dimanche 27 décembre 2015

En cherchant... André Sève, Jésus est Dieu qui nous aime


Jésus notre joie.
« Je vous annonce une joie fantastique », dit l'ange de Luc. Les deux premiers chapitres, les enfances, culminent à la grande annonce de la joie : « Je vous annonce une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple : il vous est né aujourd'hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur. Et voici le signe : vous trouverez un nouveau-né dans une mangeoire » (2, 10-12).
Un nouveau-né dans une mangeoire. Tout le ciel en branle-bas d'anges et de lumières pour une naissance obscure chez des petites gens. Et ces scintillantes enfances se terminent par un désarroi : « Marie et Joseph ne comprirent pas » (2, 5o). Dès qu'il s'agit de Jésus, on est toujours dans la lumière et dans la nuit.
J'ai longtemps cru que pour Marie, depuis l'Annonciation, tout était lumière et qu'à Noël elle s'émerveillait d'avoir à bercer Dieu. Mais un troisième texte me semble être la clé des chapitres sur l'enfance et même la clé de tous nos efforts pour mener une relation avec Jésus : « Marie enregistrait avec soin ces événements et elle les méditait » (2, 19 et 51).
Elle était juive, fille du peuple formé pour proclamer que Dieu est l'Unique, le Seul. Juive fervente, elle attendait le Messie sans pouvoir soupçonner les révélations inouïes : Dieu est bien l'Unique, mais il n'est pas solitude ; Dieu aime les hommes jusqu'à tenter l'expérience d'une vie d'homme. Trinité et Incarnation. Ce sont là, bien sûr, des mots impuissants à dire dans quels mystères Marie entrait. Tout était pour elle difficile à concevoir et à vivre. La regarder devant l'Enfant est pour nous une leçon de foi contemplative.
Qui est cet enfant ?
Mais l'ange de l'Annonciation ne lui avait-il pas tout dit ? « L'Esprit Saint viendra sur toi, la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. Celui qui va naître de toi sera saint et on l'appellera Fils de Dieu » (1, 35).
Cela dit tout, en effet, mais Luc écrit cela après les événements, quand désormais brille sur Jésus la lumière de Pâques. Nous savons que le Ressuscité est le Fils de Dieu, nous nous sommes faits peu à peu à l'impensable : Jésus est Dieu.
Les quatre Évangiles commencent tous par cette violente lumière :
Marc : « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu ».
Matthieu : « Ce qui est né en Marie, dit l'ange à Joseph, est de l'Esprit Saint ».
Luc : « Il sera appelé Fils de Dieu ».
Jean : « Au commencement était le Verbe... Et le Verbe était Dieu... Et le Verbe s'est fait chair ».
Dans la lumière d'après Pâques, sur l'Annonciation et sur Noël, nous voyons clairement que Marie est Mère de Dieu. Mais pour elle, à ce moment-là, quelles étaient ses lumières ? Elle avait conscience d'être la Mère du Messie, par conception virginale. La méditation de cette étrangeté la faisait accéder à une première connaissance de son Fils : il n'était pas comme les autres, un lien unique unissait cet enfant à Dieu.
Mais Luc, qui savait beaucoup de choses par ceux qui avaient connu Marie, n'hésite pas à écrire qu'elle ne comprit pas, et Joseph non plus, « ce que l'on disait de leur enfant » (2, 33), et surtout ce que Jésus à douze ans leur révélait : « je dois être tout à mon Père » (2, 49). Bien que les traductions de cette parole soient diverses, le sens reste le même : à douze ans, et au Temple, Jésus prend conscience de ce qui va dominer son être et sa vie, il a un Père qui n'est pas un père de la terre. En repartant pour aller reprendre à Nazareth la vie ordinaire, Marie garde cela dans son cœur.
Comment me cherchez-vous ?
Dans les premières pages de son Évangile, Luc nous dit tout sur Jésus en prenant pourtant bien soin de nous avertir : regardez Marie et Joseph, ils reçoivent les messages de Dieu et les événements (les messages de Dieu par les événements), ils les méditent et ils progressent. La foi n'est pour personne un ensemble statique, complet et définitif, elle est pour chacun de nous, comme elle le fut pour Marie et Joseph, un cheminement personnel, une progression originale.
Quand Élisabeth définit si bien Marie en lui disant : « Toi, tu es celle qui a cru » (1, 45), on pense instinctivement que Marie a été d'emblée celle qui adhère en toute clarté au dessein si déroutant de Dieu : par elle, le Verbe, le Fils, allait mener une vie humaine. Luc corrige nos vues. Marie adhère, oui, mais aux grandes choses (1, 49) qu'elle découvrira peu à peu à force de méditation et de courage, en regardant son enfant vivre, mourir et ressusciter.
