, d'un trait
de race, d'une marque de fabrication, signe toutes ses pièces ?
On peut en
proposer plusieurs et subtiliser.
Au risque
encore une fois de parler avec candeur, mais préférant cette simplicité à des
raffinements, nous dirons que le scoutisme n'a rien tant à cœur que d'être
jeune. Il se définit un Mouvement de
Jeunes. À chacun de ces mots, il donne son sens le plus riche. Mouvement
(et non point établissement, casernement), élan fait de spontanéité chez le
garçon et de confiance chez le chef, toute la puissance et (si ce mot n'était
ridicule) tout le dynamisme du scoutisme résidant dans l'âme, la foi,
l'enthousiasme des jeunes. Les vieux, — très nombreux, plus nombreux qu'ailleurs — apportant plus un contrôle qu'une
impulsion, estimeraient avoir échoué si l'ordre n’était que le fruit de la répression. Loin donc qu'il enserre et parque des
garçons dans un esprit de défiance et d'hostilité à leur jeunesse, loin qu'il
travaille à les vieillir, il combat en eux cette aspiration perverse (qu'une
civilisation épuisée leur inculque) à se faire promptement vieux de goûts,
d'âme, de cœur, d'aspect. Qui tolère, comme un pis-aller, leur jeunesse ne sera
jamais un vrai chef scout ; quant aux
garçons qui aspirent à l'heure où la pipe, des guêtres et le chapeau rond
consacreront leur maturité, qui hâtent, qui devancent cette
heure, ils s'excluent d'eux-mêmes du Mouvement. 6
Des hommes
qui ont foi en la jeunesse parce qu'ils savent de quoi elle est capable ;
des jeunes qui veulent être, rester jeunes, au besoin le redevenir, voilà, je
ne dis pas le propre ni le tout du scoutisme, mais c'en est une condition
préalable et nécessaire.
Substantiellement
un mouvement jeune, il n'a pas été conçu par son créateur comme un système de
gouvernement des jeunes selon les goûts des vieux. Il a jailli comme une
découverte de la jeunesse
à qui il a proposé, dans un beau jeu sévère, de s'affirmer, de s'épanouir en
se disciplinant. 7 Il exige de l'homme de trente ans qui veut
créer une troupe, moins une technique sanctionnée par des brevets qu'une âme
ardemment (savamment) jeune. Nul d'entre nous qui n'ait éprouvé en venant au
scoutisme cette nécessité et cet effet de rajeunissement. Si l'on osait des personnalités,
on évoquerait l'exemple de vieux soldats comme les vainqueurs de Douaumont ou
de Vauquois, et la plus
rayonnante figure du Scoutisme français,
ce prêtre infirme qui, pour s'être identifiés au scoutisme, savent bien — et montrent — qu'ils pourront succomber, mais
non pas vieillir.
Vous craignez
qu'aux abords de cette Fontaine de Jouvence, nous nous soyons égaré ? Nous sommes au cœur de notre
sujet.
IV/ Qu’est-ce qu'être jeunes ?
Il est vite
dit qu'on veut être
jeune ; il est moins aisé de formuler en quoi consiste cette jeunesse. Les
jeunes sont assez incapables de se décrire ; et les vieux, dont nous
sommes, s'ils peuvent plus aisément parler, le font surtout en analysant le
contraste cruel de leur décrépitude.
À cette
question : Qu'est-ce que la jeunesse ? ce grand ami de Foch, Jacques de
Chabannes, seigneur de La Palice, répondrait qu'elle est le contraire de la
Vieillesse. Aurait-il tort ?
Être vieux, c'est avoir vécu et, par
suite, être fatigué. 8
Le corps, qui
est le siège
propre de la fatigue de l'âge, trahit le premier la jeunesse. Hélas ! nous
le savons bien à monter nos étages, le cœur n'a plus l'insouciance qui nous
faisait à vingt ans ignorer son effort. Les muscles se sont raidis
d'arthritisme. La vue se fait presbyte. Et que de misères — les petites misères de l'âge, ou
les grandes, — nous
rappellent à chaque saison l'usure des années de travail ! La fragilité de
l'organisme nous tient dans une prudence de plus en plus méticuleuse : peur des efforts violents ou peur
des courants d'air. À peine si les précautions, les régimes nous défendent, si
le sommeil nous repose, si les traitements, les médications, les cures luttent
contre l'intoxication mystérieuse de la vie. Quant aux réconforts qu'apportaient
jadis un exercice au grand air, un bon dîner, une nuit de sommeil, nous ne
pouvons plus demander à l'organisme une telle plénitude de réaction, nous en
sommes réduits aux sagesses timorées de petite dépense et de nul risque.
Moralement
aussi le cœur est fatigué. II
porte une lourde
expérience d'échecs ou de déceptions. Il a
éprouvé la méchanceté des hommes, parfois la trahison, l'abandon, du moins des
amis. Il sait l'existence et le pouvoir du mal. Il a appris l'humiliation des temporisations et des
habiletés nécessaires, des dissimulations et du doute. Du doute sur soi-même,
hélas ! né de la découverte de ses impuissances, de ses limites, de ses
erreurs ; de ses défaillances et plus encore de ses fautes. Puisqu'il a
continué de faillir, le vieillard a plus péché. Là est le vrai stigmate de la
vieillesse. 9
« Car, nous autres, nous avons péché
et nous sommes devenus vieux, mais notre Père du Ciel est plus jeune que
nous ».
