Cependant au milieu de ce
décor féerique, je n'aperçois ni Dolat, ni Vita.
Vous
non plus sans doute ! Vous ne pouvez me dire en effet ni si leurs cheveux
sont blonds ou noirs, ni si leurs yeux sont verts ou bleus, ni si leurs robes
sont claires ou sombres, ni si leurs mains et leurs jambes sont fines et
longues, ni même enfin si elles sont grandes ou petites. Pourtant, il fait
clair, presque comme en plein jour, le jour de la nuit. Mais, je vous l'ai déjà
dit, Dolat et Vita sont deux âmes. Le combat qu'elles livrent est sans armes ;
j'ose à peine dire qu'il est en paroles ; et si l'on me comprenait bien,
je dirais plutôt qu'il est en musique. Ce qui est étrange pourtant, c'est qu'à
ce moment où nous ne voyons pas Dolat et Vita, nous les connaissons
véritablement. Par exemple, moi, je sais que Dolat est petite, qu'elle a des
yeux aux reflets d'acier, des mains un peu grasses qui s'abandonnent
facilement ; sa tête porte des cheveux noirs. Sa robe, quand je l'ai vue,
était sombre. Elle était belle cependant, dans son indéfinissable tristesse, et
si confiante, lorsque j'étais près d'elle ! Vita au contraire était
grande, dès que je l'ai aperçue. Elle avait les traits fins, le regard noir
aussi ; dans sa tenue, il y avait quelque chose de dégagé, de vif, de
conquis et de conquérant aussi. Elle portait légèrement une robe claire. C'est
à peine si je lui ai parlé ; mais son souvenir en moi est ineffaçable.
Il est probable que vous,
vous ne les avez pas vues ainsi. Mais qu'importe !
Vous
les avez bien vues et moi aussi ; car ce que je sais, c'est que dans votre
existence vous n'avez pas rencontré des âmes, mais des corps animés ; et
c'est ainsi que Vita et Dolat, vous les connaissez. Peut-être vous ne me
comprenez pas ! Que celui donc qui a des yeux voie, et des oreilles
entende.
LE TÉMOIN. — Pour moi, si
j'étais femme, je dirais
que Vita et Dolat, je les ai vues en hommes ; mais comme je suis un homme,
je n'ai gardé d'elles que la vision de deux femmes, presque de deux âmes, dont
j'aurais à peu près oublié l'incarnation
ou plutôt la carnation, pour ne me
souvenir que de leur humanité.
VITA. — Je le sais pourtant, il n'y a pas de défaut dans l'armure qui me
défend.
Il
n'y a pas de paille dans le fer qui me protège.
Il n'y a pas de brèche dans
le ciel où j'espère.
Je le sais : l'Enfer
ne peut monter jusqu'à l'atteindre.
Il y a la Joie
ici-bas !
DOLAT. — Il y a la Joie ?
Ô vérités cependant que
j'ai dites mystérieusement vraies, mystérieusement inattaquables !
Ô
vérités de chaque moment, de chaque nuit, quand l'esprit sommeille et que la
chair prend sa revanche !
Ô vérités douloureusement
terrestres, douloureusement humaines !
Il y a la Joie ?
Mais
où est-elle, à travers l'homme, à travers sa mission, à travers le Christ, dont
la vie finit, comme celle de tout homme, par la mort, et la mort horrible de la
croix ?
VITA. — Et c'est pourtant
lui qui nous dit : « Je suis venu pour que vous ayez en vous la Joie
abondante et plus abondante, débordante ».
DOLAT. — Il entend nous
parler du ciel que par nos efforts et nos pleurs, avec lui, après la mort, il
nous permet d'ouvrir.
VITA. — Et pour la terre il
n'apporte donc rien ? Ou plutôt si, un renouveau de tristesse !
Ah ! Il vaudrait mieux
alors ici-bas, si on pouvait encore sans la foi se sauver, n'être pas
croyant ; ignorer que le Christ est venu, qu'il a souffert, qu'il est mort
pour nous racheter, puisque pour nous entraîner derrière lui il a rendu notre
misère immuable, puisqu'il a fait que nous n'espérions même plus avec lui nous
réjouir sur cette terre, puisqu'il a appuyé de sa tristesse notre tristesse
pour l'empêcher parfois de s'évanouir !