J'y gagne un modèle pour ma propre foi. À cette Marie qui devait progresser et à Joseph qui a dû progresser encore plus difficilement, je peux dire : aidez-moi à contempler l'Enfant. Bien que j'aie toutes les lumières, je suis aussi désemparé que vous, lorsqu'il demande : « Pourquoi me cherchez-vous ? Comment me cherchez-vous ? »
Depuis tant d'années, je vais à lui ou trop comme à un homme ou trop comme à Dieu, jamais les deux à la fois assez liés. Autrefois, je disais facilement les mots du discours chrétien : Trinité, Incarnation, Jésus Christ Fils de Dieu, Jésus vrai Dieu et vrai homme, Jésus Christ ressuscité. Maintenant, j'essaie de vivre avec ces mots et de ces mots, et je vois qu'il ne faut pas cesser de les ruminer dans la prière pour qu'en restant mystère ils nous disent comment, dès ici-bas, établir une relation d'amour avec le véritable Jésus Christ.
Jésus est Dieu qui nous aime
Nous allons d'ordinaire tout de suite à ce que Jésus dit et à ce qu'il fait. Contre ce mouvement instinctif les chapitres sur l'enfance ont ceci de capital : ils nous retiennent un moment devant ce qu'il est. C'est le mystère le plus central, le plus difficile et le plus joyeux : Jésus est Dieu qui nous aime.
Aucun Messie, aucun Sauveur seulement homme, super-homme autant qu'on puisse l'imaginer, n'aurait pu nous dire avec une telle puissance convaincante : Dieu vous aime. Jésus le dit à Noël simplement en étant là, en étant ce qu'il est, Dieu même venu nous aimer. La Présence.
Lorsque je regarde l'Enfant, je ne pense pas encore à ce qu'il va faire pour nous sauver. Je me dis que puisqu'il est là, tout est possible, rien n'est impossible à Dieu (1, 37). Si j'arrive à croire que Dieu lui-même vient pour nous sauver, je n'éprouve plus ensuite de difficultés à croire ses paroles, ses miracles, l'obligation de passer comme lui par la souffrance ; je peux croire à sa résurrection, à l'Eucharistie, à l'Église.
Mais il faut que je commence là, devant la crèche, près de Marie et de Joseph, à apprivoiser le mystère d'où tout découle : cet enfant est vraiment homme et vraiment Dieu.
Apparemment, un simple fils d'homme : « Il était le fils, croyait-on, de Joseph » (3, 23). Nous, nous savons beaucoup plus. Nous apprenons par Luc que sa généalogie l'insère au plus profond de la race humaine jusqu'à Adam (3, 23-38). On voit aussi, dès les enfances, à quel point ce fils d'homme est un être exceptionnel. Vers lui convergent tous les grands courants de l'Ancien Testament : les prêtres avec Zacharie, les rois avec Joseph descendant de David, les sages avec les mages et les docteurs de la Loi, les prophètes avec Siméon et Anne, les pauvres de Yahvé avec les bergers. C'est l'enfant des promesses, de la Promesse, du serment fait à Abraham (1, 73 ; 1, 55).
Mais si toute la terre et toute l'histoire montent vers Jésus, fruit dernier des longues préparations, c'est le ciel qui descend pour annoncer l'incroyable : l'Enfant est aussi de là-haut. Il y a tout un mouvement d'en haut vers en bas : « La puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre », dit l'ange. « Dieu m'a regardée, dit Marie, il est intervenu de toute sa force ». Et Zacharie : « Le Dieu d'Israël a visité son peuple ». Enfin, l'ange de Noël : « Il vous est né un Sauveur qui est le Christ-Seigneur ». Seigneur ? C'est Dieu. « Il sera appelé Fils de Dieu ».
Entrer dans ces mystères
Nous voici devant le seuil à franchir dès que nous voulons rencontrer Jésus, et déjà face à l'Enfant de la crèche : Jésus Messie, Jésus Christ, est infiniment plus que le Messie attendu, il est Fils de Dieu. Avec tout ce que cela nous dit sur Dieu : l'Unique est Père ! L'Unique est Amour. Tout doit être vu et tout peut être cru dans cette lumière. Si Dieu est Amour, et Amour à ce point, il n'a pu inventer ni des esclaves à terroriser, ni des jouets dont on s'amuse, ni des objets d'expérience. Il a créé par surabondance d'amour, pour aimer et être aimé.
La preuve ? Elle est là. Dans cet enfant dont le premier mot sera la suprême révélation : « Je dois être tout à mon Père ». Et le dernier mot : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » (23, 46).
Cherchons-nous Jésus ? Tout de suite, il approfondit notre recherche. Pourquoi me cherchez-vous ? Comment me cherchez-vous ? dit-il à douze ans. « Qui pensez-vous que je suis ? », demandera-t-il plus tard.

Seigneur, tu as été pour Marie et Joseph un enfant difficile à comprendre. Je ne demande pas que pour moi tout soit facile quand je pense à toi, quand je vais vers toi. Je veux seulement apprendre de Marie à conserver dans mon cœur les paroles et les événements, et à savoir les méditer. Pour que je vive de plus en plus de ces mystères d'amour : Dieu est Père, tu es son Fils et tu es entré pour nous dans notre vie d'homme.

André Sève, in Avec Jésus, qu’est-ce que tu vis ? (Centurion)