Chesterton
dit plus vrai qu'il ne paraît : le péché a été la source de notre vieillissement de
cœur. Peu à peu, le scepticisme s'est insinué ; il a entravé la Petite Espérance, la délicieuse enfant au cœur léger
qui courait en avant de ses grandes sœurs théologales. Désormais, la crainte née
de l'affaiblissement interdit les risques, elle se fait calculatrice et souvent
égoïste. Ironique parfois aux naïvetés, elle cherche dans les ingéniosités de
la politique, tout au moins dans les ménagements et les compromis, une défense
et un pouvoir que la vigueur lui refuse.
L'intelligence
a beaucoup appris, supériorité balancée par une servitude. Elle a grand'peine à n'être pas
captive du passé, des formules enregistrées et qui (n'étant qu'approximations
commodes et provisoires) se croient définitives ; là est la plus grande
faiblesse des vieux chefs, de ces vieux généraux autrichiens que la guerre
juvénile d'un Napoléon déroutait plus encore qu'elle ne brisait. Accablée des
vérités toutes faites, envahie par la mémoire, elle n'a
plus la légèreté requise aux explorations rapides, l'audace des risques, la fraîcheur du regard, la
sensibilité toujours impressionnable au réel ; le goût même de découvrir
lui manque parce que désormais la découverte lui fait peur. Elle vit
commodément dans un système stabilisé. Elle n'a plus la vitalité suffisante
pour tout reconstruire ; aussi se défend-elle des curiosités comme d'une imprudence.
Elle exploite doucement les vieilles formules de sa jeunesse, audaces qui ont
fait long feu.
La jeunesse
est, au contraire de tout cela, vitalité débordante. Une sève monte en elle
qu'elle voit croître à l'exercice, à la dépense même. Cette ivresse lui donne
un élan, une hardiesse qu'exaltent la difficulté, le combat, le danger. Elle en
a, c'est évident, les intempérances et les instabilités. L 'art d'un chef de jeunes hommes
consiste à protéger l'essor dont ils sont capables par la sagesse dont il a le
secret.
Le monde où
triomphe la jeunesse est celui de l'effort physique. La souplesse des membres,
l'intégrité des organes, l'énergie intacte de la vie lui permettent non pas
tellement le sport (ce facile dévoiement) que le jeu. Le jeu, ou, sans autre
fin que de s'exercer dans une aisance née de la maîtrise de soi et des choses,
la légère et harmonieuse dépense de sa force. L'homme peine, le vieillard
succombe, le jeune homme triomphe, bien mieux : il joue. C'est pourquoi il
affronte, il provoque les forces d'une création qu'il traite en camarade.
Dressage des animaux et chasse, montagne, forêt, mer et — ce rêve millénaire du jeune Icare — l'azur. À un rythme accessible à
la masse, le scoutisme a progressivement ouvert au Louveteau, au Scout, au Routier
des domaines jadis
interdits ou du moins ignorés. Terra Ignota ! Dans un sens
nouveau et cruel, la formule marquait pour combien de cénacles de soi-disant
jeunes la vaste terre elle-même que le Créateur avait jadis ouverte à Adam !
Ni Sénat, ni Académie, ni Presbyterium,
le scoutisme a exalté ce que la tradition des Collèges de Jésuites 10
défendait contre une Université
alanguie : le jeu, le
grand air qui ont fait la joie de notre jeunesse.
Avec son aspect physique, le tempérament
moral distingue le jeune homme. Il a
beaucoup de défauts, bien sûr, mais la question est de connaître en lui les dispositions
heureuses qu'il y aura lieu d'exploiter. 11 La plus évidente
est l'élan, la générosité qui viennent d'une candeur mal informée de ses limites.
L'afflux des forces intactes inspire le courage, l'audace et plus encore
l'allégresse. La jeunesse espère tout, ose tout, elle porte la baraka. Elle a la fortune pour elle. Prodigue, elle dépense,
sûre de ne pas s'appauvrir. Sa puissance de rebondissement est faite de
beaucoup d'illusions, mais de plus notables certitudes.
Au fond,
l'intelligence commande toutes ces attitudes. Ce que l'on contestera le moins
dans, la jeunesse, c'est sa curiosité. Forme, direz-vous, de son ignorance ? S'il vous plaît ! Pascal
dirait autrement que son avidité vient de la fraîcheur de sa possession. La
puissance créatrice de l'imagination, la souplesse aux disciplines nouvelles, la promptitude de
l'intuition font le charme, fragile, de son esprit. Dépourvu des éruditions
patientes, il excelle où la pénétration et la rectitude des sens jouent le
premier rôle. Il est des jeunesses tôt viciées par la fréquentation des mauvais
maîtres. En ce cas, la perversion peut atteindre des excès. Inversement,
lorsque son tempérament est resté sain, rien n'est plus notable dans la
jeunesse que l'horreur de la littérature et de la sophistique. Si j'analyse les
résistances ou les refus qui ont déconcerté mon éloquence ou ma dialectique de
quinquagénaire, il m'apparaît qu'au lieu de parler sincèrement de ce qui était,
de débattre des problèmes de fait, je me leurrais moi-même : telle admiration était de
commande ; telle évidence, routine ; telle réprobation,
surprise ; telle discussion,
d'école. Plus nous réfléchissons à nos insuccès de professeurs, d'orateurs, d'écrivains
auprès d'une jeunesse franche et de bonne volonté, plus il nous apparaît que ce
que nous prétendions valeur était emphase ou chimère. Rien ne nous oblige au
dépouillement comme l'audience, ou plutôt la collaboration de jeunes hommes
aigus et loyaux. L'ironie, l'impertinence même (ou le silence) sont, en ce cas,
le fait de tempéraments sains. Comme il est un bon sens paysan insensible aux
phrases du citadin, une rudesse barbare intolérante aux simagrées,
ils ont un discernement
redoutable aux hypocrisies du sentiment. Nous aurions tort d'invoquer le respect lorsqu'il s'agit de
couvrir ce que
certaines habiletés ont de moins honnête. Nous savons tous combien le rang, la
fonction, la fatigue (pour n'invoquer ici que les plus honorables explications)
nous dicteraient de mensonges, si nous nous laissions persuader. La jeunesse
ignore la respectabilité intellectuelle. 12
V/ D'un
christianisme jeune
Ces goûts, ces exigences de la
jeunesse doivent- ils être pris
en considération par nous ?
