La science d'amour en Thérèse de l'Enfant Jésus
Un jour qu'elle tenait en mains les épîtres de Saint Paul, elle m'appela et me dit avec enthousiasme : « Écoutez, voici ce que dit l'Apôtre : "Ce n'est point d'une montagne que la main puisse toucher que vous vous approchez, ni d'un feu ardent, ni d'un tourbillon... mais de la montagne de Sion, de la Cité du Dieu vivant qui est la Jérusalem céleste, des myriades d'anges et de la société de nos aînés... CAR NOTRE DIEU EST UN FEU CONSUMANT ».
Et, reprenant ces dernières paroles, elle me les commenta avec émotion.
C.S. p.71.
« Il me semblait comprendre déjà la grandeur de Dieu et les merveilles du Ciel... la puissance du Dieu que je veux aimer uniquement ».
Man. p. 143.
« Je t'assure que le Bon Dieu est bien meilleur que tu le crois. Il se contente d'un regard, d'un soupir d'amour... Pour moi je trouve la perfection bien facile à pratiquer, parce que j'ai compris qu'il n'y a qu'à prendre Jésus par le Cœur... Regarde un petit enfant, qui vient de fâcher sa mère en se mettant en colère ou bien en lui désobéissant ; s'il se cache dans un coin avec un air boudeur et qu'il crie dans la crainte d'être puni, sa maman ne lui pardonnera certainement pas sa faute, mais s'il vient lui tendre ses petits bras en souriant et disant : "Embrasse-moi, je ne recommencerai plus". Est-ce que sa mère pourra ne pas le presser contre son cœur avec tendresse et oublier ses malices enfantines ?... Cependant elle sait bien que son cher petit recommencera à la prochaine occasion, mais cela ne fait rien, s'il la prend encore par le cœur jamais il ne sera puni...
Au temps de la loi de crainte, avant la venue de Notre-Seigneur, le Prophète Isaïe disait déjà, parlant au nom du Roi des Cieux : "Une mère peut-elle oublier son enfant ?... Eh bien ! Quand même une mère oublierait son enfant, moi, je ne vous oublierai jamais".
L. 7.1896.
« Je ne puis craindre un Dieu qui s'est fait pour moi si petit... je l'aime !... car Il n'est qu'AMOUR et MISÉRICORDE ! »
L. 1897.
« Comme les Saints Innocents et le bon larron je veux imiter les voleurs, avoir le ciel par ruse, une ruse d'amour qui m'en ouvrira l'entrée ».
C.S. p.41.
« J'agissais avec Lui comme un enfant qui se croit tout permis et regarde les trésors de son Père comme les siens ».
Man. A. p. 163.
« Ce qui attire le plus de grâces du Bon Dieu, c'est la reconnaissance, car si nous le remercions d'un bienfait, Il est touché et s'empresse de nous en faire dix autres et si nous le remercions encore avec la même effusion, quelle multiplication incalculable de grâces ! J'en ai fait l'expérience, essayez et vous verrez. Ma gratitude est sans bornes pour tout ce qu'Il me donne et je le lui prouve de mille manières ».
C.S. p.72.
« Je n'ai jamais donné au Bon Dieu que de l'amour, Il me rendra de l'amour ».
Procès p. 196.
« Jésus a pour nous un amour si incompréhensible qu'Il veut que nous ayons part avec Lui au salut des âmes. Il ne veut rien faire sans nous. Le créateur de l'univers attend la prière d'une pauvre petite âme pour sauver les autres âmes rachetées comme elle au prix de tout son sang ».
L. 1892.
« Il faut dire au Bon Dieu : Je sais bien que je ne serai jamais digne de ce que j'espère, mais je vous tends la main comme une petite mendiante et je suis sûre que vous m'exaucerez pleinement, car vous êtes si bon ! »
Procès. p.278.
« L'amour donne tout et se confie ! Mais, bien souvent, nous ne donnons qu'après délibération, nous hésitons à sacrifier nos intérêts temporels et spirituels. Ce n'est pas l'amour cela ! L'amour est aveugle, c'est un torrent qui ne laisse rien sur son passage ! »
C.S. p. 62.
