samedi 5 février 2011

En citant... Georges Bernanos



Le Bon Dieu ne m’a pas mis une plume entre les doigts pour rigoler.
Georges Bernanos
La totale docilité n’est pas si loin de la totale révolte. L’obéissance chrétienne a pour nature un caractère héroïque.
Georges Bernanos
Qui n’a pas vu la route, à l’aube entre deux rangées d’arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est que l’espérance.
Georges Bernanos
L'espérance est une vertu, virtus, une détermination héroïque de l'âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté.
Georges Bernanos
L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme.
Georges Bernanos
L'espérance est une vertu héroïque. On croit qu'il est facile d'espérer. Mais n'espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu'ils prennent faussement pour de l'espérance. L'espérance est un risque à courir, c'est même le risque des risques. L'espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu'un homme puisse remporter sur son âme.
Georges Bernanos
Le plus dangereux de nos calculs sont ceux que nous appelons des illusions.
Georges Bernanos
On ne va jusqu'à l'espérance qu'à travers la vérité, au prix de grands efforts. Pour rencontrer l'espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu'au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore.
Georges Bernanos
Les optimistes sont des imbéciles heureux, quant aux pessimistes, ce sont des imbéciles malheureux
Georges Bernanos
On ne saurait expliquer les êtres par leurs vices, mais au contraire par ce qu’ils ont gardé d’intact, de pur, par ce qui reste en eux de l’enfance, si profond qu’il faille chercher.
Georges Bernanos
Qui ne défend la liberté de penser que pour soi-même est déjà disposé à la trahir.
Georges Bernanos
Si l’homme ne pouvait se réaliser qu’en Dieu ? si l’opération délicate de l’amputer de sa part divine – ou du moins d’atrophier systématiquement cette part jusqu’à ce qu’elle tombe desséchée comme un organe où le sang ne circule plus – aboutissait à faire de lui un animal féroce ? ou pis peut-être, une bête à jamais domestiquée ?
Georges Bernanos
Il n’y a qu’un sûr moyen de connaître, c’est d’aimer.
Georges Bernanos
On ne comprend rien à la civilisation moderne si on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration contre toute espèce de vie intérieure.
Georges Bernanos
Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres.
Georges Bernanos
Être capable de trouver sa joie dans la joie de l’autre : voilà le secret du bonheur.
Georges Bernanos
Être informé de tout et condamné ainsi à ne rien comprendre, tel est le sort des imbéciles.
Georges Bernanos
On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou même les uns à la place des autres, qui sait ?
Georges Bernanos
L’Église est un mouvement, une force en marche, alors que tant de dévotes ont l’air de croire, feignent de croire, qu’elle est seulement un abri, un refuge, une espèce d’auberge spirituelle à travers les carreaux de laquelle on peut se donner le plaisir de regarder les passants, les gens du dehors, ceux qui ne sont pas pensionnaires de la maison.
Georges Bernanos
Le roman moderne manque de Dieu, mais le diable lui manque aussi. Le diable introduit, il est difficile de se passer de la Grâce pour expliquer l'homme.
Georges Bernanos
Il est très difficile de se mépriser sans offenser Dieu en nous.
Georges Bernanos
Les totalitarismes sont les fils de la démocratie. J'emmerde la démocratie.
Georges Bernanos
Si le bon Dieu veut vraiment de vous un témoignage, il faut vous attendre à beaucoup travailler, à beaucoup souffrir, à douter de vous sans cesse, dans le succès comme dans l’insuccès. Car pris ainsi, le métier d’écrivain n’est plus un métier, c’est une aventure, et d’abord une aventure spirituelle. Toutes les aventures spirituelles sont des calvaires.
Georges Bernanos
Quand je serai mort, dites au doux royaume de la Terre que je l'aimais plus que je n'ai jamais osé le dire.
Georges Bernanos
Dieu désire sa créature d'un désir dont la moindre représentation nous réduirait en poussière. C'est pourquoi il a caché ce désir au plus profond du doux Cœur souffrant de Jésus Christ.
Georges Bernanos, 18 janvier 1948 - Dernier agenda
Le Christ n'est pas venu en vainqueur, mais en suppliant. Il est comme réfugié en moi, sous ma garde, et je réponds de Lui devant son Père.
Georges Bernanos, 19 janvier 1948 - Dernier agenda
Le grand malheur de cette société moderne, sa malédiction, c’est qu’elle s’organise visiblement pour se passer d’espérance comme d’amour ; elle s’imagine y suppléer par la technique, elle attend que ses économistes et ses législateurs lui apportent la double formule d’une justice sans amour et d’une sécurité sans espérance.
Georges Bernanos, conférence 1945
L'avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l'avenir, on le fait.
Georges Bernanos, Correspondance
Quand les sages ont épuisé leur sagesse, il faut écouter les enfants.
Georges Bernanos, Dialogues des carmélites
On a peur, on s'imagine avoir peur. La peur est une fantasmagorie du démon.
Georges Bernanos, Dialogues des carmélites
Il faut savoir risquer la peur comme on risque la mort, le vrai courage est dans ce risque.
Georges Bernanos, Dialogue des carmélites
Faisons-nous donc aussi maintenant tout petits, non pas, comme eux, pour échapper à la mort, mais pour la souffrir, le cas échéant, comme Il l’a soufferte Lui-même, car Il fut vraiment, selon le mot de la Sainte Écriture, l’agneau qu’on mène au boucher. Nous allons procéder maintenant à l’adoration de la Croix.
Georges Bernanos, Dialogue des carmélites
Cette simplicité de l’âme, nous consacrons notre vie à l’acquérir, ou à la retrouver si nous l'avons connue, car c'est un don de l'enfance qui le plus souvent ne survit pas à l'enfance... il faut très longtemps souffrir pour y rentrer, comme tout au bout de la nuit on retrouve une autre aurore...