La question est naïve, comme si la première et universelle règle n'était pas de tenir compte du
réel ! Le médecin omet-il de prendre en considération la température de
son malade ? Le cavalier,
les jarrets de son cheval ?
Seuls des stratèges en chambre se dispensent de cette contrainte. On sait
leurs victoires.
Prendre en
considération veut dire prendre en considération : discerner, peser pour utiliser ou
combattre. Il n'est donc pas question d'ignorer les défauts individuels ou
généraux, encore moins de les respecter ; mais une éducation n'est
enrichissante que si elle cultive des dons, des qualités, et le scoutisme n'est
au fond qu'un système d'éducation qui trouve dans des discipline sévères le
moyen d'épanouir les qualités de la jeunesse.
Sur la hardiesse
de ce propos, outre tant d'autres
autorités, nous sommes rassurés par les témoignages formels du Pape Pie XI.
Les documents officiels sont connus. Quant à nous, nous n'oublierons jamais la
force avec laquelle, au mois de septembre 1926, le Saint-Père, ayant reçu nos Routiers
venus à Rome à pied, nous parla pendant trois quarts d'heure du Scoutisme
catholique et conclut sa bénédiction par ces mots : « Nous savons
quelle intelligence vous avez des besoins de la jeunesse de votre temps,
soyez-y fidèles ! »
En octobre 1928, le Pape me parlait en audience
privée avec une précision plus explicite encore. Ses approbations ne
canonisaient ni les idées ni les hommes, mais elles nous ouvraient une route
sûre et joyeuse.
D'ailleurs,
que faisaient-elles, que confirmer une évidence ? Comment ne nous encouragerait-elle
pas à développer une saine jeunesse en sauvegardant les dons qu'elle a reçus de
Dieu ? Car le
miracle de l'Église
éclate en sa jeunesse à elle, mais n'est-il pas plus étonnant encore dans le
rajeunissement qu'elle apporte au monde ? dogmatique, intransigeante, sa discipline morale,
l'autorité hiérarchique et, par-dessus tout, ses Sacrements lui permettent
d'épanouir la jeunesse sans la risquer ; elle apprend la sagesse sans
blesser la spontanéité, elle communique une sûreté qui n'entraîne pas le
vieillissement. L'Esprit-Saint, Fons Vivus, qui est plus jeune et plus audacieux
que le plus jeune d'entre nous, est la source même de cette grâce et sa
garantie.
Dès lors, les
conclusions s'imposent :
osons faire agréer de nos Routiers une proposition de la vie religieuse qui
prenne le style de leurs vingt ans.
Nous ne serons pas surpris que cet effort nous ramène au fonds authentique
de notre trésor chrétien.
Est-il
possible de préciser –
en quoi consistera cette jeunesse ? Rien n'est plus nécessaire.
A/ La jeunesse de la foi
Qu'est-ce
qu'un éclatement des adhésions verbales et formalistes, des routines d'esprit,
des mécanismes sans intelligence ; en vérité, une adhésion savoureuse à
une personne vivante, le Christ, à une Réalité surnaturelle, cent fois plus
consistante que la pseudo-réalité
des phénomènes ? Un réalisme.
To realize, disent les
Anglais : convertir en
bien-fonds.
Cette
fraîcheur de la foi est l'apanage des saints et des enfants, toutes gens pour
qui le divin existe. Avouons qu'en nous l'accoutumance,
le paganisme ambiant, les trahisons des reniements pratiques ont peu à peu
recouvert d 'une gangue cette perle de notre foi. Lumière trop vive,
indiscrète, offusquant les yeux du monde, nous l'avons avec soin tamisée dans
des tissus de casuistique et de politesse. Polyeucte en nous s'abandonne à Néarque. Nous croyons, certes,
mais il y a la manière !
Or, avec une
foi aussi édulcorée, personne au monde ne saisira jamais des jeunes hommes. Non pas que
tous s'enthousiasment pour les fiertés de Polyeucte. Beaucoup n'en ont cure. Mais nous
pouvons être certains de n'éveiller un sentiment allègre dans l'âme de nos
Routiers que si nous sommes en état de leur proposer une foi de néophyte, de nouveau-né.
Qu'on veuille
bien ne pas confondre cette juvénilité avec un sentimentalisme romanesque, à la mode des Jeunes Catholiques
d'autour 1900. Le réalisme
de la foi répudie cet esthéticisme.
