Priez
sans cesse.
1 Thessaloniciens, 5, 17.
1 Thessaloniciens, 5, 17.
L'Écriture mentionne deux manières de
prier : l'une à des heures et lieux déterminés, et en des formes précises,
l'autre – celle dont parle le texte — la prière continuelle ou habituelle. La
première est ce qu'on appelle communément prière,
qu'elle soit publique ou privée, l'autre peut être dénommée communion avec Dieu, ou vie en présence de Dieu. Celle-ci est
réalisable tout le long du jour, partout où nous sommes, et nous est prescrite
comme un devoir, ou plutôt comme la caractéristique de ceux qui sont de vrais
serviteurs et amis de Jésus-Christ.
Ces deux sortes de prière sont aussi
des devoirs naturels en ce sens que nous y serions astreints, même si nous
étions nés en pays païen et que nous n'avions jamais entendu parler de la
Bible. Car notre conscience et notre raison nous conduiraient à en user, pour
peu que nous prêtions attention à ces informateurs que nous tenons de Dieu. Je
me bornerai ici moi-même à considérer la dernière d'entre elles, la prière
habituelle ou intérieure qui nous est prescrite dans le texte, afin de montrer
ce qu'elle est et comment nous la devons mettre en pratique. Je traiterai
d'elle d'abord comme d'un devoir naturel et ensuite en tant que caractéristique
d'un chrétien.
1. Il est peut-être à première vue
difficile à quelques personnes de comprendre ce que veut dire prier sans cesse. Eh bien, considérons
que c'est là un devoir naturel, c'est-à-dire un devoir qui nous est enseigné
par la simple raison et le sentiment religieux, et nous comprendrons bientôt ce
en quoi il consiste.
Que nous enseigne la nature nous
concernant, même avant d'ouvrir la Bible ? Que nous sommes des créatures
du Dieu suprême, Créateur des cieux et de la terre, et que, en tant que tels,
nous sommes tenus de Le servir et de Lui donner notre cœur, en un mot, de nous
comporter comme des êtres religieux. Qu'est-ce ensuite que la religion, sinon
une habitude ? Et qu'est-ce qu'une habitude, sinon un état d'esprit qui
s'impose toujours à nous, sorte d'habit ordinaire, de manteau inséparable de
l'âme ? Un homme ne peut être réellement religieux une heure et pas la
suivante. Autant vaudrait dire qu'il peut être en bonne santé une heure et en
mauvaise la suivante. Qui est religieux l'est le matin, à midi et le soir. Sa
religion est une sorte de caractère, de moule en qui ses pensées, ses paroles
et ses actions sont jetées, forment les unes et les autres des parties d'un
seul et même tout. Il voit Dieu en tout ; toute action, il l'ordonne à ces
objets spirituels qui lui ont été révélés par Dieu. Ce qui peut survenir au
cours de la journée, événement, personne rencontrée, nouvelle entendue, tout
cela il le mesure en prenant pour base la volonté de Dieu. L'on peut presque
dire à la lettre que qui fait ainsi prie sans cesse ; se sachant, en
effet, en présence de Dieu, il est continuellement amené à s'adresser à Celui
qu'il place toujours devant lui avec révérence, dans le langage intérieur de la
prière et des louanges, de l'humble confession et de la confiance joyeuse.
Cela, dis-je, toute personne
réfléchie le reconnaît par la seule raison naturelle. Être religieux, c'est, en
d'autres termes, avoir l'habitude de la prière ou prier toujours. C'est ce que
veut dire l'Écriture quand elle nous conseille de tout faire pour la gloire de
Dieu, c'est-à-dire d'avoir devant nous Sa présence et Sa volonté, et d'agir
conséquemment en rapportant tout à Lui, pour que tout ce que nous faisons ne
soit plus qu'un seul et même processus, un acte d'obéissance, un hommage
continuel rendu à Celui qui nous a faits et dont nous sommes les serviteurs. Il
faut que chacun des détails pris à part concoure plus ou moins directement à Sa
gloire selon que chacune des choses particulières qu'il nous arrive de faire
admet plus ou moins de caractère religieux. L'obéissance religieuse est ainsi
une sorte d'esprit qui habite en nous, étendant son influence à chaque
mouvement de l’âme, de même que les gens en santé et robustes se montrent tels
en tout ce qu'ils font (non point également en tout, mais en certaines actions
plus qu'en d'autres, étant donné que toutes ne requièrent ni ne révèlent la
présence de cette santé et de cette force, et, même dans leur démarche, leur
voix, leurs actes et leur maintien, la vigueur corporelle ne devant se montrer
qu'avec réserve), ainsi, ceux qui ont la vraie santé et la vraie force de
l'âme, une foi claire, paisible et profonde en Celui en qui ils ont l'être, vivront
en tout ce qu'ils font — oui, ainsi que le dit saint Paul, même quand ils « mangent
et boivent » (1
Corinthiens, 10, 31.) –
en présence de Dieu ou, pour reprendre l'expression du même Apôtre dans le
texte, en une prière incessante.