Georges Bernanos, Dialogue des carmélites
Notre Église est l’Église des saints. Pour être un saint, quel évêque ne donnerait son anneau, sa mitre, sa crosse, quel cardinal, sa pourpre, quel pontife, sa robe blanche, ses camériers, ses suisses et tout son temporel ? Qui ne voudrait avoir la force de courir cette admirable aventure ? Car la sainteté est une aventure, elle est même la seule aventure. Qui l’a une fois compris est entré au cœur de la foi catholique, a senti tressaillir dans sa chair mortelle une autre terreur que celle de la mort, une espérance surhumaine.
Georges Bernanos, Jeanne, relapse et sainte
Notre Église est l’Église des saints. Du Pontife au gentil clergeon qui boit le vin des burettes, chacun sait qu’on ne trouve au calendrier qu’un très petit nombre d’abbés oratoires et de prélats diplomates.
Georges Bernanos, Jeanne, relapse et sainte
Nul d’entre nous portant sa charge, patrie, métier, famille, avec nos pauvres visages creusés par l’angoisse, nos mains dures, l’énorme ennui de la vie quotidienne, du pain de chaque jour à défendre, et l’honneur de nos maisons, nul d’entre nous n’aura jamais assez de théologie pour devenir seulement chanoine. Mais nous en savons assez pour devenir des saints.
Georges Bernanos, Jeanne, relapse et sainte
Une telle misère, une misère qui a oublié jusqu'à son nom, ne cherche plus, ne raisonne plus, pose au hasard sa face hagarde, doit se réveiller un jour sur l'épaule de Jésus Christ.
Georges Bernanos, Journal d'un curé de campagne
L’homme du monde qui calcule ses chances, soit ! Mais que pèsent nos chances, à nous autres, qui avons accepté, une fois pour toutes, l’effrayante présence du divin à chaque instant de notre pauvre vie ?
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Les petites choses n'ont l'air de rien, mais elles donnent la paix.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Un jour, tu comprendras que la prière est justement une manière de pleurer, les seules larmes qui ne soient pas lâches.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Ô merveille, qu’on puisse ainsi faire présent de ce qu’on ne possède pas soi-même, ô doux miracle de nos mains vides !
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Mais c’est du sentiment de sa propre impuissance que l’enfant tire humblement le principe même de sa joie.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Dieu a sauvé chacun de nous, et chacun de nous vaut le sang de Dieu.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Le bon Dieu n’a pas écrit que nous étions le miel de la terre, mon garçon, mais le sel. Or, notre pauvre monde ressemble au vieux père Job sur son fumier, plein de plaies et d’ulcères. Du sel sur une peau à vif, ça brûle. Mais ça empêche aussi de pourrir. Avec l’idée d’exterminer le diable, votre autre marotte est d’être aimés, aimés pour vous-mêmes, s’entend. Un vrai prêtre n’est jamais aimé, retiens ça.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
C’est une des plus incompréhensibles disgrâces de l’homme, qu’il doive confier ce qu’il a de plus précieux à quelque chose d’aussi instable, d’aussi plastique, hélas, que le mot.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Vous avez la vocation de l’amitié, observait un jour mon vieux maître le chanoine Durieux. Prenez garde qu’elle ne tourne à la passion. De toutes, c’est la seule dont on ne soit jamais guéri.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
La vérité, elle délivre d’abord, elle console après.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Je prétends simplement que lorsque le Seigneur tire de moi, par hasard, une parole utile aux âmes, je la sens au mal qu’elle me fait.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Je sais bien que je ne mérite pas sa confiance mais dès qu’elle m’est donnée, il me semble aussi que je ne la décevrai pas. C’est là toute la force des faibles, des enfants, la mienne.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Comme nous savons peu ce qu’est réellement une vie humaine ! La nôtre. Nous juger sur ce que nous appelons nos actes est peut-être aussi vain que de nous juger sur nos rêves. Dieu choisit, selon sa justice, parmi ce tas de choses obscures, et celle qu’il élève vers le Père dans le geste de l’ostension, éclate tout à coup, resplendit comme un soleil.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
La dernière des imprudences est la prudence, lorsqu’elle nous prépare tout doucement à nous passer de Dieu.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Oh ! Je sais bien que la compassion d’autrui soulage un moment, je ne la méprise point. Mais elle ne désaltère pas, elle s’écoule dans l’âme comme à travers un crible. Et quand notre souffrance a passé de pitié en pitié, ainsi que de bouche en bouche, il me semble que nous ne pouvons plus la respecter ni l’aimer…
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Mon premier devoir, au début des épreuves qui m’attendent, devrait être sûrement de me réconcilier avec moi-même…
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Ma mort est là. C’est une mort pareille à n’importe quelle autre, et j’y entrerai avec les sentiments d’un homme très commun, très ordinaire. Il est même sûr que je ne saurai guère mieux mourir que gouverner ma personne. J’y serai aussi maladroit, aussi gauche. On me répète : « Soyez simple ! » Je fais de mon mieux. C’est si difficile d’être simple !