Il exige un catholicisme hardiment dogmatique. Mais tels qui s'ouvriront à
saint Thomas ne mordront pas au plus récent Manuel. Dans le fatras pseudo scientifique, discerner les
questions cardinales, celles sur quoi l'option décisive se fait ; amener
sur ces dogmes essentiels, progressivement choisis, une concentration de
lumière ; user les formules jusqu'à la pulpe vivante et savoureuse ;
replonger le dogme dans la texture de l'univers ; l'engager dans le débat
qu'agitent leurs esprits ; leur faire saisir, toucher — quod audivimus, quod vidimus oculis nostris, quod perspeximus et manus nostrae contrectaverunt de verbo vitae, dit saint
Jean — ce que c'est
pour un jeune chrétien que d'être chaste et pourquoi il doit défendre la
fraîcheur de son premier amour ; ce que c'est dans la pensée, dans le cœur
d'un homme que l'amitié de Jésus-Christ et sa maîtrise ; ce qu'apportent
en son existence la douce et fraîche présence de la Sainte Vierge, le
Saint-Esprit et ses dons, la communion des saints ; pousser à la tendresse et à la fierté
l'adhésion de l'Eglise ;
mesurer ce qu'il faut de résolution pour confesser sa foi comme un
martyr ; goûter la splendeur qu'elle assure à la pensée d'un Claudel ; bref, réaliser ce
qui n'était encore que notionnel ou verbal, voilà l'effort que nous devons
engager et poursuivre avec nos Routiers. Il est le seul qui paye, le seul qui
aboutisse. Tant que nous ne sommes pas arrivés à leur arracher un cri d'admiration et d'option, notre
travail est inachevé. Ma conférence sur les Anges fut un chef-d'œuvre
d'érudition, elle n'a pas abouti si mes Routiers n'ont pas été éblouis
d'apprendre qu'un Esprit irradié de la Vision divine marche à leurs côtés.
Or, il nous
est rare d'entreprendre cette aventure, et surtout de la pousser à bout. Nous
sommes lâches, il est plus aisé de bâcler une conférence ou un cercle d'études
en démarquant du tout fait. Mais c'est avec ce système que nous répandons
l'ennui, qui demain sera dégoût. Et nous nous étonnerons que des garçons si
copieusement nourris d'apologétique perdent la foi !
La foi qu'ils
conserveront — et comment !
— ne peut être
qu'une foi qui les rende joyeux de sa possession. Joyeux parce qu'ils en ont
fait pièce à pièce comme
la découverte, joyeux parce qu'ils en ont été éblouis comme d'une splendeur
effaçant toutes les charlataneries courantes, joyeux parce que l'expérience de
la vie leur révèle que chaque mot du Christ ou de l'Église entre sans
violence dans le tissu des choses et donne au système de l'univers son harmonie
et sa compacité. En tout ordre d'enseignement, des candidats
subissent des répétiteurs ; des jeunes
hommes libres ne se donnent qu’à
un Maître. Ne croyons pas que la transcendance de la révélation fasse plus
indulgents nos auditeurs, elle accroît leur sévérité. Nous nous demandons
parfois pourquoi telle parole pommadée, telle autorité consacrée, telle
réputation mondaine, qui enflamment les plus brillants auditoires, connaissent
dans des milieux jeunes de cuisants échecs. Ne croyons pas trop facilement, à la
malveillance ou au manque de goût ; l'amère leçon révélera à notre courage ce qu'il y avait de
caduc, de malsain, de mort dans ces beautés où nous nous complaisions.
Maîtres,
maîtrise. Titres redoutables dont Notre-Seigneur nous a interdit de nous parer,
car nous ne les mériterons jamais. Mais nous tendrons sans repos à nous faire
maîtres des idées, des choses, maîtres de notre enseignement.
Il n'y a pour
cela qu'une méthode, c'est la science de première main, fidèle au réel,
attentive aux sources. Ce qui vaut pour un chimiste ou un géographe est cent
fois nécessaire au théologien, au pauvre homme qui doit parler des choses divines.
Un seul a pu nous en parler, Celui qui les a vues. Il nous en a donné le
témoignage écrit dans l'Évangile,
vivant dans l'Église.
Nous ne serons réels, et donc savoureux, que dans la mesure de notre
commerce intime et direct avec le Maître unique. Et, par ailleurs, dans la
mesure de notre engagement dans le réel humain : la vie. Le jour où nous tiendrons
ces deux pôles dans une forte étreinte, qu'il s'agisse du sacrifice de la Messe
ou de la Paternité divine, du Nominalisme ou de l'Amour humain, du Pape ou de l'Épître aux Romains,
des plus hauts objets ou des plus terrestres, si, par ailleurs, nous avons
quelque peu de cette autre maîtrise qui consiste à savoir manier des esprits, nous n'engendrerons ni
l'ennui ni le dégoût.
D'une
intimité constante avec ces disciples, nous aurons appris l'art souverain
d'éveiller la curiosité qui s'ignore, de l'exalter en la nourrissant, de ne
jamais l'accabler, surtout de ne lainais l'éteindre. Si, au terme de notre
leçon, au sommet de notre effort, la lumière n'ouvre pas leurs regards de
nouveaux horizons, et en leurs esprits de nouvelles curiosités avec la sûreté
qu'ils possèdent la promesse des découvertes, nous avons manqué à l'essentiel de notre tâche.
Il n'est pas facile, direz-vous en ce cas, de parler aux jeunes !
Qui l'a prétendu ?
Mais ne voyez-vous pas que cette mission nous engage dans la plus heureuse
nécessité : celle de
renoncer à tous les faux semblants pour être vraiment — dans notre vie — des témoins de Jésus-Christ ? à vivre près de Lui, nous finirons par renoncer
à ce qui n'est pas Lui :
habiletés humaines de la rhétorique ou de la politique. Cela va jusqu'à
faire prendre l'Évangile
au sérieux — sine glossa, quelle
aventure ! — Comme saint
Paul et saint François d'Assise. Ils ne nous en ont point fait confidence, mais
nous pouvons être sûrs que de ce ton un vieil étudiant basque au cœur juvénile
parlait, il y a justement quatre cents ans, au brillant et fougueux et sportif
Francisco de Javer, le jeune maître de Sainte-Barbe. La Compagnie de Jésus n'oublie pas
qu'elle naquit de ces palabres d'étudiants routiers.