Dira-t-on qu'il ne peut y avoir sur
terre personne qui puisse de la sorte continuellement et parfaitement glorifier
et adorer Dieu ? Nous ne le savons que trop. C'est dire simplement
qu'aucun de nous n'a atteint la perfection. Nous savons, hélas ! qu'en
trop de choses nous L'offensons tous. Je ne parle pas de ce que nous faisons,
mais de ce que nous devons faire et de ce que nous devons viser à
faire, bref, de notre devoir Pour imprimer en nos cœurs l'idée de
celui-ci, il est utile de dessiner le portrait d'une personne de tout point
obéissante pour qu'elle nous serve de modèle. Dans la mesure où nous croissons
dans la grâce et la connaissance de notre Sauveur, dans cette mesure, nous nous
rapprochons en obéissance de Celui qui est notre grand exemple et qui, seul de
tous les fils d'Adam, a vécu dans la perfection d'une incessante prière.
Ainsi, la signification et le
caractère raisonnable du commandement énoncé par le texte ressortent du fait
qu'il est un devoir en quelque sorte naturel, la religion n'étant pas un
accident qui va et vient par à-coups mais un esprit déterminé ou une certaine
vie.
J'établirai tout cela en langage
scripturaire, confirmant, en second lieu, cette vue de notre devoir que peut
suggérer la raison naturelle, par cette autre voix de Dieu, et bien plus claire,
qu'est la parole inspirée.
Comment l'obéissance religieuse
est-elle décrite dans l'Écriture ? Assurément, comme un certain mode de
vie. Nous savons ce qu'est la vie du corps ; c'est un état du corps ;
le pouls bat et tout est en mouvement. Le principe de vie cachée, bien que nous
n'en connaissions ni le mode ni la nature, se traduit par ces signes
extérieurs. Ainsi de la vie de l'âme. Celle-ci, à la vérité, n'était pas en
possession de la vie de Dieu quand elle est d'abord apparue dans le monde. Nous
sommes nés avec des âmes moribondes, c'est-à-dire morts eu égard à l'obéissance
religieuse. Laissés à nous-mêmes, nous en viendrions à haïr Dieu et ne ferions
de plus en plus, tout au long de l'existence, qu'exhaler la mort spirituelle,
le feu intérieur des tourments de l'enfer, mûrissant en mal pour une longue
éternité. Telle est l'ornière dans laquelle nous nous engageons une fois venus
au monde, et, n'étaient les promesses évangéliques, quel misérable événement ne
serait pas la naissance des enfants ! Qui aurait plaisir à voir ces
pauvres êtres, encore inconscients de leur misère, mais ayant au cœur cette
redoutable racine de péché qui, finalement, règne et triomphe infailliblement
pour notre malheur éternel ? Mais Dieu nous a donné à tous, même aux
petits enfants, une heureuse promesse grâce au Christ ; nos perspectives
sont changées. Et il ne s'agit pas seulement d'une promesse de bonheur futur.
Par son Saint-Esprit, il implante ici-bas en nous, et sur-le-champ, un nouveau
principe, une nouvelle vie spirituelle, une vie de l'âme, ainsi qu'on la nomme.
Saint Paul nous dit que « Dieu nous a vivifiés », « nous a fait vivre »
ensemble avec le Christ et nous a tous arrachés à « la mort du péché »,
« nous donnant de nous asseoir ensemble dans le Ciel avec le Christ Jésus »
(Éphésiens, 2, 5-6).
