mardi 25 mars 2014

En annonçant... Réginald Garrigou-Lagrange, Le motif de l'Incarnation

Credo in Deum...
Filium...
qui propter nos homines
et propter nostram salutem
descendit de c
ælis.
Une des considérations qui peuvent nous faire pénétrer profondément dans la vie intime de Jésus est celle du motif de l'Incarnation, du motif de sa venue en ce monde qui a dû être toujours présent à sa pensée, comme le but de sa vie terrestre. Nous voudrions rappeler ici que, comme le montre saint Thomas, 1° le motif de l'Incarnation fut un motif de miséricorde ; 2° que le Verbe, en s'incarnant pour nous sauver, loin de se subordonner à nous, rétablit l'ordre primitif en le surélevant infiniment ; 3° que Jésus dans sa vie intime est avant tout Sauveur, prêtre et victime.
* * *
Le motif de l'Incarnation fut un motif de miséricorde
Il existe une opinion selon laquelle le Verbe, dans le plan actuel de la Providence, se serait incarné même si l'homme n'avait pas péché. Le Christ serait alors venu, non pas comme Sauveur et victime, mais comme chef du royaume de Dieu, et docteur suprême, pour rendre à Dieu une plus grande gloire, et couronner ainsi la création. Il serait venu ainsi avec un corps immortel, non sujet à la douleur. Mais, ajoute cette opinion, le péché étant survenu, le Christ est venu dans une chair mortelle, in carne passibili, comme Sauveur et victime pour notre salut.
Selon cette opinion, c'est pour ainsi dire accidentellement que, dans le plan actuel de la Providence, Jésus est Sauveur et victime ; avant tout il est Roi des rois, chef du royaume de Dieu.
Saint Thomas 1, qui a examiné la valeur de cette opinion déjà proposée de son temps, écrit à ce sujet : « Il paraît préférable de suivre l'enseignement contraire de ceux qui disent que, selon le plan actuel de la Providence, le Verbe ne se serait pas incarné si l'homme n'avait pas péché. Ce qui en effet dépend de la seule liberté de Dieu au-dessus de tout ce qui est dû à la créature ne peut nous être connu que par la révélation contenue dans l'Écriture. Or l'Écriture dit partout que la raison de l'Incarnation a été la rédemption du genre humain. Il est donc préférable de dire que l'Incarnation a été ordonnée par Dieu comme un remède contre le péché, et que si le premier homme n'avait pas péché, le Verbe, selon le plan actuel de la Providence, ne se serait pas incarné, quoique selon un autre plan l'Incarnation aurait pu avoir lieu sans cette condition ».
En d'autres termes, selon saint Thomas, les thomistes et bien d'autres théologiens anciens et modernes, le motif de l'Incarnation fut surtout un motif de miséricorde, pour relever de sa misère l'humanité déchue. De ce point de vue Jésus est avant tout Sauveur et Victime plus encore que Roi ; c'est là le trait primordial de sa physionomie spirituelle.
Cette réponse est fondée sur de nombreuses paroles de l'Ecriture et sur des témoignages très forts de la Tradition. Daniel (IX, 24) et Zacharie (III, 9) annoncent que le Messie viendra « pour mettre fin au péché », « pour effacer les iniquités de la terre ». Jésus lui-même dit en saint Luc (XIX, 10) : « Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Il dit aussi en saint Jean (III, 17) : « Dieu a tellement aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n'a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais POUR QUE LE MONDE SOIT SAUVÉ PAR LUI ». — Saint Paul écrit (I Tim, I, 15) : « Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ». Saint Jean ajoute dans sa 1ère Épître (I, 7) : « Le sang de Jésus, Fils unique du Père, nous purifie de tout péché » –  « Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat près du Père, Jésus-Christ, le juste. Il est lui-même victime de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde entier » (Ibid, II, 2). « C'est Dieu qui nous a aimés le premier, et qui a envoyé son Fils comme victime de propitiation pour nos péchés » (Ibid, IV, 10).
