lundi 21 septembre 2015

En échangeant... Don Carlo Cecchin, Le Christ est notre paix

Le Christ est notre paix (Eph. 2,14)
Le 8 juin 2014, la Congrégation du Culte Divin a publié un document sur le bon déroulement de l'échange de la paix pendant la messe, document resté plutôt confidentiel. La paix ! Geste hautement symbolique, car c'est Jésus lui-même qui nous donne d'abord Sa paix : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix » (Jn 14,27), paix qui n'est pas celle que le monde donne. Cette paix est le fruit de la Rédemption que le Christ a apporté au monde par sa mort et par sa résurrection. Cette paix est d'abord la réconciliation entre Dieu et les hommes et ensuite des hommes entre eux, puisque le Christ nous réunis tous en Lui. Le signe de paix est donc un très beau symbole de communion entre les fidèles et le Christ. Puisque la paix vient de l'autel, qui représente le Christ, c'est donc Jésus Christ qui embrasse ceux qui participent à son sacrifice, en faisant de tous les fidèles une unité intime qui s'incorpore à Lui. Mais quel sens donnons-nous à ce geste de serrer la main de son voisin de banc ou de chaise, si nous avons le cœur rempli de rancœur, de méchanceté, de colère ? Parfois certains s'en confessent, moi, je leur réponds que la communion n'est pas un calmant, ni un anxiolytique, ni un antidépresseur doux, bien que dans l'Eucharistie, il y ait toute la douceur de l'amour de Dieu. Avec de telles dispositions d'âme pendant la messe, mieux vaut s'abstenir de communier ! « Si tu présentes ton offrande à l'autel, et que là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel et va d'abord te réconcilier avec ton frère, puis reviens, et alors présente ton offrande » (Mt 5,23-24). C'est sans doute la raison pour laquelle le rite de la paix dans le rite ambrosien (Milan) est opportunément avant l'offertoire, alors que dans la tradition liturgique romaine, il se situe entre le Notre Père et la fraction du pain, durant laquelle on supplie l'Agneau de Dieu de nous donner Sa paix, juste avant la communion. Dans la forme extraordinaire de la messe, le baiser de paix n'a été conservé que dans la messe solennelle, c'est-à-dire celle avec diacre et sous-diacre, et seulement les clercs se donnent la paix ! (Ont-ils plus besoin de faire la paix entre eux que les laïcs ? Il faut le croire !). Dans ce geste, il y a, certes, une claire dimension ecclésiale, mais il faut rappeler qu'à la dimension communautaire, est superposée la verticalité : ce qui nous maintient unis les uns les autres, c'est la présence réelle du Christ, et non pas, par exemple, se tenir la main au Notre Père, pratique née chez les protestants. Nous, nous avons l'Eucharistie qui nous unit ! Ce n'est donc pas une simple paix humaine acquise par l'amitié et solidarité, mais la paix du Christ ressuscité : c'est Lui notre paix !
Dans la pratique, ce rite est laissé aux soins des Conférences Épiscopales, car, en raison des caractères, des cultures ou des différentes sensibilités, les gestes peuvent changer. On ne se donne sans doute pas la paix de la même manière au Japon et en Afrique... Je sais par expérience que certains fidèles, plus réservés, n'aiment pas trop cette pratique. Certains s'en sont plaint auprès des prêtres ; d'autres, un peu hygiénistes, n'aiment pas serrer la main de ceux qui viennent de tousser ou de se moucher ! Avec les enfants c'est toujours un chahut monstre ! Aux enterrements certaines familles ne souhaitent pas faire ce geste pour des raisons que je comprends très bien. Lors des mariages c'est un peu la foire : on risque de déplacer les plumes des chapeaux, de laisser un peu de fond de teint ou de rouge aux lèvres sur la joue d’un voisin distrait...
Bon, j’ironise un peu ! Veuillez me pardonner ce ton quelque peu plaisantin. Voici les recommandations de la Congrégation pour le Culte Divin :
1. Ne pas introduire un « chant pour la paix », qui n'est pas prévu par le Missel Romain.
2. Pour les fidèles, éviter le fait de se déplacer pour échanger entre eux le signe de paix.
3. Pour le prêtre, éviter le fait de quitter l'autel pour donner la paix à quelques fidèles.
4. Éviter que le geste de la paix soit l'occasion d'exprimer des congratulations, des vœux de bonheur ou des condoléances aux personnes présentes, dans certaines circonstances, comme par exemple, à l'occasion des solennités de Pâques et de Noël, ou durant la célébration de rites comme le Baptême, la Première Communion, la Confirmation, le Mariage, les Ordinations, les Professions religieuses et les Obsèques.
Bien entendu, si une personne paraît isolée, on est porté tout naturellement à aller vers elle pour lui donner la paix, mais certains ne souhaitent pas faire ce geste. [...] Gardons toujours à la messe une certaine sobriété, une attitude d'adoration, de piété et de recueillement surtout à la consécration et à la communion. Il faut toujours L’adorer en esprit et en vérité.
