Conceptions
rivales au sujet de Dieu
On m'a demandé d'exposer ce que
croient les chrétiens. J'aimerais d'abord signaler une chose qu'ils n'ont pas
besoin de croire. Si vous êtes chrétien, il n'est pas nécessaire que vous
croyiez que toutes les autres religions sont entièrement fausses. Si vous êtes
athée, votre opinion inéluctable est que toutes les religions du monde ne sont
qu'erreur monumentale. Mais en tant que chrétien, vous êtes libre de penser que
toutes ces religions, même les plus bizarres, renferment au moins une amorce de
vérité. Tant que j'étais athée, j'essayais de me persuader que la majorité de
la race humaine s'était toujours fourvoyée quant à la question qui lui
importait le plus. Il me fut possible d'adopter un point de vue plus libéral en
devenant chrétien. Bien entendu, être chrétien signifie que, sur les points où
le christianisme se différencie des autres religions, lui seul a raison et
toutes les autres sont dans l'erreur. C'est comme pour l'addition : il y a
une seule réponse exacte, et toutes les autres sont fausses. Mais certaines
fausses réponses sont plus proches de la bonne réponse que d'autres.
Le premier grand désaccord qui existe
au sein de l'humanité concerne la foi : la majorité des individus croit en
Dieu ou en une sorte de dieu, et la minorité n'y croit pas. Sur ce point, le
christianisme s'aligne sur la majorité. Il se range au côté des anciens Grecs
et Romains, des animistes contemporains, des stoïciens, platoniciens, hindous,
mahométans, etc., et prend fait et cause contre le matérialisme moderne du
monde occidental.
J'aborde maintenant le deuxième grand
désaccord qui existe entre les hommes. Parmi ceux qui croient en Dieu, on
trouve deux catégories de personnes en fonction du Dieu dans lequel elles
croient. Il y a deux conceptions très différentes à ce sujet. Selon la
première, Dieu est au-delà du Bien et du Mal. L'homme qualifie telle chose de
bonne et telle autre de mauvaise. Mais pour certains, c'est un point de vue
purement humain. Ils diraient que plus l'on devient sage, moins on a envie de
qualifier quoi que ce soit de bon ou de mauvais, et plus on voit que toute
chose est bonne par certains côtés et mauvaise par d'autres côtés, et qu'il
n'aurait pu en être autrement. Par conséquent, ces gens pensent que, bien avant
d'avoir pu au moins nous approcher du point de vue divin, la distinction entre
le bien et le mal aura disparu. Nous qualifions de mauvais un cancer,
diraient-ils, parce qu'il tue un homme ; mais nous pourrions aussi bien appliquer
ce qualificatif à un chirurgien couronné de succès pour avoir tué ce cancer.
Ceci dépend simplement du point de vue duquel on se place. La conception
opposée affirme que Dieu est indubitablement bon ou juste. Il prend
parti, aime l'amour et hait la haine. De plus, Il veut que nous nous
conduisions d'une certaine façon et non d'une autre.
La première de ces conceptions –
celle qui situe Dieu au-delà du Bien et du Mal – est appelée le panthéisme.
Elle a été défendue par le grand philosophe prussien Hegel et par les hindous
eux-mêmes. L'autre conception tient des juifs, des mahométans et des chrétiens.
Cette grande différence entre le
panthéisme et l'idée chrétienne de Dieu s'accompagne souvent d'une autre. Les
panthéistes croient que Dieu, pour ainsi dire, anime l'univers comme vous
animez votre corps. Tout ce qui est, est
Dieu, de sorte que si l'univers n'existait pas, Dieu non plus n'existerait pas,
et tout ce qu'on trouve dans l'univers, selon eux, est une partie de Dieu.
L'idée chrétienne est complètement différente. Selon elle, Dieu a inventé et
créé l'univers – comme un homme qui peint un tableau ou compose une musique. Un
peintre n'est pas un tableau et il ne meurt pas si son tableau est détruit.
Dire qu'il a mis beaucoup de lui-même
dans son œuvre signifie simplement que toute la beauté et l'intérêt du
tableau sont sortis de lui. Son talent s'exprime dans son œuvre autrement qu'il
ne s'exprime dans son esprit ou même dans ses mains.