B/ La jeunesse de la vie
Une
intelligence plus fraîche du christianisme entraîne une discipline spirituelle
et morale de même style et réprouve un certain établissement,
comme disent les Anglais.
Les jeunes
hommes sont capables des options spirituelles conformes à l'Évangile. Le fait que
les sacrifices que comporte la vocation religieuse sont consommés autour des
dix-huit ans prouve combien l'Esprit-Saint dispose facilement de leur cœur. Cet
âge est pour le moins aussi souple à son action que ne le sera l'âge mûr. — Âge des passions, diront les
censeurs ! — Comme si tous
les hommes de quarante ans pouvaient soutenir le regard de Jésus-Christ !
Tout âge a ses vices et ses péchés, nous le savons de reste. Tout âge a aussi
ses saints.
Quoi qu'il en
soit des extrêmes, la moyenne de nos jeunes chrétiens fait aujourd'hui belle
figure, nos associations catholiques les groupent nombreux et ardents. Nos
Scouts-Routiers (ni pires ni meilleurs) sont ou veulent être de chics chrétiens. Ne décourageons pas cette bonne volonté en
lui imposant des mœurs d'un autre âge, lesquelles ne sont pas toujours plus
plaisantes à Dieu. Si ces jeunes hommes aspirent à une vie religieuse allègre,
simple, vraie, qui les voudra blâmer ?
Ce ne sera
point le Cardinal de Paris qui écrivait, à l'issue du dernier Congrès
diocésain, ces lignes clairvoyantes :
Avec unanimité nos éducatrices ont demandé d'abord
qu'on évite de heurter de front, de bouder a priori les tendances de la jeune fille d'aujourd'hui. L'éducation est surtout faite de confiance. Et
l'enfant ne donne sa confiance qu'à celui dont il se sent aimé et compris...
Regardez l’âme de vos filles non pas comme on étudie une idée abstraite, mais
comme on analyse... une réalité vivante...
Préoccupons-nous de donner à nos enfants une instruction religieuse à la fois complète et vraiment vivante. Que les vérités déposées par nous dans ces jeunes intelligences soient pour elles ce qu'est le soleil dans la
nature, une lumière qui est à la fois chaleur et vie. On ne s'éloigne
pas de ce qui a été associé à notre bonheur ou de ce qui nous assure la vraie
vie, la belle vie. Si les
convictions et les pratiques
religieuses avaient été plus explicitement liées à
ce double aspect de nos
existences ; si, au lieu de nous apparaître comme des attitudes de nature
un peu conventionnelle, elles étaient pour nous de vraies sources de bonheur et
de vie, elles dureraient autant que notre désir d'être heureux et de bien
vivre, c'est-à-dire autant que nous-mêmes. 13
On ne pouvait
nous inviter plus explicitement proposer à des âmes jeunes une religion et une morale jeunes.
1/ Dans l'ordre religieux proprement
dit. — Nous leur permettrons d'agir juvénilement avec Dieu,
souvent nous leur en ré-apprendrons le secret. À moins d'effacer des pages
entières de l'Évangile,
il faudra bien que nos importances se résignent à laisser le Seigneur se complaire
en de scandaleuses familiarités avec les Louveteaux de Galilée ou de Jérusalem.
Nous savons la cuisante réplique que son souci du décorum attira au pauvre
Pierre ! En somme, nous avions tous à nous refaire des âmes de fils, et quoi qu'aient
prétendu les Anciens du Peuple, Pierre, Jean et Étienne bousculèrent assez irrévérencieusement la gravité du
Sanhédrin embouteillé dans sa politique.
Le garçon de
dix ans prie et traite Dieu de ce cœur d'enfant. Quand il aura passé la crise
de ses dix-huit ans, nous lui rendrons la simplicité et la sincérité
d'autrefois. Prière jaillissante, repentir sans explication, recours enfantin,
hommage chantant, abandon plein d'audace, charme fait beaucoup moins de
correction que de gentillesse. Bien sûr qu'il ignorera tout respect humain et
toute gourme ! Il aura l'aisance, la liberté des fils du sang, interdite
aux esclaves et aux fonctionnaires. S'il en a peur, qu'il lise saint Jean et
plus encore saint Paul, et qu'il invoque cet Esprit de Jeunesse répandu, selon
la promesse faite à Joël, sur les
fils et les filles d'Israël à l'heure de la Nouvelle Alliance.
C'est toute
une liturgie d'allégresse que nous leur apprendrons. Ici encore, ils seront
plus heureux que leurs aînés.
Le mouvement incoercible déclenché par Pie X et renforcé par Pie XI, qui les porte vers les formes
liturgiques de la prière catholique,
est connaturel
à leur jeunesse. La résurrection
du chant communautaire a jailli du besoin si longtemps réprimé de proclamer, de rythmer les
sentiments dont les jeunes cœurs
sont soulevés. Le silence, où
se complaisait notre fatigue ou notre égoïsme , leur est intolérable ;
n'y voyons pas tant une impatience qu'une candeur. Le jour qu'ils auront la
pudeur (et quasiment la honte) de chanter leur adoration ou leur souffrance,
leur espérance ou leur repentir avec l'Église qui va jusqu'à nous faire chanter, avec le Confiteor
ou les psaumes, le péché, le signe est clair qu'ils ont vieilli. La pratique
intense du chant liturgique : messe, vêpres, complie, est le meilleur stimulant de leur vie de prière.
— Condamnez-vous vraiment ces
fougueux garçons aux mortels offices que vous savez ?
