Le célèbre acteur écossais James
Robertson Justice, docteur en philosophie et recteur de l'Université
d'Édimbourg, angoissé par le snobisme et l'incompétence qui submergent chaque
jour davantage le monde des amateurs de whisky, nous offre quelques précisions
importantes.
Il existe quatre grandes régions où
se produit le whisky d'Écosse. La première, celle du Nord, se divise elle-même
en deux territoires : l'Est, qui donne un whisky trop sec pour le goût de
Robertson Justice, et l'Ouest qui répand un lourd parfum de tourbe auquel il
est permis de s'attacher. Robertson Justice salue au passage, avec le respect
qu'ils méritent, Highland Park
d'Orkney, Cline Lish de Brora, Glenmorangie de Tain et Talisker de Carbost of Skye.
Vient ensuite la ravissante île
d'Islay dont les produits, plus savoureux et parfumés que les autres, sont
comme les poids moyens dans le ring. Si James Robertson Justice était
contraint, ce qu'à Dieu ne plaise, d'emprisonner son amour du whisky dans une
seule région d'Écosse, il choisirait Islay.
Robertson Justice classe dans la
catégorie des poids lourds les whiskies de la troisième région qui est bien,
comme nous l'avions deviné, celle du Royal Burgh of Campbeltown. Ils sont
vigoureux, virils et véhéments. Le recteur va même jusqu'à leur reprocher un
léger excès de vigueur et cela signifie quelque chose dans la bouche d'un homme
qui a la barbe et la carrure d'Hemingway,
Toutefois, Springbank et Rieclachan
ont été bus avec succès.
Pour finir, on arrive, à travers les
Lowlands, au whisky du Sud. Robertson Justice avoue qu'il ne les connaît guère.
Il garde cependant la nostalgie du vieux Bladnoch
qu'il buvait dans ses années heureuses de Galloway.
Andy Mac Elhone, de Dundee, le galant
expert de la rue Daunou, affirme que ces merveilleux malt vines ne traverseraient pas les gosiers français avec la
prestesse chatoyante d'un air de Vivaldi. Peut-être. La croisade de James
Robertson Justice n'en garde pas moins sa noblesse, même s'il est chimérique de
songer à déniaiser les buveurs superficiels qui sortent des boîtes de nuit pour
entrer dans les romans contemporains. Ils continueront à demander vaguement du scotch,
seul mot qui ait pu s'imprimer dans leurs pauvres têtes où quelques mesures de cool tournent en vain.
Kléber Haedens, in L'Air du Pays