Du reste, le nom de Jésus veut dire non pas Roi, ou Docteur, mais veut dire Sauveur, et les noms donnés par Dieu expriment le trait primordial de la physionomie spirituelle de ceux qui les reçoivent. L'ange Gabriel, envoyé de Dieu, dit à Marie : « Vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus » (Luc, 1, 32). À Joseph, l'ange dit : « Tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de leurs péchés » (Matth, I, 21). Ainsi le motif de l'Incarnation est ce pour quoi elle a été nécessaire : pour nous sauver par une réparation parfaite de l'offense faite à Dieu, par un acte d'amour réparateur, qui plaise plus à Dieu que tous les péchés ne lui déplaisent, et qui soit une source infinie de grâces pour nous.
La Tradition n'est pas moins affirmative que l'Écriture, comme on le voit par le Symbole de Nicée que l'on chante à la Messe : « Credo in Filium Dei unigenitum..., qui propter nos homines et propter nostram salutern descendit de cælis –  Je crois en Jésus-Christ, Fils unique de Dieu..., qui pour nous autres hommes et pour notre salut est descendu du ciel ». C'est le sens de toute la liturgie de l'Avent et de la Nativité, qui prépare depuis plusieurs siècles les fidèles à célébrer la naissance du Sauveur.
Les Pères de l'Eglise enseignent aussi généralement que, selon le plan actuel de la Providence, le Verbe ne se serait pas incarné si les hommes n'avaient pas eu besoin de rédemption. C'est en particulier la doctrine de saint Irénée 2, de saint Athanase 3, de saint Grégoire de Nazianze 4, du plus grand des Pères grecs, saint Jean Chrysostome, et du plus illustre des Pères de l'Eglise latine, saint Augustin.
Saint Jean Chrysostome dit expressément : « II n'y a pas d'autre cause de l'Incarnation que celle-ci : Dieu nous vit déchus, dans l'abjection, oppressés par la tyrannie de la mort, et il a eu miséricorde »5. Saint Augustin dit de même : « Si homo non periisset, Filius horninis non venisset  Si l'homme n'était pas tombé, le Fils de l'homme ne serait pas venu »6. Le motif de l'Incarnation a été un motif de miséricorde. C'est ce que redisent saint Thomas, tous les thomistes, et beaucoup d'autres théologiens.
Les thomistes en particulier ajoutent cette raison : Dieu, après avoir arrêté le plan de la Providence, ne le modifie pas à cause d'un accident imprévu. Il a d'avance tout prévu ; nul bien n'arrive qu'il ne l'ait voulu, nul mal qu'il ne l'ait permis pour un plus grand bien. Et donc on ne peut dire que Dieu a modifié le plan actuel par suite du péché du premier homme. Le décret divin efficace sur le monde s'étendait d'emblée à tout ce qui devait arriver, d'une façon positive au bien, et d'une façon permissive au mal 7. Or de fait le Verbe est venu dans une chair mortelle et sujette à la douleur, ce qui présuppose le péché, de l'aveu de tous. Donc en vertu du décret primitif, efficace, le Verbe ne se serait pas incarné si l'homme n'avait pas péché. C'est du reste, nous l'avons vu, ce que disent assez clairement l'Écriture et la Tradition. En d'autres termes : le motif de l'Incarnation a été un motif de miséricorde. Comme l'a dit Notre-Seigneur lui-même : « Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc, XI, 10). C'est extrêmement consolant pour nous : les plus grands pécheurs, qui crient vers le Sauveur, trouvent le salut.
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Dieu n'a permis le mal, le péché de l'homme,
que pour un plus grand bien
Mais il est un autre aspect du mystère, qui permet de répondre à la question parfois angoissante qu'on appelle le problème du mal. Pourquoi Dieu a-t-il permis le mal, surtout le mal moral, le péché du premier homme, en prévoyant qu'il s'étendrait à toute l'humanité, par suite privée de la grâce et des privilèges de l'état d'innocence ?