Don Carlo Cecchin

mardi 15 septembre 2015

En éduquant... Paul Doncoeur, Le sens du sacré

Péguy, témoin du sacré
À dessein, nous envisagerons ici le sacré sous ses formes les plus élémentaires qui se présentent à nous sous l'apparence du pré-religieux. De telle façon qu'il puisse être proposé même aux esprits que toute référence à Dieu troublerait et éloignerait de nous.
Le grand introducteur en ce domaine si peu exploré du sacré sera Péguy. Entre tous, d'un bout à l'autre de sa marche, Péguy nous apparaît comme tout entier dominé par la pensée du sacré.
Il est incontestablement un révolutionnaire et le théoricien de toute révolution véritable, celle qui prend les choses par le fond.
Or, ce contre quoi il se dresse, c'est le monde moderne. « La lutte est entre tous les autres mondes ensemble et le monde moderne » (Clio). C'est le monde qu'il hait : « Le monde de ceux qui ne croient plus à rien, qui s'en font honneur et gloire. Le monde qui fait le malin, le monde des intelligents, des avancés, de ceux qui savent, de ceux à qui on n'en remontre pas, de ceux à qui on n'en fait pas accroire, le monde de ceux qui ne sont pas dupes, des imbéciles comme nous » (Notre Jeunesse, p. 14).
Or, ce monde est haïssable pour lui parce qu'il le blesse au point le plus sensible. Le monde moderne avilit : « Il avilit la société ; il avilit l'homme. Il avilit l'amour, il avilit la femme. Il avilit la race ; il avilit l'enfant. Il avilit la nation, il avilit la famille. Il avilit même, il a réussi à avilir ce qui est peut-être le plus difficile à avilir au monde : il a avili la mort » (De la situation, p. 189).
Et tout cet avilissement provient de ce que le monde moderne a détruit, renié et bafoué le caractère sacré de la cité, de l'amour, de la femme, de la race, de l'enfant, de la nation, de la famille et de la mort.
De son grand poème d'Ève, Péguy disait qu'il était « tout plein du sacré, c'est-à-dire de ce dont nous manquons le plus, de ce dont nous avons perdu le sens... cette affreuse pénurie du sacré, qui est sans aucun doute la marque profonde du monde moderne ».
Parti d'un antichristianisme farouche, Péguy a abouti, nous le savons, à une plénitude de pensée chrétienne qui a nourri toute une génération. Nous savons aussi que c'est par une marche en avant ou, plus réellement, par un approfondissement de son être premier, en désavouant tout « rebroussement qu'il a trouvé la voie de la chrétienté ».
Or, la donnée élémentaire de sa vie religieuse, c'est un sentiment très vif du sacré, d'où la pensée de Dieu est parfaitement étrangère.
L'héritage atavique et le climat de sa toute petite enfance concouraient à lui donner une perception très juste et vraiment un goût des choses sacrées. Cette vie pauvre, laborieuse, qu'il voyait vivre autour de lui par sa mère et sa grand'mère, depuis les meubles usés « infatigablement, rituellement essuyés », jusqu'au « pas rituel » des promenades familiales à la foire d'Orléans, tout était revêtu de cet honneur, mais, plus que tout, le travail, dont ce peuple pauvre, mais fier et chantant vivait. On sait le soin religieux que, petit élève d'école de faubourg, il apportait à tenir ses cahiers de classe et avec quel respect il parlait de ses jeunes maîtres de l'Ecole Normale, ces « hussards noirs de la République ».
La République était, à ses yeux, la République de l'honneur. Le socialisme auquel il se donna avec passion était une sorte de religion de la misère, une croisade dans laquelle il se jetait pour une rédemption, la rédemption des damnés de la terre. Amitié, hospitalité, amour, travail, métier, la vie publique elle-même, tout était empreint pour lui, d'un caractère sacré. De la vendange, il dira qu'elle était « une cérémonie ». De l'enseignement et de l'enfance, qu'il n'y a rien « de si sacré ». Le suffrage universel était, pour lui, la prostitution d'un acte sacré. On sait dans quel sentiment mystique de l'honneur et « du salut éternel de la France », il s'était jeté dans l'affaire Dreyfus, pour que, y courut-elle le danger de périr, la France ne fut pas, en condamnant un innocent, mise « en état de péché mortel ».
On peut dire que non seulement il fut le prophète, mais qu'il fut le martyr du sacré, dans une vie d'extrême pauvreté, jalouse de son honneur, dans la solitude où le condamna l'horreur de toutes les compromissions, enfin dans la bataille où il se jeta parce que c'est « le soldat qui mesure la quantité de terre où vit son âme » et qu'à cause de cela un pied du sol est sacré et mérite le sacrifice de la vie.
Cette pureté, cette intégrité lui assurent un accès auprès des esprits les plus éloignés apparemment de la pensée chrétienne à laquelle il aboutit. La loyauté parfaite de sa marche, et, faut-il le dire, sa haine de la propagande, font de lui un témoin dont nul ne se défiera parce qu'il est toute clarté. Auprès de tous, il est le maître du sacré.