Vous voyez sans doute comment cette
différence entre panthéistes et chrétiens concorde avec la précédente. Si une
personne ne prend pas au sérieux la distinction entre le Bien et le Mal, il est
alors facile pour elle de prétendre que tout ce qu'on découvre dans ce monde
est une partie de Dieu. Mais, naturellement, si une autre personne estime que
certaines choses sont vraiment mauvaises et que Dieu est réellement bon, elle
ne peut plus prétendre que le monde est une partie de Dieu. Il lui faut croire
que Dieu est distinct du monde et que certaines choses que nous y voyons sont
contraires à sa volonté. Face à un cancer ou à un taudis, le panthéiste peut
s'écrier : « Si seulement vous pouviez considérer ces faits du point
de vue divin, vous vous rendriez compte que c'est encore Dieu ». Le
chrétien rétorque : « Ne racontez pas ces damnées sottises »1.
En effet, selon lui le christianisme est une religion de combat qui affirme que
Dieu a créé le monde. L'espace et le temps, la chaleur et le froid, toutes les
couleurs et les saveurs, les animaux et les végétaux ont été conçus par son
intelligence aussi facilement que s'invente une histoire. Mais cette religion
professe aussi qu'un grand nombre de choses, dans le monde créé par Dieu, ont
mal tourné et que Dieu lui-même insiste fortement pour que nous y remettions de
l'ordre.
Naturellement, ceci soulève une très
grave question : si un Dieu bon a fait le monde, pourquoi celui-ci est-il
devenu mauvais ? Pendant des années, j'ai tout simplement refusé de prêter
l'oreille aux réponses chrétiennes à cette question parce que je m'obstinais à
penser : « Quoi que vous disiez, et aussi habile que soit votre
argumentation, n'est-il pas plus simple et facile d'affirmer que le monde n'est
pas l'œuvre d'un pouvoir intelligent ? Tous vos arguments ne sont-ils pas
simplement une tentative compliquée pour éluder l'évidence ? » Mais
pareille affirmation me plaçait alors dans une autre difficulté.
L'argument que je retenais contre
Dieu était que l'univers paraissait si cruel et si injuste ! Mais d'où
pouvait bien me venir cette idée de juste
et d'injuste ? On ne peut
définir une ligne courbe qu'en possédant la notion de ligne droite. À quoi est-ce
que je comparais cet univers quand je l'appelais injuste ? Si tout le
spectacle était mauvais et insensé de A à Z, pourquoi donc moi, acteur supposé,
pourquoi est-ce que je réagissais si violemment contre ce spectacle ? Un
homme se sent tout trempé quand il tombe à l'eau car, contrairement au poisson
qui n'a jamais pareille sensation, il n'est pas un animal aquatique.
Naturellement, j'aurais pu abandonner mon idée de justice en disant que ce
n'était qu'une idée personnelle. Mais me résoudre à cela annulait du coup mon
argument contre Dieu, car cet argument s'appuyait précisément sur l'affirmation
que le monde est réellement injuste, et pas seulement qu'il ne me plaît pas.
Ainsi, en essayant de prouver
l'inexistence de Dieu – ou, en d'autres termes, que la réalité dans son
ensemble est insensée – je me suis trouvé contraint d'accepter qu'une partie de
la réalité (mon idée de justice) est tout à fait sensée. L'athéisme s'est alors
révélé trop simple. Si tout l'univers n'avait aucun sens, jamais nous ne pourrions
découvrir qu'il n'en a aucun, de même que si la lumière n'existait pas dans
l'univers et s'il n'y existait aucune créature pourvue d'yeux, jamais nous ne
pourrions remarquer qu'il fait nuit. Le mot nuit
n'aurait aucun sens.
L’invasion
Donc, c'est entendu, l'athéisme est
trop simple et je vais vous parler d'un autre concept qui l'est également.
C'est celui que j'appelle le christianisme à l'eau de rose. Il affirme
simplement qu'il y a au ciel un Dieu bon et que tout est parfait. Il écarte
ainsi toutes les doctrines terribles et difficiles concernant le péché,
l'enfer, le diable et la rédemption. Ces deux concepts ne sont que philosophie
pour enfants.
Rien ne sert de réclamer une religion
simple. Après tout, les choses réelles ne le sont pas. Elles paraissent
simples, mais c'est du trompe-l'œil. La table devant laquelle je suis assis
paraît simple, mais demandez à un scientifique de vous expliquer en quoi elle
est vraiment faite – toute la question des atomes et comment les ondes
lumineuses rebondissent sur eux, frappent mes yeux et agissent sur le nerf
optique et sur le cerveau. Vous découvrirez alors que voir une table vous plonge dans un mystère et des complications
sans fin. Un enfant disant sa prière, ça a l'air très simple. Et si cela vous
suffit, fort bien. Mais si cela ne vous suffit pas – et le monde moderne est
dans ce cas – si vous désirez en savoir plus et poser les vraies questions,
alors vous devez vous attendre à la difficulté. Si nous désirons en savoir
plus, ne nous plaignons pas lorsque les choses se compliquent.
