Ma nomination à une commission
préparatoire du concile, je l'ai dit, avait eu comme effet de mettre fin à mon
enseignement à l'Institut catholique de Paris. Elle n'aurait pas moins
d'importance, en ce qui me concerne, pour déterminer une évolution marquée dans
ma conception même de la vie de l'Église. Il est bien caractéristique,
cependant, d'une certaine lenteur, chez moi, à tirer les conséquences de mes
expériences que mon livre sur l'Église, bien qu'écrit vers la fin du dit concile,
soit encore écrit à l'encre rose pour tout ce qui touche à la conciliarité, et, plus précisément, à
cette collégialité dont, au concile
et plus encore à son entour, on parlerait tant. Je n'étais donc pas encore
guéri des illusions que la théorie melhlérienne 1, et surtout
khomiakovienne 2, de l'Église m'avait communiquées, bien avant
mon adhésion à l'Église catholique.
Que l'Église soit, en son terme
ultime, « unanimité dans l'amour », je n'ai certes pas cessé de le
croire. Mais que la voie royale pour y parvenir soit cette conciliarité, le dernier concile, avec ses suites plus que
prévisibles, m'a guéri enfin de telles illusions. Et, si cette guérison a donc
été fort lente, il n'y a pas de doute que le premier germe en fut dans cette
participation qui me fut offerte, d'abord, à une farce indécente d'un bout à
l'autre : le travail de cette première commission où je fus appelé.
Qu'elle fût présidée par le cardinal
Pizzardo 3, dont il était évident que le gâtisme déjà bien avancé
n'avait pu beaucoup aggraver une incapacité foncière, n' y était pas le pire.
En fait, la délicatesse, le tact, le sens supérieur des problèmes qui
caractérisaient le secrétaire, Mgr Mayer 4, bénédictin
germanique, depuis cardinal, corrigeait une situation, qui, sans lui eût été
ubuesque. Le pire était que le même Pizzardo ait pu rester, toute une
génération, à la tête d'une congrégation romaine supposée régir toutes les
études ecclésiastiques. Comme le dit un collègue le KGB 5 eût
entrepris de miner par le dedans l'Église catholique, il aurait difficilement
pu faire mieux que pareille nomination !
Quant au reste de la commission, bien
qu'elle comptât un nombre non négligeable d'esprits supérieurs et d'hommes
d'expérience profondément avisés, ils s'y trouvaient noyés dans une masse de
ces nullités et de ces « esprits sûrs » qui, dans l'Église comme dans
les États, se révèlent si souvent n'être que des soliveaux entêtés dans leurs
propres limitations.
Les interminables discussions sur des
thèmes absurdes, souvent pur verbalisme, comme une déclaration projetée du
caractère public des écoles
catholiques, et d'elles seules, quelle que fût la législation civile locale sur
ce point, avec le refus de simplement considérer l'effondrement déjà en cours
de la culture ecclésiastique dans les séminaires, sapèrent ma conviction trop
facile qu'il suffirait, dans l'Église, de réunir les responsables pour que, de leur concert spontané, se dégageât la
poursuite de son existence dans un mieux-être.
Entre autres découvertes plus
particulières que j'y fis, je dois mentionner à la fois l'ignorance crasse et
le manque du plus élémentaire jugement d'un évêque français, destiné à devenir,
après le concile, non seulement archevêque de Paris et cardinal, mais le
premier président de la conférence épiscopale 6.
Le clou de ces discussions absurdes
fut un dialogue entre l'éminentissime praeses
7 et Hubert Jedin 8, l'admirable historien du concile de
Trente. Ce dernier soutenait, dans un latin d'une pureté cicéronienne, qu'il
était absurde de prescrire l'unique usage du latin même pour l'enseignement
moderne de l'histoire, tandis que le premier maintenait que rien n'était plus
facile... mais en se montrant, pour son compte, incapable d'exprimer son point
de vue autrement qu'en italien !
Grâce à Dieu, les propositions
ineptes ou incohérentes qui pouvaient seules sortir de nos interminables
palabres ne seraient même pas examinées ultérieurement par les pères du
sacro-saint concile !
Plus réconfortantes, bien qu'encore
mélangées, devaient être mes expériences pré-, para- ou post-conciliaires dans
le domaine œcuménique.
Dès que je fus entré dans l'Église
catholique, et même avant, il m' avait été facile de constater que, pour la
plupart des pionniers de l'œcuménisme en cette dernière, à part dom Lambert
Beauduin 9, dom Clément Lialine ou le père Christophe Dumont, o.p.10,
comme de ses ennemis acharnés, tels, alors, les futurs cardinaux Béa 11,
Journet 12 ou Paul Philippe 13, le simple fait d'être un
converti vous disqualifiait pour s'occuper de ces questions. Pour les premiers,
cela provenait de cette idée de l'œcuménisme déjà rampante, triomphante
aujourd'hui, et qu'Eric Mascall 14 a fort bien qualifiée d' « œcuménisme
d'Alice au pays des merveilles » : « Tout le monde a gagné la
course, et chacun aura le prix ! » En d'autres termes : pas
question de rien changer ni de part ni d'autre, le tout étant d'admettre qu'on
peut bien faire ou croire n'importe quoi, pourvu qu'on en vienne à penser que
tout cela est sans importance, le « oui » et le « non »
répondu à chaque question s'équivalant.
Quant aux seconds, leur méfiance
tenait évidemment à ce que les convertis pouvaient être tentés de penser que
tout n'était tout de même pas faux dans leur protestantisme originel, et qu'il
pourrait être bon d'en ramener quelque chose dans l'Église catholique.
Je note que ceci ne cesserait jamais
de me valoir des incidents ou accidents du plus haut comique.
Quand j'arrivai à Strasbourg, pour
m'y occuper du séminaire international, il s'y était institué des rencontres
régulières entre un certain nombre de pasteurs et de prêtres. Tous les premiers, pour la plupart, de mes
vieux amis, que je rencontrais personnellement dans la même atmosphère de
cordiale compréhension qui avait survécu sans peine à notre commune jeunesse
étudiante, désiraient naturellement m'y voir. Mais je dus m'en abstenir, le
père Congar 15, alors aussi à Strasbourg, ayant décidé, motu
proprio 16, et
quoi qu'eux-mêmes puissent dire, que ce serait pour eux une intolérable insulte.
Même chose, un peu plus tard, à Lyon, de la part du père Dupuy 17,
son confrère, pour une plus vaste et publique rencontre de ce genre, ce qui
provoqua cette fois la protestation indignée de plusieurs pasteurs, qui
m'écrivirent pour me dire leur dégoût de l'ostracisme dont j'étais victime,
pensaient-ils dans leur innocence, de la part des jésuites (pour une fois,
c'est des dominicains qu'il s'agissait ! mais, pour ce genre de sottise,
évidemment, tous les grands ordres,
comme on dit, peuvent se donner la main !)
En Angleterre, je ne cessai jamais,
cependant, de fréquenter mes anciens ou nouveaux amis anglicans, au prix de
quelles avanies de la part du clergé catholique ! — avant Jean XXIII parce
qu'on m'y accusait de pactiser avec l'hérésie, ensuite (et les mêmes
souvent !) parce qu'on m'y croyait un objet de scandale pour ces frères séparés.
Paradoxalement, en Italie, je fus
plus heureux, notamment à Milan et à Bergame. Mgr Montini 18,
quand il était l'archevêque du grand siège lombard, et les séminaires de
Gallarate 19 et de Bergame, m'y invitèrent pour les semaines de
l'unité, et, avec le plein accord du même prélat, j'y fus reçu, non moins cordialement,
par l'Église vaudoise 20.
Quand le concile se rouvrit, après la
mort de Jean XXIII, celui qui lui succéda 21 aurait voulu m'y
appeler comme expert du Secrétariat pour l'unité. Mais j'avais trop récemment
rompu avec l'Institut catholique de Paris pour risquer de renouveler les
aigreurs des bons pères, et la tournure que prenaient déjà les interventions de
certaines personnalités, parmi celles qui se mettaient le plus en vedette dans
ce concile, ne me faisait pas désirer suivre de plus près des débats dont la
confusion allait croissant.
Le père Duprey 22, des
pères blancs, dès lors une des chevilles ouvrières du Secrétariat pour l'union
des chrétiens, avait pourtant repéré ce que j'avais pu écrire sur ce sujet et
désira très tôt que je fusse associé aux travaux ultérieurs. Surtout, au
courant comme il l'était de la vie des Églises orthodoxes, il savait la
sympathie pour ce que je n'ose appeler ma pensée que nombre d'évêques ou de
théologiens y manifestaient, bien plus vive assurément que dans l'Église
catholique, et il considérait comme un atout dans les réunions qui commençaient
à se multiplier avec eux de m'y avoir.
C'est ainsi, pour ne pas mentionner
de moindres choses, qu'il me fit inviter, peu après la conclusion du concile, à
la première sérieuse réunion de travail que nous eûmes avec les Russes, à Bari 23.
Il devait pour moi s'ensuivre toute une série de rencontres, notamment à Trente
24. Je commençai ainsi à me familiariser avec des personnalités
comme le métropolite Nikodim 25, de Leningrad et Novgorod, ou celui
qui deviendrait l'évêque Kyrill 26, de Viborg, et supérieur de
l'Académie théologique de Leningrad, avant d'être transféré à Smolensk 27.
Et d'où finalement ce voyage en Russie auquel je serai invité 28,
avec une demi-douzaine d'autres membres du Secrétariat, et que j'ai raconté
dans mon petit livre En quête de la Sagesse.
Ceci devait me conduire plus tard,
sous Jean-Paul II, à faire partie de la commission mixte pour le rapprochement
entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes, et donc à participer aux
premières rencontres plénières, à Patmos 29 puis à Rhodes, et
ensuite à celle de Munich, puis en Crète, sans parler de tout un travail de
sous-commission, sous l'excellente coprésidence du métropolite Georges Khodr 30
(du Liban) et de l'archevêque de Bari, le bénédictin Magrassi 31,
grand spécialiste de Rupert de Deutz 32, avant de succéder à cet
autre Mgr Nicodème 33 qui nous avait accueillis,
avec tant de tact et de cordialité, lors de notre réunion initiale avec les
Russes, sur la tombe de saint Nicolas 34,
à la demande expresse des représentants du patriarcat moscovite.