La notion de sacré
Si la chose nous est devenue assez étrangère, le mot est d'un usage si courant que nul ne s'inquiète d'en interroger le contenu. Et cependant il en va de lui comme des vocables très usuels dont il n'est pas facile de définir le sens. À prendre les choses sous leur aspect le plus commun, le sacré coïncide avec l'intouchable. Un calice est sacré parce que, sorti de l'usage profane et consacré pour l'usage de l'autel, il n'est plus loisible de le toucher. Ainsi était-il interdit de toucher à des arbres sacrés, à des sources sacrées, de pénétrer dans un bois sacré ou dans le saint des saints, de manger les pains de proposition ou de toucher à une vestale. Les choses sacrées sont de soi des choses communes peut-être, une coupe, une pierre, une table, mais elles sont sorties de l'usage commun, mises en réserve pour un usage secret et divin.
S'il en est ainsi des choses, il peut en être de même des personnes et de leurs actes. Le roi qui a reçu son sacre, n'est plus soumis aux lois du commun et certains actes accomplis, par exemple sous le signe du serment (sacramentum), promesses, contrats, traités sont également intouchables.
Ces choses exigent un respect inconditionné et sans distinction. Il n'importe pas que cet arbre soit mal venu ou que ce roi soit difforme, ou que l'objet soit de lui-même vulgaire. Ce drapeau n'est qu'une étamine, mais il est sacré en raison de ce qu'il représente : les morts, l'honneur de la patrie. Il exige que l'on se découvre devant lui, dans une attitude rigoureuse de respect.
À dessein, nous ne faisons pas intervenir les éléments religieux divins dans cette description élémentaire du sacré. Tel considérera comme sacré le drapeau, sans faire aucun appel à Dieu et tel prononcera aujourd'hui son serment sans aucun sentiment de religion. S'il y a une référence à Dieu, elle est tellement implicite qu'en toute loyauté un incroyant pourra la nier, ou du moins en abstraire. Cet instituteur athée stigmatise la brutalité de ces enfants qui ont poursuivi de leurs pierres un chien boiteux, ou qui ont ri d'une vieille femme bossue, parce que la misère et la souffrance sont sacrées. Ce sont des actes abominables qu'il ne pardonne pas.
Si l'on examine le catalogue des choses, des actes qu'un peuple ou qu'une civilisation considère comme sacrés quelle que soit la charte, la révélation ou la tradition à laquelle ils se réfèrent on verra, qu'en définitive, ils revêtent de ce caractère tout ce qui leur paraît essentiel à leur conservation sociale. Un Etat qui soumet son chef à une cérémonie qui le sacre, estime qu'il ne peut se maintenir si l'autorité suprême n'est pas intouchable. Une société déclare la propriété sacrée, ou la femme, ou le mariage, et en général les contrats, pour les soustraire au caprice de chacun, faute de quoi il ne peut y avoir ni paix sociale, ni stabilité familiale, ni paix internationale. Ce sont les fondements mêmes de la société qui, devant être inviolés, sont déclarés inviolables.
À mesure qu'une société désavoue son système social, elle devient de plus en plus caduque et ne peut se défendre contre des attentats qui ne sont plus sacrilèges à ses yeux mais cependant mortels, qu'en recourant à la force armée, au gendarme.
Plus le sens intérieur du respect diminue, plus il faut qu'une société recoure à la contrainte.
L'absence du sacré dans le monde moderne
L'évolution du monde moderne, depuis la Renaissance, est caractérisée par une abolition progressive du caractère sacral de la société. Que ce soit dans la constitution de l'Etat, ou dans celle de la famille, que ce soit dans la philosophie ou dans les mœurs, on a procédé à une sorte d'exorcisme qui réduisait petit à petit les choses les plus hautes à l'ordre commun. Il se peut qu'une société comme celle du Moyen-Âge ait recouru d'une façon simpliste à la catégorie du sacré pour construire ses assises. Il se peut même, qu'il y ait eu là, de la part de politiques cyniques, une sorte d'impudence à exploiter l'esprit superstitieux des masses pour obtenir leur soumission. Une grande partie de l'irréligion du XVIIe siècle s'explique par une volonté de réduire au statut commun un débordement de privilèges qui pouvait rendre inopérante la loi. On ne nie pas qu'il y ait eu de grands abus, et tout examen critique, n'était pas pour autant sacrilège. Malheureusement, on en est venu à mettre en doute tout l'ordre social, en même temps que tout l'ordre religieux, et le laïcisme moderne a abouti à une absolue évacuation de la catégorie du sacré. Les doctrinaires de ce naturalisme ont été promptement dépassés et ils s'indigneraient certainement des conséquences auxquelles nous avons abouti. Les mœurs ont fini par se dépraver, au point que rien n'échappe plus au domaine de l'argent. Corruption universelle, qui n'est explicable que parce que la notion du sacré a disparu. Elle affirmait que certaines personnes, que certaines choses étaient mises hors commerce. Elle ne souffrait aucune commune mesure avec les objets marchands et, par conséquent, n'était pas réductible à un commun diviseur, le franc ou la livre. Demander en combien de billets se chiffrait la parole donnée ou l'honneur d'une femme, n'avait pas plus de sens que de demander combien de parapluies étaient obtenus par l'addition de quatre chapeaux et de trois cannes. Il y avait là des valeurs irréductibles. Du jour où cette irréductibilité fut niée, où tout rentrait dans l'ordre commun, il était fatal que l'on supputât une évaluation ramenée à l'étalon universel.