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
L’héroïsme à ma mesure est de n’en pas avoir et puisque la force me manque, je voudrais maintenant que ma mort fût petite, aussi petite que possible, qu’elle ne se distinguât pas des autres événements de ma vie.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
J’entends bien qu’un homme sûr de lui-même, de son courage, puisse désirer faire de son agonie une chose parfaite, accomplie. Faute de mieux, la mienne sera ce qu’elle pourra, rien de plus. Si le propos n’était très audacieux, je dirais que les plus beaux poèmes ne valent pas, pour un être vraiment épris, le balbutiement d’un aveu maladroit. Et à bien réfléchir, ce rapprochement ne peut offenser personne, car l’agonie humaine est d’abord un acte d’amour.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
J’ai écarté le voile de mousseline, effleuré des doigts le front haut et pur, plein de silence. Et, pauvre petit prêtre que je suis, devant cette femme si supérieure à moi hier encore par l’âge, la naissance, la fortune, l’esprit, j’ai compris – oui, j’ai compris ce qu’était la paternité.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
La prière : Étrange rêve, singulier opium qui, loin de replier l’individu sur lui-même, de l’isoler de ses semblables, le fait solidaire de tous, dans l’esprit de l’universelle charité !
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Il est difficile d’imaginer à quel point les gens que le monde dit sérieux sont puérils, d’une puérilité vraiment inexplicable, surnaturelle.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Le péché contre l’espérance – le plus mortel de tous, et peut-être le mieux accueilli, le plus caressé. Il faut beaucoup de temps pour le reconnaître, et la tristesse qui l’annonce, le précède, est si douce ! C’est le plus riche des élixirs du démon, son ambroisie.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Naturellement, on ne veut pas voir plus loin que la faute. Or la faute n’est, après tout, qu’un symptôme. Et les symptômes les plus impressionnants pour les profanes ne sont pas toujours les plus inquiétants, les plus graves.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Je crois, je suis sûr que beaucoup d’hommes n’engagent jamais leur être, leur sincérité profonde. Ils vivent à la surface d’eux-mêmes, et le sol humain est si riche que cette mince couche superficielle suffit pour une maigre moisson, qui donne l’illusion d’une véritable destinée.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
On ne perd pas la foi, elle cesse d’informer la vie, voilà tout.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Confondre la luxure propre à l’homme, et le désir qui rapproche les sexes, autant donner le même nom à la tumeur et à l’organe qu’elle dévore, dont il arrive que sa difformité reproduise effroyablement l’aspect.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Dieu ! Comment ne s’avise-t-on pas plus souvent que le masque du plaisir, dépouillé de toute hypocrisie, est justement celui de l’angoisse ?
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Quiconque a quelque expérience du péché n’ignore pas que la luxure menace sans cesse d’étouffer sous ses végétations parasites, ses hideuses proliférations, la virilité comme l’intelligence.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
La pureté ne nous est pas prescrite ainsi qu’un châtiment, elle est une des conditions mystérieuses mais évidentes – l’expérience l’atteste – de cette connaissance surnaturelle de soi-même, de soi-même en Dieu, qui s’appelle la foi. L’impureté ne détruit pas cette connaissance, elle en anéantit le besoin. On ne croit plus, parce qu’on ne désire plus croire.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Marie, pour la bien prier, il faut sentir ce regard qui n'est pas tout à fait celui de l'indulgence — car l'indulgence ne va pas sans quelque expérience amère — mais de la tendre compassion, de la surprise douloureuse, d'on ne sait quel sentiment encore, inconcevable, inexprimable, qui la fait plus jeune que le péché, plus jeune que la race dont elle est issue, et bien que Mère par la grâce, Mère des grâces, la cadette du genre humain.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Je sais aussi que la souffrance a son langage, qu’on ne doit pas la prendre au mot, la condamner sur ses paroles, qu’elle blasphème tout, société, famille, patrie, Dieu même.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
L’angoisse dont je souffre est-elle contagieuse ? J’ai, depuis quelque temps, l’impression que ma seule présence fait sortir le péché de son repaire, l’amène comme à la surface de l’être, dans les yeux, la bouche, la voix…
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Le vide fascine ceux qui n’osent pas le regarder en face, ils s’y jettent par crainte d’y tomber.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Bénies soient les fautes qui laissent en nous de la honte !
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Il n’est pire désordre en ce monde que l’hypocrisie des puissants.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Rappelez-vous l’Ancien Testament : les biens de la terre y sont très souvent le gage de la faveur céleste. Quoi donc ! N’était-ce pas un privilège assez précieux que de naître exempt de ces servitudes temporelles qui font de la vie des besogneux une monotone recherche du nécessaire, une lutte épuisante contre la faim, la soif, ce ventre insatiable qui réclame chaque jour son dû ? Vos maisons devraient être des maisons de paix, de prière.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Les prêtres se sont tus trop souvent, et je voudrais que ce fût seulement par pitié. Mais nous sommes lâches. Le principe une fois posé, nous laissons dire.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
L’enfer, madame, c’est de ne plus aimer.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
Dieu n’est pas le maître de l’amour, il est l’amour même. Si vous voulez aimer, ne vous mettez pas hors de l’amour.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
La luxure est une plaie mystérieuse au flanc de l’espèce. Que dire, à son flanc ? À la source même de la vie. Confondre la luxure propre à l’homme, et le désir qui rapproche les sexes, autant donner le même nom à la tumeur et à l’organe qu’elle dévore, dont il arrive que sa difformité reproduise effroyablement l’aspect.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
L'intellectuel est si souvent un imbécile que nous devrions toujours le tenir pour tel, jusqu'à ce qu'il nous ait prouvé contraire.
Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne
On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. Hélas ! la liberté n’est pourtant qu’en vous, imbéciles !
Georges Bernanos, La France contre les robots
Une Démocratie sans démocrates, une République sans citoyens, c’est déjà une dictature, c’est la dictature de l’intrigue et de la corruption.
Georges Bernanos, La France contre les robots
La plus redoutable machine est la machine à bourrer les crânes, à liquéfier les cerveaux. Obéissance et irresponsabilité, voilà les deux mots magiques qui ouvriront demain le paradis de la Civilisation des Machines.