Pour la première rencontre officielle
avec les anglicans, je serai aussi l'un des participants de la commission
préparatoire, à Malte, le seul membre nommé conjointement, comme dirait un de
mes amis anglicans, par le pape et par l'archevêque de Cantorbéry, Michael Ramsey
35. Mais, n'ignorant pas la hargne persistante de l'épiscopat
anglais à mon égard, sauf évidemment le cardinal Heenan 36, et aussi
l'excellent Mgr Holland 37, tour à tour évêque de
Portsmouth puis archevêque de Salford, après avoir été commodore de la Royal
Navy, je refusai d'avoir aucune part aux tractations qui suivirent. Je ne le
regrette pas, quand je vois les documents équivoques qu'elles ont produits, où
se traduit l'ignorance commune qui subsiste encore entre ces deux mondes, même
lorsqu'on y témoigne d'une récente meilleure volonté de compréhension.
Ce que ces diverses expériences, auxquelles s'ajoutèrent
celle de la Commission internationale de théologiens 38 fondée par
Paul VI, après le concile, et par-dessus tout celle du consilium 39 pour la réforme des livres liturgiques, ont le plus fermement
établi en moi, c'est la vérité du mot de Newman sur l'incapacité des
commissions en général à produire rien qui vaille.
Avant d'en venir à quelques
souvenirs, particulièrement instructifs, de ces deux dernières commissions
auxquelles j'appartins, je reviendrai cependant sur les conciles eux-mêmes.
Ce qui les distingue de telles
commissions, c'est qu'en principe ils sortent d'une concélébration
eucharistique, où les évêques qui les constituent anticipent sacramentellement
cette « unanimité dans l'amour » qui doit être réalisée dans l'Église
d'après la Parousie.
Mais lors même que la dite
concélébration ne se réduit pas à une simple
formalité dont personne ne songe sérieusement à tirer les conséquences, dans
les discussions qui suivront, l'incompétence, l'intrigue, la poudre aux yeux
qu'on se jette les uns aux autres, comme saint Grégoire de Nazianze 40
l'a montré à propos du concile de Constantinople 41, dont il avait
été le président, et comme l'a rappelé justement Ratzinger
dans son livre Principes
de la théologie catholique 42 (ce que la publicité déplorable du dernier concile ne
pouvait que porter à
son comble), tout cela mine peu à peu l'effet que telle concélébration, même
accomplie dans un optimum de foi vive, a pu ou aurait pu avoir initialement sur
les participants. Dans le meilleur des cas, celui d'un concile vraiment œcuménique
au sens traditionnel du mot, c'est-à-dire représentatif effectivement d'une
chrétienté indivise, tout ce que l'assistance divine peut assurer aux
successeurs des apôtres, c'est l'absence d'erreur possible dans les définitions
doctrinales que de telles assemblées se risquent à produire. Mais, en deçà de
ce cas extrême, tous les dosages d'à-peu-près, d'insuffisance, ou de simple
superficialité sont à attendre même d'une aussi sacro-sainte assemblée.
Qu'espérer alors de simples conciles
locaux, pour ne rien dire des conférences épiscopales, régulièrement manipulées
par des bureaux plus ou moins irresponsables, ou des assemblées dites d'experts, et de toutes autres
commissions !
Si l'Église en tire quelque bien, ce
n'est que dans la mesure où les plus hauts responsables
(comme on dit aujourd'hui) de la succession apostolique, papes ou évêques
influents soit par le poids de leurs sièges, soit par leurs mérites reconnus,
en dégageront l'essentiel de son revêtement et de ses à-côtés plus ou moins
adéquats.
Cependant, c'est au sensus
communis fidelium 43
— entendons de ceux qui le sont vraiment —, en dernière analyse, qu'il
appartiendra de le faire sien et, du coup, positif et effectif, par le parti qu'ils
en tireront au plan du seul progrès spirituel qui compte celui vers la sainteté
évangélique.
Et pour en finir du même coup, avec
cette question, de ce qu'on nomme aujourd'hui l'œcuménisme, si l'on veut laisser au mot quelque liaison avec le
sens où l'adjectif œcuménique 44
s'applique d'abord à l'unité vivante de l'Église, je dirai dans la même foulée
que son seul sens possible est d'amener chacun à distinguer, de son côté comme chez les autres, ce
qui est vraiment essentiel, et donc positif, de ce qui n'est qu'adventice, et
toujours plus ou moins sourdement en opposition avec cette veine aurifère.
Prétendre, en revanche, arriver à une quelconque réunion sans que rien ne
change ni d'un côté ni de l'autre, n'a pas de sens. Prétendre y atteindre en se
réduisant à un plus petit commun dénominateur n'en a pas davantage. La seule
réunion qui ne soit pas une chimère ou un simple cache-pot ne se fera jamais
que dans la redécouverte commune d'une plénitude vivante, débarrassée de tout
ce qui n'est que négatif, par la reconnaissance mutuelle de la complémentarité
ou de l'harmonie tout simplement (ce dernier point s'appliquant spécialement au
rapprochement entre catholiques et orthodoxes) de ce qu'on tient de positif de
part et d'autre, et qui ne peut paraître s'opposer que parce que le reste,
qu'on y a accolé malencontreusement, en déguise ou étrangle l'authentique
réalité.
Mais ce n'est pas tant par les
discussions, et moins encore les compromis plus ou moins du type politique, que
par un effort commun de purification, de compréhension, et surtout d'humble
fidélité à l'authentique, qu'on peut espérer parvenir à réparer les déchirures.
Les rencontres ne valent qu'autant qu'elles fournissent l'occasion de telles
découvertes ou redécouvertes à ceux qui y sont disposés.
C'est, me semble-t-il, grâce à des
personnalités comme celles de Jean XXIII, de Paul VI, du patriarche Athénagoras
Ier 46, du métropolite Nikodim 47, chez qui le souci
de la vérité intégrale allait de pair avec l'authentique charité, que les
actuelles conversations entre catholiques et orthodoxes paraissent progresser
pour de bon.
Ce furent les mêmes facteurs, les
mêmes types de personnalités en qui la générosité allait de pair avec la
lucidité qui firent la grandeur du premier œcuménisme, contemporain des
conférences de Stockholm 48 et de Lausanne, et de la réponse qu'il
trouva dès lors chez de trop rares catholiques, comme le cardinal Mercier 49,
le métropolite Andreas Szepticzky 50, ou dom Lambert Beauduin 51.
Hier encore, des hommes comme l'archevêque anglican Arthur Michael Ramsey 52
en ont donné d'admirables exemples. À peu d'exceptions près, ils semblent avoir
à peu près disparu des milieux catholiques, où ils ne furent jamais bien
nombreux... comme s'y sont raréfiés tragiquement, dans les dernières années,
aussi bien les théologiens dignes de ce nom que les maîtres spirituels
authentiques.
Chez les non-catholiques, ils
semblent pareillement déserter de plus en plus les milieux spécialisés dans l'œcuménisme
que le World Council of Churches 53 prétend chapeauter, mais où l'on ne s'intéresse
plus guère qu'aux progrès d'un socialisme plus marxiste que chrétien
d'inspiration... à l'heure même où le marxisme éclate en morceaux !
En revanche, de tels hommes sont
peut-être plus nombreux que jamais parmi ces anglicans ou protestants soucieux
avant tout de fidélité à la Parole biblique de Dieu en général et à l'Évangile
en particulier, et de ce fait aussi critiques des positions d'école de la
vieille controverse catholique-protestante que du néo-christianisme, sans plus de
foi, du protestantisme dit libéral,
appuyé sur une pseudo-science exégétique, qui n'est elle-même qu'un
raisonnement de justification pour des préjugés rationalistes érigés en
axiomes. Des méthodistes 54 comme Outler 55, Wainwright 56
ou Neville Ward 57, des luthériens comme Cullmann 58,
Lindbeck 59, Riesenfeld 60, Gerhardsson 61, Gärtner
62 ou Jeremias 63, des anglicans comme Macquarrie 64,
Rowan Williams 65 ou Louth 66, des réformés
comme Childs 67 ont là-dessus tout à enseigner encore,
semble-t-il, à ceux que la presse catholique représente comme les prophètes
d'un catholicisme de l'avenir (lequel, s'il les suivait, se dissiperait
seulement en fumée !).
Que dirai-je, après cela, de ma
collaboration, d'abord au consilium pour la réforme des livres
liturgiques, auquel, après la publication de mon Eucharistie 68, appelé par Paul VI,
je ne pus me dérober ?
Je ne voudrais pas être trop dur pour
les travaux de cette commission. Il s'y trouvait un certain nombre de savants authentiques
et plus d'un pasteur averti et judicieux. Dans d'autres conditions, ils
auraient pu accomplir un excellent travail. Malheureusement, d'une part, une
fatale erreur de jugement plaça la direction théorique de ce comité entre les
mains d'un homme généreux et courageux, mais peu instruit, le cardinal Lercaro 69.
Il fut complètement incapable de résister aux manœuvres du scélérat doucereux
qui ne tarda pas à se révéler en la personne du lazariste napolitain, aussi
dépourvu de culture que de simple honnêteté, qu'était Bugnini 70.
Même sans cela, il était sans espoir
de produire rien qui valût beaucoup plus que ce que l'on produirait, quand on
prétendait refaire de fond en comble, en quelques mois, toute une liturgie
qu'il avait fallu vingt siècles pour élaborer peu à peu.
Spécialement appelé à la
sous-commission chargée du missel, je fus pétrifié, en y arrivant, quand je
découvris les projets d'une sous-commission préparatoire, inspirée
principalement par dom Cipriano Vagaggini 71, de l'abbaye de
Bruges, et l'excellent prélat Wagner 72, de Trêves :
croyant par là obvier à la mode, venue de Hollande, des eucharisties
improvisées, dans une totale méconnaissance de la tradition liturgique
remontant aux origines chrétiennes. Je n'arrive pas à comprendre par quelle
aberration ces excellentes gens, assez bons historiens et esprits généralement
raisonnables, avaient pu suggérer un découpage et un remembrement, également
déconcertants, du canon romain 73 et d'autres projets se disant
inspirés d'Hippolyte de Rome, mais
guère moins farfelus 74.
J'étais pour ma part prêt à
démissionner sur le champ et à m'en retourner chez moi. Mais dom Botte 75
me convainquit de rester, ne fût-ce que pour obtenir quelque moindre mal.
En fin de compte, le canon romain fut
à peu près respecté et nous arrivâmes à produire trois prières eucharistiques
qui, en dépit d'intercessions passablement verbeuses, récupéraient des pièces
d'une grande antiquité et d'une richesse théologique et euchologique 76
hors de pair, sorties d'usage depuis la disparition des anciens rites gallicans 78.