Devant cet état de choses, l'illusion consiste à croire ou bien qu'il suffit de la violence ou de la sévérité des lois, ou bien qu'il suffit d'invoquer Dieu pour ramener l'ordre.
Dans des esprits qui ont perdu toute notion du sacré, l'invocation du nom de Dieu, le recours à la religion, sont aussi vains que le travail d'un peintre qui croirait consolider une maison en couvrant de sa peinture des murs qui s'effondrent.
Préalablement à la peinture, il y a tout un travail de maçon et de charpentier qui s'impose. À qui méconnaît ou rejette totalement la notion du sacré, que peut bien signifier la présentation de ce Dieu qui est le saint des saints, le sacro-saint.
Car celui qui construit sa maison sur le sable, la voit à la première bourrasque s'écrouler. Tandis que celui qui bâtit ses fondations sur le rocher sera sûr qu'il résistera à la tempête. Si long et dispendieux que soit cet effort préalable, il est le seul qui paie.
Rééducation du sens du sacré
Dans un tel état de choses désacralisé, qu'il s'agisse de reconstruction sociale ou d'éducation, le travail fondamental consistera à asseoir les fortes assises du sens du sacré.
Cela ne se fait ni par enseignement scolaire, ni par réglementation policière ; mais par ce travail organique que nous avons décrit dans notre introduction.
Là aussi il faudra détecter les moindres rémanences, comme on recherche avec le pendule les vibrations ondulatoires. Elles peuvent être aussi faibles, aussi équivoques même que l'on voudra. Le pire serait qu'il n'y eut plus aucune vibration. On aurait affaire alors à un peuple totalement pourri que l'invasion des races plus fortes balaiera. Au contraire, la moindre vibration demande à être enregistrée.
Fut-il athée et blasphémateur, cet ouvrier qui exige le respect de ses outils et de son travail, a, avec le sacré, un point de contact. Cet instituteur incroyant, s'il exige comme une chose sacrée la propreté, la politesse ou l'exactitude, nous pourrons tenir conversation avec lui. Comme lorsqu'on a déchiffré une ligne d'hiéroglyphes, toute une inscription et bientôt toute une langue se révèlent, ainsi, de proche en proche, d'objet en objet, verrons-nous s'étendre le domaine sacral dans un esprit ou dans une société qui en semblaient dépourvus.
Les meilleurs résultats sont évidemment ceux qui sont obtenus par une croissance intérieure. Ils sont acquis et sont même promis à une fécondité illimitée.
Cependant, il ne faut pas craindre de recourir à une action extrinsèque analogue à celle du soleil, de la pluie ou de la nourriture du sol. De même qu'une plante requiert pour se développer le concours de ces agents étrangers à elle ; de même, il est légitime et nécessaire de fournir au tempérament initial le secours de l'ambiance.
Restaurer dans les mœurs familiales ou sociales le respect des choses et des personnes sacrées, rétablir une atmosphère de respect, c'est refaire un climat ensoleillé qui favorise l'éclosion de la vie. Il faudra donc se méfier d'un faux libéralisme qui ne veut pas intervenir sous prétexte de respecter les spontanéités. L'expérience montre qu'une maison, qu'une administration, qu'un pays bien tenus rendent naturels l'ordre, la propreté, l'harmonie. Vivre dans un beau lieu est plus efficace pour épanouir le goût que tout enseignement théorique.
C'est ainsi que le culte d'une propreté exquise restaurera peu à peu le sens du respect. Il sera caractérisé par une sorte de cérémonial indispensable qui n'admet pas l'à peu près. Il s'exprimera par des règles absolues qui interdisent les libertés déplacées et qui prescrivent rigoureusement les égards envers les choses et les personnes. La politesse est une des formes les plus hautes de cette propreté et, si elle est inspirée d'un esprit intérieur, elle est très proche du sens du sacré. De grands corps de l'Etat, l'armée, certaines institutions, fiers de leurs traditions, pourraient beaucoup pour ressusciter dans un peuple le sens du sacré. Ce n'est pas impunément qu'une société bannit ses princes. Ce n'est pas impunément, au contraire, qu'elle demeure fidèle au culte de ses héros. Il n'est pas jusqu'à certains hommages que des musées accordent à des chefs-d'œuvre en les entourant d'un décor noble et de silence qui agissent sur des visiteurs curieux, invités au respect.
On voit comment de grandes cérémonies sacrées devraient être éducatrices du respect dans les masses.