Oh ! alors, oui, oui,
il vaut mieux ici-bas ignorer que savoir, et peut-être n'être pas que d'être !
DOLAT. — Non, Vita !
Par ce que nous sommes, nous pouvons gagner le Ciel.
VITA. — Il vaudrait mieux
toutefois ignorer que savoir, et nous sauver quand même ?
DOLAT. — C'est ce que je me
demande parfois.
VITA. — Mais c'est un
blasphème à l'éternelle vérité !
Qu'il soit préférable de ne
pas connaître le Christ à le connaître !
DOLAT. - Non, Vita !
Ce n'est pas ce que je veux dire ; mais il est parfois préférable de ne
pas savoir tout ce que demande le Christ, afin de ne pas pécher davantage.
Comme il est parfois préférable de ne pas être averti de l'effort dangereux,
pour se sauver en l'ignorant.
VITA. — Il est préférable parfois de ne pas connaître le
Christ ?
Oh,
que nous sommes donc mauvais et pervers !
DOLAT. — Hélas !
Il est préférable ainsi
pour ceux qui n'ont pas la force de porter le poids de la tristesse qu'il
donne, d'ignorer qu'il la donne.
LE TÉMOIN. — Au ciel de
gros nuages passent sur la lune ; et c'est tout un carré d'ombre qui tombe
sur la terre.
VITA. — Non !
Non ! C'est un blasphème. Le Christ ne donne pas la tristesse !
DOLAT. — C'est-à-dire qu'il
l'assure, qu'il la montre en lui et y invite ses disciples : celui qui
m'aime me suit, jusqu'à mon agonie. Dit-il.
VITA. — Non !
Non ! Ce n'est pas pour cela qu'il a été si longtemps attendu.
Ce n'est pas pour cela que
l'humanité tout entière s'est levée et a salué longtemps avant l'heure celui
qui naîtrait un jour au milieu d'elle.
Ou bien l'humanité tout
entière s'est trompée, et ce peuple particulier s'est trompé quand il a chanté
l'aurore qu'il voyait. Il a pris au bord de la nuit les clairs rayons qui y
filtraient pour les rayons d'une aurore prochaine, quand c'était un crépuscule
qui s'attardait !
Il a pris pour un berceau
un tombeau, pour une naissance une mort, pour une allégresse une
tristesse !
Il s'est trompé de sens. Et
ces hommes qui ont vu l'Astre, promesse d'un jour de clarté, se sont eux aussi
trompés. Ce n'est pas la lumière et la vie, ô mages, que ce roi vous apporte,
c'est la Nuit et la mort, ici-bas !
DOLAT. — En vue de
l'éternité, pour vous éprouver ici-bas.
VITA. — « Et sur la terre paix aux hommes bonne
volonté ». Nous aussi enfin nous nous sommes trompés à interpréter cette
parole ! Cette paix ? C'est l'inquiétude dans les ténèbres.
Nous
nous sommes tous trompés ! Dans la forêt il n'y a que le chant du hibou
qui soit vrai !
DOLAT. — Pourquoi
ne prends-tu que ces paroles qui te plaisent ?
VITA. — Sont-elles
vraies, oui ou non ?
DOLAT. — Et
celles-ci : « J'ai parlé pour que vous n'entendiez pas ni ne
compreniez. Je suis venu apporter le glaive... »
VITA. — J'ai
parlé pour que ceux qui n'ont jamais voulu entendre, désormais deviennent sourds
au bruit formidable que je
fais.
J'ai
descendu le glaive pour me tailler une place en vous, et vous tailler une place
à la Joie.
« Et
sur la terre paix aux hommes de bonne volonté ! »
« Je
suis venu pour que vous ayez la Joie abondamment et plus abondamment ! »
Qu'est-ce
que tout cela veut dire ?
Que
veut dire cette chaleur au cœur que nous ressentons à l'approche de Noël !
Que veulent dire
ces chants d'allégresse : il va venir, il est proche ;
La
rosée fraîche va humecter nos lèvres sèches, rafraîchir notre front brûlant. Il
vient ! Le voici !