— Eh !
qui donc les fait mortels ?
Grand'messe somnolente,
prône sans âme, vêpres vulgaires ! De vieilles femmes y trouvent on ne
sait quel plaisir suri ; des enfants les subissent pour y puiser un
irrémédiable dégoût. À vingt ans, des hommes n'y tiennent plus. Mais, à l'inverse, des Routiers chantant
avec joie, vivacité et force, trouveront un plaisir suave à réveiller cette
paroisse engourdie dont le silence ou le fade murmure allaient bientôt endormir
le bon Dieu.
Au lieu de
siéger inertes, faisons-les servir à l'autel, mener le Jeu !
Affectionnons-les à cette église, hier délabrée, honteusement sale, que leurs
mains vont rajeunir. D'antique noblesse, ils feront revivre sa beauté profanée
par les fards et les affiquets ; récente, ils nous aideront à lui donner dans sa couleur, dans
ses images, dans son mobilier, cette autre noblesse qu'est une fraîcheur, fût-elle paysanne.
Ici, toutes les
sévérités du goût ont une portée spirituelle. Telle chapelle de collège, par
quel prodige espérons-nous qu'elle laisse en ces regards une image plaisante de
Dieu ? Pourquoi
seraient-ils charmés d'une tristesse et d'une laideur que, dans l'ordre
profane, ils ne supportent plus ?
Tel clan
routier s'irrite de se voir conduit à la grand 'messe ou à la procession ? Tel autre entraîne tout
un village au chant de complie
après son feu de camp ?
Ne croyons pas à des dispositions contraires : il suffit que l'essor
ait été ici refusé, là offert à leur jeunesse.
D'ailleurs,
quel admirable champ de beauté leur ouvre la Route ! La délivrance de tout
ce qui pesait ! Voici, au fil des étapes, la nef de Chartres ou l'oratoire
de Sainte-Odile, la crypte de Notre-Dame-du-Port ou celle de Saint-Germain d'Auxerre, les Carceri d'Assise, la grotte de Subiaco, la
Sixtine, les catacombes de Sainte-Cécile ! Et plus exaltantes ces prières
ou ces messes qu'un pape alpiniste voulut que nous célébrions sur les hauts
lieux intacts, roches toutes proches encore de la main qui les a pétries, ornées des dernières
bruyères ou des neiges, communions dans le vent immense qui chante sa grandeur,
Salve Regina sous les étoiles attentives. Que n'aurions-nous pas donné,
nous autres, vingt ans, pour connaître la joie de prier Dieu sur ces modes
majeurs !
2/ Toute la vie
spirituelle et morale s'en trouve transposée dans une tonalité joyeuse qui
peut bien effrayer les vieux puritains, mais qui ravit le cœur maternel de l'Église. Le jeune
Christ routier du Latran, tête et genoux nus, à la tunique retroussée, au
visage imberbe, aux épaules vigoureuses, tel que l'Église primitive de Rome l'a adoré avant qu'apparût le Christ
barbu de Byzance, comme il s'est bien défini à ses compagnons galiléens la
Route, la Vie, la Vérité ! Un christianisme de marche, de plein air, aux
vertus magnanimes, rude et pauvre, riche de joie, voilà ce dont ils rêvent,
légitimement. Cette morale maussade, cette lassitude qui geint, qui gronde, ce
régime de pharmacie et
d'eau minérale, ce défaitisme, cette aigreur mis en compte des vertus
cardinales et du Saint-Esprit, non, vraiment, ils attendaient autre chose.
Amoureux de
la vie et insouciants de la mort, ils espèrent « sa grâce en ce monde et sa gloire en l'autre ». Pas moins !
Les leçons
d'un saint Thomas sur la magnanimité, d'un paganisme opulent courbé sous
l'onction de la Croix ; les ironies d'un saint Paul qui brisent les
servitudes où nous tenait la casuistique des rabbins ou des sages ; le
rire de la grande Thérèse, la bohème de François, ces purs amoureux ; la
fougue d'Ignace partageant le monde à ses Routiers de trente ans ; voilà
comme ils goûtent la sagesse et la prudence chrétiennes, grandioses vertus à qui saint Thomas
promettait l'imperium.
L'exemple
authentique des saints incarnant sous leurs yeux les dons du Saint-Esprit leur
apprendra plus que nos maigres casuistiques. S'ils nous paraissent un peu
échauffés, ne croyons pas que ce soit de vin nouveau. Et lorsqu'une sœur de
leur âge illuminera plus encore qu'elle ne sauvera leur pays, ne leur disons
pas trop que Jeanne est un miracle, c'est-à-dire (!) le contraire
de ce qui doit arriver. Donnons-leur la joie de penser que Dieu ne fait pas des
prodiges pour le plaisir de contrecarrer les lois de sa sagesse, mais pour les accomplir dans un
suprême effet.
Leur cœur a le privilège d'aimer l'amitié.
Leur âge est le seul
où des hommes se lient sans intérêt ni calcul, pour le plaisir. Ils y trouvent
le soutien de leur faiblesse, le vif excitant de leur pensée. Deux amis se
savent capables de braver l'univers, la fortune, et qu'il leur suffit d'ouvrir
la bouche pour incliner jusqu'à eux Jésus-Christ. Parce que la dureté du sort
ne nous accorde plus cette joie, n'oublions pas que nos découvertes, nos essors
ont trouvé dans nos amitiés de vingt ans leur source délicieuse. Les années
solitaires viendront
assez tôt !
Parce que
septembre mûrira l'opulence des grappes, nous impatienterons-nous que mai s'enivre du parfum des
vignes fleuries ?