Dans l'ordre familial, où il est plus facile d'agir, la création d'une ambiance sacrale peut être considérée comme indispensable à une heureuse éducation des enfants. La belle ordonnance d'une maison, le silence et l'ordre qui y règnent, sont probablement les conditions premières d'un éveil du sens du sacré. Il nous faut croire beaucoup plus à l'action, au sacrement des lieux. C'est pourquoi il sera bon que, dans la maison, la chambre des parents, le bureau du père, la cuisine de la mère, et sacré entre tous, l'oratoire, exigent des enfants ou plutôt leur inspirent le respect des choses auxquelles on ne touche pas, des sanctuaires où l'on n'entre pas par jeu. Que certains rites entourent la table, le lever et le coucher, le dimanche, d'une révérence particulière ; que les anniversaires et les fêtes, les joies et les deuils s'ennoblissent par des traditions qui deviennent sacrées dans la famille ; que la paternité, la maternité, la souffrance, la maladie, le travail et le repos soient l'objet d'égards pleins d'amour ; il est normal que les jeunes âmes s'en imprègnent pour la vie.
Bien au-delà du respect des choses, l'éducation du sens du sacré requiert le respect des actes et des personnes, et c'est pourquoi il sera de telle importance que les enfants soient élevés dans un sentiment transcendant de la vérité. Le culte de la loyauté, l'horreur du mensonge, le culte de l'honneur, ne seront pas simplement l'objet de disciplines, mais bien plus de très hauts exemples. Les parents ne mentent jamais. Chose promise est chose tenue. Jamais ils n'accompliront une bassesse et n'accepteront une compromission, fût-ce pour obtenir une faveur ou un passe-droit pour leurs enfants ou pour eux-mêmes. Ce doivent être les traditions sacrées de la famille, au besoin formulées en adages inviolables.
Ainsi comme se transmettent les dons de l'artiste ou du savant, se transmettront aux enfants ces dons infiniment plus précieux qui leur assurent le soutien inébranlable de ce que sera leur vie religieuse.

Paul Doncoeur, in Scoutisme et éducation du sens religieux

lundi 7 septembre 2015

En priant... Dom Jean-Pierre Longeat, Vespérales


Déjà le jour décline. Les moines se rassemblent alors pour l'office de Vêpres. Les Vêpres désignaient autrefois le moment où l'on allumait rituellement la lampe pour la nuit : d'où l'autre nom qu'on leur donne parfois de Lucernaire. C'était aussi l'heure du sacrifice du soir, au Temple de Jérusalem. Selon le psaume 140 (h. 141), la prière des fidèles monte vers le Père comme l'encens et l'élévation des mains — geste significatif de la prière —, comme l'offrande du soir. Cette offrande est en premier lieu celle du Christ qui, élevé sur la Croix, s'en retourne au Père comme le jour qui s'en va. Mais dès son ascension, il se tient dans la nuit telle une lumière qui ne s'éteint pas. Avec le Christ, les fidèles — et donc aussi les moines — remettent toute leur vie dans un acte d'amour filial et fraternel, ne voulant rien retenir pour eux-mêmes.
L'office de Vêpres, comme celui de Laudes, comporte les éléments suivants : des psaumes, des hymnes, une lecture et un répons, ainsi que des prières.
L’oraison
Durant la soirée vouée au recueillement après l'office de Vêpres, les moines pratiquent l'oraison issue de la lectio divina, selon la tradition monastique. Le désir de Dieu qui entre lui-même en relation avec les hommes par le don de sa parole est bien de nouer un dialogue avec eux. Il faut donc s'arrêter maintenant sur cette dimension de la rencontre du Christ.
Les plus grands priants attestent que la prière est une dure épreuve. Elle éprouve toute chose comme l'or est éprouvé dans le feu. On ne sort pas indemne de la prière : elle implique une purification, une conversion, une mise en mouvement vers un lieu inconnu de soi-même où l'on retrouve le Christ. C'est pourquoi il est important de la pratiquer dans toutes ses dimensions afin que rien de notre être ne lui échappe. La première dimension est corporelle : position du corps, pratique de la lecture, de la psalmodie, de la prière vocale.
La deuxième est liée au travail de l'attention et de la vigilance. À certaines heures, l'esprit se dispose à accueillir la parole dans l'attention de l'homme intérieur. Le priant fait sienne la Parole ; il la dit en son nom propre.
Le troisième aspect, enfin, est la prière du cœur. Là où il n'y avait que parole et pensée, elle devient présence intérieure. Si elle était formule de louange, de supplication, d'intercession, elle devient louange même, supplication, intercession sans plus de parole ni de pensée. Quand cette dernière manière de prier devient continuelle, on commence vraiment à prier, même si les mouvements de va-et-vient entre les différentes dimensions de la prière sont toujours nécessaires.
Mais au-delà demeure encore la contemplation, la theoria, la gnosis, la vie en Dieu, sa connaissance et sa vision.