Pourquoi
ce cri d'espérance ?
Nous
nous sommes trompés, petits et grands, à le pousser ? Nous nous sommes
trompés à le pousser, humanité, peuple, bergers, mages, et nous avec
vous ?
Nous
nous sommes trompés, quand nous étions des enfants ? Il faut renier notre
jeunesse, sa pureté, sa simplicité ?
Pourtant
cette immensité de rêves qu'elle seule nous a découverte ! Pourtant cette
grandeur, ce relèvement, cette force qu'elle seule nous a donnés !
Il
faut renier ?
Ah !
La tristesse est uniquement vraie alors ! car ce n'est pas sans un
déchirement de cœur inguérissable que l'homme d'un trait raye tout un moment de
sa vie, de sa vie la plus belle, la plus
féconde, semble-t-il.
Mais
nous nous sommes trompés : le dernier mot a été dit ; ce n'était pas
la Joie qui nous était annoncée ici, c'était la tristesse !
Il
faut sur notre vie passée mettre donc un sourire glacé.
Pourtant,
pourtant nous ne pouvons nous résoudre
à ce geste qui est de nous défaire, qui est presque de nous détruire.
Que nous reste-t-il en effet de tant d'agitations dans notre vie, sinon ce souvenir d'un soir ?
D'un
soir d'hiver froid, avec mille étoiles dans
le ciel.
Ce
souvenir d'enfant, d'un soir d'hiver où pour
une fois enfin nous avons connu la Joie.
Que
nous reste-t-il quand nous vieillissons, sinon
ce souvenir d'un soir où tout enfant nous sommes demeurés après
dîner autour de la table à rire et bavarder, sans parler de nous coucher ?
C'était le soir de Noël !
Noël !
Que
fois en ces autres soirs d'hiver j'ai fermé les yeux pour mieux revoir son
image !
Je
m'en souviens encore comme si c'était hier.
Noël !
Oui, ce soir-là, nous étions allés chercher nos souliers, pas ceux que nous
avions déjà aux pieds, mais d'autres que nous avons déposés au bord de la cheminée.
Je crois même me
rappeler que cette cheminée, c'était une fausse cheminée, ou bien plutôt une
cheminée qu'on avait bouchée pour éviter les courants d'air.
Mais vraie ou fausse, ouverte ou fermée, que nous importait puisque c'était par
là qu'il devait passer, le Père Noël !
Vous riez ? Nous avons
trouvé sur nos jouets parfois un peu de suie pour l'attester.
Noël ! La maman avait
dit que dans les souliers mal cirés il n'y aurait rien sans doute. C'était bien
plutôt cela qui nous importait, et non de savoir comment le bonhomme s'y
prendrait pour trouver et reconnaître la paire du petit garçon ou de la petite
fille, la paire aux cuirs noirs qui brillaient.
Noël ! La maman avait
dit aussi qu'on attendrait en faisant la veillée la messe de minuit. Dehors, il
faisait froid ; mais sur le feu il y avait de grands bols qui chauffaient.
Du lait ? Du chocolat ? Je ne sais plus. On les prendrait tout à
l'heure, juste au moment de partir. En attendant, on pouvait jouer, sans trop
crier cependant ; car c'était la nuit. Et l'on jouait tous ensemble !
Noël !
Il était temps à onze heures de la nuit de faire sa toilette. Pensez donc : faire sa toilette à onze
heures ; c'était quelque chose par cela même extraordinaire, qui
n'arrivait que cette fois. C'était quasi quelque chose de mystérieux, quelque
chose donc auquel on s'appliquait malgré le froid, quelque chose que la grande
sœur venait aider à achever, quelque chose que la maman venait toujours
vérifier, le cache-col bien mis ; les gants de laine dans la poche.