Quant à savoir comment Dieu vivifie
nos âmes, nous ne le pouvons pas ; nous savons aussi peu comment il vivifie
nos corps. Notre vie spirituelle est,
ainsi que le dit saint Paul, « cachée avec le Christ en Dieu » (Colossiens 3, 3). Mais, comme la vie de notre corps se manifeste par son
activité, ainsi en est-il de la présence en nous du Saint-Esprit, qui se
manifeste par une activité spirituelle, qui est l'esprit de prière continuelle.
La prière est à la vie spirituelle ce que sont à la vie corporelle le battement
du pouls et l'acte de la respiration. Il serait aussi absurde de supposer que
la vie peut durer, une fois le corps froid, sans mouvement ni sensibilité, que
d'appeler vivante une âme qui ne prie pas. L'état où l'habitude de la vie
spirituelle trouve son exercice consiste en une activité constante de prière.
Demandez-vous où l'Écriture dit cela ?
Où ? Partout où elle nous parle de la connexion entre la nouvelle
naissance et la foi. Car qu'est-ce que la prière, sinon l'expression, la voix
de la foi ? Saint Paul, par exemple, dit aux Galates « La vie que je
vis maintenant dans la chair [c'est-à-dire la vie nouvelle et spirituelle] je
la vis par la foi du Fils de Dieu, qui m'a aimé » (Galates, 2, 20). Qu'est-ce, en effet, que la foi, sinon le fait de nous
tourner vers Dieu et de penser à Lui constamment, de vivre avec Lui en
compagnie habituelle, c'est-à-dire de Lui parler dans notre cœur tout le long
du jour, en priant sans cesse ? Il nous dit ensuite, dans la même épître,
tout d'abord que rien n'est utile que la foi opérant par l'amour, mais, bientôt
après, il appelle ce même principe opérant une nouvelle créature, de sorte que
nouvelle naissance et foi vivante sont inséparables. Jamais il ne faut
supposer, comme notre indolence est portée à le faire, que le don de la grâce
reçu au baptême est un simple privilège extérieur, un simple pardon extérieur
dans lequel le cœur n'est pas intéressé, ou une sorte de simple marque imprimée
sur l'âme, la distinguant de celles qui ne sont pas régénérées, comme s'il
s'agissait d'une couleur ou d'un sceau, mais nullement en rapport avec les
pensées, l'esprit et le cœur d'un chrétien. Ce serait là une vue grossière et
fausse de la nature de la miséricorde de Dieu qui nous est octroyée dans le
Christ. Car la nouvelle naissance venant de l'Esprit Saint fait que l'âme se
meut d'une manière divine : elle nous donne de bonnes pensées et de bons
désirs, nous éclaire et nous purifie, nous rendant empressés à chercher Dieu.
En un mot, comme je l'ai dit, elle nous donne une vie spirituelle, elle ouvre
les yeux de notre esprit, de sorte que nous commençons à voir Dieu en toutes
choses par la foi et à nous tenir en continuelle relation avec Lui par la
prière. Chérissons en nous ces bienfaisantes influences, nous deviendrons alors
plus saints, plus sages et plus célestes, d'année en année, nos cœurs étant
toujours en voie de passer des ténèbres à la lumière, des voies et des œuvres
de Satan à la perfection de la divine obéissance.
Ces considérations peuvent servir à
imprimer sur nos esprits la signification de ce qui est prescrit dans le texte,
ainsi que des autres enseignements qui se trouvent dans les épîtres de saint
Paul. Par exemple il enjoint aux Éphésiens de « prier toujours, en toute
prière et supplication, dans l'Esprit » (Éphésiens, 6, 18). Aux Philippiens, dit : « Ne vous souciez de
rien, mais, en chaque chose, par la prière et la supplication, faites connaître
à Dieu vos besoins » (Philippiens,
4, 6). Aux Colossiens :
« Continuez à prier ensemble, et veillez de même en rendant grâces à Dieu »
(Colossiens, 4, 2). Aux Romains : « Continuez à prier avec insistance »
(Romains, 12, 12).