La prière du cœur
Théophane le Reclus expose en détails la manière de procéder pour pratiquer cette prière :
Recueillez-vous dans votre cœur et là, pratiquez la méditation secrète. Par ce moyen, avec l'aide de la grâce de Dieu, l'esprit de zèle gardera en vous son vrai caractère, brûlant tantôt moins, tantôt plus. La méditation secrète nous met sur la voie de la prière intérieure, qui est la voie la plus directe vers le salut. Nous pouvons abandonner tout le reste et nous consacrer uniquement à cette œuvre, et tout sera bien. Tout au contraire, si nous accomplissons tous nos autres devoirs, mais négligeons cette seule tâche, nous ne porterons jamais de fruit.
Celui qui ne rentre pas en lui-même et néglige cette tâche spirituelle ne fera aucun progrès. Il faut reconnaître cependant que cette tâche est extrêmement difficile, en particulier au commencement ; néanmoins, elle donne des résultats abondants et rapides. Un père spirituel devrait donc initier ses disciples à la pratique de la prière intérieure le plus tôt possible, et les affermir ensuite dans cette pratique. On peut même leur faire commencer cette pratique avant les observances extérieures, ou en même temps ; de toute façon, il est essentiel de ne pas négliger cette initiation, de crainte qu'ensuite il ne soit trop tard. En effet, la semence même de la croissance spirituelle est cachée dans cette prière intérieure. La seule chose nécessaire est de rendre cela bien clair, d'en souligner l'importance, et d'expliquer la manière de s'y prendre. Si cette prière est bien implantée en nous, toutes les œuvres extérieures seront, elles aussi, accomplies de bonne grâce et avec fruit ; sans elle, toute l'activité extérieure ressemble à une corde pourrie qui casse à tout instant. Notez bien que cette pratique doit se développer progressivement, lentement, avec une grande sobriété ; faute d'être adoptée progressivement, elle risque de perdre son caractère fondamental et de n'être plus, au bout de quelque temps, qu'une simple observance extérieure. Par conséquent, bien qu'il existe effectivement des gens qui, à partir d'une règle extérieure, arrivent à la vie intérieure, le principe inaltérable doit être : se tourner dès que possible vers l'intérieur, et allumer là l'esprit de zèle.
Cela paraît fort simple, mais faute d'être bien renseigné sur la prière intérieure, vous pouvez vous échiner longtemps sans rien récolter. Cela vient de ce que l'activité extérieure est, par nature, plus facile et donc plus attrayante ; l'activité intérieure, par contre, est difficile et, par conséquent, elle rebute. Celui qui s'attache à la première en la considérant comme essentielle, deviendra lui-même peu à peu matériel ; son zèle se refroidira, son cœur sera plus rarement ému ; et il s'éloignera de plus en plus de l'œuvre intérieure ; il croira devoir la mettre de côté jusqu'au moment où il sera mûr pour l'entreprendre. Lorsque, plus tard, il regardera en arrière, il réalisera qu'il a laissé échapper le moment favorable. Au lieu de s'efforcer d'acquérir graduellement une vie intérieure plus solide, il est devenu incapable de s'y livrer. Ce n'est pas que nous devions abandonner l'œuvre extérieure ; tout au contraire, elle est le soutien de l'œuvre intérieure et les deux doivent être menées de pair. Il faut toutefois donner la priorité à l'adoration intérieure, car nous devons servir Dieu en esprit, l'adorer en esprit et en vérité. Les deux activités dépendent l'une de l'autre ; mais il faut se souvenir de leur valeur respective. Il ne faut pas que l'une évince l'autre, ni n'introduise un partage dans notre consécration à Dieu. 1
Cette prière doit pouvoir être incessante.
C'est là une réelle difficulté pour nos modes de vie modernes où nous sommes accaparés par mille tâches passionnantes mais dispersantes. La prière incessante est la caractéristique d'un esprit authentiquement chrétien. La vie tout entière, en chacune de ses manifestations doit être remplie de prière. Mais pour atteindre cet état, il y faut surtout l'amour de Dieu et des hommes.
Comme la fiancée est toujours avec son fiancé par le souvenir et le sentiment, ainsi l'âme unie à Dieu par l'amour demeure constamment avec lui et lui adresse d'ardentes supplications du fond de son cœur [...]. Ce qui est requis c'est de vivre constamment avec Dieu, de l'avoir présent à votre cœur quand vous parlez, lisez, veillez ou réfléchissez à quelque chose. 2
Nous pouvons parfois consacrer tout le temps prévu par notre règle de prière à réciter un psaume, à composer notre propre prière à partir de chaque verset. Ou bien nous pouvons passer ce temps à réciter la Prière de Jésus avec des prostrations. Ou encore nous pouvons faire un peu de chacune de ces choses. Mais ce que Dieu nous demande, c'est notre cœur [Pv 23,26] ; et il suffit que celui-ci demeure en sa présence dans l'adoration. Se tenir toujours devant Dieu dans l'adoration, c'est cela, la prière continuelle ; c'en est l'exacte description. Et à cet égard, la règle de prière n'est que de l'huile pour la flamme ou du bois jeté dans le foyer 3.