Très souvent, cependant, cette
attitude stupide est adoptée par des gens intelligents mais qui, consciemment
ou non, veulent détruire le christianisme. Ils élaborent de celui-ci une
version convenant à un enfant de six ans et en font alors l'objet de leur
attaque. Quand vous essayez d'expliquer la doctrine chrétienne telle qu'un
adulte la conçoit, ils se plaignent alors d'avoir la tête qui tourne, et
affirment que tout cela est trop compliqué ! Ils sont sûrs que si Dieu
existait réellement, Il aurait fait
une religion qui soit simple. La simplicité est si belle, etc. !
Tenez-vous sur vos gardes à l'égard de ces gens qui changent d'idée à chaque
instant et vous font perdre votre temps. Remarquez aussi leur notion de Dieu faisant une religion simple. C'est comme
si la religion était une invention de Dieu et non la formulation de certains
faits immuables concernant sa propre nature, formulation par lui à notre
intention.
Outre sa complexité, la réalité –
d'après mon expérience – est en général curieuse. Elle n'est ni claire, ni
évidente, ni ce à quoi vous vous attendez. Par exemple, quand vous avez compris
que la terre et les autres planètes gravitent toutes autour du soleil, vous
vous attendez naturellement à ce que toutes les planètes soient bien assorties
– à égale distance les unes des autres ou à des distances qui augmentent de
façon régulière, ou qu'elles aient toutes la même dimension, ou alors
grossissent selon l'éloignement du soleil. En fait, il n'y a apparemment aucune
logique dans les dimensions ou les distances.
En fait, la réalité est
habituellement ce que justement vous n'auriez pas deviné. C'est une des raisons
pour laquelle je crois au christianisme. C'est une religion qu'on n'aurait pas
pu deviner. Si elle nous offrait le type d'univers auquel nous nous attendons,
j'aurais l'impression que nous l'avons inventée. Mais en fait, elle ne
ressemble à rien de ce que les hommes pourraient inventer. On y trouve
justement cette curieuse tournure que possèdent les choses réelles. Laissons
donc de côté toutes ces philosophies enfantines, ces réponses on ne peut plus
simplistes. Le problème n'est pas simple, la réponse non plus.
Quel est le problème ? Un
univers contenant beaucoup de choses manifestement mauvaises et apparemment
dépourvues de sens, mais aussi des créatures, nous, qui savons que cet univers
est mauvais et insensé. Seuls deux concepts sont capables d'appréhender
l'ensemble de ces faits. L'un est la conception chrétienne d'un monde bon mais
qui s'est égaré, gardant encore en mémoire ce qu'il aurait dû être. L'autre
concept, le dualisme, prétend qu'il
existe deux puissances égales et autonomes derrière toute chose, l'une bonne et
l'autre mauvaise, et que l'univers est le champ de bataille d'une lutte sans
fin. Je pense personnellement qu'après le christianisme, le dualisme est la
croyance la plus mature et la plus sensée proposée aujourd'hui. Mais elle
recèle un vice caché.
On suppose que ces deux pouvoirs, ces
esprits ou ces dieux sont autonomes : le bon et le mauvais. Tous deux
existent de toute éternité. Aucun d'eux n'a créé l'autre et n'a davantage le
droit que l'autre de s'appeler Dieu. Chacun, vraisemblablement, estime qu'il
est bon et pense que l'autre est mauvais. L'un aime la haine et la cruauté,
l'autre l'amour et la miséricorde et chacun défend son point de vue. Or, que
voulons-nous dire quand nous appelons l'un la Puissance Bonne et l'autre la
Puissance Mauvaise ? Affirmons-nous notre préférence pour l'une d'elles –
comme certains apprécient plus la bière que le cidre – ou suggérons-nous que
l'une a tort quand elle se considère bonne, indépendamment de ce que les deux
peuvent penser et de celle que nous, humains, apprécions à un moment donné ?