Ainsi le vrai chrétien perce-t-il le
voile de ce monde et voit-il le monde futur. Il se tient en relation avec lui ;
il s'adresse à Dieu comme un enfant peut s'adresser à son père, avec une vue
aussi claire de Lui et avec une confiance en Lui aussi entière ; avec une
révérence profonde, une crainte divine et une terreur religieuse, mais avec
certitude et précision cependant, conformément à ce que dit saint Paul : « Je
sais en qui j'ai cru » (2 Timothée, 1, 12) ; avec
la perspective du jugement à venir qui le modère et l'assurance de la grâce
présente qui l'encourage.
Si ce que je dis est vrai, il vaut
sûrement la peine d'y penser. La plupart des gens, je le crains, ni ne prient à
des moments précis ni ne s'exercent à une habituelle communion avec le Dieu
Tout-Puissant. L'on ne se rend que trop compte de la manière dont prient la
plupart des hommes ; ils le font à tel ou tel moment, quand ils sentent un
besoin particulier de l'assistance divine, quand ils sont dans le trouble ou
appréhendent le danger, ou quand leurs sentiments sont plus vifs que de
coutume. Ils ne savent pas ce que c'est que d'être habituellement religieux ou
de consacrer un certain nombre de minutes, à des moments précis, à la pensée de
Dieu. Oui, que le meilleur des chrétiens est donc lamentablement déficient pour
ce qui est de l'esprit de prière ! Que chacun compare dans son esprit
combien de fois il a prié étant dans le trouble et combien rarement il est
revenu remercier quand ses prières ont été exaucées ; ou encore la ferveur
avec laquelle il a prié en prévision de souffrances redoutées, avec la langueur
et l'insouciance de ses actions de grâces dans la suite, et il ne tardera pas à
se rendre compte du peu de réelle habitude qu'il a de la prière et combien sa
religion dépend d'une exaltation accidentelle qui n'est nullement la pierre de
touche d'un cœur religieux. Supposons encore qu'il lui faille répéter la même
prière pendant un mois ou deux, la raison d'en user persistant ; qu'il
compare la ferveur avec laquelle il l'a dite d'abord, essayant de s'en bien
pénétrer, et la froideur avec laquelle il en use finalement. Pourquoi cela, si
ce n'est que sa perception du monde invisible n'est pas la vraie vision que
donne la foi, sans quoi elle durerait aussi longtemps que ce monde, mais un
simple rêve, l'espace d'une nuit, auquel succède, le matin, une pénible joie
profane.
Dieu est-il habituellement dans nos
pensées ? Pensons-nous à Lui, à son Fils, notre Sauveur, durant toute la
journée ? Quand nous mangeons et buvons, le remercions-nous non par simple
formalité, mais en esprit ? Quand nous faisons des choses bonnes en
elles-mêmes, élevons-nous vers Lui notre esprit avec le désir de promouvoir sa
gloire ? Quand nous sommes dans l'exercice de notre profession,
pensons-nous encore à Lui, agissant toujours consciencieusement, désirant
connaître Sa volonté plus exactement que nous ne le faisons à présent et visant
à nous y conformer plus complètement et avec plus d'abandon ?
Comptons-nous sur Sa grâce pour nous éclairer, nous renouveler et nous
fortifier ?
Je ne demande pas si nous usons en religion
de beaucoup de paroles : ce n'est pas nécessaire. Nous devrions même
éviter d'étaler orgueilleusement ce qu'il peut y avoir de meilleur dans nos
sentiments et nos pratiques, servant Dieu en silence, sans nous soucier d'être
loués des hommes, cachant notre délicatesse de conscience, sauf quand il y
aurait déshonneur pour Dieu à le faire. Il y a des moments, en effet, où, en
présence d'une sainte personne, en témoigner est un bienfait, et d'autres où,
en présence d'une personne mondaine, en témoigner devient un devoir, mais rares
sont relativement ces moments de privilège ou de devoir. En revanche, nous
sommes toujours avec nous-même et avec notre Dieu, et cette silencieuse
confession intérieure en Sa présence doit pouvoir être soutenue et continuelle
et se terminer en fruit durable.
Mais si ces personnes manquent à leur
devoir en faisant de la religion un sujet d'impulsion ou de simple
sentimentalité, que dire de celles qui n'ont pas du tout le sentiment ou la
pensée de celle-ci ? Que dire de cette multitude de jeunes gens qui
ridiculisent le sérieux et s'abandonnent délibérément à des pensées profanes ?