Georges Bernanos, La France contre les robots
Un monde dominé par la force est un monde abominable, mais le monde dominé par le nombre est ignoble. La force fait tôt ou tard surgir des révoltés, elle engendre l’esprit de révolte, elle fait des héros et des martyrs. […] Le nombre crée une société à son image, une société d’êtres non pas égaux, mais pareils, seulement reconnaissables à leurs empreintes digitales.
Georges Bernanos, La France contre les robots
On a dit parfois de l’homme qu’il était un animal religieux. Le système a défini une fois pour toutes un animal économique, non seulement l’esclave mais l’objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, et sans espoir de s’en affranchir, puisqu’il ne connaît d’autre mobile certain que l’intérêt, le profit.
Georges Bernanos, La France contre les robots
L’expérience de la vie m’a convaincu que le fanatisme n’est que la marque de l’impuissance à rien croire, à rien croire d’un cœur simple et sincère, d’un cœur viril.
Georges Bernanos, La France contre les robots
Loin de penser comme nous à faire de l’État son nourricier, son tuteur, son assureur, l’homme d’autrefois n’était pas loin de le considérer comme un adversaire contre lequel n’importe quel moyen de défense est bon, parce qu’il triche toujours. C’est pourquoi les privilèges ne froissaient nullement son sens de justice ; il les considérait comme autant d’obstacles à la tyrannie.
Georges Bernanos, La France contre les robots
La dignité de l’homme est de servir. « Il n’y a pas de privilège, il n’y a que des services », telle était l’une des maximes fondamentales de notre ancien Droit. Mais un homme libre seul est capable de servir, le service est par nature un acte volontaire, l’hommage qu’un homme libre fait de sa liberté à qui lui plaît, à ce qu’il juge au-dessus de lui, à ce qu’il aime.
Georges Bernanos, La France contre les robots
Si l’on peut tout autoriser ou tout absoudre au nom de la Nation, pourquoi pas au nom d’un Parti, ou de l’homme qui le représente, et qui assume ainsi, par une caricature sacrilège de la Rédemption, les péchés de son peuple !
Georges Bernanos, La France contre les robots
L’homme n’a de contacts avec son âme que par la vie intérieure ; et dans la civilisation des machines la vie intérieure prend peu à peu un caractère anormal.
Georges Bernanos, La France contre les robots
L’activité bestiale dont l’Amérique nous fournit le modèle, et qui tend déjà si grossièrement à uniformiser les mœurs, aura pour conséquence dernière de tenir chaque génération en haleine au point de rendre impossible toute espèce de tradition.
Georges Bernanos, La Grande Peur des bien-pensants
Qui cherche la vérité de l’homme doit s’emparer de sa douleur.
Georges Bernanos, La joie
Que vous êtes donc née prodigue ma fille ! Nous autres nous connaissons trop d’âmes dévotes qui ont besoin d’apprendre à dépenser, qui thésaurisent. Il n’y a rien de pis que mépriser la grâce de Dieu, mais il ne faut pas non plus l’épargner sou par sou, non ! Parce que, comprenez-vous, ma fille ? notre Maître est riche.
Georges Bernanos, La joie
Nous ne sommes pas de purs esprits ! On a besoin d’occuper sa tête, ses bras, ses jambes, et aussi quelque fois son cœur… Parce que je n’en suis pas encore, hélas ! à savoir aimer comme les anges. J’ai besoin de me donner de la peine et, quand j’ai bien travaillé tout le jour, je mesure ma tendresse à la fatigue de mes reins, de mes genoux, et même à ce rhumatisme de l’épaule gauche qui ne veut pas guérir.
Georges Bernanos, La joie
Où la douceur et la patience ne peuvent rien, la joie suffit, la joie de Dieu, dont nous sommes avares. Oui qui la reçoit est trop tenté de la garder, d’en épuiser les consolations, alors qu’elle devrait rayonner de lui à mesure. Combien les saints se font transparents ! Et moi, je suis opaque, voilà le mal. Je réfléchis un peu de clarté, quelquefois, chichement, pauvrement. Est-ce que Dieu n’en demande pas plus ? Il faudrait n’être qu’un cristal, une eau pure ? Il faudrait qu’on vit Dieu à travers.
Georges Bernanos, La joie
Le mépris est le poison de la tristesse. La tristesse bue, c’est lui qui reste au fond… une boue noire, amère. Jadis je craignais le mal ; non pas comme on doit le craindre, j’en avais horreur. Je sais à présent qu’il ne faut avoir horreur de rien. Une fille pieuse, qui entend sa messe, communie, cela vous paraît bien sot, bien puéril ; vous avez vite fait de nous prendre pour des innocentes… Eh bien, nous en savons parfois plus long sur le mal que bien des gens qui n’ont rien appris qu’à offenser Dieu. Le péché, nous sommes tous dedans, les uns pour en jouir, d’autres pour en souffrir, mais à la fin du compte, c’est le même pain que nous rompons au bord de la fontaine, en retenant notre salive, le même dégoût.
Georges Bernanos, La joie
Un bon chrétien n’aime pas tellement les miracles, parce qu’un miracle, c’est Dieu qui fait lui-même ses affaires, et nous aimons mieux faire les affaires de Dieu.
Georges Bernanos, La joie
Quand je devrais mourir dans dix minutes, je voudrais que ce fût, avec la permission de Notre-Seigneur, ainsi qu’un enfant, non pas même, ainsi qu’une petite bête innocente qui prend sa dernière gorgée d’air frais, d’eau fraîche, et marche vers sa pauvre fin sur les talons de son maître. Le maître tient la corde, il n’y a qu’à suivre… Dès lors, qu’est-ce que ça me fait d’être sage ou folle, sainte ou visionnaire, ou même environnée d’anges ou de démons, aussi incapables les uns que les autres de me détourner de mon chemin plus loin que la longueur de la corde ?
