lundi 28 mars 2011

En musant... Patrice de La Tour du Pin - Psaumes de tous mes temps

Ici tombant, tout est-il achevé ?
ah ! tu ris et je ris ! tout recommence,
tu as tenu le rêve que je rêvais.
Il t'a fallu longtemps pour lever l'évidence,
mon crève-cœur à l'échec de mon jeu,
et que je trouve enfin ce qui crève mes yeux.
Vois maintenant : je peux marcher aveugle
un pas sur deux... mais ne mesure pas,
ne me mesure pas l'eucharistie, mon Dieu !
Et ne me compte pas ces années pour perdues :
 le jeu devant le monde, l'ai-je tenu ?
mon pari est plus lourd maintenant, mais tiens-le.
Accueille-moi : je reviens en surface,
les yeux un peu brûlés par la lumière de ta Pâque,
la gorge aussi... Comment dirais-je le feu ?
Ne le ralentis pas : il se dira lui-même...
coupé en deux comme ton fruit,
je voudrais dire ainsi tout l'univers...
On croira que je déraisonne,
mais toi, tu m'as soufflé le mot de passe en l'homme :
maintiens-moi cœur ouvert.
*  *  *

Comme un marin s'écrie : la terre !
voici la terre ! moi, je clame :
enfin voici l'homme, les hommes !
Jadis je butais dans leurs vignes,
je me heurtais à leurs enceintes
et contre leurs ombres portées.
Mais je n'ai pas fui vers le large :
au contraire, je suis rentré
très loin dans l'homme que j'étais.
Le Seigneur a brûlé mes vignes,
miné de partout mes hauteurs,
il a pris mon ombre à pitié.
Il m'a refait une campagne,
il m'a recouvert de plantiers,
il m'a reformé des collines !
Il me ramène au corps des hommes :
à travers eux, j'entends la fête
des Tabernacles s'annoncer.
La vigne est en fleurs, notre vigne
toute clôture est inutile :
le Seigneur revient vendanger !
*  *  *

Ton alliance est terrible, où veux-tu en venir
dans ce contrat que je ne peux tenir ?
viens toi-même : l'impossible sera tenu.
Tu me naturalises dans ton corps,
tu m'assermentes, tu me ravitailles :
je n'ai plus à chercher mon travail.
Travaille-moi encore, et que je te traduise !
tu m'ouvres les vannes de ton sang,
à chaque messe, tu me reprends.
Alors puis-je ne pas comprendre
quand tu m'envoies, contrat en poche, au monde,
contrat au cœur, pour mon restant de vie ?
Rappelle-moi sans cesse à ta version de l'homme :
je l'ai contresignée devant toi : c'est la bonne,
mais pour nous deux, tiens ton eucharistie.
*  *  *

Un arbre ardent au cœur de moi, son hymne...
de part en part, je brûle en toi, mon feu,
en toi, le Feu dès l'origine.
Mais tu es l'Arbre aussi, dès le commencement
il m'a fallu longtemps descendre
pour te dire la Vie et son germe vivant.
Où me verrai-je alors, si tu es tout ?
pourquoi me trouver ? tu as tout,
pourquoi me rechercher moi-même ?
Tu m'écartes pourtant un peu, à ma prière
puis-je me voir dans ta lumière
aussi comme un buisson ardent ?
Ne me laisse pas vaticiner encore :
je ne te chercherai que dans ta nuit de mort,
la nuit où tu te multiplies...
Et tu te multiplies en toutes tes cellules,
comme un arbre en ses fruits...
retiens-moi, Seigneur : il suffit
De te dire le fruit, l'arbre et le feu...
que je ne rêve pas d'être une nourriture
après ma mort ! retiens mon jeu...
Ou plutôt laisse-moi quand même le jouer :
tu as les pleins pouvoirs et tu délivres,
permets-moi de rêver d'être un jour dans tes vivres.

Patrice de La Tour du Pin, in Psaumes de tous mes temps