Je pense à l'anamnèse 77 de la troisième prière eucharistique,
et aussi à ce qu'on put sauver d'un essai assez réussi d'adaptation au schéma
romain d'une série de formules de l'antique prière dite de saint Jacques 79,
grâce à un travail du père Gélineau, pas souvent si bien inspiré 80.
Mais que dire, alors qu'on parlait de
simplifier la liturgie et de la ramener aux modèles primitifs, de cet actus
poenitentialis 81 inspiré par le père Jungmann 82
(excellent historien du missel romain... mais qui, de sa vie, n'avait jamais
célébré une messe solennelle !) ? Le pire fut un invraisemblable
offertoire, de style Action catholique sentimentalo-ouvriériste, œuvre de
l'abbé Cellier 83, qui manipula par des arguments à sa portée le
méprisable Bugnini, de manière à faire passer son produit en dépit d'une
opposition presque unanime 27.
On aura une idée des conditions
déplorables dans lesquelles cette réforme à la sauvette fut expédiée, quand
j'aurai dit comment se trouva ficelée la seconde prière eucharistique. Entre
des fanatiques archéologisant à tort et à travers, qui auraient voulu bannir de
la prière eucharistique le Sanctus
84 et les intercessions, en prenant telle quelle l'eucharistie
d'Hippolyte, et d'autres, qui se fichaient pas mal de sa prétendue Tradition
apostolique, mais qui voulaient seulement une messe bâclée, dom Botte et
moi nous fûmes chargés de rapetasser son texte, de manière à y introduire ces
éléments, certainement plus anciens, pour
le lendemain ! Par chance je découvris, dans un écrit sinon
d'Hippolyte lui-même, assurément dans son style, une heureuse formule sur le
Saint-Esprit qui pouvait faire une transition, du type Vere Sanctus 85, vers la brève
épiclèse. Botte, pour sa part, fabriqua une intercession plus digne de Paul
Reboux 86 et de son À la
manière de... que de sa propre science. Mais je ne puis relire cette
invraisemblable composition sans repenser à la terrasse du bistrot du Transtévère
87 où nous dûmes fignoler notre pensum, pour être en mesure de nous
présenter avec lui à la Porte de Bronze 88 à l'heure fixée par nos
régents 89 !
Je préfère ne rien dire ou si peu que
rien du nouveau calendrier, œuvre d'un trio de maniaques, supprimant sans aucun
motif sérieux la Septuagésime 90 et l'octave de Pentecôte 91,
et balançant les trois quarts des saints n'importe où, en fonction d'idées à
eux !
Comme ces trois excités se refusaient
obstinément à rien changer à leur ouvrage, et que le pape voulait vite en finir
pour ne pas laisser le chaos se développer, on accepta leur projet, si délirant
fût-il 92 !
Le seul élément non critiquable dans
ce nouveau missel fut l'enrichissement apporté surtout par la résurrection d'un
bon nombre de préfaces magnifiques reprises aux anciens sacramentaires et
l'extension des lectures bibliques (encore que, sur ce dernier point, on allât
trop vite aussi pour produire quelque chose d'entièrement satisfaisant). Je
passe sur nombre d'anciennes oraisons pour les temps de pénitence... qu'on nous
obligea à estropier de manière à en évacuer le plus possible... précisément la
pénitence ! En contrepartie, on doit tout de même signaler une composition
nouvelle, non seulement irréprochable mais admirablement venue : celle de
la nouvelle préface commune n°1 93. Il faut en rendre hommage à son
auteur, un moine de Hautecombe 94, qui se borna à combiner, avec une
sûreté de main peu commune, des phrases les plus chargées de sens de saint
Paul, tout en parvenant à respecter le cursus 95.
Après tout cela, il ne faut pas trop
s'étonner si, par ses invraisemblables faiblesses, l'avorton que nous
produisîmes devait susciter la risée ou l'indignation... au point de faire
oublier nombre d'éléments excellents qu'il n'en charrie pas moins, et qu'il
serait dommage que la révision qui s'imposera tôt ou tard ne sauvât pas au
moins, comme des perles égarées...
Pour en finir avec cette triste
histoire, je relèverai par quel subterfuge Bugnini obtint ce qui lui tenait le
plus à cœur, ou plutôt ce que ceux qu'il faut appeler ses commanditaires
arrivèrent à faire passer par son intermédiaire.
À différentes reprises, soit à propos
du sabordage de la liturgie des défunts, soit encore dans cette incroyable
entreprise d'expurger les psaumes 96 en vue de leur utilisation dans
l'Office 97, Bugnini se heurta à une opposition non seulement
massive, mais on peut dire à peu près unanime. Dans de tels cas, il n'hésita
pas à nous dire : « Mais le pape le veut ! »... Après cela,
bien sûr, il ne fut plus question de discuter.
Cependant, un jour qu'il avait usé de
cet argument, je devais déjeuner chez mon ami Mgr Del Gallo 98,
lequel, comme premier camérier participant, avait à cette époque un appartement
juste au-dessous des appartements pontificaux. Comme j'en redescendais, après
la siesta, bien entendu, et que je débouchais de l'ascenseur sur le Cortile
San Damaso 99,
Bugnini lui-même émergeait de l'escalier, venant de la Porte de Bronze. À
ma vue, non seulement il blêmit, mais, visiblement, il fut atterré. Je compris
tout de suite que, me sachant notus pontifici 100, il supposait que je
venais de chez le pape. Mais, dans mon innocence, je ne parvins pas à deviner
pourquoi il pouvait être à ce point terrorisé par l'idée que j'avais pu
m'entretenir avec lui de nos affaires.
La solution m'en serait fournie, mais
des semaines plus tard, par Paul VI lui-même. Causant avec moi de nos fameux
travaux, qu'il avait entérinés, finalement, sans en être beaucoup plus
satisfait que je ne l'étais, il me dit : « Mais pourquoi donc
avez-vous fourré dans cette réforme... » Ici, je dois avouer que je ne me
rappelle plus lequel des détails que j'ai mentionnés le chiffonnait
particulièrement. Naturellement, je répondis : « Mais tout simplement
parce que Bugnini nous avait certifié que vous le vouliez absolument... »
Sa réaction fut immédiate : « Est-ce possible ? Il me dit à
moi-même que vous étiez unanimes à cet égard ! »
Passons, pour en finir, à mon
expérience de la Commission internationale de théologiens. Au début, mon
impression fut des plus favorables. Mais elle finit par une déception pire
encore.
À peu d'exceptions près, le choix des
membres était vraiment représentatif des plus solides esprits et des meilleurs
travailleurs en ce domaine que l'Église eût aujourd'hui à son service.
Les méthodes de travail, dès le
début, y furent hors de toute comparaison avec celles des autres commissions où
j'avais pu siéger jusque-là.
Le pape nous demanda de réfléchir sur
certains thèmes d'actualité, comme le ministère sacerdotal ou le pluralisme
théologique dans l'Église. Nous produisîmes là dessus, à tout le moins,
quelques digests des
plus sérieuses recherches contemporaines. La clarté de vision, la très large
information, le courage intellectuel en même temps que le jugement pénétrant de
Joseph Ratzinger s'y distinguèrent très spécialement... comme aussi son humour
plein de gentillesse, mais pas facile à duper.
Assis pendant les séances
généralement entre lui et Hans Urs von Balthasar 101, j'avoue que
nos a parte m'aidèrent singulièrement à supporter les discours
intempérants de certains de nos collègues et les disputes sur des pointes
d'aiguille de quelques autres. Je citerai seulement un mot que me glissa
Ratzinger après trois quarts d'heures où Karl Rahner 102 s'était
époumoné à nous refaire une diatribe évidemment composée pour ce que les
Américains appellent les « télévidiots » : « Encore un
monologue sur le dialogue ! » finit-il par soupirer avec le sourire,
à mon adresse 103...
Cependant, notre commission,
évidemment l'objet-né de la haine de tout le personnel du Saint-Office, n'avait
d'autre secrétariat que celui de cette congrégation. Le résultat en fut bientôt
visible : tous les documents que nous pouvions produire étaient simplement
rangés dans des placards bien cadenassés, dont il n'était pas question de
jamais les sortir.
Il fallut, pour que la chose se
découvrît, que Balthasar eût une audience de Paul VI à la veille du synode
épiscopal 104 réuni pour débattre du sacerdoce. Le pape se plaignit
de ce que notre commission ne lui avait encore fourni pas le moindre rapport
sur cette question. « Comment ? répondit Balthasar, j'ai été moi-même
chargé de la rédaction finale du texte qui, mis au point et adopté en séance
plénière, a été remis aux secrétaires du Saint-Office il y a des
mois ! »
Paul VI, indigné, nomma aussitôt
Balthasar et ses principaux collaborateurs secrétaires du synode. Mais le
rapport ne fut pas pour cela remis aux mains du pape lui-même avant que les
évêques se fussent mis au travail à leur tour.
Parallèlement, ou pis encore, le
rapport, si important dans la conjoncture postconciliaire, sur le pluralisme
théologique, sa justification et ses limites, œuvre principalement de Ratzinger
aidé notamment de Balthasar, de Sagi-Bunic 105 (un sympathique
capucin yougoslave) et de moi-même, qui nous avait demandé un travail
considérable, et qui avait été approuvé unanimement, après mise au point finale,
par nos collègues, n'aurait sans doute jamais vu le jour si, des années plus
tard, Ratzinger, devenu archevêque de Munich et cardinal, n' avait pris sur lui
de le publier sous sa responsabilité personnelle.
Quand je me rendis compte de cette
situation, je démissionnai, en expliquant au pape pourquoi je le faisais.
Je reçus une lettre touchante du
cardinal Seper 106 (excellent homme mais faible) me suppliant au nom
du pape et au sien de reprendre cette démission. Comme je savais que notre
rapport avait été mis à l'ombre par la conjonction du futur cardinal Paul
Philippe 107, sous-secrétaire du Saint-Office, qui le trouvait
dangereusement novateur, et du commissaire, le brave et quelque peu nigaud
Charles Moeller 108, qui le jugeait trop conservateur, et qu'il
n'était pas question alors de nous libérer de leur tutelle bicéphale, je
maintins ma démission. Quelque temps plus tard, au renouvellement de la
commission, le pape me renomma. En dépit de l'insistance de Mgr
Delhaye 109, nommé enfin notre secrétaire (mais soigneusement privé
de tout moyen d'en exercer efficacement les fonctions), excédé de cette
comédie, je redémissionnai sur le champ. Depuis lors, je n'ai plus rien eu à
faire avec cette Commission théologique internationale. Il paraît qu'elle poursuit
imperturbablement ses travaux... bombycinans in vacuo 110 ! Grand bien lui fasse !