Hélas ! mes frères, vous n'observez même pas toujours
ou ne connaissez pas les pensées folles et vides qui vous traversent l'esprit,
vous ne vous affligez même pas de celles dont vous vous souvenez. Mais que
direz-vous au dernier jour quand, au lieu des vraies et saintes visions en quoi
consiste la divine communion, vous trouverez consignées dans le livre de Dieu
une multitude innombrable des plus frivoles et des plus folles imaginations,
pour ne pas dire même des plus perverses, qui déshonorent à jamais une créature
immortelle ? Que direz-vous quand le Ciel et l'enfer seront devant vous,
que les livres seront ouverts et que vous y verrez totalisés vos désirs et
rêves de jeunesse, vos désirs passionnés pour les choses du monde, vos goûts
vulgaires et terre à terre, votre secret mépris et votre aversion pour les
sujets et les personnes graves, vos efforts pour attirer les regards des
pécheurs et pour plaire à ceux qui déplaisent à Dieu, votre désir des
frivolités et des somptuosités mondaines, votre admiration pour les riches et
les gens titrés, votre indulgence pour les pensées impures, votre vanité pleine
d'amour-propre et digne de pitié ?
Ah ! je puis vous paraître user
de mots rudes, mais soyez sûrs que je n'use pas de termes aussi sévères que
ceux dont vous userez contre vous-mêmes en ce jour. Ces personnes que vous
considérez maintenant comme tristes et trop strictes vous paraîtront alors
comme vraiment sages, et l'invitation à prier sans cesse, qui vous faisait sourire
jadis comme convenant aux gens simples, formalistes, moroses, pusillanimes ou
âgés, vous l'approuverez par votre propre expérience, comme l'approuvent
maintenant votre raison et votre conscience. Oh ! que ne pouvez-vous
donner une heure sérieuse à la religion comme anticipation à cette longue
éternité où vous devrez être sérieux. Oui, vous pouvez rire maintenant,
mais il n'y a pas de vaine joie de l'autre côté du tombeau. Les démons, bien
qu'ils ne se repentent pas, tremblent. Vous prendrez place parmi ces gens
sérieux malgré eux, vous qui êtes assez fous pour être légers et insouciants
maintenant, assez fous
pour rire, plaisanter et railler le pauvre moment que vous vivez maintenant sur
la terre, court pourtant pour préparer l'éternité, sans le rendre plus court
encore en gaspillant votre jeunesse dans le péché.
Si vous pouviez voir seulement quel
est celui qui vous suggère toutes les pensées légères que vous substituez à la
communion avec Dieu, le choc qui en résulte vous rendrait sérieux, même s'il ne
vous rendait pas religieux. Si vous pouviez voir ce que Dieu voit, à savoir ces
pièges et ces surprises que place sur votre sentier le démon, et comment toutes
les pensées frivoles où vous vous complaisez, qui semblent si attrayantes et
plaisantes, tellement plus que les pensées religieuses, sont inspirées par cet
ancien séducteur de l'humanité, l'auteur du mal, qui se tient à vos côtés
tandis que vous tournez en dérision la religion, sérieux lui-même alors qu'il
vous fait rire, incapable de sourire de ses propres railleries tandis qu'il
vous mène en dansant à la perdition, vous trembleriez à n'en pas douter, comme
il le fait lui-même quand il vous tente. Mais il ne vous est pas possible de le
voir et de sortir de votre illusion à moins que, en cette matière, vous ne
commenciez par accepter de confiance la parole de Dieu. Vous ne pouvez voir
d'un coup le monde invisible. Ceux qui parlent toujours avec Dieu en leur cœur
sont instruits par lui en retour en toute connaissance. Mais ceux qui refusent
d'agir selon la lumière naturelle que Dieu leur donne finissent à la longue par
la perdre entièrement et sont livrés à leur âme réprouvée. Que Dieu vous
préserve d'un tel péché volontaire, vieux aussi bien que jeunes, et vous
éclaire tous et chacun de sa connaissance qui sauve, vous donnant la volonté et
la facilité de Le servir.
John Henry, cardinal Newman, in Le
secret de la prière