Georges Bernanos, La joie
Même le plus optimiste des hommes sait maintenant qu’une civilisation peut devenir dangereuse pour l’humanité. Il suffit qu’elle se soit constituée et développée d’après une définition incomplète et même fausse de l’homme.
Georges Bernanos, La Liberté pour quoi faire ?
On ne saurait juger un homme avant sa mort, c’est la mort qui donne son sens à la destinée.
Georges Bernanos, Le Chemin de la Croix-des-Âmes
Si le monde est menacé de mourir de sa machinerie, comme le toxicomane de son poison favori, c’est que l’homme moderne demande aux machines, sans oser le dire ou peut-être se l’avouer à lui-même, non pas de l’aider à surmonter la vie, mais à l’esquiver, à la tourner, comme on tourne un obstacle trop rude.
Georges Bernanos, Le Chemin de la Croix-des-Âmes
Les dernières chances du monde sont entre les mains des nations pauvres ou appauvries. C’est, en effet, la dernière chance qui reste au monde de se réformer, et si généreuse et magnanime qu’elle puisse être, une nation opulente ne serait pas capable de mettre beaucoup d’empressement à réformer un système économique et social qui lui a donné la prospérité. Or, si le monde ne se réforme pas, il est perdu. Je veux dire qu’il retombera tôt ou tard à la merci d’un démagogue génial, d’un militaire sans scrupules ou d’une oligarchie de banquiers.
Georges Bernanos, Le Chemin de la Croix-des-Âmes
Le crime du monde moderne est d’avoir jeté dans la mêlée des partis, mis au service d’intérêts obscurs, inavouables, les mots les plus beaux du langage humain, liberté, honneur, droit, justice, les mots les plus innocents – comme les régimes totalitaires de droite ou de gauche rêvent de jeter dans la guerre, arment de fusils ou de mitrailleuses, les enfants de dix ans.
Georges Bernanos, Le Chemin de la Croix-des-Âmes
L’espérance, voilà le mot que je voulais écrire. Le reste du monde désire, convoite, revendique, exige, et il appelle tout cela espérer, parce qu’il n’a ni patience, ni honneur, il ne veut que jouir et la jouissance ne saurait attendre, au sens propre du mot ; l’attente de la jouissance ne peut s’appeler une espérance, ce serait plutôt un délire, une agonie. D’ailleurs, le monde vit beaucoup trop vite, le monde n’a plus le temps d’espérer. La vie intérieure de l’homme moderne a un rythme trop rapide pour que s’y forme et mûrisse un sentiment si ardent et si tendre, il hausse les épaules à l’idée de ces chastes fiançailles avec l’avenir. L’idée de Guillaume d’Orange qu’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre est mille fois plus vraie que ne le croyait sans doute ce grand homme. L’espérance est une nourriture trop douce pour l’ambitieux, elle risquerait d’attendrir son cœur. Le monde moderne n’a pas le temps d’espérer, ni d’aimer, ni de rêver. Ce sont les pauvres gens qui espèrent à sa place, exactement comme les saints aiment et expient pour nous. La tradition de l’humble espérance est entre les mains des pauvres, ainsi que les vieilles ouvrières gardent le secret de certains points de dentelles que les mécaniques ne réussissent jamais à imiter.
Georges Bernanos, Les Enfants humiliés
C’est de la sainte charité du Christ que le monde a peur : non de vous, ni de vos "idées".
Georges Bernanos, Les Enfants humiliés
J’essaie de comprendre. Je crois que je m’efforce d’aimer. Il est vrai que je ne suis pas ce qu’on appelle un optimiste. L’optimisme m’est toujours apparu comme l’alibi sournois des égoïstes, soucieux de dissimuler leur chronique satisfaction d’eux-mêmes. Ils sont optimistes pour se dispenser d’avoir pitié des hommes, de leur malheur.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
L'heure venue, c'est lui [l'enfant que je fus] qui reprendra sa place à la tête de ma vie, rassemblera mes pauvres années jusqu'à la dernière, et comme un jeune chef ses vétérans, ralliant la troupe en désordre entrera le premier dans la Maison du Père.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Je ne crois qu’à ce qui me coûte. Je n’ai rien fait de passable en ce monde qui ne m’ait d’abord paru inutile, inutile jusqu’au ridicule, inutile jusqu’au dégoût. Le démon de mon cœur s’appelle – À quoi bon ?
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Je ne sais pas grand-chose d’utile, mais je sais ce que c’est que l’espérance du Royaume de Dieu, et ça n’est pas rien, parole d’honneur !
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
L’idée de grandeur n’a jamais rassuré la conscience des imbéciles. La grandeur est un perpétuel dépassement, et les médiocres ne disposent probablement d’aucune image qui leur permette de se représenter son irrésistible élan (c’est pourquoi ils ne la conçoivent que morte et comme pétrifiée, dans l’immobilité de l’Histoire). Mais l’idée du Progrès leur apporte l’espèce de pain dont ils ont besoin. La grandeur impose de grandes servitudes. Au lieu que le progrès va de lui-même où l’entraîne la masse des expériences accumulées. Il suffit donc de ne lui opposer d’autre résistance que celle de son propre poids. C’est le genre de collaboration du chien crevé avec le fleuve qu’il descend au fil de l’eau.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
L’homme est naturellement résigné. L’homme moderne plus que les autres en raison de l’extrême solitude où le laisse une société qui ne connaît plus guère entre les êtres que les rapports d’argent. Mais nous aurions tort de croire que cette résignation en fait un animal inoffensif. Elle concentre en lui des poisons qui le rendent disponible le moment venu pour toute espèce de violence.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Je regarde avec beaucoup plus de stupeur encore les catholiques que la lecture, même distraite, de l’Évangile ne semble pas inciter à réfléchir sur le caractère chaque jour plus pathétique d’une lutte qu’annonce pourtant une parole bien surprenante, qu’on n’avait jamais entendue, qui fût d’ailleurs restée, jadis, parfaitement inintelligible : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent ».