Un dernier mot à son propos. Lors
d'une de ses réunions le père de Lubac 111 en profita pour soumettre
à tous les membres de langue française une lettre destinée au pape 112,
qui relevait tous les contresens, évidemment délibérés, dans la version
française des nouveaux livres liturgiques, cependant déclarée conforme au texte
latin authentique par Bugnini, non moins évidemment grâce à des arguments
sonnants et trébuchants du maître actuel du CNPL 114. Tous, frappés
du caractère scandaleux de ce tripatouillage, même le père Congar, tellement
soucieux de ne pas s'opposer à ce qu'il appelait le « renouveau dans
l'Église », signèrent ce document accablant sans hésiter. Huit jours plus
tard, Bugnini était saqué par le pape...115 Mais, trait
caractéristique de la bonté de Paul VI tournant à la faiblesse en ses dernières
années : un mois plus tard, il le consacrait évêque... il est vrai pour
l'envoyer comme nonce à Khomeiny ! Il y avait chez ce pontife, en effet,
avec une délicatesse exquise, une veine de malice que bien peu de gens
paraissent avoir soupçonnée.
Après ces diverses expériences, on
comprendra que je n'aie plus gardé grand-chose de mes enthousiasmes juvéniles
pour la conciliarité en général, et
moins encore à l'égard de cette conciliarité de poche qu'on appelle
aujourd'hui, abusivement, collégialité,
où, en fait, quelques malins tirent régulièrement les ficelles derrière de
braves gogos, qui s'imaginent après cela avoir pris des décisions que d'autres
ont prises à leur place, mais sous leur responsabilité.
Louis Bouyer, in Mémoires (cerf)
Notes rédigées par Jean Duchesne 116.
1. Johannes Adam Möhler (1796-1838) est un théologien catholique allemand, auteur
de L'Unité dans l'Église (1825). Louis Bouyer consacre
à son ecclésiologie, largement reprise au concile Vatican II, le chapitre vu de
la première partie de L'Église de Dieu, p. 117-134.
2. Le Russe Alexis Khomiakov (1804-1860 ; voir Louis Bouyer, Le Métier de théologien, Ad Solem
2005, p. 149, 221), poète
et penseur slavophile, est l'auteur de L'Église est une (1846, publié
pour la première fois en 1864) et de L'Église latine et le protestantisme au
point de vue de l'Église d'Orient (1858). Il assigne à l'orthodoxie une
mission œcuménique. Louis Bouyer présente les intuitions de Khomiakov dans L'Église
de Dieu, p. 164-168 et les joints à celles de Malet, p. 323.
3. Giuseppe Pizzardo (1877-1970) fut
préfet de la Congrégation pour les séminaires et les universités de 1939 à
1968.
4. Paul Augustin Mayer (1911-2010),
abbé bénédictin allemand, fut appelé à Rome en 1971 et créé cardinal en 1985.
5. Le KGB (initiales de « Comité
pour la sécurité de l'État » en russe) a été de 1954 à 1991 l'organisme
soviétique des services de renseignements et de la police secrète.
6. Louis Bouyer a voulu ne pas nommer
François Marty (1904-1994), aveyronnais, évêque de Saint-Flour en 1952,
archevêque de Reims en 1960, archevêque de Paris de 1968 à 1981, cardinal en
1969 et président de la Conférence des évêques de France de 1966 à 1975.
7. Praeses
signifie
« président » en latin.
8. La monumentale Histoire du
concile de Trente de l'historien catholique allemand Hubert Jedin (1900-1980)
est parue de 1951 à 1976.
9. Dom Lambert Beauduin (1873-1960,
auquel Louis Bouyer a consacré un livre entier : Dom Lambert Beauduin,
un homme d'Église, Tournai, Casterman, 1964 ; rééd. Paris, Éd. du
Cerf, 2009 ; voir Louis Bouyer, Le Métier de théologien, p. 40-41,
p. 66, p. 210-211, et p. 298), fut d'abord prêtre dans une paroisse ouvrière
des environs de Liège (Belgique) et entra en 1906 à l'abbaye bénédictine du
Mont-César (près de Louvain). Intéressé par la liturgie et la spiritualité
orthodoxes, il partit fonder en 1925 le prieuré d'Amay-sur-Meuse (près de
Liège, transféré en 1939 à Chevetogne dans la province de Namur). Il eut pour
disciples dom Clément Lialine (1901-1958, Russe émigré devenu catholique, plus
tard directeur de la revue Irénikon, auquel Louis Bouyer dédiera son Sens
de la vie monastique, Tournai-Paris, Brepols, 1950 ; rééd. Paris, Éd.
du Cerf, 2008), ainsi que d'autres pionniers de l'œcuménisme catholique, comme
dom Olivier Rousseau (1898-1984) et l'abbé lyonnais Paul Couturier (1881-1953,
à ne pas confondre avec le dominicain Marie-Alain Couturier, 1897-1953,
théoricien de l'art et artiste lui-même).
10. Le dominicain Christophe-Jean
Dumont (1897-1991) dirigea pendant quarante ans Istina, le centre œcuménique créé en 1927 (avec une revue du même
nom) par son ordre « pour promouvoir les études russes et les rencontres
avec le monde slave » (istina signifie vérité en russe).
11. Augustin Bea (1881-1968), jésuite
allemand et bibliste, créé cardinal en 1959, fut le premier président du
Secrétariat pour l'unité des chrétiens.
12. Charles Journet (1891-1975),
prêtre suisse, enseigna longtemps au séminaire diocésain de Fribourg. Proche de
Jacques Maritain, il fonda la revue Nova et vetera en 1926. Créé
cardinal en 1965, il joua un rôle important dans l'élaboration des déclarations
Nostra Aetate (qui promeut une approche positive des autres religions)
et Dignitatis humanae (sur la liberté religieuse) du concile Vatican II.
13. Paul-Pierre Philippe (1905-1984),
dominicain, enseigna à l'Angelicum, puis exerça diverses
fonctions au Vatican et fut créé cardinal en 1973.
14. Eric Lionel Mascall (1905-1993),
prêtre anglican et théologien thomiste, enseigna après Oxford à King's College,
Londres et termina sa carrière à la cathédrale de Truro (en Cornouailles, à la
pointe sud-ouest de l'Angleterre).
15. Yves-Marie Congar (1904-1995,
voir Le Métier de théologien, p. 31,
p. 95, p. 218, et p. 265), dominicain, s'est fait connaître surtout par son
travail théologique sur l'Église. D'après son propre témoignage, il a fait la
connaissance de Louis Bouyer en 1932 (Journal
d'un théologien, 1946-1956, Paris, Éd. du Cerf, 2001). Louis Bouyer lui a
rendu un hommage appuyé à la fin de l'introduction de son propre livre : L'Église de Dieu, Corps du Christ et temple
de l'Esprit, Paris, Ed. du Cerf, 1970, p. 13.
16. Motu proprio en latin
signifie : « de sa propre initiative ». Mais un motu proprio est
un document par lequel le pape exerce son autorité dans une affaire interne à
l'Église. On peut voir là, de la part de Louis Bouyer, une discrète ironie
envers qui prend des décisions revenant au pape.
17. Bernard Dupuy (né en 1925),
dominicain, s'est engagé dans l'œcuménisme et aussi dans les relations avec le
judaïsme.
18. Après avoir servi comme nonce
puis à la Secrétairerie d'État (le service du Vatican qui assiste le pape d'une
part pour les affaires intérieures de l'Église et les documents qu'il signe,
d'autre part pour les relations avec les États), Jean-Baptiste Montini
(1897-1978 ; voir Le Métier de théologien, p. 219) fut archevêque
de Milan en 1954 et créé cardinal en 1958 par Jean XXIII, avant de lui succéder
en 1963 sous le nom de Paul VI.
19. Gallarate est en Lombardie, au
nord-ouest de Milan, tandis que Bergame est au nord-est.
20. L'Église vaudoise est née de la
conversion à la pauvreté évangélique d'un riche marchand lyonnais, Pierre Valdo
ou Vaudès (1130 -1217), qui, peu avant saint François d'Assise (1181-1226) mais
avec moins de succès, se mit à prêcher sans permission et fut pour cette raison
excommunié bien qu'il n'enseignât rien d'hérétique. Ses partisans renoncèrent,
en l'absence de prêtres, à certains sacrements, refusèrent de réintégrer
l'Église catholique, entrèrent dans la clandestinité et ont survécu
principalement en Italie du nord-ouest et en Amérique, rejoignant parfois
certaines Eglises issues de la Réforme.
21. « Celui qui succéda » à
Jean XXIII est donc le cardinal Montini sous le nom de Paul VI.
22. Pierre Duprey (1922-2007) était
père blanc, c'est-à-dire qu'il appartenait à la société des Missionnaires
d'Afrique, créée en 1868 par Mgr Charles Lavigerie (1825-1892), archevêque
d'Alger, plus tard cardinal. Il participa à Vatican II comme traducteur pour
les observateurs orthodoxes et prépara les rencontres entre Paul VI et
Athénagoras Ier (voir n. 46) et continua de travailler au
Secrétariat pour l'unité des chrétiens. Il fut consacré évêque en 1990.
23. Bari est au sud de l'Italie, sur
la côte adriatique.
24. Trente est au nord de l'Italie,
au pied des Dolomites derrière lesquelles se trouve l'Autriche. C'est là qu'eut
lieu, de 1545 à 1563, le concile qui initia la réforme catholique en réponse au
développement du protestantisme.
25. Boris Rotov (1929-1978) devint,
sous le nom de Nikodim (ou Nicodème) le métropolite de Leningrad
(Saint-Pétersbourg avant et après le régime soviétique, au nord-ouest de la
Russie, sur la mer Baltique) et Minsk (aujourd'hui en Biélorussie) en 1963, puis
en 1967 éparque (c'est-à-dire « gouverneur » ecclésiastique) de
Novgorod (au sud de Saint-Pétersbourg), une des capitales depuis le IIIe
siècle de la Russie naissante et demeurée un important centre religieux.
26. Vladimir Gundyaev (né en 1946),
en religion Kyrill (Cyrille), dirigea l'Académie théologique de Leningrad de
1974 à 1984. Évêque puis archevêque de Viborg (à une centaine de kilomètres de
Leningrad, près de la frontière avec la Finlande) en 1976, il fut transféré en
1984 au siège historique de Smolensk (au sud de Novgorod, à environ 350
kilomètres à l'ouest de Moscou) et reçut en 1989 juridiction sur Kaliningrad
(l'ancienne Königsberg de la Prusse orientale, entre la Lituanie et la Pologne,
entièrement russe depuis 1945). Kyrill s'engagea dans les relations
internationales et œcuméniques, et fut promu au rang de métropolite en 1991. Il
fut élu patriarche de Moscou en 2009.