Saint Thomas exprime fort bien ce second aspect du mystère, que certains de ses commentateurs ont négligé 8 et que d'autres ont heureusement mis en relief 9. Il dit (IIIa, q. 1, a. 3, ad 3) : « Rien n'empêche que la nature humaine ait été élevée à quelque chose de plus grand après le péché. Car Dieu ne permet le mal que pour un plus grand bien. C'est pourquoi saint Paul écrit aux Romains, v, 20 : « Là où la faute a abondé, la grâce a surabondé ». Et l'Église chante dans la bénédiction du cierge pascal : « O felix culpa, quae totem ac tantum meruit habere redemptorem – O heureuse faute, qui a mérité d'avoir un tel et si grand Rédempteur ! »
Il est clair en effet que Dieu ne peut permettre le mal, surtout le péché, qu'en vue d'un plus grand bien ; autrement la permission divine, qui laisse arriver le péché, ne serait pas sainte. On ne pourrait certes pas dire a priori pour quel plus grand bien Dieu a permis le péché du premier homme. Mais, après le fait de l'Incarnation, on peut et l'on doit dire avec saint Paul : Dieu n'a permis que la faute abondât que pour que la grâce surabondât en la personne de notre Sauveur et par Lui en nous.
Et donc, lorsque le Verbe s'est fait chair pour nous racheter, il ne s'est nullement subordonné à nous (il nous reste infiniment supérieur, et l'Incarnation est plus précieuse que notre rédemption) ; mais il s'est incliné vers nous, pour nous relever vers lui. C'est le propre précisément de la miséricorde d'incliner le supérieur vers l'inférieur, non pas certes pour le subordonner à l'inférieur, mais pour relever celui-ci. C'est ainsi que le Verbe en s'incarnant s'incline pour restaurer l'ordre primitif, l'harmonie originelle, et même pour surélever cet ordre primitif immensément, en s'unissant personnellement la nature humaine, et en nous manifestant ainsi de la façon la plus profonde sa toute-puissance et sa bonté 10.
Dieu ne permet le mal que pour un plus grand bien, et il n'aurait pas permis ce mal immense qui est le péché originel, s'il n'avait pas eu en vue ce plus grand bien qui est l'Incarnation rédemptrice. C'est ainsi que la Miséricorde divine, loin de subordonner à nous le Verbe incarné pour nous, est la plus haute manifestation de la Puissance de Dieu et de sa Bonté. Elle chante la gloire de Dieu plus que toutes les étoiles du firmament.
Le Verbe fait chair, notre Sauveur, est infiniment plus grand que le premier homme innocent. Marie est aussi, toute proportion gardée, incomparablement supérieure à Ève, et dans la plus pauvre église de village, au moment où se célèbre la messe, est offert à Dieu un culte infiniment supérieur à celui qui lui était offert par le premier homme innocent, dans le Paradis terrestre.
Le trait primordial de la physionomie spirituelle de Jésus
Il s'ensuit que ce n'est pas accidentellement que le Christ est Sauveur, prêtre et victime. C'est là le caractère principal de sa vie. Il n'est pas avant tout un Roi et un Docteur sublime, devenu accidentellement, à cause du péché de l'homme, sauveur de l'humanité et victime 11. Comme le signifie son nom Jésus, il est avant tout le Sauveur, et toute sa vie est ordonnée à sa mort héroïque sur la Croix, par laquelle il réalise sa mission, sa destinée de Rédempteur. Le motif de l'Incarnation est notre rédemption par l'acte d'amour héroïque du Calvaire. Les stigmatisés comme saint François ont dû pénétrer très profondément cette vérité.
Le Christ apparaît ainsi plus grand, l'unité de sa vie beaucoup plus profonde. Elle est toute ordonnée à l'acte d'amour par lequel en s'offrant sur la Croix il a été victorieux du péché, du démon et de la mort, acte d'amour qui plaît à Dieu plus que tous les péchés ne lui déplaisent.
C'est ce que dit saint Thomas (Ia, q. 20, a. 4, ad Im) : « Dieu aime le Christ Jésus non seulement plus que tout le genre humain, mais plus que toutes les créatures prises ensemble ; car il lui a voulu un plus grand bien en lui donnant un nom au-dessus de tout nom, il a voulu qu'il soit vraiment Dieu. Cette excellence souveraine du Christ n'est pas diminuée du fait que son Père l'a livré à la mort pour notre salut ; au contraire, le Christ est ainsi devenu le vainqueur glorieux (du péché, du démon et de la mort), « le souverain pouvoir a été ainsi placé sur ses épaules », comme le dit Isaïe (IX, 5).