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Vous pouvez rigoler, chers frères, ce ne sont pas les communistes ni les sacrilèges qui ont mis le Seigneur en croix. Ça ne vous frappe pas que le bon Dieu ait réservé ses malédictions les plus dures à des personnages très bien vus, exacts aux offices, observateurs rigoureux du jeûne, et beaucoup plus instruits de leur religion – sans reproche – que la plupart des paroissiens d’aujourd’hui ?
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Encore une fois, je n’écris pas ces pages à l’intention des gens du peuple, qui d’ailleurs se garderont bien de les lire. Je voudrais faire clairement entendre qu’aucune vie nationale n’est possible ni même concevable dès que le peuple a perdu son caractère propre, son originalité raciale et culturelle, n’est plus qu’un immense réservoir de manœuvres abrutis, complété par une minuscule pépinière de futurs bourgeois. C’est le peuple qui donne à chaque patrie son type original. (…) On ne refera pas la France par les élites, on la refera par la base
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Les hommes du Moyen Age n’étaient ni très pitoyables ni très chastes, mais il ne serait venu à l’esprit d’aucun d’entre eux d’honorer la luxure ou la cruauté à l’exemple des Anciens, de leur dresser des autels. Ils assouvissaient leurs passions, ils ne les divinisaient pas. Ils étaient rarement capables peut-être d’imiter Saint Louis ou même le bon sire de Joinville, et cependant le plus grossier, si dur que fût son cœur, n’eût point douté qu’un roi juste fût supérieur à un roi puissant, que le service de l’État ne saurait justifier aucun manquement à la loi de l’honneur commune aux chevaliers comme aux princes et qu’un seul misérable, pour les basses besognes indispensables, jouit d’une espèce d’abjecte immunité : le bourreau. Sérieusement, on ne voit pas très bien la place d’un Saint Louis ou d’un Joinville dans l’Europe totalitaire. Ni celle de la France.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Il est absurde de croire avec Jean-Jacques que l’homme naît bon. Il naît capable de plus de bien et de plus de mal que n’en sauraient imaginer les Moralistes, car il n’a pas été créé à l’image des Moralistes, il a été créé à l’image de Dieu. Et son suborneur n’est pas seulement la force de désordre qu’il porte en lui : instinct, désir, quel que soit le nom qu’on lui donne. Son suborneur est le plus grand des anges, tombé de la plus haute cime des Cieux.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Vous ne ferez rien de durable pour le bonheur des hommes parce que vous n’avez aucune idée de leur malheur.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Qu’importe ma vie ! Je veux seulement qu’elle reste jusqu’au bout fidèle à l’enfant que je fus.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Certaines contradictions de l’histoire moderne se sont éclairées à mes yeux dès que j’ai bien voulu tenir compte d’un fait qui d’ailleurs crève les yeux : l’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Nous avons eu des rois égoïstes, ambitieux, frivoles, quelques-uns méchants, mais je doute qu’une famille de princes français eût manqué de sens national au point de permettre qu’une poignée de bourgeois ou de petits bourgeois, d’hommes d’affaires ou d’intellectuels, jacassant et gesticulant à l’avant-scène, prétendissent tenir le rôle de la France, tandis que notre vieux peuple, si fier, si sage, si sensible devenait peu à peu cette masse anonyme qui s’appelle un prolétariat.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Le Monde a tout ce qu’il faut, et il ne jouit de rien parce qu’il manque d’honneur. Le Monde a perdu l’estime de soi. Or, aucun homme sensé n’aura jamais l’idée saugrenue d’apprendre les lois de l’honneur chez Nicolas Machiavel ou Lénine.
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
Ce sont les forces spirituelles qui en finiront avec la tyrannie de l’Argent parce qu’elles en délivreront les consciences, elles redresseront les consciences en face de ces maîtres comme en face de tous les autres. Alors sera vraiment constitué le front de la liberté.
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
Le moindre fléchissement de l'opinion chrétienne moyenne peut avoir des conséquences sociales et culturelles d'une prodigieuse gravité. N'est-ce pas un tel fléchissement qui menace aujourd'hui de mettre le génie de la France, héritière de la civilisation hellénique, au service d'un humanisme inhumain ?
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
C'est dans l'intérêt des sociétés menacées que je les invite à voir le danger là où il est, non dans la subversion des Forces du Mal, mais dans la corruption des Forces du Bien.
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
Qu'on le déplore ou non, il n'y a rien de mieux à opposer aux morales nouvelles que la morale chrétienne.
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
Le caractère sacré de la personne humaine est une thèse plus difficile à soutenir que la thèse contraire, la dépendance absolue de l'individu à la communauté.
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
Il paraît qu'on commence à se débarrasser en Allemagne, par la méthode de l'euthanasie, des infirmes et des débiles mentaux. Pour les mêmes raisons, on pourrait détruire aussi beaucoup d'autres produits moins tarés, mais qui risquent de coûter à la Société plus qu'ils ne rapportent.
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
Cette sorte d'épuration des mal-fichus se justifie tout autant que l'épuration des mal-pensants. Si vous n'étiez pas chrétiens, s'il ne coulait dans vos veines le sang de l'antique chrétienté, elle ne scandaliserait pas plus vos consciences que le meurtre d'un esclave n'eût révolté jadis un citoyen de Rome ou de Carthage.