Noël ! Les cloches
sonnaient en pleine nuit ! Elles sonnaient à toute volée ! Elles
n'avaient peur de réveiller personne. Il n'y avait que cette fois aussi qu'elles
sonnaient comme elles sonnaient cette nuit-là. Elles emplissaient de leurs notes
la maison, quand la porte enfin était ouverte ; elles emplissaient la rue,
quand nous y étions descendus. Elles nous appelaient. Nous partions. Non pas
encore ! La maman tardait, tardait ! Nous l'appelions. J'ai su depuis
lors qu'elle faisait à ce moment précis l'office du bon père Noël. Oh ! Je
ne le savais pas alors. Jamais cette vilaine pensée ne me serait venue à
l'idée ; elle y a surgi seulement quand j'ai commencé d'être un petit
bonhomme ; et ç'a été, pour l'avoir vérifiée, le premier désenchantement
de ma vie. J'ai toujours cru que j'avais commis là un péché impardonnable, un
vrai péché de curiosité. Et je le crois encore.
Noël ! Dans la nuit,
tous ensemble nous allions à la messe, nous près de nos parents ; car il
faisait grand noir, et les ténèbres ce n'était pas notre affaire. On marchait
vite ; et on arrivait à l'église.
Oh ! cette église de
minuit ! Je m'en souviens comme d'un grand soleil, toute illuminée, pleine
de choses mystérieuses et ravissantes ; c'était les fleurs d'or, c'était
la lumière au sortir des ténèbres, c'était les chants, c'était la messe :
« Puer na-tus est... » Je ne comprenais pas encore le latin, mais je
savais que c'était l'Enfant-Jésus qui naissait, qui était né, qui était là,
lorsque la petite cloche sonnait à la consécration. Tout à l'heure dans mon cœur
j'allais le recevoir ; tout à l'heure devant son image, à la crèche,
j'allais le prier ; tout à l'heure — et j'y pensais déjà — j'allais le
remercier pour le bon père Noël qui avait porté des jouets dans mes souliers,
au bord de la cheminée.
Ah !
Je ne sais plus si les enfants connaissent ces joies-là ! Ils sont si vite
des hommes maintenant !
Noël !
Au plus froid de l'année, au plus noir, c'était notre jour. Il n'y a qu'un jour
de Noël par an. Pour rien au monde, nous n'aurions voulu le manquer !
Noël ! Il y avait une
belle étoile pour l'indiquer.
Sans
doute d'astres au ciel, il y en avait des milliers qui brillaient. Mais il y en
avait une qui n'était pas pareille aux autres. Elle était comme celles que nous
voyons glisser parfois du ciel.
Elle était comme toutes
celles qui sont au ciel, et pourtant elle n'était pas pareille à elles.
Elle était leur petite
sœur ; elle était belle comme elles, mais elle marchait.
Je ne l'ai pas vue,
celle-là ; et pourtant je l'ai vue ; car j'ai vu ses sœurs.
Peut-être d'ailleurs
qu'elle est restée parmi elles !
Salut donc à vous petites
étoiles, mes mies, que j'avais jusqu'ici dédaigné de regarder.
Salut
petites étoiles, promesses vivantes de clarté !
Je vous salue ! Salut étoiles brillantes,
Qui éclairez la route aux voyageurs.
Je vous salue ! Salut étoiles chantantes,
Qui annoncez ainsi notre Sauveur.
Qui éclairez la route aux voyageurs.
Je vous salue ! Salut étoiles chantantes,
Qui annoncez ainsi notre Sauveur.
Et toutes, vous êtes pures, de lumière.
Et c'est toi, te voici que je nomme polaire.
Tu montres sur la mer le vrai chemin.
Et c'est toi, te voici que je nomme polaire.
Tu montres sur la mer le vrai chemin.
Priez pour nous, Reine des pèlerins !
Tu es l'ultime Étoile du Matin.
Tu es l'ultime Étoile du Matin.
Et la voici, celle première qui se lève.
La voici, c'est elle qui commence les beaux rêves.
Au ciel elle a une place de choix.
La voici, c'est elle qui commence les beaux rêves.
Au ciel elle a une place de choix.
Priez pour nous, Reine de notre Roi !
Tu es l'Étoile-Guide de la Foi.
Tu es l'Étoile-Guide de la Foi.
Voici l'autre, comme de l'argent, scintillante.
Au plus haut, comme une couronne, éclatante.
Tu sembles lancer des éclats de feu.
Au plus haut, comme une couronne, éclatante.
Tu sembles lancer des éclats de feu.
Priez pour nous, douce Reine des cieux.