Si nous voulons dire simplement que nous préférons la première, inutile alors
de discourir sur le Bien et le Mal. Car le Bien c'est ce qu'on doit choisir,
sans égard pour ce qu'on aimerait à un moment donné. Si être bien signifiait simplement rejoindre sans vraie raison le
parti qu'on aime bien, alors le Bien ne mériterait plus qu'on l'appelle Bien.
Ainsi donc, en qualifiant ces Puissances de bonne et mauvaise, nous voulons
dire que l'une a vraiment raison et l'autre a vraiment tort.
Dès l'instant où vous dites cela,
vous introduisez dans l'univers un troisième élément en plus des deux
Puissances : quelque Loi, Critère ou Règle du Bien à laquelle se conforme
l'une des deux Puissances alors que l'autre ne s'y soumet pas. Or, puisqu'on
évalue ces deux Puissances selon ce Critère, alors ce Critère ou l'Être qui
l'élabora est antérieur et supérieur à l'une et à l'autre Puissance, et Lui
sera le Dieu véritable. En fait, notre conviction en les dénommant bonne ou
mauvaise, c'est que l'une des deux est dans une relation juste avec le vrai
Dieu absolu, alors que l'autre ne l'est pas.
Exprimons les choses autrement. Si le
dualisme est vrai, cette Puissance Mauvaise doit aimer le mal en soi. En
réalité, nous n'avons jamais vu quelqu'un se complaire dans le mal simplement
parce que c'est mal. Ce qui s'en rapproche le plus, c'est la cruauté. Mais dans
la vie, les gens sont cruels soit parce qu'ils sont sadiques – une perversion
sexuelle leur procure, par le truchement de la cruauté, un plaisir sensuel –
soit parce qu'ils veulent en retirer un profit personnel : argent,
puissance ou sécurité. Or le plaisir, l'argent, la puissance et la sécurité
sont de bonnes choses en soi. Le Mal consiste à les poursuivre par la mauvaise
méthode, ou dans un mauvais sens, ou encore de manière excessive. Je ne veux
pas dire, bien entendu, que ceux qui agissent ainsi ne sont pas désespérément
mauvais. Je veux dire que le Mal se révèle être, à l'examen, la quête de
quelque bien mais de la mauvaise manière. On peut être bon pour la bonté en soi ;
on ne peut pas être mauvais pour le mal en soi. Quoique vous n'éprouviez pas
toujours un sentiment de bonté ou quelque plaisir à rendre service, vous pouvez
faire le bien parce que c'est juste ; mais personne n'a jamais commis une
action cruelle simplement parce que la cruauté n'est pas juste, mais parce que
la cruauté lui procurait un certain plaisir ou une quelque utilité. En d'autres
mots, la méchanceté ne réussit pas à être mauvaise autant que la bonté réussit
à être bonne. Si la bonté est, pour ainsi dire, bonne par essence, la
perversité est seulement une bonté dévoyée. Il doit y avoir quelque chose de
bien, avant que cela puisse se corrompre. Nous avons appelé sadisme une
perversion sexuelle ; mais il faut préalablement avoir la notion d'une
sexualité normale pour pouvoir parler de sa perversion. On peut distinguer
entre une attitude perverse et une attitude saine parce qu'on peut expliquer
une attitude perverse en fonction d'une attitude saine, et non l'inverse. Il
s'ensuit que cette Puissance du Mal, supposée sur un pied d'égalité avec la
Puissance du Bien, aimant le mal comme la Puissance du Bien aime le bien, est
un simple épouvantail. Pour être mauvaise, il faut que cette Puissance convoite
des choses bonnes et s'efforce de se les procurer de façon pernicieuse. Elle
doit éprouver des pulsions originellement bonnes afin de pouvoir les pervertir.
Mais si elle est mauvaise, elle ne peut fournir elle-même ni les choses bonnes
qu'elle convoite ni les bonnes pulsions à pervertir. Elle ne peut les obtenir
que de la Puissance du Bien. S'il en est ainsi, elle n'est donc pas autonome.
Elle appartient au monde de la Puissance du Bien ; elle fut créée soit par
la Puissance du Bien, soit par quelque autorité qui les surclasse l'une et
l'autre.
Soyons encore plus simple. Pour être
mauvaise, il faut que cette Puissance existe et possède l'intelligence et la
volonté. Or l'existence, l'intelligence et la volonté sont bonnes en soi. Par
conséquent, elle doit les recevoir de la Puissance du Bien. Pour accomplir sa
vocation déplorable, elle doit emprunter ou voler ces qualités à son adversaire.