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
Le diable est le plus grand des logiciens ; il n'y a pas de logique comparable à la logique de l'Enfer. N'attendez donc aucun secours de la lettre ; l'esprit seul peut vous sauver. Croyants ou incroyants, tout affaiblissement de l'esprit chrétien est une catastrophe pour chacun de vous. Devant le péril qui nous menace, nous sommes solidaires : nous nous sauverons ou nous périrons ensemble.
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
N'attendez pas de moi que je m'égare ici en phrases émouvantes, attendrissantes ; ce que je pense de ce qui m'est mille fois plus cher que la vie ne vous regarde pas, je n'ai nullement l'intention de vous convertir ou de vous édifier, je souhaite me faire entendre de tout homme raisonnable, c'est-à-dire capable d'accepter loyalement les résultats d'une expérience...
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
Ce qu'ils ont dans le cœur s'exprime rarement sur leurs traits, et d'ailleurs ils ne savent pas ce qu'ils ont dans le cœur ; Dieu le sait. Entre l'hostie blanche et cette humanité si peu digne de l'attention des observateurs et de l'objectif des caméras, il y a un échange mystérieux ; voilà ce qui compte, c'est comme j'ai l'honneur de vous le dire.
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
Les dévots deviennent indulgents, les dévotes charitables, les avares prodigues, les casuistes simples comme des enfants, les calculateurs courent au risque, les prélats politiques perdent leur astuce, et les Tyrans, maîtres des palais et des basiliques pavées d'or, entendent tout à coup avec stupeur, avec angoisse, avec épouvante, la vieille Église rajeunie qui chante au fond des catacombes.
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
La chrétienté ne donne que dans l'épreuve l'exacte mesure de sa force. Ce n'est pas le malheur qui la rend forte, mais il y remet chacun à sa place, et les saints au premier rang.
Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
La charité nous peut unir et confondre en un même cœur, mais l’univers intellectuel est une solitude claire et glacée… Oui, l’intelligence peut tout traverser, ainsi que la lumière l’épaisseur du cristal, mais elle est incapable de toucher, ni d’étreindre. Elle est une contemplation stérile.
Georges Bernanos, L’imposture
Il n’est pas toujours facile de prendre notre part de la souffrance du prochain, de la comprendre. Seulement, il ne faut jamais la tourner en dérision, la déshonorer. Dans notre pauvre petit monde, la douleur, c’est le bon Dieu. On passe à côté de lui sans le reconnaître, bon ! Mais l’ayant reconnu, l’outrager, oh ! cela est grave, très grave. Qu’est-ce que Dieu nous demande de plus ? Peu de chose. Le regret d’avoir fait le mal, le désir de le réparer, parfois un seul petit regard de rien vers le ciel, le souhait d’être meilleur, de savoir, de comprendre…
Georges Bernanos, L’imposture
Moi, ma vocation est de recevoir. Il me faut si peu pour vivre ! Alors, je me tiens sagement sous le porche de l’église, je tends la main au bon Dieu, je pense qu’il y mettra bien toujours deux sous…
Georges Bernanos, L’imposture
On peut parfaitement imaginer l’Église ainsi qu’une vaste entreprise de transport, de transport au paradis, pourquoi pas ? Eh bien, je le demande, que deviendrions-nous sans les saints qui organisent le trafic ? Certes, depuis deux mille ans, la compagnie a dû compter pas mal de catastrophes, l’arianisme, le nestorianisme, le pélagianisme, le grand schisme d’Orient, Luther… pour ne parler que des déraillements et télescopages les plus célèbres. Mais, sans les saints, moi je vous le dis, la chrétienté ne serait qu’un gigantesque amas de locomotives renversées, de wagons incendiés, de rails tordus et de ferrailles achevant de se rouiller sous la pluie. Aucun train ne circulerait plus depuis longtemps sur les voies envahies par l’herbe.
Georges Bernanos, Nos amis les saints
Le scandale de l'univers n'est pas la souffrance, c'est la liberté. Dieu a fait libre sa création, voilà le scandale des scandales, car tous les autres scandales procèdent de lui.
Georges Bernanos, Nos amis les saints
L’Église. Voilà la vérité, je l'aime comme la douloureuse vie elle-même, je l'accepte telle quelle, telle quelle je tâche de l'accepter, et il me semble qu'au terme de cette acceptation, si du moins j'en étais jamais digne, je recevrais mon humble part dans l'immense effort de son ascension.
Georges Bernanos, Nous autres Français
La force et la faiblesse des dictateurs est d'avoir fait un pacte avec le désespoir des peuples.
Georges Bernanos, Nous autres Français
Il y a un ordre chrétien. Notre ordre est un ordre de justice. Je prie les incrédules de bien vouloir un moment ne considérer que le principe même de cet ordre, d’oublier les échecs répétés de sa réalisation temporelle. Cet ordre est celui du Christ, et la tradition catholique en a maintenu les définitions essentielles. Quant au soin de sa réalisation temporelle, il n’appartient pas aux théologiens, aux casuistes, aux docteurs, mais à nous chrétiens. Or, la plupart des chrétiens paraissent absolument oublier cette vérité élémentaire.
Georges Bernanos, Nous autres Français
Il n’y a pas d’orgueil à être français. Au fond de tout orgueil, il y a ce vieux levain d’idolâtrie. Nous ne sommes pas un peuple d’idolâtres. […] Nous ne sommes nullement tentés de diviniser quoi que ce soit. Nous sommes le seul peuple qui en plein délire homicide ait dressé, non contre Dieu, mais contre lui-même, ainsi qu’un tragique témoignage de sa folie, un autel à la Raison Universelle. Diviniser la Raison n’est peut-être pas un acte d’idolâtrie. Mieux vaut diviniser la Raison que la Nature, ou la Race ; mieux vaut diviniser la Raison que se diviniser soi-même.