Tu es l'Étoile, gage aux malheureux.
Tu es l'Étoile, gage aux malheureux.
Te voici, ô Belle, qu'on nomme à la prière.
L'enfant rapidement répond de sa voix claire
À sa mère qui supplie à genoux :
L'enfant rapidement répond de sa voix claire
À sa mère qui supplie à genoux :
Étoile du Matin, priez pour nous.
Et tu leur souris à ce nom si doux.
Et tu leur souris à ce nom si doux.
Je vous salue, ô Vous, Étoile Brillante
Sur la terre pour donner le Bonheur.
Je vous salue, ô Vous, Étoile Chantante
Ô Reine, je vous aime de tout cœur !
Sur la terre pour donner le Bonheur.
Je vous salue, ô Vous, Étoile Chantante
Ô Reine, je vous aime de tout cœur !
Salut !
Salut ! Sœurs de lumière !
Salut !
Salut ! Sœurs de prières !
Et salut à vous aussi, qui fûtes
la Mère de notre Dieu,
Le Jésus de la Noël ;
nous aimons tant le prier quand nous sommes petits.
Mais
quand nous avons grandi, avons-nous pour lui des pensées plus fortes, plus
nobles, plus généreuses ?
Quand nous avons grandi,
hélas ! nous ne savons plus lui sourire.
Noël ! Donc. Nous ne
le connaîtrons plus comme nous l'avons connu.
Mais
nous est-il demandé encore de ne plus le reconnaître pour ce qu'il a été ?
De déchirer la page sur laquelle nous l'avons écrit ? Et
ce ne serait rien, mais encore, jusque dans notre cœur d'en bannir le
souvenir ?
Non ! Non ! ce
n'est pas possible qu'une Joie si vraie, une émotion si simple, et dans son
fondement si vraie encore soient effacées d'un trait de plume, parce que nous
sommes devenus des hommes ; qu'il faille sourire et hausser les épaules.
Parce que nous sommes
devenus des hommes. Mais quand avons-nous donc eu des émotions plus pures, plus
saintes dirais-je même, que celles que nous avons connues tout petits ?
Quand ? Quand avons-nous eu dans notre vie des Joies plus durables que
celles-là ?
Pour apprécier, qui est-ce
qui se trompe à vingt ans de distance, l'enfant ou l'homme ?
Aujourd'hui, nous ne
jugeons plus comme nous jugions alors.
Noël ! C'est la fête
des enfants ; mais c'est encore la fête des hommes. Ce n'est pas la même
fête cependant. Nous étions enfants, et nous trouvions l'Enfant-Jésus à notre
porte. Nous sommes des hommes, et nous ne trouvons plus l'enfant à notre porte.
Mais nous avons maintenant la force de le chercher ; et nous partons comme
les Mages, après qu'il est né.
Cette fête verse dans nos
cœurs une liqueur moins douce, mais plus forte, plus rude, et combien
réchauffante encore !
Notre Joie est celle des
Mages après avoir été celle des bergers. Notre Joie est celle des Mages avec
celle des bergers, la Joie de la Foi récompensée, de l'Espérance réalisée, de
l'Amour prouvé,
La
vraie Joie ici-bas.
VITA. — Oh ! souviens-toi, Dolat, de cette nuit de Noël, où les Mages ont
attendu le Messie. Souviens-toi, après tant de marches pénibles de cette
dernière nuit, à Jérusalem, où l'étoile s'est enfuie.
Souviens-toi, ils étaient
partis pleins de courage ; ils arrivaient pleins de fatigue ; et
soudain, à la dernière étape tout semblait leur manquer.
Surtout
l'étoile au ciel cachée.
LE
TÉMOIN. — Vita se tait ; mais elle guide le regard
méditatif de Dolat.
Noël,
c'est la marche à la lumière de ces rois qu'on ne connaît pas.
Noël, c'est cette dernière
nuit de ténèbres, pendant laquelle méditèrent les grands mystères de vie qu'un
enfant leur apportait, ces sages de la terre.
Noël,
c'est leur désir avivé, leur Foi manifestée, leur récompense donnée.
Noël !
François Rahim, in Le jeu de la vie, ou la montée vers la joie.