lundi 25 février 2019

En préambulant... Bertrand Vergely, La collusion communisme-capitalisme

Mille neuf cent soixante-seize. Le monde est divisé en deux. Si d'un côté il est gouverné par le libéralisme, d'un autre côté le communisme qui lui fait face règne en Russie soviétique, dans les pays de l’Est ainsi qu'en Chine et en Asie du Sud-Est. En 1968, en tentant une timide libéralisation baptisée le Printemps de Prague la Tchécoslovaquie a bien essayé de s'affranchir du joug soviétique qui entend être la patrie du socialisme mondial. Expérience de courte durée, Moscou n'hésitant pas à faire rentrer les chars du pacte de Varsovie dans Prague, afin de remettre le régime tchèque dans le rang. Dans ce contexte de répression et d'oppression, des intellectuels, des artistes et des citoyens décident de résister et fondent pour cela un mouvement qu'ils baptisent Charte 77 en référence à l'année de création de cette charte. Parmi eux se trouve un intellectuel, poète, dramaturge, dont la renommée va devenir mondiale, Vaclav Havel. Dans un essai qu'il écrit en 1978, Le Pouvoir des sans-pouvoir 1 il résume ses positions fondamentales qui sont aussi celle de la Charte 77. Celles-ci se ramènent à un mot : la vérité. Par elle, il entend le fond des choses, le Plus-que-vivant qui est à l'origine de tout, ce que Michel Henry appelle l'archi-vivant 2. C'est cet archi-vivant que la poésie, le théâtre et l'art en général s'efforcent d'exprimer. Quand ils le font, les êtres humains découvrant leur vérité profonde, ceux-ci peuvent fonder une véritable société.
Kant en a l'intuition 3. La véritable communauté humaine est une communauté de goût et de culture, une Communauté esthétique. Un tel projet n'est pas irréaliste. Au contraire. C'est lui qui donne la vraie politique. On pense toujours celle-ci sur un mode militaire, gestionnaire ou administratif. Quand tel est le cas, privée de tout souffle, elle meurt. La véritable politique est autre. Nullement politicienne, elle est antipolitique ; être ainsi antipolitique consistant à rappeler à la Cité que la vie doit être d'abord la vie vraie, à savoir la vie pour la vérité et non un système militaire, gestionnaire ou bureaucratique.
Le communisme aurait dû être cette politique. Il avait promis qu'il le serait. Comme tous les intellectuels, tous les poètes, tous les artistes, tous les citoyens authentiques de son temps, Havel découvre qu'il n'en est rien. Le communisme qui se proposait de libérer les hommes de l'oppression est devenu l’oppresseur. La raison de cela ? La peur de perdre le pouvoir. Les hommes ne veulent pas être heureux, rappelle Hume. Ils veulent savoir qu'ils le seront toujours 4. D'où le malheur sur la terre, la peur de voir le bonheur s'échapper tuant celui-ci. En politique, à l'Ouest comme à l'Est, la peur de perdre le pouvoir tue la politique. En URSS, elle a tué le communisme. Quand celui-ci devient-il cet immense Goulag que Soljenitsyne va dénoncer ? Quand Lénine en fait un système militaire, gestionnaire et bureaucratique afin de ne pas perdre le pouvoir. D'où l'oppression qu'il met en place, cette oppression expliquant pourquoi des intellectuels comme Havel sont poursuivis, arrêtés et emprisonnés. Quand on entend être le système qui va libérer l'humanité, pas question d'admettre une autre vérité et notamment une vérité vivante et poétique.
Havel a découvert la faille du communisme, ce qui a fait qu'il s'est écroulé. En l'occurrence, sa peur de la vérité. Toutefois, sa découverte ne s'est pas arrêtée là. Sentant sans doute sa mort venir, le communisme a inventé un moyen de se survivre : le post-communisme que Havel appelle le post-totalitarisme 5. Si le communisme léniniste entend régner de façon directe par la force, le post-communisme entend régner de façon indirecte par la ruse en mariant consommation et idéologie afin de faire du communisme un produit de consommation. Ainsi, glissons quelques slogans politiques au milieu de la consommation quotidienne : inconsciemment, les esprits deviennent communistes en se mettant à consommer mentalement de la pensée communiste.
