samedi 26 février 2011

En méditant... Auguste Valensin - La mort, l'au-delà

La mort
C'est la mort qui fait tout le pathétique de la vie: elle est nécessaire pour que la vie soit un drame. Eh oui ! sans la mort qui arrête l'expérience, l'empêche de se prolonger indéfiniment, sans la mort qui donne à nos actes une valeur d'éternité, et à notre existence sur cette terre une signification dramatique, — comme la vie serait une chose bête ! X dit : «quotidienne et banale».
Il est donc anormal de vouloir écarter systématiquement et toujours l'idée de la mort : c'est dénaturer la pièce dans laquelle nous jouons un rôle. La mort doit être pensée par nous, non comme un accident inévitable qui vient interrompre une partie intéressante, mais comme la consécration de nos efforts ; et l'achèvement, non le terme, de notre vie. Elle est le verbe que la langue allemande place à la fin de la phrase et qui l'éclaire toute ; une phrase qui s'étirerait indéfiniment sans rencontrer son verbe n'aurait aucun sens, et elle est d'ailleurs impossible car l'idée du verbe est immanente à la phrase dès les premiers mots. La pensée, pour s'exprimer, a besoin d'une phrase achevée ; mais une phrase achevée, ce n'est pas un discours fini, et quand la vie terrestre s'arrête, une autre est rendue possible.
On pourrait classer les hommes en deux catégories: ceux qui pensent à la mort, et, ceux qui n'y pensent pas. Les premiers seuls se conduisent en hommes. Les autres font les animaux, et comme ils ont ôté de leur vie ce qui fait de la vie un drame, il n'en reste rien que ce qui, misérablement, semble la remplir... C'est « quotidien et banal » à en pleurer.
La dignité de la vie humaine lui vient de son couronnement, la mort. Sois donc bénie, ô mort ! Tu n'es pas pour moi un épouvantail et tu ne viens rien m'ôter : tu es Celle qui doit me parfaire, me changer définitivement en moi-même, et qui déjà maintenant alourdit en secret mes actes les plus simples d'un poids de grâce et de gloire !
L'au-delà 
Je pense à l'au-delà. Pour qui n'a pas la foi, quelle source d'appréhension, quelle énigme ! Et comment vivre dans cette incertitude ? Qui croit au néant, après cette vie, ne peut donner une valeur absolue aux idées de justice et de charité... Cela, je le vois avec évidence ; et il me semble qu'aucun sophisme ne pourra jamais m'arracher cette certitude. Et cela suffit pour me faire rejeter la possibilité du néant. Il doit y avoir quelque chose après la mort qui conserve aux idées de justice et de charité, à l'idée de devoir une valeur absolue ; il faut que ces idées continuent à compter. Et cela donne non pas seulement une survie, mais une survie éternelle, car le problème que soulève cette vie-ci serait également soulevé par toute autre vie temporaire qui serait censée la suivre.
Maintenant une survie éternelle au cours de laquelle ne seraient plus remises en question les valeurs morales, c'est-à-dire qui ne comporterait plus une épreuve (car c'est cela que ça veut dire), c'est déjà une espèce de Paradis. La philo va jusque-là, mais elle ne va pas plus loin. Et c'est déjà bien beau. La Révélation nous apprend que cette vie éternelle consistera en une divinisation de notre personne; et cela est magnifique.
Grâce à la Révélation commentée par l'Église, je sais qu'après cette vie je ferai connaissance, sans voile, avec mon Créateur qui est mon Père, et retrouverai près de lui ceux que j'aurai aimés, ceux que j'aimerai. Et cette fois c'est assez pour ôter à la mort son caractère de séparation et de rupture: elle est la voie à un rendez-vous où les uns arrivent plus tôt, les autres plus tard, mais où tous nous pouvons (et devons) arriver. Oh ! la réunion définitive, — éternelle, éternelle, éternellement joyeuse, et heureuse, sans trouble, sans inquiétude, sans danger, assurée !
Merci, mon Père !
Auguste Valensin, La joie dans la foi