Voyez-vous maintenant pourquoi le christianisme a toujours dit que le diable
est un ange déchu ? Ce n'est pas un conte pour enfants. C'est reconnaître
le fait que le diable est un parasite, non un être originel. Les pouvoirs qui
permettent au Mal de poursuivre son action lui ont été donnés par le Bien. Tout
ce qui permet à un homme mauvais d'être efficacement mauvais est en soi une
chose bonne : résolution, habileté, apparence plaisante et existence même.
C'est pourquoi le dualisme au sens strict n'aboutit à rien.
Mais j'admets volontiers que le vrai
christianisme (distinct du christianisme à l'eau de rose) se rapproche du
dualisme plus qu'on ne le pense généralement. Un des traits qui m'a surpris
quand pour la première fois j'ai lu sérieusement le Nouveau Testament, fut qu'à
maintes reprises, il parlait d'une Puissance des Ténèbres agissant dans
l'univers, d'un esprit mauvais d'où émanaient la mort, la maladie et le péché.
Le christianisme affirme, et c'est là son originalité, que cette Puissance des Ténèbres
fut créée par Dieu, qu'elle était bonne lors de sa création mais qu'elle s'est
pervertie. Le christianisme est d'accord avec le dualisme sur le fait que la
lutte sévit dans l'univers. Mais il ne croit pas que ce soit une guerre entre
puissances autonomes. Il estime que c'est une guerre civile, une rébellion, et
que nous vivons dans une partie de l'univers occupée par l'adversaire.
Un territoire sous l'emprise de
l'ennemi, tel est donc notre monde. Le christianisme relate la venue ici-bas du
roi légitime et qui, sans éveiller les soupçons – déguisé, pourrait-on dire –
nous appelle tous à participer à une grande campagne de sabotage. Quand vous
allez à l'église, vous êtes en fait à l'écoute du message secret qui vous
parvient par la radio de nos alliés.
C'est pourquoi l'ennemi désire tellement nous empêcher d'aller à l'église.
C'est en agissant sur notre vanité, notre paresse et notre snobisme
intellectuel qu'il compte nous en dissuader. Je sais qu'on va me demander :
« Voulez-vous dire qu'à notre époque on puisse réintroduire dans nos
conceptions notre vieil ami le diable, avec ses sabots, ses cornes et toute
l'imagerie de Saint-Sulpice ? » Mais je ne vois pas en quoi l'époque
intervient dans cette notion. Je ne suis pas particulièrement attaché aux sabots
et aux cornes, mais ceci mis à part, ma réponse est formelle : « Oui,
c'est bien mon intention ». Je n'ai pas la prétention de connaître quoi
que ce soit de l'apparence physique du diable. Si quiconque désire vraiment le
connaître, je lui répondrai : « Ne vous en faites pas, si réellement
vous le voulez, vous ne serez pas déçu. Quant à savoir si alors vous
l'apprécierez, c'est une autre affaire ! »
L’alternative
choquante
Les chrétiens pensent qu'une
puissance mauvaise s'est instituée comme Prince de ce monde dans le temps
présent. Évidemment, ceci pose question. Cet état de choses serait-il en accord
avec la volonté de Dieu ? Si oui, ce Dieu est un Dieu étrange, direz-vous.
Si non, comment peut-il se produire quoi que ce soit de contraire à la volonté
d'un être doté d'un pouvoir absolu ?
Quiconque ayant exercé l'autorité
sait qu'une chose peut être en accord avec sa volonté dans un certain sens mais
pas dans l'autre. On peut comprendre qu'une mère dise à ses enfants : « Je
ne vais pas venir chaque soir vous faire ranger votre chambre. Il vous faut
apprendre à la tenir en ordre tout seuls ». Un soir, elle monte à
l'improviste et trouve l'ours en peluche, l'encrier et le livre de grammaire
traînant dans un coin. Ce désordre n'est pas l'expression de sa volonté. Elle
préférerait que les enfants aient tout bien rangé. Cependant, c'est par sa
volonté que les enfants ont été libres de mettre le désordre. Ce principe se
vérifie dans tout régiment, syndicat ou établissement scolaire. Lorsque vous
laissez le choix aux gens de faire quelque chose, plus de la moitié des
intéressés ne vont pas la faire. Ce n'est pas ce que vous vouliez au départ,
mais votre volonté l'a rendu possible.