Havel est mort et le communisme est tombé après la chute du mur de Berlin en 1989. Mais à quoi assistons-nous aujourd'hui, sinon à une étranges survie de ce dernier à travers sa non moins étrange collusion avec le capitalisme ? Nous vivons présentement dans un monde qui est à la fois celui du marché et un celui des masses. Dans un tel monde, quand on veut le pouvoir, il y a un moyen sûr d'y parvenir : allier les deux en conjuguant la quête capitaliste du pouvoir économique grâce au sens du profit et la quête communiste du pouvoir politique grâce au sens du pour tous. L’idéologie qui gouverne le système éducatif actuellement en France, en 2016, l'a parfaitement compris en se donnant comme devise La réussite pour tous. Slogan subtil associant le sens libéral de la réussite avec la préoccupation sociale du pour tous. Slogan d'une remarquable efficacité. Qui souhaite l'échec ? Personne. Et, qui ose dire qu'il veut la réussite pour lui en se moquant de celle des autres ? Personne. Avec donc comme programme la réussite pour tous, on a, si l’on ose dire, des boulevards devant soi. Si l'on n'a pas le pouvoir, on est sûr de l'obtenir. Et si on le possède, on est sûr de le garder !
Au printemps 2013, l'Assemblée Nationale française a voté la loi légalisant le mariage homosexuel avec adoption. Quand ce projet est apparu sous le nom de Mariage pour tous des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue en formant un mouvement appelé La Manif pour tous. Le Monde a alors commenté ce phénomène en titrant : La France réac se réveille. À la suite des attentats contre Charlie Hebdo en janvier 2015, Le Monde, toujours lui, a publié un article dans lequel un professeur de sociologie n'a pas hésité à comparer les manifestants de La Manif pour tous aux djihadistes qui commettent des attentats, La Manif pour tous relevant de l'intégrisme comme le djihad. Ce qui interroge. La Manif pour tous n'a-t-elle été qu'un mouvement de réacs homophobes et mentalement djihadistes ? À cette occasion, ne s'est-il pas passé autre chose ? Quelque chose que Le Monde n'a pas su, ni voulu, voir ? Quand on a affaire à la formule Mariage pour tous, n'est-on pas en présence d'un projet cherchant à concilier le mariage, institution bourgeoise, avec le pour tous, proprement communiste ? Et cette façon de concilier ainsi institution bourgeoise et communisme est-elle innocente ? N'est-elle pas une façon totalitaire de prendre le pouvoir ? Quand on est communiste et que le mariage bourgeois devient le mariage pour tous, comment être contre le mariage ? Et quand on est un bourgeois et que le communisme se met à être pour le mariage bourgeois, comment être contre le communisme ? Quand, autrement dit, un pouvoir politique se donne comme projet le Mariage pour tous, comment être contre un tel pouvoir qui a réponse à tout ? C'est contre cette prise de pouvoir que La Manif pour tous s'est élevée.
Quand il s'est insurgé contre le communisme et sa dictature, Vaclav Havel l'a prédit de façon prophétique : le communisme ne va pas mourir. Il va se survivre sous la forme d'un post-communisme. Il ne sera pas de ce fait direct mais indirect. Il ne sera pas non plus soviétique mais mondial. En un mot, il ne sera pas totalitaire mais post-totalitaire en mélangeant consommation et idéologie, idéologie et consommation. Ce post-totalitarisme n'est-il pas aujourd'hui ce que la politique  veut nous imposer à travers des projets comme la Réussite pour tous ou encore le Mariage pour tous ? Un mélange de socialisme et de libéralisme qui paralyse les consciences en étouffant la pensée ? Havel ne s'est pas laissé faire par le post-totalitarisme de son temps. Allons-nous laisser faire celui qui est en train de poindre ? Ou allons-nous réagir, en ayant, comme lui, le souci de la vérité ?