Cette prière incessante a pour résultat, dans un premier temps, la pauvreté spirituelle authentique dans l'humilité du cœur, puis la vigilance et la victoire sur les passions afin de vivre dans la charité. On peut dire que la prière du cœur permet d'être établi dans le souvenir de Dieu et de marcher en sa présence : pour cela tous les moyens sont bons, pourvu qu'ils permettent de vivre la prière non comme une pensée dans l'intellect, mais comme une habitation du cœur.
Au chapitre 73 de sa Règle, saint Benoît donne ce conseil :
Quant à celui qui aspire à la vie parfaite, il a les enseignements des saints Pères, dont la pratique conduit l'homme jusqu'aux sommets de la perfection. Quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous enseigne le droit chemin pour parvenir à notre Créateur ? [...] Qui donc que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis, avec l'aide du Christ, cette toute petite règle, écrite pour les débutants. Cela fait, tu parviendras avec la protection de Dieu, aux plus hautes cimes de la doctrine et des vertus, que nous venons de rappeler. 4
Ce passage de la Règle des moines évoque quelques thèmes importants de l'idéal monastique : le parcours implique le travail, l'ascèse contre les entraves des passions, avec pour but de parvenir jusqu'à Dieu, de le connaître, de le voir, de le goûter, d'être avec lui, de revenir à lui. Connaître, voir, goûter, être avec Dieu : tous ces termes ne sont pas sans ambiguïté. La rencontre de Dieu n'est pas une expérience sensible mais silencieuse et obscure, qui donne cependant la Parole et la vraie Lumière, pour reprendre les mots de saint Jean dans le prologue de son Évangile.
Les moines sont fortement marqués par cet idéal contemplatif qui imprègne leur vie profonde. L'expérience contemplative de Dieu s'exprime le mieux par deux mots déjà cités : theoria et gnosis. Avec theoria, la tradition grecque décrit l'expérience mystique en termes de vision plutôt qu'en termes de parole. Mais audition et vision ne s'excluent pas, elles sont une dans les choses de l'esprit où il n'y a de toute façon ni vision ni audition extérieures ou même intérieures : c'est une simple manière de parler à partir de l'expérience humaine. Le terme theoria est rare dans le Nouveau Testament : on le trouve chez Luc (23,48) et chez saint Jean. Il n'apparaît pas du tout chez les Pères apostoliques. C'est l'école d'Alexandrie qui l'introduit dans le langage théologique sous l'impulsion de Clément et d'Origène ; par la suite, il deviendra fréquent. Il est traduit en latin par contemplatio qui a donné contemplation en français. Ce mot connaîtra un grand succès en Occident et ira même jusqu'à caractériser une vie spécialisée dans ce domaine : la vie contemplative. Gnosis est davantage présent dans la Bible mais aucune ambiguïté n'est possible sur l'intermédiaire des sens. La gnose concerne l'intellect et provient d'une mise en œuvre parfaitement juste de la volonté, qui donne accès à Dieu lui-même. Clément d'Alexandrie pourra dire : « La gnose est cette lumière qui pénètre l'âme par l'effet de l'obéissance aux commandements »5.
Il y a deux niveaux de connaissance : pragmatique, celle à laquelle peut parvenir tout homme, croyant ou non, et pneumatique, qui est réservée aux saints. 6
Quelques passages du Traité de l'oraison d'Évagre le Pontique éclairent parfaitement notre propos :
Ceux qui accumulent intérieurement des peines et des rancunes et qui s'imaginent prier, ressemblent à des gens qui puisent de l'eau pour la verser dans un tonneau percé. 7
La prière est un lieu privilégié pour se défaire d'une volonté tournée sur soi-même, et ne consiste finalement à rien d'autre qu'à se rendre disponible pour que s'accomplisse en nous la volonté de Dieu, sans que nous sachions comment ni ne puissions intervenir, sinon par adhésion dans la confiance de l'amour.
Ne prie pas pour l'accomplissement de tes volontés ; car elles ne concordent pas nécessairement avec la volonté de Dieu. Mais plutôt, suivant l'enseignement reçu, prie en disant : « Que ta volonté s'accomplisse en moi » et ainsi, en toute chose, demande-lui que sa volonté se fasse ; car lui, il veut le bien et l'utilité de ton âme ; mais toi, tu ne cherches pas nécessairement cela. 8
Souvent dans mes prières, j'ai demandé l'accomplissement de ce que j'estimais bon pour moi, et je m'obstinais dans ma requête, violentant sottement la volonté de Dieu, sans m'en remettre à sa Providence pour qu'il ordonnât plutôt lui-même ce qu'il savait m'être utile ; et pourtant, la chose reçue, grande fut ensuite ma déception d'avoir demandé de préférence l'accomplissement de mon vouloir, car, à la rencontre, la chose ne fut pas telle que je me l'étais figurée9
On peut avoir atteint la paix intérieure, l'apatheia, sans avoir pour autant goûté encore l'oraison. Car la prière peut en rester à la contemplation des objets, alors que l'oraison consiste vraiment à atteindre l'au-delà de tout. Voici encore quelques moments du Traité de l'oraison d'Évagre le Pontique qui illustrent cette perspective et nous entraînent au-delà.