« Vous voyez bien que la plus petite œuvre, la plus cachée, faite par amour, a souvent plus de prix que les grandes œuvres. Ce n'est pas la valeur ni même la sainteté apparente des actions qui compte, mais seulement l'amour qu'on y met, et nul ne saurait dire qu'il ne peut donner ces petites choses au Bon Dieu, car elles sont à la portée de tous.
C.S. p. 65.
« Mon ciel est de rester toujours en Sa présence.
Poésies.
« Je prie, je ne Lui dis rien, je L'aime »
D.E.
« Sans se montrer, sans faire entendre sa voix, Jésus m'instruit dans le secret, ce n'est pas par le moyen des livres, car je ne comprends pas ce que je lis, mais parfois une parole comme celle-ci que j'ai tirée à la fin de l'oraison (après être restée dans le silence et la sécheresse) vient me consoler : "Voici le Maître que je te donne, Il t'apprendra tout ce que tu dois faire. Je veux te faire lire au livre de Vie, où est contenue LA SCIENCE D'AMOUR"
La science d'amour, ah oui ! cette parole résonne doucement à l'oreille de mon âme, je ne désire que cette science là. Pour elle, ayant donné toutes mes richesses, j'estime comme l'épouse des sacrés Cantiques n'avoir rien donné...
Man. B. p.218.
QU'EST-CE QUE CETTE SCIENCE D'AMOUR ?
CE N'EST PAS AUTRE CHOSE QU'UNE SCIENCE DE DIEU ET QU'UNE CONNAISSANCE PROFONDE DE DIEU.
Dieu, nous pouvons l'atteindre et nous devons l'atteindre par la raison. Nous l'atteignons aussi par la raison éclairée par la foi. Les grands voyants de Dieu : Moïse, Elie, Saint Paul, et surtout Notre-Seigneur lui-même, nous ont dit : "Dieu est Amour". Notre-Seigneur, avant de partir, disait à ses apôtres que même après son départ ils le verraient, ils le connaîtraient encore : "Le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez parce que je vis et vous vivrez". En ces paroles de Notre-Seigneur, il y a tous les principes, tous les éléments qui nous indiquent ce qu'est cette science d'amour .
Notre-Seigneur ajoutait : "Celui qui m'aimera, nous nous manifesterons à lui, celui qui m'aimera, nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre demeure".
Voilà tous les éléments qui nous permettent de déterminer, d'une façon certaine, avec des vérités de foi données par Notre-Seigneur, ce qu'est cette science d'amour, cette connaissance du Christ, cette connaissance de Dieu qu'eut Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, cette science d'amour qu'elle désirait.
Oui, le principe de cette connaissance, c'est l'amour. Et quel amour ? Oh, pas un amour sentimental, non, mais la charité qui est en nous, la grâce baptismale tout simplement. Ne songeons pas à des choses extraordinaires, à des moyens extraordinaires, à des visions. Non, il s'agit de notre grâce baptismale.
La grâce baptismale que nous avons reçue est participation de la vie de Dieu, participation réelle, créée. En cette participation de la vie de Dieu, en cette charité, en cette grâce il y a un principe de connaissance : un principe de connaturalité, le même qui permet à la mère de connaître son enfant, qui nous permet à nous, hommes, de connaître les autres hommes.
Dieu est Amour et nous sommes amour, car la grâce est charité, la grâce est Amour. Par cette grâce créée nous atteignons l'Incréé, nous avons comme une certaine expérience, une "quasi expérience" nous dira Saint Thomas, de Dieu lui-même. Cette expérience peut se développer et elle le fait normalement avec le développement de la grâce en nos âmes.
Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus a développé cette science d'amour et Dieu l'a développée en elle. Tout enfant, spécialement à sa première Communion, elle a senti une fusion de son être avec Dieu, un débordement, une onction, cette onction qui enseigne comme dit Saint Jean, qui instruit ; elle voyait déjà ce qu'est Dieu. Après sa grâce de Noël de 1886, considérant une image de Jésus en croix, elle a vu que d'une des mains divines s'écoulaient des gouttes de sang. Dans cette image, elle a vu beaucoup plus qu'une image, elle a vu la réalité : l'amour de Jésus en croix, l'amour qu'Il diffuse dans les âmes et dans le monde, par le sang qu'Il répand. Elle y a vu tout le principe de notre vitalité chrétienne.
Elle s'est penchée sur ce mystère de Dieu qu'elle avait découvert. Qu'est-ce que DIEU ? DIEU, c'est le bien diffusif, c'est l'AMOUR. DIEU EST AMOUR.
Cette connaissance de Dieu, cette science d'amour s'est développée en Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus dans les sécheresses. Cela nous apparaît presque comme inconcevable et cependant il en est ainsi, car c'est dans les sécheresses que, même au point de vue humain, nos facultés s'affinent, que la grâce se développe, qu'elle devient pénétrante. Alors que les sens ne reçoivent rien, que les facultés semblent ne rien recevoir, la grâce, elle, développe toutes ses virtualités de connaissance de Dieu.
Après ses longues sécheresses, après ses longues oraisons, voici que dans toute l'âme de Thérèse, dans ses facultés, apparaît une science de Dieu merveilleuse.
Qu'est-Il ce Dieu ? C'est un foyer d'Amour !
Elle dira : « Oh, ce foyer d'amour, cette puissance diffusive de Dieu, ce Dieu, que désire-t-Il ? »
Comme le foyer, comme la flamme du foyer, Il désire être alimenté ; Il est altéré.
De quoi ? De l'amour de la créature, d'un amour d'abandon, d'un amour de don de soi.
Pourquoi ? Pour que la flamme divine, pour que le foyer infini de Dieu puisse se satisfaire, puisse se répandre sur les âmes qui se donnent, sur les âmes qui s'offrent.
Comment ? En se diffusant, en se donnant, en répandant un amour encore plus grand, en transformant ces âmes en feu, comme Il est Lui-même. Voilà la science d’amour de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : elle a connu Dieu.
Voyant autour d’elle bien peu d’âmes qui connaissent Dieu, découvrant que cette science d’amour était bien peu développée et que cela produisait en Dieu comme une soif encore plus grande, comme une espèce de tristesse du foyer qui ne peut se répandre selon sa mesure, un jour, en la fête de la Sainte Trinité, elle demande la permission de s’offrir à ce brasier qu’est Dieu.
Elle s'offre à cet Amour infini de Dieu pour qu'au moins en elle Dieu trouve la joie parfaite qu'Il attend. Sa vie intime est dans la Trinité des Personnes mais cette joie accidentelle à laquelle Il tient, car Il a affirmé que ses "délices sont d'être avec les enfants des hommes", Thérèse a voulu la lui donner. Et Dieu, la Trinité Sainte lui a montré qu'elle ne se trompait pas. À son offrande, Il a répondu par un geste, par une étincelle d'amour qu'Il a fait tomber dans son âme. « depuis lors, l'Amour me pénètre et m'environne ».
Félicitons Thérèse de Lisieux d'être allée en ces profondeurs de la science d'amour du Dieu vivant. Maintenant elle voit Dieu face à face et la puissance de sa vision de Dieu actuelle, sa vision face à face vient en grande partie de la science, de la qualité de la science d'amour qu'elle a eue ici-bas.
Nous unissant à sa reconnaissance pour tout ce que le Bon Dieu lui a donné, demandons-lui qu'elle nous donne cette science d'amour, qu'elle nous donne de sentir, d'expérimenter non pas les douceurs de Dieu, mais ce qu'est Dieu en lui-même.
Qu'importe que ce soit par la douceur ou par la tristesse, il s'agit de savoir ce qu'est le DIEU VIVANT.
Père Marie-Eugène. 3 octobre 1961.