Bertrand Vergely, in Traité de résistance pour le monde qui vient

1. Vaclav Havel, Essais politiques, Le pouvoir des sans-pouvoir, Calmann-Lévy, 1989, p.67-157.
2. Michel Henry, C'est moi la Vérité, Seuil, 1996.
3. Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, §20, Vrin, 1986, p.78.
4. David Hume, Traité de la nature humaine, Livre II, Les passions, Flammarion (col. GF), 1991, p.64.
5. Vaclav Havel, Essais politiques, Histoire et totalitarisme, op. cit., p.161-187.







jeudi 21 février 2019

En révélant... Abbé Paul Marc, Votre rôle sublime à la messe



Il faut offrir le Christ
Il y a quelques années, un indifférent entrait dans une église. Un prêtre était à l'autel, c'était le moment de l'élévation, l'Hostie montait lentement dans les doigts du Prêtre, les fidèles baissaient la tête, un silence émouvant et plein d'adoration planait sur la foule. La scène était si grande que l'homme pressentit qu'une chose immense se passait, il fut bouleversé, il désira connaître la Messe. Quand il fut au courant, il y vint tous les jours. Il est aujourd'hui Religieux : le fait est raconté dans un beau livre d'un Dominicain.
Cette impression de grandeur s'explique.
La Messe est un drame. Un drame d'amour auquel nous sommes mêlés. Il s'agit du Fils de Dieu Lui-même qui donne Sa Vie pour nous. Non plus sur la colline du Calvaire, mais sur la scène d'un autel, devant des milliards d'Anges et de Saints en extase, tandis que le rideau d'une hostie et d'un calice voile le drame.
Les fidèles, eux, ne voient rien. Ils verront un jour. Mais ils savent, cela suffit. Jésus a dit : « C'est mon Corps, c'est mon Sang répandu pour la rémission des péchés ».
Ils ont un grand rôle à jouer dans cette tragédie non sanglante qui eut lieu pour la première fois le Vendredi-Saint. Qui aura lieu pour la dernière fois à la fin des temps, quand les hommes n'auront plus besoin d'être sauvés.
Ce rôle, hélas ! ignoré de beaucoup, quel est-il ?
L'Église, dans les prières augustes du Missel, le dit nettement.
Elle met plusieurs fois sur les lèvres des fidèles ces mots riches de sens : « Nous vous offrons, Seigneur ».
Il faut donc faire un acte, un grand acte, quand on est à la Messe. Il faut offrir Jésus.
Celui-ci se remet, en effet, entre vos mains comme Il se remit entre les mains de la Vierge à Bethléem et à Nazareth. Vous L'avez à vous, tout à vous, quand Il est à l'autel, Il est votre chose. « Mon Bien-Aimé est à moi » dit l'Écriture.
Il se livre avec joie au dernier des pécheurs, qu'Il veut régénérer. C'est inconcevable ! C'est l'infini dans la bonté.
Il faut donc monter en esprit jusqu'à l'autel, pour offrir et réaliser ainsi la volonté formelle du Sauveur.
Il faut Le prendre comme Le prit dans le Temple le vieillard Siméon « accepit eum in ulnis ».
Il faut, comme lui, vous rendre bien compte que vous portez spirituellement le Corps du Christ avec Sa Sainte Face : Son Cœur transpercé, Son Âme avec Ses adorations, Ses actions de grâces, tout ce qu'Il a pensé, voulu, souffert. Pendant trente-trois années, tout ce qu'Il a souffert sur la montagne sanglante. Oui, vous avez cette bonne fortune. Saint Paul le dit : « Divites facti estis in illo », vous êtes riches de Lui.
Une fois en possession du Christ, comme le prêtre, il faut faire l'offertoire. Expliquons ces mots essentiels.
N'avez-vous jamais été navrés de la pauvreté de vos prières, de votre impuissance à aimer, à remercier, à réparer vos fautes ?