L'intellect ne saurait voir le lieu de Dieu en lui-même, à moins d'être devenu supérieur à toutes les pensées d'objets. 10
C'est un don qui vient dans le cœur du priant et qui imprime en lui le lieu de Dieu.
Ne te figure pas la divinité en toi quand tu pries, ni ne laisse ton intelligence subir l'impression d'aucune forme ; mais va, immatériel à l'immatériel, et tu comprendras. 11
Prends garde aux pièges des adversaires : il arrive tandis que tu pries purement et sans trouble, que soudain te survienne une forme inconnue et étrangère, pour t'entraîner à la présomption d'y localiser Dieu et te faire prendre pour la Divinité l'objet quantitatif ainsi soudainement apparu à tes yeux ; or, la divinité est sans quantité et sans forme. 12
Tiens-toi sur tes gardes, en préservant ton intelligence de tous concepts au temps de l'oraison, pour qu'elle soit ferme dans la tranquillité qui lui est propre ; alors celui qui compatit aux ignorants viendra sur toi aussi, et tu recevras un don très glorieux. 13
Si tu n'as pas encore reçu le charisme de l'oraison ou de la psalmodie, obstine-toi et tu recevras. 14
Le père Irénée Hausherr, ce jésuite spécialiste de la tradition monastique, résume parfaitement toute la perspective :
Voilà donc le chemin de l'oraison : il va des larmes de la pénitence, par la pratique de toutes les vertus, par le renoncement à tout, par l'abnégation totale de soi-même, par la douceur surtout et par la charité fraternelle, à travers les purifications progressives d'âme et d'intelligence, dans l'abandon absolu à la volonté de Dieu toujours uniquement occupée à nous conduire au but, malgré les persécutions diaboliques à vaincre par la patience, évitant les illusions par l'humilité, à la paix et au repos ineffable de la contemplation de Dieu. C'est une « émigration en Dieu » ; mais arrivé au terme de l'ultime désirable, le contemplatif retrouve en Dieu, par la gnose, d'une manière suréminente et spirituelle, ce que pour la gnose, il avait quitté ; il est séparé de tout et uni à tout ; impassible et d'une sensibilité souveraine ; déifié et il s'estime la balayure du monde ; par-dessus tout, il est heureux, divinement heureux, tellement que son bonheur même lui devient la plus ferme assurance d'avoir atteint l'état convoité, les cimes « intellectuelles » où resplendit au temps de la prière la divine lumière de la suprême béatitude. 15
Dans la soirée, après le dîner, les moines se rassembleront encore pour l'office de Complies.
À l'origine, c'est une simple prière du coucher au pied du lit ! Mais, peu à peu, les moines lui ont donné un caractère si particulier que, bien souvent, les hôtes qui séjournent au monastère l'aiment plus que tout autre. L'office de Complies est souvent chanté par cœur dans le noir. Après les psaumes et la lecture, le Père abbé donne la bénédiction finale et c'est alors que, dans le mystère de la nuit, un moine entonne l'une des magnifiques grandes antiennes dédiées à la Vierge Marie comme le Salve Regina.
Le dernier rite de cet office consiste en une aspersion d'eau bénite sur chaque moine, par le Père abbé. Il s'agit là d'un rappel du baptême : comme lors de ce sacrement, on est immergé dans l'eau de la mort pour renaître à la vraie vie, celle du ressuscité, à l'instar de ce qui s'est passé au matin de Pâques, après la longue journée d'enfouissement et de silence, le samedi du grand Sabbat, veille du dimanche de la résurrection du Christ.
Dom Jean-Pierre Longeat, in 24 heures de la vie d’un moine (Seuil)

1. Higoumène Chariton de Valamo, L'Art de la prière. Anthologie de textes spirituels sur la prière du cœur, Bégrollesen-Mauges, Éditions de Bellefontaine, « Spiritualité orientale », 18, 1976, p. 102-104.
2. Ibid., p. 109.
3. Ibid., p.110.
4. RB 73.
5. Clément d'Alexandrie, Stromates, III, 5, 44.
6. Évagre le Pontique, Les Six Centuries des Kephalaia gnostica, Paris, Firmin-Didot, « Patrologia orientalis », 28,1, 1958, Centurie n°6, 2.
7. Irénée Hausherr, Les Leçons d'un contemplatif Le Traité de l'oraison d'Évagre le Pontique, Paris, Beauchesne, 1960, n°22.
8. Ibid., n°31.
9. Ibid., n°32.
10. Évagre le Pontique, Traité pratique, op. cit., t. I, p. 70.
11. Irénée Hausherr, Les Leçons d'un contemplatif ; op. cit., 66.
12. Ibid., 67.
13. Ibid., 69.
14. Ibid., n° 87.
15. Irénée Hausherr, Prière de vie, vie de prière, Paris, Desclée de Brouwer, 1992, p. 459.