Il en va probablement de même dans
l'univers. Dieu a créé des êtres pourvus d'un libre arbitre. C'est-à-dire des
créatures qui peuvent opter autant pour le bien que pour le mal. Certains
pensent qu'on peut concevoir une créature qui, tout en étant libre, n'aurait
pas la possibilité de choisir le mal. Pour ma part je ne le puis. Si une chose
a le droit d'être bonne, elle a aussi le droit d'être mauvaise. Or c'est notre
libre arbitre qui rend le mal possible. Pourquoi Dieu le donna-t-Il aux hommes
à l'origine ? Parce que ce libre arbitre, bien qu'il laisse au mal le
champ libre, est la seule chose qui rend possible l'amour, la bonté ou la joie.
Un monde d'automates, de créatures se mouvant comme des machines, ne vaudrait
guère la peine d'être créé. Le bonheur conçu par Dieu pour ses créatures les
plus évoluées est le bonheur d'être librement et volontairement liées à lui et
à tout être humain par un amour si merveilleux, qu'en comparaison, l'amour le
plus sublime entre un homme et une femme n'est que de l'eau de rose. Pour en
arriver à cette communion entre Dieu et les hommes, il faut que les êtres
soient libres.
Évidemment, Dieu savait ce qui
arriverait si les hommes usaient à tort de leur liberté, mais Il estimait que
le risque en valait la peine. Peut-être sommes-nous enclins à ne pas être
d'accord avec Dieu. Mais ne pas être d'accord avec Lui pose un problème. Il est
la source même de tout notre pouvoir de raisonnement. Nous ne pouvons avoir
raison et Lui tort, pas plus qu'une rivière ne peut remonter plus haut que sa
source. Quand nous contestons avec Dieu, nous contestons la puissance même qui
nous a donné la faculté de raisonner. En d'autres termes, nous scions la
branche sur laquelle nous sommes assis. Si Dieu pense que cet état de lutte
dans l'univers est le prix valant la peine d'être payé en échange du libre
arbitre, alors croyons-Le. Si, plutôt que d'un monde factice, tel un jouet qui
s'anime quand on tire les ficelles, Dieu a voulu disposer d'un monde vivant où
les habitants peuvent réellement faire le bien ou le mal et où des choses
réellement importantes se passent, alors acceptons que cela en vaille la peine.
Quand nous aurons compris cette
notion de libre arbitre, nous verrons combien il est idiot de demander comme on
me l'a déjà demandé : « Pourquoi Dieu a-t-Il fait une créature avec
tellement de défauts qu'elle a mal tourné ? » Car nous remarquerons
que plus un être est de qualité, plus il est intelligent, fort et libre,
meilleur il sera s'il choisit le bien, mais pire il sera s'il choisit le mal.
Une vache ne peut être ni très bonne ni très mauvaise ; un chien peut être
à la fois meilleur et pire ; un enfant beaucoup plus ; un homme
ordinaire encore plus ; un homme de génie, toujours plus ; un être
super-doué le meilleur ou le pire de tous.
Comment la Puissance des Ténèbres
s'est-elle pervertie ? Voici sans aucun doute une question à laquelle les
êtres humains ne peuvent donner une réponse dont ils soient sûrs. On peut
toutefois émettre une supposition raisonnable (et traditionnelle) fondée sur
notre expérience du mal. Dès l'instant où l'on a la notion du moi, on risque de se mettre en premier –
on veut être au centre de l'attention – on veut être Dieu, en fait. Tel fut le
péché de Satan. Et c'est ce péché-là qu'il enseigna à la race humaine. Certains
pensent que la chute de l'homme a un rapport avec la sexualité, mais c'est une
erreur (le récit de la Genèse suggère plutôt qu'une corruption de notre nature
sexuelle a suivi la chute et en est devenu le résultat et non la cause). Satan
a mis dans la tête de nos lointains ancêtres l'idée qu'ils pouvaient être comme des dieux – capables d'agir à leur
guise comme s'ils s'étaient créés eux-mêmes, être les maîtres de leur vie – et
inventer une sorte de bonheur bien à eux, en dehors et loin de Dieu. De cette
tentative vouée à l'échec est née la quasi-totalité de ce que nous appelons
l'histoire humaine – argent, misère, ambition, guerre, prostitution, classes
sociales, empires, esclavage – la longue et terrible histoire de l'homme
essayant de trouver à Dieu un substitut qui le rendrait heureux.