N'avez-vous jamais eu ce noble tourment de votre petitesse, de votre insuffisance, de vos distractions, de vos sécheresses, devant l'infinie bonté de Dieu ?
Jésus a prévu ce tourment. Il y a remédié, Il a créé la Messe.
Il a décidé de venir près de vous, pour vous aider à glorifier le Père, à réparer vos outrages, à payer vos dettes.
Il a eu la pensée généreuse de vous donner ses prières, toutes ses prières : celles de sa Crèche, celles de ses journées et de ses nuits apostoliques, celles de sa Passion surtout.
Il a eu la pensée de vous donner son Cœur brûlant, consumé. L'eau et le sang qui sont sortis de ce Cœur.
Et ce Don, Il a voulu le faire, non pas une fois dans votre vie, mais tous les jours de votre vie, et chaque jour, plusieurs fois par seconde, seize mille six cents fois par heure. Il a rêvé de s'offrir par vous, sans arrêt, à tel point que, même la nuit, vous puissiez vous dire en vous éveillant : « Il est à moi, tout à moi, en ce moment sur des autels inconnus, et Il désire, d'un grand désir, que je vienne à Lui, que j'ose Le prendre, prendre Sa Prière et Son Sang pour les présenter devant la Face du Père ».
C'est cela la Messe. C'est tout cela.
Comment ne pas répondre à une telle ardente volonté du Christ qui veut que nous L'élevions devant la Trinité Sainte ?
Il y a, au fond, une telle douceur à dire ainsi la Messe, à la dire comme la Vierge l'a dite au Calvaire, à la dire comme le Prêtre, avec le prêtre surtout (qui lit sur son Missel) et en la disant – comme lui, sur votre Missel – à entendre monter l'harmonie de la Voix de Jésus. Voix si chère au Père, si puissante devant Lui, puissante pour nous, puissante pour l'Église, pour les grands intérêts des âmes.
Une seule Messe pourrait purifier toutes les souillures du monde !
La Messe, la Messe ! c'est la grande chose dans la vie d'un prêtre. Ce doit être la grande chose dans la vie du Chrétien. C'est la gloire du prêtre, c'est ce qui le rend si vénérable aux yeux du vrai fidèle, qui frémit en voyant l'hostie qui s'élève au-dessus des assistants prosternés.
Songez que les Anges eux-mêmes adorent le chef-d'œuvre enfanté par les lèvres sacerdotales ! « Que j'aurais voulu être Prêtre ! » disait Thérèse de Lisieux.
Prêtre ! vous l'êtes dans une certaine mesure, puisque Jésus veut S'offrir par vos mains, comme Il s'offre par les mains de son Ministre écrasé par son bonheur.
La Messe, votre Messe. C'est un vrai Thabor pour vous, un Thabor où le Christ vous convie chaque matin, un Thabor où s'opèrent la transfiguration du pain et du vin, puis la transfiguration de votre âme rebaptisée dans le Sang de Jésus, dans ce Sang que vous offrez vous-même, en présence de la Vierge, des Anges et des Saints.
Ah ! qu'il fait bon monter chaque matin vers ce sommet de gloire, pour dire au Père : « Voici votre Fils bien-aimé, Il est à moi, Je vous Le donne ! »

Il faut vous offrir
Tous ceux qui ont connu le Père de Foucauld disent qu'il avait la passion de la Messe. Elle était le grand acte de sa vie.
Dans ses longs voyages, il chargeait toujours sur un chameau sa chapelle portative et, chaque matin, au milieu des dunes dorées du désert, dans ces immensités où jamais le Christ n'était descendu, il célébrait l'auguste Mystère.
Il se donnait surtout avec son Dieu, Il offrait tout son être, toutes ses souffrances, toute sa vie, pour les tribus abandonnées auxquelles il avait voué sa vie et dont il voulait civiliser l'esprit.
La Messe était un don total de lui-même. C'est ce qu'elle devrait être pour tous ceux qui y assistent.
Hélas ! la plupart des fidèles ne savent pas qu'ils doivent s'offrir avec leur Dieu.