On comprend dès lors pourquoi la pensée de la rédemption par la Croix est, avec celle de la gloire de Dieu, la première pensée qu'eut Notre-Seigneur en venant en ce monde et qui ne le quitta pas un instant 12, comme le dit saint Paul (Hébr, X, 7) : « Le Christ dit en entrant dans le monde : Vous n'avez voulu ni sacrifice ni oblation (du sang des taureaux et des boucs), mais vous m'avez formé un corps... Me voici, je viens, ô mon Dieu, pour faire votre volonté ».
Cette oblation sera toujours vivante en son cœur, elle sera comme l'âme de sa prédication et de son sacrifice. Les trois premiers évangélistes nous rapportent que Jésus disait : « Le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour beaucoup »13.
Dans une de ses plus belles paraboles, celle du bon Pasteur, il disait : « Je donne ma vie pour mes brebis... C'est pour cela que mon Père m'aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre. Personne ne me la ravit, mais je la donne de moi-même »14.
Il disait encore : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et que désiré-je, sinon le voir se répandre partout ? Je dois être baptisé d'un baptême, et quelle angoisse en moi jusqu'à ce qu'il soit accompli ! » (Luc, XII, 49). Il parlait du baptême de sang, le plus parfait de tous 15.
Sous une autre forme il exprime le but de sa mission : « Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi. Ce qu'il disait, ajoute saint Jean, pour marquer de quelle mort il devait mourir » (Jean, XII, 32).
C'est la pensée constante du Sauveur quand il forme les apôtres, quand il dit à Pierre qui ne peut porter l'annonce de la Passion : « Tu n'as pas l'intelligence des choses de Dieu, tu n'as que des idées humaines » (Matth, XVI, 23) ; de même quand il dit aux fils de Zébédée : « Pouvez-vous boire le calice que je dois boire, ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? » (Marc, X, 38). C'est la même pensée qui anime la Cène, au moment de l'institution de l'Eucharistie : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous... Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est versé pour vous » (Luc, XXII, 19-20). « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jean, XV, 13).
Enfin Jésus appelle plusieurs fois l'heure de la Passion « son heure »16, car c'est l'heure par excellence à laquelle toute sa vie terrestre est ordonnée.
Jésus est avant, tout Sauveur, prêtre et victime. C'est le trait primordial de sa physionomie spirituelle, le caractère foncier de sa vie intérieure.
Que s'ensuit-il pour nous ?
Il s'ensuit que ce n'est pas accidentellement, dans le plan actuel de la Providence, que les âmes, pour se sanctifier, doivent porter leur croix en union avec le Sauveur. Il l'a dit lui-même, comme le rapporte saint Luc (IX, 23) : « S'adressant à tous, il dit : Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce et qu'il porte sa croix chaque jour et me suive... Celui qui perdra sa vie à cause de moi, la sauvera ». C'est ce qui s'est réalisé d'une façon éclatante chez les martyrs, qui, en unissant leurs souffrances à celle du Sauveur, sauvaient à leur tour des âmes, et parfois celles mêmes de leurs persécuteurs.
Il s'ensuit aussi que pour être un saint, et même un grand saint, il n'est pas nécessaire d'être un docteur, ni un homme d'action, il suffit d'être vraiment configuré au Christ crucifié, comme le fut un saint Benoît-Joseph Labre, qui n'avait à lui que sa pauvreté, sa souffrance héroïquement supportée, et qui apparut comme la vivante image de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Il s'ensuit enfin, comme l'explique profondément saint Thomas (IIIa, q. 62, a. 2) en parlant de l'effet du baptême, que, si la grâce sanctifiante, que possédait le premier homme dans l'état d'innocence, est une participation de la nature divine et fait de nous les enfants de Dieu, la grâce proprement chrétienne, qui nous est communiquée après la chute par le Christ rédempteur, a quelque chose de spécial, qui fait de nous « les membres vivants du Christ ». C'est pourquoi la grâce chrétienne, comme telle, nous inspire de souffrir à l'exemple de Jésus pour expier, réparer les outrages faits à Dieu, pour coopérer à notre salut et à celui du prochain, comme les membres d'un même corps doivent s'entr'aider.
C'est pourquoi nulle idée chrétienne n'arrive à prévaloir, nulle œuvre chrétienne ne persévère qu'après certaines épreuves ; « il faut que le grain de froment, mis en terre, meure, autrement il reste seul ; s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jean, XII, 24).
