Vingt- septième Dimanche du temps ordinaire, année A
Is
5,1-7 ; Ph 4,6-9 ; Mt 21,33-43
1. Refus de l'envoyé de Dieu. Sans
aucun doute la parabole des « mauvais vignerons » a été prononcée
d'abord à propos du comportement d'Israël dans l'histoire du salut : les serviteurs
envoyés par le propriétaire de la vigne pour s'en faire remettre les fruits
sont certainement les prophètes, dont les exigences pour Dieu sont méprisées et
qui sont mis à mort par les vignerons égoïstes. Mais la parabole ne se
trouverait pas dans le Nouveau Testament, si elle ne concernait en rien l'Église.
Celle-ci est, comme le dit la dernière phrase, le peuple auquel est remis le
Royaume de Dieu enlevé à Israël, afin que Dieu reçoive enfin le fruit attendu.
Demandons-nous s'il le reçoit réellement de l'Église, telle que nous la représentons.
Il l'obtient des serviteurs envoyés dans l'Église, avant tout les saints
chargés de mission (canonisés ou non), mais la question qui nous est adressée
demeure : comment l'Église les a-t-elle reçus, et comment les reçoit-elle
encore ? Le plus souvent mal, très souvent pas du tout ; beaucoup
(parmi eux aussi des papes, des évêques, des prêtres) vivent un martyre au sein
de l'Église elle-même : refus, suspicion, moquerie et mépris. Et si on les
canonise pour cela après leur mort, combien de fois leur image est-elle faussée
selon les désirs des gens : Augustin devient le promoteur de la
persécution des hérétiques, François un enthousiaste de la nature, Ignace un
stratège rusé, etc. La parole de Jésus reste vraie à travers les temps : « Un
prophète n'est méprisé que dans sa patrie, dans sa parenté et dans sa maison »
(Mc 6,4). Et chacun dans l'Église doit se demander si la déception de Dieu à
l'égard de la vigne qu'il a plantée – « j'en espérais du raisin, pourquoi
seulement du verjus ? » – ne le concerne pas personnellement, lui qui
est habitué à critiquer l'Église comme telle.
2. La déception de Dieu. Oui, la
déception de Dieu ! A cause de la Synagogue et de l'Église, qui a
constamment tendance à s'enfuir loin de lui, aujourd'hui peut-être plus que
jamais, parce qu'elle croit, dans les questions de la foi, de la liturgie, de
la morale, tout mieux savoir que Dieu avec sa révélation vieillie. L'Église
qui, au lieu de le servir dans la louange et l'adoration, court toujours à
nouveau après des dieux étrangers - la messe comme autosatisfaction de la communauté
(à la fin, si la représentation a été satisfaisante, on applaudit), la prière
comme hygiène de l'âme, le dogme comme archétype psychique, etc. Aussi
alimente-t-elle le souci de Paul : « J'ai grand'peur qu'à l'exemple
d'Ève, que le serpent séduisit par sa fourberie, vos pensées ne se corrompent
et ne s'écartent de la simplicité envers le Christ » (2 Co 11,3). De même
que de la Synagogue « un reste » est demeuré fidèle et sain (Rm 11,5)
ainsi – et certainement encore bien plus – ce « saint reste », Marie,
les saints, l'Église des vrais fidèles, subsistera toujours.
3. Le reste. Paul,
qui se considère comme faisant partie de ce reste, donne, dans la seconde
lecture, une description des dispositions qui y règnent ou doivent y régner. Et
si pour l'Église infidèle c'est une agitation permanente, une manie de ce qui
est le plus nouveau, le plus profitable temporellement, qui assure la meilleure
propagande, qui prédomine, dans le reste fidèle, même malgré la persécution, ou
justement dans la persécution, c'est « la paix de Dieu qui surpasse toute
intelligence ». Et s'il promet à la communauté : « le Dieu de la
paix sera avec vous », alors on reconnaîtra le vrai chrétien à cette paix
qui règne en lui, même s'il déplore l'état du christianisme et fait partie des
affamés et des altérés, qui sont déclarés bienheureux.
Hans Urs von Balthasar, in Lumière de la Parole