Georges Bernanos, Nous autres Français
D’une manière générale, il est juste d’écrire que la Bourgeoisie, depuis cent cinquante ans, peut être définie : la classe française dont le sort, dès l’origine, s’est trouvé lié à l’économie libérale, qui a défendu pied à pied le régime inhumain de l’économie libérale, qui s’est laissé arracher un par un, ainsi que des concessions gratuites, les réformes indispensables.
Georges Bernanos, Nous autres Français
Je n’éprouve aucune gêne à déclarer qu’un ouvrier communiste de bonne foi, prêt à se sacrifier pour une cause qu’il croit juste, est infiniment plus près du Royaume de Dieu que les bourgeois du dernier siècle qui faisaient travailler douze heures par jour, dans leurs usines, des enfants de dix ans. On me dira que la Bourgeoisie s’est réformée sur ce point. Je remarque qu’on lui a laissée tout le temps de s’amender, au milieu de la considération générale. Lorsqu’on aura montré autant de patience et d’égards à la classe ouvrière, momentanément égarée par le communisme, nous reparlerons de la mitrailleuse.
Georges Bernanos, Nous autres Français
Il leur manque la famille, mon bon monsieur. La famille ne valait peut-être pas grand-chose, mais elle était faite pour eux, à leur mesure. Le désordre de la famille était un désordre humain, mille fois plus précieux que votre ordre inhumain. La Monarchie avait fait de notre peuple une famille. On s’y disputait, on s’y battait, on s’y réconciliait, on s’y aimait presque à son insu, comme dans n’importe quelle famille humaine.
Georges Bernanos, Nous autres Français
Il n’est d’honneur que de la personne, de la famille et de la patrie.
La Monarchie française a eu plusieurs siècles la garde de ce triple honneur, ou pour mieux dire, elle l’a incarné.
Georges Bernanos, Nous autres Français
Qu’est-ce donc que le Péché ? une transgression de la loi ? sans doute, mais que voilà une pauvre abstraction ! Au lieu que vous aurez tout exprimé de lui quand vous l’aurez nommé de son nom : un déicide.
Georges Bernanos, Œuvres de Combat I
Ma vocation sur la terre n’est pas de rassurer les imbéciles.
Georges Bernanos, Œuvres de Combat II
Neuf fois sur dix l’optimisme est une forme sournoise de l’égoïsme, une manière de se désolidariser du malheur d’autrui.
Georges Bernanos, Œuvres de Combat II
Je me suis toujours efforcé d’éveiller ceux qui dorment et d’empêcher les autres de s’endormir. C’est là une besogne qui ne rapporte pas de grands profits ni de grands honneurs, mais qui vous ferme beaucoup de carrières.
Georges Bernanos, Œuvres de Combat II
Si le bon Dieu veut vraiment de vous un témoignage, il faut vous attendre à beaucoup travailler, à beaucoup souffrir, à douter de vous sans cesse, dans le succès comme dans l’insuccès ! Car pris ainsi, le métier d’écrivain n’est plus un métier, c’est une aventure, et d’abord une aventure spirituelle.
Lui devant qui tout s’ouvre, il ne comprend rien à leur haine, car justement leur haine n’est rien. Ils invoquent contre lui la science, et il l’a plus chèrement aimée qu’aucun d’eux. La lumière, et il sent qu’elle déborde de lui.
Georges Bernanos, Saint Dominique
L’histoire de mon pays a été faite par des gens qui croyaient à la vocation surnaturelle de la France et qui étaient assez bêtes pour mourir, alors que la destinée naturelle des réalistes me paraît être les obsèques nationales et l’Académie.
Georges Bernanos, Scandale de la vérité
Je savais bien, fit-elle. Tu ne crains pas l'enfer et tu crains ta femme ! Es-tu bête !
Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan
Son rire ! voici l’arme du prince du monde. Il se dérobe comme il ment, il prend tous les visages, même le nôtre. Il est dans le regard qui le brave, il est dans la bouche qui le nie. Il est dans l’angoisse mystique, il est dans l’assurance et la sérénité du sot.
Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan
À mon âge, on attend le bon Dieu en espérant qu’il entrera sans rien déranger, un jour de semaine…
Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan
Qu’avez-vous trouvé dans le péché qui valût tant de peine et de tracas ? Si la recherche et la possession du mal comportent quelque horrible joie, soyez bien sûre qu’un autre l’exprima pour lui seul, et la but jusqu’à la lie.
Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan
Où l’enfer trouve sa meilleure aubaine, ce n’est pas dans le troupeau des agités qui étonnent le monde de forfaits retentissants. Les plus grands saints ne sont pas toujours les saints à miracles, car le contemplatif vit et meurt le plus souvent ignoré. Or, l’enfer aussi a ses cloîtres.
Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan
Chacun de nous est tour à tour, de quelque manière, un criminel ou un saint, tantôt porté vers le bien, non par une judicieuse approximation de ses avantages, mais clairement et singulièrement par un élan de tout l’être, une effusion d’amour qui fait de la souffrance et du renoncement l’objet même du désir ; tantôt tourmenté du goût mystérieux de l’avilissement, de la délectation au goût de cendre, le vertige de l’animalité, son incompréhensible nostalgie. Le mal, comme le bien, est aimé pour lui-même, et servi.
Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan
Les curés que vous connaissez sont plus… un peu plus rudes que moi, sans doute. C’est qu’ils ont travaillé, souffert. Rudes, et non pas durs. Respectez cette rudesse, mon petit, et même leurs défauts, s’ils en ont. Ces défauts-là, le temps, le travail, les déceptions, les injustices les ont imprimés en eux, ce sont les rides de l’âme. Aimez-vous moins votre mère parce que son visage n’est plus aussi pur et aussi lisse que le vôtre ?
Georges Bernanos, Un crime