Ils sont passifs devant le grand drame de l'autel. Il y a ceux qui font simplement acte de présence, ils ne prennent aucun intérêt à ce qui se passe : messe inintelligente et nulle. Il y a ceux qui récitent du chapelet, c'est un peu plus que la simple présence, mais ce n'est pas la note qu'il faut donner&nbsp: le chapelet et la messe, cela fait deux. Il y a ceux qui n'aiment que les messes en musique, les messes de mariage par exemple ; c'est la musique qui compte pour eux, et non le drame divin, qui passe au deuxième plan.
Tous ces fidèles croient au fond que la messe est uniquement l'affaire des prêtres. Ils n'y participent pas, ils sont là, voilà tout. Ils ne savent pas qu'ils ont quelque chose à faire et à dire. Ils doivent non seulement offrir Jésus comme on l'a dit. Ils doivent aussi s'offrir eux-mêmes avec Lui.
N'ont-ils pas tout reçu de Dieu ? Ne les comble-t-Il pas de bienfaits incessants ? Ne sont-ils pas à Lui ? Ils ont donc des actes à faire. Quels actes ?
***
D'abord, au début de la Messe, il faut offrir votre repentir. C'est ce que fait le prêtre. Profondément incliné, il demande pardon. Songez à vos fautes, il le faut. Vous ne pouvez pas vous présenter devant la Sainteté divine sans être en état. Vous portez peut-être un lourd passé derrière vous. Et vous l'avez si peu expié, oui, si peu ! Comprenez votre indignité.
Faites appel à l'intercession de la Bienheureuse Marie toujours Vierge, de saint Michel Archange, de tous les Saints si heureux de vous assister. Dites avec ferveur le Kyrie eleison, le Gloria in excelsis. Ce sont des oraisons puissantes, guérisseuses, qui vont au cœur du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Elles vous rétabliront dans une grande pureté, et votre Messe aura plus de poids. Vous comprendrez mieux les idées sanctifiantes contenues dans l'Épître et dans l'Évangile. Les âmes pures voient mieux.
Vous voici à l'Offertoire. Le prêtre présente l'hostie : offrez-la avec lui. Votre missel a une formule frappante : dites-la lentement : « Recevez, Père Saint, Dieu tout-puissant et éternel, cette hostie immaculée ». Remarquez la portée immense de votre demande, vous parlez pour tous les fidèles, vivants et morts. Uni au Christ vous atteignez l'Humanité entière, celle qui a vécu, celle qui vit encore. C'est une vision grandiose ! Si vous n'aviez pas de puissance par votre intercession, on ne comprendrait pas pourquoi l'Église vous ferait prier ainsi.
Le prêtre met alors du vin et quelques gouttes d'eau dans le calice. Ces gouttes d'eau sont un symbole. Elles représentent votre personne, votre vie, vos joies et vos peines, qu'il faut mêler à la personne, à la vie, aux souffrances du Christ, qui a soif de vous prendre avec Lui dans sa montée vers le Père. Il veut consacrer votre journée et grandir votre mérite.
Perdez-vous donc en Lui. Cela, l'avez-vous jamais fait ? Vous êtes-vous jamais ainsi fondu en Dieu ? Pourtant, cela fait partie de la messe !
Quel acte personnel devez-vous faire encore ?
À la Préface : Louez Dieu avec les Esprits célestes, dites avec eux : « Les cieux et la terre sont remplis de votre gloire, ô mon Dieu. Hosanna au plus haut des cieux ».
Au Canon : Faites appel à la prière de la Vierge et des Saints. Vous entrez en communion avec eux. « Communicantes », dit la Liturgie. À partir de cet instant, toute la création entoure l'autel, et se joint à vous. Vos moindres cris d'âme ont une portée très grande. Ne soyez plus distrait. La minute est précieuse.
À l’Élévation : Mettez votre âme, les âmes que vous aimez, les pauvres pécheurs entre les mains du Christ réincarné. Ne faites avec Lui qu'une Hostie, c'est Son désir (Son Désir !).