27. Que Louis Bouyer mentionne que
Kyrill est désormais archevêque de Smolensk confirme que cette partie au moins
de ses Mémoires n'a pas été rédigée avant 1984. En quête de la
Sagesse est paru en 1980 aux Éditions du Cloître de l'abbaye de Jonques. Le
sous-titre est : Du Parthénon (Athènes) à l'Apocalypse (la
fin des temps) en passant par la nouvelle (Constantinople-Istanbul) et
la troisième (Moscou) Rome.
28. Louis Bouyer fut nommé à cette
commission mixte en 1979, la seconde année du pontificat de Jean-Paul II
(1920-2005).
29. Patmos est une petite île grecque
à l'ouest de la Turquie actuelle. C'est là que Jean l'évangéliste dit avoir
reçu la vision de la fin des temps (Apocalypse 1, 9). Rhodes est une autre île
grecque, plus au sud. La Crète est une plus grande île, au sud de la mer Égée
qui sépare la Grèce de la Turquie.
30. Georges Khodr (né en 1923),
archevêque de Byblos et Botris, a promu au Liban un renouveau de l'orthodoxie
en lien avec l'antique Église d'Antioche, fondée par les apôtres Pierre et
Paul, à laquelle se rattachent également les chrétiens de Syrie et du Liban.
31. Le bénédictin Andrea Mariano
Magrassi (1930-2004) fut archevêque de Bari (voir n. 23) de 1977 à 1999.
32. Rupert de Deutz
(1075 ?-1129), bénédictin rhénan de l'abbaye Saint-Maurice de Liège, fut
un théologien influent par ses écrits, notamment sur la présence réelle dans
l'Eucharistie, le problème du mal, les motifs de l'Incarnation et le culte
marial.
33. Le Mgr Nicodème qui l’
« avait accueilli avec tant de tact et de cordialité » à Bari semble
être le même que le métropolite Nikodim (voir n. 25).
34. Les reliques de saint Nicolas
(270 ?-343 ?) de Myre (en Turquie actuelle) furent transportées à
Bari au XIe siècle pour les soustraire aux musulmans qui
s'emparaient de l'Asie mineure. Ce saint, auquel sont prêtés de nombreux
miracles (dont la résurrection de petits enfants) et qui est fêté le 6 décembre
en Europe du nord, a été vénéré dans toute la chrétienté, y compris orientale
et russe, et a inspiré les personnages de Santa Claus puis du Père Noël.
L'importance de saint Nicolas pour l'orthodoxie russe est illustrée par une
église construite à Bari de 1913 à 1917 et restituée en 2009 au patriarcat de
Moscou.
35. Arthur Michael Ramsey (1904-1988)
fut le centième archevêque de Cantorbéry et primat de la communion anglicane
(1961-1974), après avoir été évêque de Durham (1952) et archevêque de York
(1956). Formé à Cambridge, et bien que non-conformiste d'origine, il rejoignit
l'« anglo-catholicisme » de la High Church (au IIIe siècle, trois
courants se développent au sein de l'Église d'Angleterre : la High
Church, « haute »
Église, qui insiste sur la hiérarchie et les rites restés proches du
catholicisme romain ; la Low Church, « basse » Église plus populaire et proche du
mouvement évangélique ; et la Broad Church, Église
« large », plus libérale et hostile aux définitions dogmatiques). Il
s'engagea dans les relations œcuméniques. The Gospel and the Catholic Church
est paru en 1936.
36. John Carmel Heenan, né en 1905,
fut nommé évêque de Leeds en 1951, puis de Liverpool en 1957 et archevêque de
Westminster (Londres) en 1963. Il participa au concile Vatican II et fut créé
cardinal en 1965. Une crise cardiaque lui fut fatale en 1975.
37. Thomas Holland (1908-1999), après
avoir été aumônier dans la marine britannique, servit à Rome au Secrétariat
pour l'unité (1961-1974) et fut évêque de Salford (près de Manchester en
Angleterre) de 1964 à 1983.
38. La Commission théologique
internationale a été créée en 1969.
39. Depuis le Moyen Âge, on écrit concilium
(avec un deuxième c) pour une assemblée large aux pouvoirs
délibératifs, et consilium (avec un s) pour une assemblée plus
restreinte à compétence consultative ou préparatoire, comme ce fut le cas pour
la mise en œuvre des réformes liturgiques à la suite de Vatican II.
40. Saint Grégoire de Nazianze
(330 ?-390 ?) est un des Pères de l’Église cappadociens, avec Grégoire de Nysse (335 ?-395 ?) et son
frère Basile de Césarée (330 ?-379).
41. Le premier concile de
Constantinople en 381 confirma et précisa la divinité du Saint-Esprit et
l'égalité des personnes divines qui avaient été définies au concile de Nicée en
325. Grégoire de Nazianze dut accepter la présidence de l'assemblée, mais fut
contesté et amené à démissionner.
42. Sur Joseph Ratzinger, voir n. 103.
Ses Principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux furent
publiés en 1982 (traduction française chez Téqui).
43. Le sensus communis fidelium (en
latin) est la perception de l'essentiel de la foi qui est commune à l' ensemble
des fidèles. La constitution Lumen gentium du concile Vatican II définit
le sensus fidei (littéralement : le sens de la foi) comme ce qui est cru depuis les origines et partout
dans l'Église avec l'assistance de l'Esprit-Saint – et qui n'est pas forcément
l'opinion d' une majorité à un moment et en un lieu donnés, telle qu'elle peut
s'exprimer (ou être manipulée) par des moyens politiques.
44. L'adjectif œcuménique vient du grec oikoumêné, qui signifie habité. Il désigne donc ce qui concerne
l'ensemble des lieux où vivent les humains et finalement la terre entière, si bien
qu'on a pu l'assimiler à universel.
45. Angelo Roncalli (1881-1963), fut
nonce à Paris de 1945 à 1953. Le nonce est le représentant du pape auprès d'un
État et aussi de l'Église du pays. Il fut ensuite patriarche de Venise et élu
pape sous le nom de Jean XXIII en 1958.
46. Athénagoras Ier (1886-1972), patriarche de
Constantinople en 1948, rencontra Paul VI pendant le pèlerinage de celui-ci à
Jérusalem en 1964, puis à Istanbul et au Vatican en 1967. Ces rencontres
permirent de lever les excommunications réciproques de 1054 entre les Églises
romaine et orthodoxe.
47. Sur le métropolite Nikodim, voir
n. 25.
48. Sur les conférences de Stockholm (Life
and Work) et de Lausanne (Faith and Order), voir n. 53.
49. Joseph-Désiré Mercier (1851-1926,
archevêque de Malines et primat de Belgique en 1906, cardinal l'année suivante)
accueillit chez lui dans les années 1920 des conversations entre anglicans et
catholiques. Des efforts de rapprochements se développaient depuis les années
1890 entre d'une part Charles Lindley Wood, deuxième vicomte Halifax
(1839-1934) et d'autre part Fernand Portal (1855-1926), prêtre lazariste,
disciple de Newman, ami de Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), conseiller
de Georges Clemenceau, aumônier de l'École normale supérieure et soupçonné de
modernisme.
50. Le métropolite Andreas Szepticzky
(1865-1944) fut à partir de 1900 l'archevêque des Ukrainiens (de rite
orthodoxe) unis à Rome.
51. Sur dom Lambert Beauduin, voir n.
9.
52. Sur Michael Ramsey, voir n. 35.
53. Dans l'entre-deux-guerres, les
mouvements internationaux Life and Work (« Vie et œuvres »,
lancé par Söderblom) et Faith and Order (Foi et institutions) – sous
l'impulsion de Charles Henry Brent (1862-1929, évêque épiscopalien de New York,
voir Le Métier de théologien, p. 170) et avec l'avocat américain Robert
H. Gardiner (1855-1924) – relancèrent l'œcuménisme ébauché à Édimbourg en 1910
par un congrès des sociétés missionnaires protestantes, Life and Work se
concentrant sur la coordination des œuvres sociales et caritatives, et Faith
and Order sur les croyances, le culte et les possibilités de communion
entre les Églises. Ces deux mouvements aboutirent à la création du Conseil œcuménique des Églises ou World
Council of Churches en 1948.
54. Le méthodisme fut lancé par
l'Anglais John Wesley (1703-1791) qui insistait sur l'expérience personnelle de
Dieu et rompit avec l'Église d'Angleterre en 1784.
55. Albert Outler (1908-1989),
américain, assista à Vatican II comme observateur.
56. Geoffrey Wainwright (né en 1939),
participe au dialogue entre méthodistes et catholiques depuis 1986.
57. J. Neville Ward (1915-1992)
s'attacha à promouvoir la dévotion mariale et le chapelet.
58. Oscar Cullmann (1902-1999)
enseigna à Strasbourg, Bâle et Paris. Il fut observateur au concile Vatican II.
Voir Le Métier de théologien, p. 11, p. 25, p. 28, p. 30, p. 174, et p.
184. Les Sacrements dans l'évangile johannique est paru à Paris aux Presses
universitaires de France en 1951 et Le Milieu johannique, Essai sur
l'origine de l'évangile de Jean, en 1976 aux Éditions Labor et Fides à
Genève.
59. George Lindbeck (né en 1923) fut
observateur à Vatican II.
60. Harald Riesenfeld (1913-2008)
enseigna à Uppsala. Son ouvrage le mieux connu est Jésus transfiguré (Copenhague,
1947). Voir Le Métier de théologien, p. 177, p. 184, où Louis Bouyer
associe à Friedrichsen et Riesenfeld le bibliste norvégien Sigmund Mowinckel
(1884-1965). L'Église (luthérienne) de Suède s'est divisée à partir des années
1950, notamment à propos de l'ordination de femmes, ce qui a poussé certains conservateurs, dont Riesenfeld, à
rejoindre le catholicisme.
61. Birger Gerhardsson (né en 1926),
un exégète de l'école de Lund, montra la continuité entre l'enseignement de
Jésus et les évangiles. Dans son étude en deux volumes (1930 et 1936), Anders Nygren
(1890-1978) a opposé Éros (le désir de jouissance) à Agapè (l'amour
désintéressé). Il est devenu évêque de Lund en 1948 et est associé à Gustaf
Aulen comme chef de file de l'école de Lund qui a donné une audience
internationale à la théologie scandinave au XXe siècle, accompagnée
d'un renouveau en exégèse avec Anton Friedrichsen (18881953, critique de la démythologisation de Rudolf Bultmann,
1884-1976, laquelle mine la crédibilité des récits évangéliques, puis Birger
Gerhardsson.