Voyons la raison pour laquelle cette
tentative ne peut jamais réussir. Dieu nous a faits, nous a inventés comme un
homme invente une machine. Si une automobile est faite pour fonctionner à
l'essence, elle ne fonctionnera convenablement avec aucun autre carburant. Dieu
a voulu que la machine humaine fonctionne avec Lui comme carburant 2. Il est le
combustible que notre esprit doit brûler, ou la nourriture de notre âme. Il n'y
en a point d'autre. C'est pourquoi il ne sert à rien de demander à Dieu de nous
rendre heureux selon nos propres conceptions sans se soucier de la religion.
Dieu ne peut nous donner le bonheur et la paix qu'en Lui, parce qu'ils
n'existent pas en dehors de Lui. Aucune autre solution n'existe.
C'est en ceci que s'explique
l'histoire de l'humanité. Une énergie terrifiante est dépensée, des civilisations
sont bâties, d'excellentes institutions sont élaborées, mais chaque fois ça
tourne mal. Quelque fatalité conduit toujours, à la tête des peuples, des gens
égoïstes et cruels qui n'apportent que ruine et misère. Et la machine cale.
Elle semble fort bien démarrer, avancer de quelques mètres, mais elle finit par
tomber en panne. On veut la faire marcher avec le mauvais carburant. C'est ce
que Satan a fait avec nous, les humains.
Et qu'a fait Dieu ? Tout
d'abord, Il nous a laissé la conscience, le sens du bien et du mal. Tout au
long de l'histoire, des gens se sont efforcés (parfois vigoureusement) d'obéir
à leur conscience. Aucun d'eux d'ailleurs n'y est jamais parvenu vraiment. Puis
Dieu a dispensé à la race humaine ce que j'appelle de bons songes. J'entends
par là ces récits curieux, dispersés dans toutes les religions païennes,
relatifs à un dieu qui meurt et ressuscite et, par sa mort, donne quelque vie
nouvelle aux hommes. Troisièmement, Dieu s'est choisi un peuple spécifique et a
passé plusieurs siècles à lui marteler dans la tête qu'Il était l'Unique et
qu'Il attachait grande importance à une conduite droite. Ces élus étaient les
Juifs. L'Ancien Testament est le compte-rendu de cette éducation que Dieu a
essayé de leur donner.
Un véritable choc s'est alors
produit. Parmi ces Juifs se révèle soudain un homme qui parle comme s'Il était
Dieu. Il prétend pardonner les péchés. Il affirme avoir toujours existé. Il dit
qu'il reviendra pour juger le monde à la fin des temps. Essayons d'y voir plus
clair. Pour les panthéistes, tel l'hindouisme, il n'y aurait rien d'anormal à
ce qu'un homme prétende être une partie de Dieu, ou un avec Dieu. Mais le Juif,
se sachant membre du peuple élu, ne pouvait rien imaginer de semblable. Dieu,
dans le langage des Hébreux, désigne l'Être hors du monde, Créateur de toutes
choses, infiniment différent et incomparable. Quand vous aurez saisi cela, vous
verrez que les propos de Jésus étaient, purement et simplement, la prétention
la plus choquante qu'aient jamais proférées des lèvres humaines.
Pourtant, l'une des prétentions de
cet homme risque d'échapper à notre attention car on l'a si souvent entendue
qu'on ne réalise pas sa portée. Jésus avait la prétention de pardonner les
péchés, n'importe quel péché. Or, à moins qu'Il soit Dieu, prétendre une telle
chose est tellement déraisonnable que c'en est comique. Nous pouvons tous
concevoir qu'un homme pardonne les offenses commises à son égard. Vous marchez
sur mes orteils et je vous pardonne ; vous dérobez mon argent et je vous
pardonne. Mais où classeriez-vous un homme sur les pieds duquel vous n'avez pas
marché ou à qui vous n'avez rien volé, mais qui prétendrait vous pardonner
d'avoir marché sur les pieds d'un autre ou volé l'argent d'autrui ? Quel
âne ! dirions-nous et encore nous serions gentils. C'est néanmoins ce qu'a
fait Jésus. Il a affirmé aux gens que leurs péchés étaient pardonnés, mais sans
jamais consulter les personnes lésées. Il se conduisait sans la moindre
hésitation comme s'Il était concerné au premier chef, la personne visée par
toutes les offenses. Cela n'a de sens que s'Il était vraiment le Dieu dont on
avait violé les lois et dont l'amour était blessé par tout péché commis. Dans
la bouche de quiconque, hormis Dieu, ces mots ne seraient pour moi que
niaiserie et suffisance, sans équivalent chez aucun autre acteur de l'Histoire.