Après l'Élévation : L'Église a des phrases admirables, goûtez-les. On évoque le souvenir des défunts, c'est l'heure de songer à vos morts, ils sont dans l'attente. On parle de bénédictions célestes qui descendent de gloire infinie rendue à la divine Majesté par le Fils de Dieu livré entre vos mains.
Ensuite, ce sont les demandes du Pater, un appel à la paix : « Agneau de Dieu qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous ».
Trois prières préparatoires à la Communion :
« Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison, mais dites une parole et mon âme sera guérie ».
La Communion du prêtre, la vôtre.
Enfin l'Action de grâces. Lisez par curiosité les deux prières que le prêtre récite en purifiant le calice, puis les dernières oraisons, l'appel à la Trinité. Vous serez surpris de la densité spirituelle de ces formules vénérables qui ont alimenté tant d'âmes au cours des siècles. Elles sont l'action de grâces du prêtre. Qu'elles soient aussi la vôtre, il n'y a pas mieux.
Pour terminer, n'oubliez jamais que vous n'êtes pas seul à la messe. Vous êtes dans un merveilleux ensemble. Le Christ vivant, sa Mère, tous les Anges et tous les Saints prient avec vous. Vous êtes associé à ces Êtres supérieurs, vous mettez votre note à vous dans ce sublime concert. Et cette note compte, Dieu la désire, Il l'écoute, Il l'exauce. En vous, Il entend « la voix de son Fils bien-aimé ».
On ne peut pas imaginer la puissance du sacrifice de l'autel. En une demi-heure, vous gagnez d'incalculables richesses, des milliards spirituels, que vous connaîtrez Là-haut.
Une seule messe, bien entendue, efface tous vos péchés. Elle peut faire de vous une âme sainte. Songez au bon larron, il a bien assisté à la première messe dite au Calvaire, il y a pris une part personnelle, il a dit quelques mots bien sentis : « Seigneur ! souvenez-vous de moi », nous en disons autant au Memento. Il a été complètement transformé, il a gagné une éternité (une éternité !) de bonheur, il a pris place dans la sublime Légion des Saints, d'où ses crimes l'avaient exclu. Ce jour-là, Jésus vous a montré clairement la valeur d'une seule messe, l'importance qu'elle revêt à ses yeux, qu'elle doit avoir à vos yeux.
Un jour, bientôt, quand vous verrez tout ce que Dieu dans son amour a renfermé dans l'auguste drame de l'Autel, vous direz : « Si j'avais su ! ».
Vous savez maintenant, ou du moins vous commencez à savoir.
Abbé Paul Marc, in L’Élite, beaucoup d’appelés (1940)


mercredi 6 février 2019

En prêchant... Père François Potez, Jules et Julie je vous déclare unis par les liens du mariage



Jules, dit Dieu, Je t’aime profondément, Je te crée dans Mon amour et, parce que Je t’aime, J’ai choisi de te donner Julie. Fais attention, c’est Mon trésor, Ma bien-aimée, J’ai tout donné pour elle : avant même la Création du monde, elle était pour toi dans Ma pensée. Je te la donne pour ta joie, Je te la donne pour ton bonheur, Je te la donne pour ton épanouissement d’homme. Je te la donne pour ta sainteté et, parce que Je te fais confiance, Je te la confie. Je te confie Mon trésor, tu seras désormais, si tu le veux bien, responsable de sa sainteté, tu seras responsable de sa joie, tu seras responsable de son bonheur. Veux-tu ?
Et toi, Julie, Je t’aime d’un amour infini. C’est bien simple, Je donne ma vie pour toi, et parce que Je t’aime J’ai résolu de te donner Jules. Je l’ai préparé depuis avant la Fondation du monde, c’est toi qui l’as choisi, tu as bien choisi mais c’est Mon Esprit en toi qui te guidait quand tu disais oui. Je te le donne pour ta joie, pour ton bonheur, pour ta sainteté et, si tu veux bien – Moi je te fais confiance – Je te le confie. Tu seras responsable de son bonheur, de son épanouissement d’homme. Oh ! Je sais, il n’est pas saint, mais justement ! c’est pour ça que Je te le confie, pour que tu l’aides à grandir, pour que tu l’aides à s’épanouir, pour que tu attendrisses ce qui est encore dur en lui. Veux-tu ?