62. Bertil Edgar Gärtner (1924-2009),
également bibliste suédois, fut évêque de Göteborg et s'opposa à l'ordination
de femmes.
63. Joachim Jeremias (1900-1979 ;
voir Le Métier de théologien, p. 155, p. 176, p. 184), longtemps
professeur à Göttingen en Allemagne, s'est fait connaître par ses études sur le
Nouveau Testament à la lumière des textes bibliques et rabbiniques.
64. John Macquarrie (1919-2007 ;
voir Le Métier de théologien, p. 176-177, p. 287), presbytérien
écossais, devenu épiscopalien (dans la communion anglicane) pendant qu'il
enseignait à New York, a insisté sur la part de vérité qui subsiste dans toutes
les traditions chrétiennes.
65. Rowan Williams (né en 1950) fut
Lady Margaret Professor of Divinity à Oxford (Les chaires de théologie, divinity,
d'Oxford et de Cambridge ont été fondées par Lady Margaret Beaufort
1443-1509, mère du roi Henri VII 1457-1509), puis évêque au Pays de Galles en
1992 et archevêque de Cantorbéry en 2003. Rowan Williams fit sa thèse sur
Vladimir Lossky (1903-1958 ; voir Le Métier de théologien, p. 174,
p. 184, p. 212). Vladimir Lossky, chassé d'Union soviétique, rejoignit à Paris
la Confrérie Saint-Photios (fondée par les frères Kovalevsky) dont le but était
de convertir l'Occident à l'orthodoxie. C'est précisément ce dont rêvait Irénée
Winnaert (voir n. 50 ci-dessus) et Vladimir Lossky donna une consistance
intellectuelle à cette ambition, avec son intérêt stimulé par Étienne Gilson
(1884-1978, voir Le Métier de théologien, p. 27, p. 184, p. 206, p. 249)
pour saint Thomas d'Aquin, mais aussi pour Maître Eckhart et Denys
l'Aréopagite. Mais il se fit surtout connaître par son Essai sur la
théologie mystique de l'Église d'Orient (1944, rééd. Paris, Éd. du Cerf,
2005) et enseigna à l'Institut Saint-Denys (l'Aréopagite), second centre après
Saint-Serge de théologie orthodoxe à Paris.
66. Andrew Louth (né en 1945) a
étudié les Pères de l'Église à l'université de Durham et est devenu prêtre orthodoxe
de 2003 à 2013. La cathédrale (XIIe siècle, de style
« normand ») et le château adjacent de Durham (au nord-est de
l'Angleterre) se dressent sur un piton rocheux contourné par la Wear. S'y
trouvent les tombes de saint Cuthbert (VIIe siècle, évangélisateur
de la région) et de saint Bède le Vénérable (672 ?-735, moine érudit,
proclamé docteur de l'Église en 1899) dans la Galilee Chapel (chapelle de la
Galilée, dite aussi chapelle de Notre Dame : Lady Chapel), d'un style plus
aérien et qui a conservé des fresques médiévales.
67. Brevard Childs (1923-2007),
pasteur presbytérien et bibliste, enseigna à la prestigieuse université Yale (fondée
en 1701 à New Haven dans le Connecticut).
68. Les derniers volumes de Louis Bouyer
parus dans la collection « Lex orandi » sont La Vie de la
liturgie. Une critique constructive du mouvement liturgique, traduction
abrégée parue en 1956 de Liturgical Piety (Notre Dame, Indiana, Notre
Dame University Press, 1954, aussi publié en Angleterre chez Sheed and Ward à
Londres en 1956 sous le titre Life and Liturgy), et Le Rite et
l'homme. Sacralité naturelle et liturgie en 1962 (paru traduit en anglais
en 1963 dans les mêmes conditions que Liturgical Piety en 1954, après
avoir également été une série de cours aux étudiants américains). De la même
manière, presque simultanément en deux langues, Louis Bouyer publiera ensuite Eucharistie,
Théologie et spiritualité de la prière eucharistique (Tournai, Desclée de
Brouwer, 1966 ; rééd. Paris, Desclée de Brouwer, 1990 et Paris, Éd. du
Cerf, 2009) et Architecture et liturgie (Paris, Éd. du Cerf, 1967 ;
rééd. 2009), le premier traduit en anglais et édité ensuite (en 1968) par Notre
Dame University Press et le second traduit en français la même année que sa
parution à Notre Dame. The Liturgy Revived, A Doctrinal Commentary of the
Conciliar Constitution on the Liturgy (toujours à Notre Dame en 1964) ne
semble pas avoir eu de version française. De même, après la rédaction de ses Mémoires,
alors qu'il continuait d'enseigner aux États-Unis, Louis Bouyer publiera en
anglais Newman's Vision of Faith, traduit en français chez Ad Solem à
Genève en 2006 sous le tire : John Newman, le mystère de la foi, Une
théologie pour un temps d'apostasie.
69. Giacomo Lercaro (1891-1976) fut
archevêque de Ravenne (1947-1952), puis de Bologne (1952-1968), et créé
cardinal en 1953.
70. Annibale Bugnini (1912-1982),
lazariste italien, supervisa à partir de 1948 les réformes liturgiques
introduites sous le pontificat de Pie XII (1876-1958) et participa comme expert
à Vatican II. Les lazaristes sont une congrégation missionnaire créée par saint
Vincent de Paul (1581-1660) dans une ancienne léproserie sur la route de Paris
à Saint-Denis, nommée Saint-Lazare en l'honneur du frère de Marthe et Marie
ressuscité par Jésus (Jean 11, 1-44) et devenue par la suite une prison, tandis
que les lazaristes se consacraient essentiellement à la formation du clergé
puis à l'enseignement. Il fut logiquement nommé secrétaire du consilium pour
la mise en œuvre des nouveaux rituels (voir n. 39). Il s'est expliqué dans La
Riforma liturgica (1948-1975), ouvrage posthume (1983 ; réédition
augmentée en 1997), qui ne paraît pas avoir été traduit en français. Il a été
critiqué, et pas seulement par Louis Bouyer. Mais c'est son secrétaire à partir
de 1965, Mgr Piero Marini (né en 1942), qui fut de 1983 à 2007 le
maître des cérémonies que l'on voyait dans les célébrations pontificales aux
côtés de Jean-Paul II puis de son successeur.
71. Dom Cipriano Vagaggini
(1909-1999), religieux de la branche camaldule (fondée au XIe siècle
en Toscane par saint Romuald) de la famille bénédictine, fut un des principaux
inspirateurs des réformes liturgiques de la seconde moitié du XXe
siècle.
72. Johannes Wagner (1908-1999) fonda
en 1947 à Trêves (sur la Moselle, près du Luxembourg) l'Institut allemand de
liturgie, qui lui valut d'être monsignorisé
et surtout qui joua un peu le même rôle outre-Rhin que le CPL en France. Le
Centre de pastorale liturgique (CPL) est né progressivement, avant même la fin
de la Seconde Guerre mondiale, de rencontres informelles entre universitaires
et animateurs de célébrations. Les dominicains Roguet et Duployé ont lancé à
partir de là aux Éditions du Cerf, animées par leur ordre, la collection Lex orandi et la revue (qui existe
toujours) La Maison-Dieu. Le CPL est devenu en 1965, après Vatican II,
un organe officiel de l'épiscopat français sous l'appellation Centre national
de pastorale liturgique (CNPL) et, depuis 2005, le Service national de pastorale
liturgique et sacramentelle.
73. Le canon romain est la prière eucharistique en usage à Rome et qui
doit normalement être utilisée dans l'Église universelle.
74. Saint Hippolyte de Rome
(170 ?-235 ?, qui fut aussi un antipape !)
a laissé entre autres dans sa Tradition apostolique une description,
dont la validité a été contestée, du rituel eucharistique pratiqué au début du IIIe
siècle.
75. Dom Bernard Botte (1893-1980),
bénédictin de l'abbaye du Mont-César à Louvain (Belgique), avait rejoint le CPL
en 1948.
76. Est euchologique ce qui concerne les prières et les oraisons
liturgiques.
77. Étymologiquement, l'anamnèse est
un rappel à la mémoire. Dans la célébration de la messe, il s'agit de la
première prière dite par le prêtre après la consécration. Elle est aujourd'hui
précédée par une acclamation de l'assemblée, par exemple : « Nous
rappelons ta mort, Seigneur ressuscité, et nous attendons que tu viennes »
(Prière eucharistique II), qui n'est pas à proprement parler l'anamnèse, comme
précisé dans Eucharistie, p. 434 et 437.
78. Gallican se dit du catholicisme français avec ses tentations depuis
le Moyen Âge d'autonomie par rapport à Rome.
79. La prière eucharistique attribuée
à saint Jacques (« frère de Jésus » et chef de la première communauté
chrétienne de Jérusalem) est encore employée par les chrétiens de Syrie.
80. Joseph Gélineau (1920-2008),
jésuite, compositeur et liturgiste, a donné un psautier en français et des
cantiques qui ont été largement utilisés et aussi critiqués.
81. L'actus
poenitentialis est
le rite pénitentiel au début de la messe.
82. Josef Jungmann (1889-1975),
jésuite autrichien, est l'auteur de La Messe de rite romain, paru à
Vienne en 1948.
83. Le père Jacques Cellier
(1922-1999) a été le premier directeur du CNPL jusqu'en 1973 (voir n. 114). Sur
les réticences de Louis Bouyer à l'égard de l'Action catholique, qui visait,
depuis l'entre-deux-guerres, à rechristianiser la société à travers un
apostolat des laïcs dans leurs différents « milieux », voir la Préface du premier volume de son Histoire
de la spiritualité chrétienne. Déplorer un style
« sentimentalo-ouvriériste » est une manière de dénoncer la volonté
de « reconquérir les masses laborieuses » sans s'apercevoir que le
marxisme était déjà, à l'époque de la guerre froide, au moins
intellectuellement et moralement en faillite.
84. Le Sanctus est à la messe
l'acclamation « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur… » au
début de la prière eucharistique, laquelle comporte également des intercessions
(pour le pape et l'évêque du lieu, pour les défunts, pour les fidèles présents,
etc.).
85. « Vere Sanctus es,
Domine » est le début de la prière qui précède immédiatement la
consécration selon la Tradition apostolique d'Hippolyte de Rome (voir n.