Alors même que l'âge achèverait seul les vertus, comment s'épanouiraient-elles si en
son temps la Jeunesse n'avait porté l'exubérance des promesses ? La pire
erreur serait de prétendre que des jeunes hommes fassent figure de vieillards.
L'Esprit-Saint n'en voulait point tant, qui savait, au Livre des Proverbes,
distinguer les saisons :
« La force, orgueil des jeunes hommes, et les cheveux
blancs, noblesse des vieillards ».
Scribo vobis, iuvenes, quoniam fortes estis ! Le tendre et
vieux saint Jean ne grondait point cette vigueur. Il lui suffisait qu'elle s'inclinât gentiment aux
misères rencontrées sur la route. Saint Luc a osé nous apprendre que la B. A.
négligée par ce Prêtre et ce Lévite, un simple Routier de Samarie — faisant route,
écrit-il, — l'accomplit,
assez jeune du moins pour soulever à pleins bras, tout seul, l'accidenté.
Laissons donc
à chaque âge
son prestige et souffrons que cette fierté juvénile avoue ses dernières
amitiés.
Ce qui
par-dessus tout la comble, c'est que à l'encontre d'autres religions — le christianisme méprise d'être une
religion de mandarins, de politiciens, de banquiers. Quels que soient sa richesse
et ses privilèges, une Église
d'établissement, inféodée aux pouvoirs, perd à leurs yeux tout prestige. Il importe de ne jamais leur
faire soupçonner ce compromis. Ils sont plus exigeants encore : ils sont prêts à se donner tout eux-mêmes, sous l'œil moqueur de leurs camarades, mais à
la condition de ne pas s'abaisser. Si nous voulons leur agréer, il faut qu'ils
ne puissent jamais surprendre en nous des âmes de fonctionnaires ou de
salariés, une religion de professionnels. De quels honneurs que nous soyons revêtus, nous aurions perdu leur
estime.
Il y aurait trop à dire. Il y aura tout à faire. Ce rapport n'ambitionnait
que d'oser un Départ Routier. Selon qu'on l'envisage, on dira
qu'ainsi tout est fait ou que tout est à faire. Réjouissons-nous d'être en Route ! à vrai
dire, nous venons de choisir à
la croisée des chemins la voie royale : celle du catholicisme sincère. Derrière nous les
routes fallacieuses des sectes ou des philosophismes stériles ! La nôtre est
signée de la Croix du Maître, elle s'enfonce en l'épaisseur d'un monde racheté,
lavé de ce sang :
Terra, pontus,
astra, mundus,
Quo lavantur flumine !
Quo lavantur flumine !
Ce qui ravit
nos compagnons Routiers, c'est d'entrer avec Jésus-Christ dans un climat
nouveau, le climat de la grâce ; ils en accepteront avec joie les rudesses
et d'aventure les sacrifices, parce qu'ils éprouvent qu'ainsi s'accomplit une
grande œuvre. Ils ont
souscrit au catholicisme d'un Claudel embrassant l'Octave de la Création ; ils s'engagent au catholicisme d'un Polyeucte que Corneille
a construit dans une telle harmonie avec ce que
chantait leur âme. Lorsqu'ils ont relu ce juvénile chef-d'œuvre, ils ont senti
qu'il les portait au faîte du christianisme dont ils rêvaient. Ici, tout est
grandeur. Et voici comme ils disent leur plus secrète pensée, toute une
proclamation de foi :
C'est un débat tragique entre... une grandeur et une autre grandeur, entre
l'honneur et l'amour... (Polyeucte), ce n'est pas d'un côté la morale, cette invention. C'est infiniment plus et infiniment autre. C'est
l'honneur. Et de l'autre ce n'est pas la passion, cette faiblesse ; c'est
infiniment plus et infiniment autre : c'est l'amour. L'honneur y est
aimé d'amour, l'amour y est honoré d'honneur... Et devant ces grandeurs, la grâce triomphe, non en diminuant, en rabaissant, mais en dépassant. Une grâce
toute nue devant une nature toute grande. Il ne méprise point le monde (ou la
nature). Il n'abaisse point le monde pour s'élever. Et ceci est fort différent
d'une certaine tendance de Pascal. Il rend au temporel ce qui lui est dû...
Nous surprenons ici la plus fréquente erreur de calcul et la plus grave. Il ne suffit pas d'abaisser le temporel pour
s'élever dans la catégorie de l'éternel. Il
ne suffit pas d'abaisser la nature pour s'élever dans la catégorie de la
grâce... C'est l'erreur la plus fréquente... parce que la plus commode et la
plus grave. C'est l'erreur qui fait le parti dévot. Parce qu'ils n'ont pas la force
(ou la grâce) d'être de la nature, ils croient qu'ils sont de la grâce. Parce
qu'ils n'ont pas le courage temporel, ils croient qu'ils sont entrés dans la
pénétration de l'éternel. Parce qu'ils n'ont pas le courage d'être du monde,
ils croient qu'ils sont de Dieu. Parce qu'ils n'ont pas le courage d'être d'un
des partis de l'homme, ils croient qu'ils sont du parti de Dieu. Parce qu'ils
ne sont pas de l'homme, ils croient qu'ils sont de Dieu. Parce qu'ils n'aiment personne, ils croient qu'ils aiment Dieu.
Mais Jésus-Christ même à été de l'homme.
Il n'est pas
un auditoire de Routiers qui ne s'ouvre à la lecture de
cette page de Péguy ; pas un qui n'y reconnaisse magnifiquement exprimées ses obscures exigences, ses ambitions
de chrétien. Quand nous
leur parlerons de ce style, il n'y aura que les « disgraciés » à ne pas nous entendre.