C'est par là que les chrétiens sont configurés profondément à leur chef qui dit de lui-même aux disciples d'Emmaüs qui ne le comprenaient pas encore : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît toutes ces choses, et entrât ainsi dans sa gloire ? » (Luc, XXIV, 26). C'est ce qu'avait annoncé Isaïe, dans sa prédiction de la Passion (ch. LIII). C'est ce que nous redit tous les jours le Sacrifice de la Messe, et ce qu’il redira jusqu’à la fin du monde.
Réginald Garrigou-Lagrange,
in Le Sauveur et son amour pour nous (1952)
1. IIIa, q. 1, a. 3.
2. « Si la chair n'avait pas eu besoin d'être sauvée, le Verbe ne se serait pas fait chair » (Adv. haereses, 1. V, c. 14, n. 1).
3. « Le Verbe ne se serait pas fait homme, si ce n'avait pas été nécessaire pour nous racheter » (Adv. Arian., or. 2, n. 56).
4. « Pourquoi l'humanité a-t-elle été assumée par Dieu, unie à la divinité (en Jésus) ? Sans aucun doute, pour préparer notre salut. Quelle autre raison peut-on donner ? » (Oratio 30, n. 2).
5. In Epist. ad Hebr., hom. 5, n. 1.
6. Sermo 174, 2, 2.
7. Le décret divin efficace de l'Incarnation porte d'emblée non seulement sur la substance de ce fait, mais aussi sur les circonstances où il sera réalisé hic et nunc, particulièrement sur cette circonstance in carne passibili, incarnation dans une chair passible et mortelle circonstance qui, de l'aveu de tous, suppose la prévision du péché d'Adam.
8.Par exemple Jean de Saint-Thomas et Billuart.
9. Voir l'exposé de ce point de doctrine chez les carmes de Salamanque, et chez les dominicains Godoy et Gonet. Voir aussi ce que dit fort bien Cajetan (in Iam, q. 22, a. 2, n°VII) : (Si non esset peccatum a Deo permissum) « deesset universo hostia illa divini suppositi, quam in cruce obtulit ; quod adeo bonum fuit et est, ut excedat in bonitate omne malum culpæ ; non solum hominum, sed daemonum... O felix culpa... ».
10. On a objecté : Il serait pervers d'ordonner le supérieur à l'inférieur. Or l'Incarnation est supérieure à notre rédemption. Donc il serait pervers de l'ordonner à elle.
Les thomistes ont toujours répondu : Il serait pervers et même absurde d'ordonner le supérieur à l'inférieur comme à un principe de perfection et à une fin dernière, bien certainement ; mais il n'est pas pervers d'ordonner le supérieur à l'inférieur, comme à un sujet perfectible qui doit être perfectionné. Ainsi, bien que notre corps soit pour notre âme, Dieu ordonne d'une certaine manière l'âme au corps pour le vivifier, et il ne créerait pas telle âme d'enfant, si le corps de cet enfant ne commençait à se former. De même, bien que nous soyons pour le Christ, qui est notre fin, il est venu pour nous sauver, et il ne serait pas venu si nous n'avions pas eu besoin d'être sauvés. Comme il y a une dépendance mutuelle entre le corps fait pour l'âme et l'âme qui vivifie le corps, « causae ad invicem sunt causae, sed in diverso genere », il y a aussi dépendance mutuelle entre l'Incarnation en vue de laquelle le péché originel a été permis et ce péché pour la délivrance duquel l'Incarnation rédemptrice a été voulue par la miséricorde divine.
11. Même dans la Messe et l'Office du Christ-Roi, il est parlé constamment du Christ comme Sauveur, car il est roi et par droit de naissance et par droit de conquête ; il a conquis cette royauté universelle pendant la Passion, où il fut couronné d'épines, avant de recevoir la couronne de gloire au ciel.
12. Voir sur ce point le très beau livre écrit au XVIIe siècle par le P. Chardon, op, La Croix de Jésus.
13. Matth, XX, 28 ; Marc, X, 45 ; Luc, I, 68 ; II, 38 ; XXI, 28.
14. Jean, X, 11-18
15. Cf. S. Thomas, IIIa, q. 46, a. 12.
16. Jean, II, 4 ; XII, 23 ; XIII, 1 ; XVI, 21, 25, 32 ; XVII, 1.