74) : « Tu es vraiment saint, Seigneur... », et une épiclèse est une invocation de
l'Esprit-Saint. Dans la prière eucharistique II, on trouve ainsi, sitôt après
la préface et le Sanctus, juste avant la consécration : « Toi
qui es vraiment saint, toi qui es la source de toute sainteté, Seigneur, nous
te prions : sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton
Esprit ; qu'elles deviennent le Corps et le Sang de Jésus, le Christ,
notre Seigneur ».
86. Paul Reboux (1877-1963) publia de
1910 à 1913, avec son ami Charles Muller (1877-1914), sous le titre À la manière de..., trois séries
de pastiches d'auteurs alors célèbres, dont il reproduisait les tics de façon
aussi reconnaissable qu'amusante.
87. Le Transtévère (francisation de Trastevere :
« au-delà du Tibre ») est un quartier populaire de Rome, sur la
rive droite (ouest) du fleuve, juste au sud du Vatican.
88. La Porte de Bronze, sur la droite
de la basilique Saint-Pierre, donne accès au palais du pape.
89. Les régents sont ici les autorités du consilium (voir n. 39 et
n. 70) qui ont commandé aux experts
la rédaction de nouvelles prières eucharistiques.
90. Le dimanche de la Septuagésime
(du latin septuagesimus : soixante-dixième) était le neuvième (soit
environ soixante-dix jours) avant celui de Pâques, à peu près trois semaines
avant l'entrée en Carême. Ce chiffre correspondait à la durée approximative en
années de la « captivité de Babylone » au VIe siècle avant
Jésus-Christ, où les Juifs ont été déportés d'Israël avant d'être autorisés par
les Perses à y retourner et à reconstruire le Temple de Jérusalem. Cette
préparation liturgique permettait d'inscrire le mystère pascal dans la continuité de l'Ancien Testament. La
suppression fut justifiée par le désir de mieux souligner la spécificité du
Carême.
91. L'octave (du latin octo :
« huit ») est le prolongement sur huit jours des fêtes les plus
importantes : Noël, Pâques et Pentecôte (donc, dans ces deux derniers cas,
jusqu'au dimanche suivant ; le Concordat de 1802 en a laissé en France
subsister les lundis). L'Église a gardé comme jours de fête la semaine après
Noël jusqu'au 1er janvier (jadis dit de la Circoncision, désormais
dédié à Marie, Mère de Dieu),et les huit jours jusqu'au dimanche après Pâques
(dit autrefois de Quasimodo, d'après les premiers mots en latin de l'ancienne
prière d'entrée pour la messe de ce jour-là, aujourd'hui célébrant la
Miséricorde divine depuis la canonisation en 2000 de la religieuse polonaise
Faustine Kowalska, 1905-1938, apôtre de cette dévotion). Mais le prolongement
sur une semaine des fêtes qui se succèdent fin mai-début juin (Trinité,
Saint-Sacrement, Sacré-Cœur, Nativité de Jean-Baptiste, Pierre et Paul)
entraînait parfois des chevauchements, ce qui a motivé après Vatican II la
suppression des octaves, dont celle de la Pentecôte, dans cette période de
l'année. D'aucuns, dont Louis Bouyer, ont regretté que le déploiement de
l'action de l'Esprit dans le temps jusqu'au retour du Christ ne soit pas
davantage marqué et médité.
92. Sur tout ceci, voir Le Métier
de théologien, p. 81-95. Voir aussi les explications données dans les
articles de Mgr Pierre Jounel (1914-2004, professeur à la
« Catho » de Paris et auteur de missels) et de dom Jacques Dubois
(1919-1991, bénédictin de l'abbaye Sainte-Marie, et chercheur à l'École
pratique des hautes études à Paris) dans La Maison-Dieu n° 100 (1969),
p. 139-178. L'abbaye bénédictine Sainte-Marie
est au 3 de la rue de la Source à Auteuil dans le 16e arrondissement
de Paris et appartient à la congrégation de Solesmes. La communauté fondée en
1893 a été érigée en abbaye en 1925. Mgr Pierre Jounel et dom Jacques
Dubois faisaient l'un et l'autre partie, avec le franciscain italien Agostino
Amore (de l'Antonianum, l'université de son ordre à Rome, décédé en 1982,
également soucieux de fonder le culte des saints sur des réalités
historiquement avérées), de la commission chargée de la révision du calendrier,
et ce pourrait être les « trois excités » dénoncés par Louis Bouyer,
bien que cette commission ait eu d'autres membres, dont Mgr
Martimort et Mgr Bugnini (voir n. 70).
93. Dans sa partie centrale, la
préface commune I dit : « En lui tu as voulu que tout soit rassemblé
(Éphésiens 1, 10), et tu nous as fait partager la vie qu'il possède en
plénitude (Colossiens 1, 19 ; Jean 10, 10) : lui qui est vraiment
Dieu, il s'est anéanti (Philippiens 2, 6-7) pour donner au monde la paix par le
sang de sa croix (Colossiens 1, 20) ; élevé au-dessus de toute créature
(Philippiens 2, 9-10), il est maintenant le salut pour ceux qui écoutent sa
parole (2 Thessaloniciens 3, 1-2) ».
94. Hautecombe (près d'Aix-les-Bains
en Savoie) fut d'abord au XIIe siècle une abbaye cistercienne. Cistercien
est l'adjectif formé sur Cîteaux (en Bourgogne), où l'abbaye fondée au XIe
siècle a été à l'origine d'un renouveau du monachisme (après Cluny), amplifié
par saint Bernard (1091 ?-1154), lequel fut moine à Cîteaux avant de fonder
Clairvaux (en Champagne — à ne pas confondre avec l'abbaye bénédictine de
Clervaux au Luxembourg) et d'en devenir l'abbé. L'ordre cistercien a connu une
réforme au XVIIe siècle, avec notamment, à l'abbaye de La Trappe (à
Soligny, dans le Perche — d'où le nom de trappistes donné aux cisterciens
réformés), Armand-Jean de Rancé (1626-1700), dont François-René de
Chateaubriand écrivit la Vie (1844). Une seconde réforme eut lieu au XIXe
siècle, menant les trappistes à se distinguer des autres cisterciens comme
étant « de la stricte observance ».Des moines de l'abbaye
Sainte-Madeleine à Marseille, dépendant de Solesmes, exilés en 1901 à Brescia
en Italie, la reprirent de 1922 à 1992, mais partirent pour fonder Ganagobie.
Les lieux sont animés depuis par la communauté charismatique et œcuménique du
Chemin Neuf. Le moine ici félicité est dom Antoine Dumas (1915-1999).
95. Le cursus est ici à la fois la
structure requise pour la préface (ouverture, après l'offertoire, de la prière
eucharistique proprement dite, introduisant au Sanctus) et la cohérence
intelligible de la prière.
96. Les psaumes exclus : 58
(57) ; 83 (82) ; 109 (108), ou expurgés : 63 (62), 10-12 ;
110 (109), 6 ; 137 (136), 7-9, sont de tonalité imprécatoire et/ou
maudissent des ennemis.
97. Il s'agit bien sûr ici de
l'Office divin. Dans son intégralité, l'Office divin des communautés
monastiques comprend chaque jour dans l'ordre : matines (ou vigile) au
milieu de la nuit, laudes au lever du soleil, prime, tierce, sexte et none aux
première, troisième, sixième et neuvième heures, vêpres dans la soirée et
complies avant le coucher.
98. Luigi Del Gallo, marquis de
Roccagiovine (1922-2011), servit à la maison du pape de 1960 à 1983 et fut
ensuite évêque auxiliaire de Rome.
99. Le Cortile San Damaso (cour
Saint-Damase) est au centre du palais pontifical du Vatican.
100. Notus
pontifici signifie
littéralement : « connu (intime) du pontife », mais cette
expression se trouve aussi dans la version latine de Jean 18, 15, où
l'évangéliste se désigne ainsi lui-même comme celui qui, une fois Jésus arrêté
et conduit à la résidence du grand-prêtre, y accompagne Pierre et n'y est pas
un étranger.
101. Hans Urs von Balthasar (1905-1988,
voir Le Métier de théologien, p. 102, p. 144, p. 147, p. 202) est un
théologien suisse, ami des pères de Lubac (voir n. 111), Daniélou (voir n. 113),
Ratzinger (futur Benoît XVI, voir n. 103) et Bouyer. Il accompagna la
conversion de la mystique visionnaire Adrienne von Speyr (1902-1967 ; voir
Le Métier de théologien, p. 144). Il produisit une œuvre immense,
réintroduisant l'esthétique dans la pensée chrétienne, y développant la notion
de drame et culminant dans
l'exploration des relations entre les personnes de la Trinité. Louis Bouyer le
peint sous la figure d'Hans von Kaspar dans Les Hespérides, p. 209-210. Louis
Bouyer écrivit Les Hespérides, sous le nom de plume Prospero Catella,
aux éditions S.O.S. (Paris).
102. Le jésuite allemand Karl Rahner
(1904-1984) fut expert à Vatican II. Il s'efforça de concilier la tradition catholique
de saint Thomas d'Aquin et de la philosophie plus profane (celle d'Emmanuel
Kant, 1724-1804) avec la modernité (en particulier l'existentialisme de Martin
Heidegger, 1889-1976). Il fut aussi critiqué, par exemple pour sa thèse du
« christianisme anonyme » (chez les personnes sincères qui n'ont pas
accès à la foi) et pour son explication de l'eucharistie. La compréhension de
la présence du Christ dans l'Eucharistie pose problème dès le XIe
siècle, avec l'hérésiarque Bérenger de Tours (998 ?-1088 ?). La
doctrine de la transsubstantiation, selon laquelle le pain et le vin consacrés
changent substantiellement pour devenir le Corps et le Sang du Christ, a été
définie par le concile du Latran en 1215, justifiée par saint Thomas d'Aquin (Somme
théologique, IIIa pars, quaestio 75) et confirmée par le concile de Trente
(1545-1563) après la Réforme protestante. Les luthériens, à la suite des
théologiens franciscains Duns Scot (1266-1308) et Guillaume d'Occam
(1285 ?-1347), préfèrent parler de « consubstantiation » (où la
substance du pain et du vin coexistent avec celle du Corps et du Sang du
Christ) et les calvinistes de présence « pneumatique » (en esprit)
dans les « espèces » lors de la célébration du mémorial de la Cène.
