Don Carlo Cecchin
dimanche 16 décembre 2012
En acrimoniant... Don Carlo Cecchin, Divagations mi-douces mi-amères sur les Fêtes de Noël
Ce dimanche, même si je porte une
chasuble rose, demi teinte de la joie, mon humeur prend toutes les couleurs
liturgiques : vert, rouge et… noir ! Pourquoi ? Je vais vous
l’expliquer. Plus on approche de Noël, plus l’agressivité des gens semble
augmenter (et la mienne ?). Avec ce matérialisme, cette frénésie des achats, la publicité, et la peur
d’avoir oublié quelque chose, en effet, on oublie toujours quelqu’Un, le seul
objet de cette fête : Notre Seigneur Jésus Christ ! Alors que
reste-il de Noël ? Une consommation effrénée. Pensez-vous qu’on dépensera
moins à cause de la crise ? Que nenni ! Cette année les Français dépenseront
davantage ! Que des banalités comme le rire grotesque du père Noël avec sa
parodie idiote du « Petit Papa Noël »,
« fameuse » chanson qui fait pleurer dans les chaumières, le tout
assaisonné de quelques bons sentiments à la sauce humanitaire. De Jésus Christ,
pas un mot ! Noël est devenu une coquille vide, comme celle d’une huître
après un morne réveillon ; la ville est parée pour la fête, certes, mais
elle est plutôt plongée dans une triste nuit, éclairée par des réverbères
blafards : il manque la vraie lumière de la Foi ! Oui, tout comme il
y a deux mille ans, il n’y a plus de place pour le Fils de Dieu fait homme.
Sans Jésus, Noël n’a plus aucun sens ! Dans une de ses homélies, le grand
saint Jean Chrysostome parlait des ténèbres où étaient plongés ses
contemporains : « Dans les
ténèbres on ne sait plus discerner l’or du plomb, nos amis de nos ennemis. Dans
le péché, on ne sait plus reconnaître la véritable nature des choses : ni
les vertus, ni la beauté de la sagesse. Le péché est une démence, une démence
inconsciente, car accompagnée de cet assoupissement que les ténèbres portent en
elles ». Aujourd’hui, nous constatons en effet une déstructuration,
une dénaturation du bien, du vrai et du beau, et nous replongeons dans les
ténèbres de la mort. Voilà pourquoi saint Paul dit de nous réveiller de notre
sommeil ! (Rm 13,11). Saint Jean-Baptiste qui, dans la liturgie de
l’Avent, annonce le Messie, semble crier dans un monde devenu un désert
spirituel effroyable. Alors, je voudrais faire comme saint Jérôme : fuir !
Jérôme, qui était aussi acrimonieux que moi, disparut de la circulation. Ses
gais compagnons le cherchèrent aux thermes, au cirque, partout, mais en vain. Un
beau jour, Vigilance, l’un de ses amis, le trouve dans une grotte de Bethléem
que nous connaissons bien, macéré par les pénitences et les veilles. « Jérôme, pourquoi te terres-tu comme
un ours ? Que crains-tu ? », lui dit-il. Le saint se
redresse sur ses genoux et le fixant lui répond : « Vigilance, je crains les dangers parmi
lesquels tu vis ». « Ceci est une fuite honteuse et non pas une
victoire glorieuse ! » répond Vigilance. « Cela suffit, reprend Jérôme agacé, si telle est ma faiblesse, j’aime être faible ; je préfère fuir
pour vaincre, plutôt que rester pour perdre ». Sans doute, ne pouvons
nous pas tous devenir ermites, et encore moins à Bethléem… Pourtant Jésus nous
y attend, du moins spirituellement. Alors pourquoi, dans la morosité ambiante,
ne ressentons-nous pas la vraie joie qui monte en notre cœur ? Cette
lumière du Christ est toujours là, visible, aveuglante même, mais le monde
saura-t-il la discerner ? Dans ses Élévations
sur les Mystères, le grand Bossuet écrit « Je ne sais ce qui luit au-dedans de vous ; vous êtes
dans les ténèbres et dans les amusements, ou peut-être dans la corruption du
monde ; tournez vous vers l’Orient, où se lèvent les astres ; tournez-vous
vers Jésus Christ qui est l’Orient ; Il se lève comme un bel astre d’amour
de vérité et de vertu » (17 sem., 2 élév.). Alors comme des fils de
lumière, attendons avec impatience cette nuit bénie qui a vu naître le Fils de
Dieu fait homme ; préparons-nous dans l’humilité, avec d’ardents désirs,
un cœur pur, une Foi sans faille, une Charité sans feinte et une grande Espérance :
Jésus est déjà là, il nous attend ! C’est à genoux, à côté de la Vierge
Marie que nous déposerons aux pieds de l’Enfant-Jésus nos angoisses, nos
tristesses, nos problèmes, tout notre amour… pour recevoir cette paix chantée
par les anges. Un poète médiéval, Angelus
Silesius, dans Le Pèlerin
Chérubinique, dit ceci : « Que
le Christ naisse mille fois à Bethléem et non en toi, tu restes perdu à jamais…
La Croix du Golgotha ne peut te délivrer du mal, si elle n’est pas dressée en
toi ». Venez Seigneur, ne tardez plus !