Alors le prêtre, au nom du Seigneur, le jour du mariage, convoque Jules et Julie.
— Jules, voulez-vous prendre pour épouse Julie, et promettez-vous de lui rester fidèle dans le bonheur et dans les épreuves, dans la santé et dans la maladie, pour l’aimer tous les jours de votre vie ?
— Oui ! 
Et d’année en année le oui s’intériorise, le oui s’affermit, le oui prend du prix, le prix à payer c’est le prix de ma vie.
— Mais je vais y laisser ma peau !
— Bah oui, vous allez y laisser votre peau, c’est sûr.
L’amour vaut ce qu’il me coûte, l’amour qui ne m’a pas encore beaucoup coûté ne vaut pas encore grand’chose, l’amour à bon marché ne vaut rien. L’amour est difficile, l’amour est une bataille, parce que l’amour révèle les cœurs.
— Julie, voulez-vous prendre pour époux Jules, promettez-vous de lui rester fidèle dans le bonheur et dans les épreuves, dans la santé et dans la maladie, pour l’aimer tous les jours de votre vie ?
— Oui ! 
— Alors, Jules et Julie, je vous déclare unis dans les liens sacrés du mariage, et le Seigneur vous bénit au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
C’est grand, c’est immense, et c’est votre mission désormais d’être, dans le monde, les témoins de cet amour.
Le pape François, dans son exhortation sur la sainteté, nous demande à tous, à chacun d’entre nous, mariés ou pas mariés : « Est-ce que tu as déjà réfléchi ta vie comme une mission de sainteté ? quelle est ta mission de sainteté ? » Vous autres, qui êtes déjà mariés, votre mission de sainteté, c’est d’aimer votre épouse, d’aimer votre époux, d’aimer vos enfants, pour que le monde sache que Dieu est amour. Parce que, en vous aimant, vous serez une icône de la Communion Divine au cœur de la Trinité. Le monde ne connaît pas Dieu, comme les gens de Nazareth ils en ont même peur. Ne soyez pas durs, ne défendez pas des valeurs, n’essayez pas de donner des leçons, mais vivez la tendresse de votre amour.
Vous ne serez pas un modèle, vous ne serez pas exemplaires. Si... vous serez exemplaires dans votre manière de vous pardonner, dans votre manière de vous conduire l’un devant l’autre avec sainteté et tendresse. Alors, le monde pourra croire vraiment que l’amour vient de Dieu, le monde pourra un peu un peu se retourner et découvrir le chemin de la vie, le chemin du vrai bonheur. Aujourd’hui, dans notre monde, dans notre société, c’est tellement attaqué : vous serez comme Jérémie, secoués dans tous les sens, on vous traînera même devant les tribunaux, et si vous vous engagez publiquement dans la vie politique, on vous couvrira d’une avalanche d’injures. 
Ne tremble pas, ne tremble pas ! tu es une colonne de fer, tu es une place forte, si tu trembles, tu seras emporté parce que tu comptais sur tes propres forces. Non, compte sur Moi. Moi, je serai là. Tu vas en mourir, oui, oui. Mais, tu seras mon témoin, vous serez mes témoins. 
Aujourd’hui, la Vierge Marie vous regarde, nous regarde tous, avec tendresse. Elle nous encourage, elle qui a connu cette détresse de la Croix, elle nous dit dans son Magnificat : allez, n’ayez pas peur, n’ayez pas peur de vous aimer. Tout le reste, tout le reste, est vain, tout le reste est temporel, tout le reste restera sur la terre, sera mangé aux mites dans la tombe. Mais votre amour, lui, ne passera pas. La charité, c’est ce qu’il y a de plus grand, elle vous conduira jusqu’au Ciel. 

Père François Potez, Homélie du 3 février 2019
Église Notre-Dame-du-Travail