dimanche 1 janvier 2023

En homéliant... Monseigneur Charles, Marie Theotokos


Huit jours après Noël, le nouveau calendrier propose très justement aux chrétiens une fête spéciale pour vénérer celle qui nous a donné Jésus. Profitons-en pour nous demander le rôle qu'elle a joué dans l'élaboration de ce chef-d'œuvre de l'humanité qu'est le Cœur de Jésus. Certes, le Saint-Esprit en est le premier responsable, comme le manifeste le caractère surhumain de ce cœur humain ; mais cela n'empêche pas qu'en cette maternité la mère n'ait communiqué à son enfant ce qu'elle avait de meilleur et qu'elle tenait elle-même de Dieu. On trouvera ici quelques-uns des traits communs à la mère et au Fils. On en pourrait donner beaucoup d'autres.

A-t-on remarqué comme Marie est curieuse de savoir, au meilleur sens du mot ? Elle ne s'en laisse pas conter facilement. Sa question à l'ange au jour de l'Annonciation le prouve : Comment cela pourra-t-il se faire ?

Cette curiosité, elle la transmet à Jésus. Bien que le Christ puisse tout connaître lorsque son intelligence humaine rejoint sa science divine, Il aime à interroger les hommes : Combien avez-vous de pains ? Depuis combien de temps es-tu là ? De quoi parlez-vous ? et surtout : Que dit-on de moi ? Procédé pédagogique sans doute, et même peut-être parfois procédé littéraire de la part des évangélistes, mais aussi disposition d'un cœur avide d'explorer les pensées et les sentiments des hommes dont Il est venu résoudre les problèmes.

Marie est audacieuse, c'est-à-dire qu'elle se jette dans l'action sans s'arrêter devant le danger. L'épisode où elle se compromet avec sa parenté et relance Jésus, sans doute pour l'arracher à l'hostilité provoquée par sa prédication, comportait un risque, celui de déplaire à son fils. Elle l'a accepté par amour pour lui et de ce fait a encouru sa réprimande. Ce cœur audacieux, le Christ l'a hérité de sa mère. Qu'on se souvienne de la façon dont Il n'hésite pas à se mettre à dos les Pharisiens, les vendeurs du Temple ! Rien ne l'arrête quand il s'agit de remplir sa mission.

Marie, si discrète aux heures de triomphe de son fils, le rejoint au pied de la Croix. Sa vaillance est exemplaire. Son fils tient d'elle. Non seulement, Il monte volontairement à Jérusalem, conscient des périls qui l'y attendent, mais à l'heure de son arrestation Il s'avance pour protéger ses apôtres et demande à ses adversaires : Qui cherchez-vous ? Sa question est dite sur un tel ton qu'ils en reculent épouvantés.

L'initiative que prend Marie aux noces de Cana est touchante. Elle n'attend pas que les époux s'inquiètent du manque de vin ; elle s'aperçoit avant eux du désagrément et  s'efforce d'y porter remède spontanément. Cette charité prévenante à l'égard des hommes est passée au cœur de Jésus. Il fait plusieurs de ses miracles sans que personne ne lui demande rien : la multiplication des pains parce qu'Il s'est aperçu le premier que ses auditeurs avaient faim : Naïm où Il rend un fils à sa mère ; Béthesda où Il guérit un paralysé qui avait perdu tout espoir.

En vraie fille d'Israël, Marie a la vocation religieuse de son peuple, elle pense selon les formules de l'Ancien Testament, et le Magnificat nous apporte bien l'écho de son espérance messianique. Elle a sans doute bercé l'enfant des textes inspirés, car le cœur de Jésus a d'abord le souci des brebis perdues de la maison d'Israël ; Il veut réaliser les prophéties ; et c'est très souvent qu'Il suggère à sa bouche les mots de la Bible.

Il est dit de Marie qu'elle gardait tous les souvenirs de la naissance et de l'enfance du Christ et les méditait sans cesse dans son cœur. Ce goût du recueillement et de la prière solitaire se retrouve dans le cœur du Christ. De son temps, on s'adressait à Dieu surtout avec des psaumes et au cours des cérémonies liturgiques. Il est bien remarquable que Jésus ajoute à ce mode de prière les heures silencieuses de la nuit dont sans doute sa mère lui avait appris à utiliser la paix pour se mettre plus consciemment en relation avec son père.

La Vierge a une expérience unique du Saint-Esprit. C'est par l'action de cette personne divine que l'enfant est conçu dans son sein. Tout naturellement, elle rejoindra les apôtres dans leur retraite d'attente du Saint-Esprit après l'Ascension et le recevra de nouveau avec eux au jour de la Pentecôte. Le même évangéliste Luc qui nous raconte ces choses sera aussi très attentif à signaler l'action de ce même Esprit sur le cœur humain de Jésus qui pense, parle, agit sous son impulsion, comme si l'Esprit était passé de Marie en Jésus pour y continuer son œuvre.

Mais c'est à l'heure suprême des décisions que le cœur de Jésus réagit comme le cœur de sa mère. Au cours de l'agonie à Gethsémani, le Christ en son cœur troublé trouve pour donner son assentiment à la Rédemption douloureuse le même mot que celui par lequel Marie avait donné son consentement à l'Incarnation : Fiat, qu'il soit fait... selon ta parole... Que ta volonté soit faite et non la mienne. Et c'est ce même mouvement du cœur qu'Il propose à tout homme qui veut prier avec lui, puisqu'Il en a inséré la formule dans le Notre Père.

Souvenons-nous, en découvrant les richesses du cœur de Jésus enfant, adolescent et adulte, qu'elles viennent de sa mère. Adorons les premières, admirons les secondes et en rendant grâce pour tant de beauté morale et spirituelle, disons : « Vierge bénie entre toutes les femmes, mère de Dieu entre toutes les mères, donne-nous ton fils... Donne-nous ton fils ! »

Monseigneur Charles, in Ephata