Certains théologiens catholiques ont parlé au XXe siècle de « transsignification » :
Piet Schoonenberg, s.j. (1911-1999), ou de
« transfinalisation » : Edward Schillebeeckx, o.p. (1914-2009),
tandis que Karl Rahner et Bernhard Welte (1906-1983) ont insisté sur la portée
subjective (pour les participants) de la transformation des
« espèces »... Louis Bouyer n'a pas particulièrement apprécié la
pensée de Karl Rahner. Il s'est en revanche intéressé aux travaux de son frère
Hugo (1900-1968, voir Le Métier de théologien, p. 110), également
jésuite, sur l' histoire des religions.
103. Le souvenir que rapporte Louis
Bouyer de Benoît XVI date donc du début des années 1970, avant que le
théologien allemand, professeur à Ratisbonne en Bavière, devienne archevêque de
Munich et cardinal (en 1977), et a été rédigé dix ans plus tard sans relever
qu'il avait été appelé à Rome par Jean-Paul II (en 1981), comme préfet de la
Congrégation pour la doctrine de la foi. Celle-ci avait été créée en 1965,
succédant au Saint-Office qui avait lui-même remplacé en 1908 (pendant la
répression du modernisme) la Sacrée Congrégation de l'Inquisition, instituée en
1542 pour superviser et contrôler les poursuites locales contre les hérétiques,
menées depuis le Moyen Âge.
104. Le synode des évêques (prévu par
Vatican II) sur le sacerdoce ministériel eut lieu à l'automne 1971 et,
contrairement à certaines attentes, confirma la doctrine traditionnelle, y
compris le célibat des prêtres. La Commission théologique internationale avait
remis un an plus tôt son rapport allant en ce sens.
105. Le Croate Tomislav Janko
Sagi-Bunic (1923-1999), capucin (c'est-à-dire d'une branche de la famille
franciscaine) fut le secrétaire du cardinal Seper (voir la note suivante) et
s'attacha à maintenir dans son pays aux mains des communistes des éditions
d'ouvrages théologiques, dont une version de la revue Communio (voir n.
116). - L'unité de la foi et le pluralisme théologique (document de la
Commission théologique internationale élaboré en 1972 et annoncé en 1973) fut
publié et préfacé par le cardinal Ratzinger en 1978 (traduction française la même
année aux éditions CLD, Chambray-lès-Tours).
106. Franjo Seper (1905-1981) succéda
au cardinal-martyr Aloysius Stepinac (1898-1960), archevêque de Zagreb
(Croatie), accusé par les communistes de collaboration avec les partisans des
nazis pendant la Seconde Guerre mondiale et béatifié en 1998. Créé cardinal en
1965, il prit en 1968 la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi et
fut remplacé à sa mort par Joseph Ratzinger (voir n. 103).
107. Sur le cardinal Paul Philippe, voir
n. 13.
108. Charles Möller (1912-1986),
théologien belge, professeur à l'université de Louvain et monsignorisé, fut expert à Vatican II et est l'auteur de Littérature
du Xe siècle et christianisme (six
volumes, 1953-1993).
109. Philippe Delhaye (1902-1990),
également théologien belge de Louvain et monsignorisé,
fut secrétaire de la Commission théologique internationale de 1972 à 1989.
110. L'expression bombycinans in
vacuo signifie filant de la soie dans
le vide et est due à l'Anglais William Chillingworth (1602-1644)
polémiquant au nom du protestantisme (bien qu'il ait été un moment tenté par le
catholicisme) contre un jésuite et accusant les théologiens papistes de s'attacher à des subtilités
aussi évanescentes que vaines.
111. Henri de Lubac (1896-1991 ;
voir Le Métier de théologien, p. 202), jésuite, enseigna à Lyon, où il
s'intéressa aux Pères de l'Église, à l'Exégèse médiévale (quatre volumes
parus entre 1959 et 1963, à la théologie de l'Église, au bouddhisme, à son aîné
et ami Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955)... Son Drame de l'humanisme
athée (1944) aida beaucoup à situer le christianisme face à la modernité, prolongeant ses études sur
l'humaniste de la Renaissance Jean Pic de la Mirandole (1463-1494) ou le
socialiste Joseph Proudhon (1809-1865), et couronnées par son travail
(1979-1981) sur La Postérité spirituelle de Joachim de Flore (moine
calabrais du XIIe siècle et prototype des déviations de la pensée
chrétienne en Occident). Ses recherches sur le surnaturel et l'articulation
entre la nature et la grâce en 1946 lui valurent d'être soupçonné de
modernisme. Il participa cependant à Vatican II où il se lia d'amitié avec un
certain Karol Wojtyla. Celui-ci, devenu en 1978 le pape Jean-Paul II, le créa
cardinal en 1983. Mais le père de Lubac invoqua son âge pour décliner d'être
élevé à l'épiscopat. Louis Bouyer s'occupa de lui avec sollicitude et le fit
inviter, tant qu'il était encore valide, à passer l'été avec lui à l'abbaye de
Saint-Wandrille.
112. À l'automne 1970, à l'initiative
d'Henri de Lubac, les autres membres français de la Commission théologique
internationale : Louis Bouyer, Yves-Marie Congar (voir n. 15), André
Feuillet (1909-1998) et Marie-Joseph Le Guilllou (dominicain, 1920-1990) – Jean
Daniélou (voir n.113) s'étant abstenu en tant que cardinal – signèrent une
lettre destinée au pape et qui fut publiée dans La Croix du 17 décembre,
protestant contre la traduction, proposée par le CNPL, de catholica par universelle, s'agissant de l'Église dans
le Credo. L'objection était que universel
n'a pas de dimension spirituelle et gomme la réalité mystique de l'Église. Voir
Le Métier de théologien, p. 95. Catholique
fut conservé.
113. Le jésuite Jean Daniélou
(1905-1974) était le frère de l'indianiste Alain (1907-1994), le fils de
Charles (1878-1953), plusieurs fois ministre sous la IIIe République
et plutôt anticlérical, et de Madeleine (1880-1956), éducatrice et fondatrice
de la Communauté apostolique Saint-François-Xavier, des collèges Sainte-Marie
(le premier à Neuilly près de Paris) et des écoles Charles-Péguy. Spécialiste
du christianisme antique, fondateur (avec Henri de Lubac, voir n. 36 du chap.
XII, et deux autres jésuites, Victor Fontoynont, 1880-1958, et Claude Mondésert,
1906-1990) de la collection Sources
chrétiennes qui réédite les Pères de l'Église aux Éditions du Cerf et
compte aujourd'hui plus de 500 volumes, mais aussi aumônier d'étudiants, il
participa comme expert (peritus) au concile Vatican Il (1962-1965) et
fut créé cardinal en 1969.
114. Le « maître actuel du
CNPL », ici délibérément non nommé, est l'abbé Jacques Cellier (voir n. 83).
115. Bugnini (voir n. 70) ne semble
pas avoir été saqué immédiatement
suite à la lettre préparée par le père de Lubac. Il fut élevé à l'épiscopat en
1972 et ne fut remercié qu'en 1975, lorsque la Congrégation pour le culte
divin, dont il était le secrétaire et qui avait mis en place les réformes
liturgiques, fut réunie à celle pour la discipline des sacrements. Il fut
envoyé en 1976 comme pro-nonce en Iran, ce qui n'était pas un poste important,
étant donné la très faible audience du catholicisme dans ce pays. Cette
nomination pouvait donc illustrer l'adage : « Promoveatur ut
amoveatur » (lorsqu'une promotion camoufle plus ou moins une mise au
placard). Quand l'ayatollah Ruhollah Khomeiny (1902-1989) prit le pouvoir en
Iran en 1979, Mgr Bugnini s'employa (sans succès) à obtenir la
libération des Américains retenus peu après comme otages dans leur ambassade à
Téhéran.
116. Les
parents de Marie-José Roussel (née en 1947), épouse de Jean Duchesne
(angliciste en classes préparatoires, né en 1944 ; auteur de ces notes),
ont mis, à partir de 1977, un studio aménagé sous les toits à la disposition de
Louis Bouyer et ont également logé rue d'Auteuil (tout près de la villa
Montmorency), dans le même immeuble ou dans l'immeuble voisin, des amis de leur
fille et de son mari avec leurs familles : les philosophes Rémi Brague (né
en 1947) et son épouse Françoise (née en 1946), et Jean-Luc Marion (né en 1946)
à et son épouse Corinne (née en 1945), ainsi que le fiscaliste Jean Congourdeau
(né en 1948) et son épouse Marie-Hélène (née en 1947), chercheur sur la
civilisation byzantine. Avec Jean-Robert Armogathe (né en 1947), prêtre et
universitaire, ces quatre ménages s'étaient liés à partir de 1967 au Sacré-Cœur
de Montmartre, au sein du groupe d'étudiants Résurrection publiant la revue du même nom, sous l'égide de Mgr
Maxime Charles (1908-1993, fondateur en 1945 du Centre Richelieu, aumônerie des
étudiants de la Sorbonne). Celui-ci les a encouragés à répondre aux
sollicitations de théologiens qu'il leur avait permis de rencontrer :
outre Louis Bouyer, les pères Daniélou (juste avant son décès, voir n. 113), von
Balthasar et de Lubac (voir n. 102 et n. 111, respectivement), pour lancer
l'édition en français de la Revue catholique internationale : Communio,
où s'étaient également engagés Joseph Ratzinger, Tomislav Sagi-Bunic (voir
n. 105) et les futurs cardinaux Karl Lehmann (né en 1936) et Angelo Scola (né
en 1941). Louis Bouyer avait participé à Paris à des réunions de Résurrection et accueilli et présidé à
La Lucerne des sessions du même groupe, où se sont également formés en partie
les futurs cardinaux Christoph Schönborn (né en 1945), Philippe Barbarin (né en
1950), son actuel auxiliaire Jean-Pierre Batut (né 1954), le père Michel Gitton
(né en 1945, fondateur de la communauté apostolique Aïn Karem), le père Jacques
Benoist (né en 1946, chapelain de Saint-Martin de Porrès à Paris), le frère
Nicolas-Jean Séd, dominicain, ancien directeur des Éditions du Cerf, et
quantité d'autres qu'il est impossible de nommer tous ici et qui considèrent
rester redevables à Louis Bouyer. Celui-ci a invoqué la rédaction de ses
grandes « trilogies dogmatiques » et les inimitiés que lui avait
values dans l'Église de France La Décomposition du catholicisme pour
décliner d'entrer au comité de rédaction, mais il a donné régulièrement pendant
une quinzaine d'années (c'est-à-dire tant qu'il a été en mesure d'écrire) des
articles à la revue et dès son premier numéro (septembre 1975).