Il y en aura
peu.
R.P. Paul Doncœur, sj, in Préface
pour de jeunes chrétiens
1. La Route, août 1941.
2. Cf. une étude de Waldemar Gurian, Jugendgemeinschaft, que nous
avons présentée aux lecteurs de Rencontres (n°2 de la série lyonnaise) : « Une
communauté de jeunes continue à se mouvoir dans les cadres traditionnels. Elle
est protestante, catholique, socialiste, rationaliste,.., mais elle donne une vie nouvelle
au protestantisme, au catholicisme, au socialisme et au nationalisme. Elle
prend étrangement au sérieux la tradition dont elle se réclame, elle la libère de tout son vieillissement...
3. Les Journées Nationales des
Scouts-Routiers, tenues les 26 et 27
décembre 1931, à Paris, par
les aumôniers et chefs, ont
été l'occasion de ces observations. Nos lecteurs placés en d'autres points de
l'horizon reconnaîtront sans doute quelques traits des milieux qui leur sont
familiers. Le Routier, après tout, ressemble assez à son frère jociste ou
équipier. Il sera possible que se révèlent ainsi des enseignements de portée
générale.
4. Marqué-je assez clairement que mon
intention n'est pas de rédiger un Exposé de la Foi et de la Morale
catholiques, ni un Traité de Spiritualité ? Simplement, une Préface,
une entrée en matière. Il s'agit de conquérir la confiance. Cela ne se peut en s'appliquant à rebuter. Cette confiance établie,
il sera plus aisé de faire entendre quelques vérités nécessaires auxquelles
il faut une tout aussi nécessaire préparation.
5. Ce mot est
employé pour exprimer la doctrine, la pratique, les mœurs, etc., du scoutisme routier.
6. Pour le
dire en passant, le déchet subi par les effectifs scouts au Passage de la Route
(vers dix-huit ans) s'explique par
le fait que
beaucoup de vieux scouts ne sont plus à même d'être de jeunes routiers. Ne sont
fidèles que des garçons résolus à demeurer ou à redevenir jeunes.
7. Ceux qui pratiquent le Scoutisme
savent assez la rigueur de ses exigences pour qu'il faille insister. Rien n'est
plus loin du Scoutisme que le romantisme, le rousseauisme
et certaines doctrines d'éducation nouvelle fondées sur le primat de la liberté.
8. On ne cherchera pas ici un
tableau complet ni du vieillard, ni du jeune homme. Notre but nous impose un
point de vue très particulier. Il s'agit de déceler les qualités sur
lesquelles nous pouvons faire fond quand nous voulons agir sur les jeunes
et que nous pouvons développer. On ne sera pas surpris que nous ne parlions pas des défauts de la jeunesse, puisqu'ils ne peuvent
être encouragés. Quant à la vieillesse, si nous parlons de ses défauts, c'est
pour être avertis de ne pas les ériger en normes. Quant à ses vertus, nombreuses
et
précieuses, Dieu merci, l'erreur serait également de les vouloir imposer au jeune
David. N'est-ce pas Térence —
déjà ! — qui se plaignait que « les pères fussent injustes envers leurs enfants. Il
faudrait, selon eux, que nous fussions vieux en naissant et que nous n'aimassions
pas les plaisirs que comporte la jeunesse. Ils veulent nous régler sur leurs passions d'aujourd'hui
et non sur celles qu'ils ont eues ». C'est un jeune débauché qui parle, mais il suffit de
transposer dans l'ordre de la vertu ce qu'il dit dans l'ordre du vice.
9. Il est inutile de répéter pourquoi
nous ne relevons pas les vertus
nées de l'âge et, par suite, mal proportionnées à la jeunesse.
10. On sait que les Jésuites n'ont
jamais admis dans leurs collèges la récréation inerte, maussade, des
conversations à demi-voix. Le jeu violent a été la règle impitoyable aux
précoces sénilités des garçons prétentieux ou pervers. Par ailleurs, le
scoutisme n'a fait que reprendre quantité d'éléments de la pédagogie de leur Ratio : le système des patrouilles n'est qu'une transposition
de celui des camps et concertations. La confiance et la responsabilité partagée
entre les chefs, l'appel à l'honneur, la joie et le jeu animant les arides efforts ;
il n'est pas jusqu'aux insignes,
jusqu'au chant, jusqu'au jeu scénique, jusqu'à la danse (ô scandale !) qu'on ne trouve
utilisés par les maîtres du XVIIe
siècle comme
par les Scouts du XXe.
Qui voudrait utiliser le scoutisme dans la conduite d'un enseignement
trouverait dans le Ratio Studiorum (si sottement méprisé des
intellectuels ignorants) un guide aussi hardi que sûr.
11. Il va de soi qu'une étude et un
redressement de ces défauts s'impose à l'éducateur. Mais cette partie négative de l'éducation
est la plus facile et la plus ordinairement pratiquée. La tâche positive est
autrement délicate. C'est pourquoi nous nous y sommes appliqué.
12. Le système des examens — par ailleurs
presque inévitable —
malheureusement lui enseigne et
lui impose de feindre savoir ou tout au moins de dissimuler son ignorance. Que
de « mensonges » enseignés à des candidats au bachot mis en demeure de
parler de ce qu'ils ignorent, d'exprimer des admirations qu'ils ne partagent
pas !
13. Lettre
pastorale de S. Ém. le cardinal-archevêque
de Paris au clergé et aux fidèles de son diocèse sur les conclusions du Congrès
diocésain concernant la jeune fille
d'aujourd'hui.