Cependant (et voilà ce qui est
étrange et significatif), même ses détracteurs, quand ils lisent les évangiles,
n'ont pas le sentiment que Jésus était idiot ou prétentieux. Encore moins les
lecteurs qui n'ont pas de préjugés. Le Christ dit de Lui-même qu'Il est « doux
et humble de cœur » et nous Le croyons ; sans remarquer que, s'Il
n'était qu'un homme, nous ne qualifierions certainement pas certaines de ses
paroles de douces et humbles.
Je cherche ici à empêcher quiconque
de prononcer cette phrase vraiment insensée qu'on avance souvent au sujet de
Jésus : « Je suis prêt à voir en Jésus un éminent maître de morale,
mais je récuse sa prétention d'être Dieu ». C'est la chose à ne pas dire.
Un homme qui ne serait qu'un homme et qui tiendrait les propos que tenait Jésus
ne serait pas un grand professeur de morale. Ce serait soit un fou – comme
quelqu'un qui affirmerait être un œuf poché – soit le Démon des enfers. Il nous
faut choisir : ou bien cet homme était et reste le Fils de Dieu, ou bien
Il ne fut rien d'autre qu'un aliéné ou pire encore. Soit vous enfermez ce fou,
soit vous crachez au visage de ce démon et vous le tuez ; soit, au
contraire, vous vous jetez à ses pieds et vous l'appelez Seigneur et Dieu. Mais
n'accordons aucun crédit à cette absurdité condescendante, à savoir qu'Il
serait un grand maître. Il ne nous a pas laissé cette possibilité. Il n'a pas
eu cette intention.
Le
pénitent parfait
Affrontons alors une alternative
effrayante. Soit cet homme dont nous parlons était (et demeure) exactement ce
qu'Il prétendait être, soit Il n'était rien d'autre qu'un aliéné ou pire
encore. Or, il me semble évident qu'Il n'était ni un fou ni un démon. En
conséquence, aussi étrange, terrifiant ou invraisemblable que cela puisse
paraître, je dois accepter le point de vue qu'Il était et qu'Il est Dieu. Dieu
est venu sous une forme humaine dans ce monde occupé par l'ennemi.
Mais alors, à quoi ça rime ?
Dans quel but Jésus est-Il venu ? Eh bien, pour enseigner, ce me semble !
Pourtant, dès qu'on regarde de plus près le Nouveau Testament et les autres
écrits chrétiens, on découvre qu'ils parlent constamment de quelque chose de
différent. Ils parlent de la mort et de la résurrection de Jésus. Il est clair
que pour les chrétiens, c'est là le point essentiel de l'histoire. Ils pensent
que la raison principale pour laquelle Jésus est venu sur la terre, c'est pour
souffrir et être mis à mort.
Or, avant de devenir chrétien,
j'avais l'impression que la première chose que les chrétiens devaient croire,
c'était une théorie spécifique de la raison d'être de cette mort. Selon cette
théorie, Dieu voulait punir les hommes pour leur désertion et leur ralliement à
Satan, le grand rebelle. Mais le Christ s'est porté volontaire pour subir le
châtiment à leur place, afin que chacun reçoive l'absolution de Dieu. J'admets
maintenant que cette idée ne me paraît pas aussi immorale et stupide
qu'autrefois, mais ce n'est pas le point dont je veux débattre. En effet, je me
suis rendu compte, plus tard, que cette théorie ni aucune autre n'est le
christianisme. Le point central de la foi chrétienne est que la mort du Christ
nous a, d'une façon ou d'une autre, replacés dans une situation juste vis-à-vis
de Dieu et nous a donné un nouveau départ. Les théories explicatives de ce
processus sont une autre affaire. De nombreuses théories tentent d'expliquer
comment ça peut marcher, mais les chrétiens sont tous d'accord sur la valeur et
les conséquences de cette mort. Voici mon opinion.
Les gens intelligents savent que, si
on est fatigué et affamé, un repas nous fera grand bien. Mais les théories
diététiques modernes – qui font entrer en ligne de compte les vitamines, les
protéines, etc. – sont autre chose. On s'est toujours senti mieux après un
repas, même avant qu'il soit question des vitamines ; et si un jour cette
théorie des vitamines est abandonnée, nous continuerons à prendre nos repas
comme avant. Les théories concernant la mort du Christ ne sont pas le
christianisme ; elles expliquent comment il fonctionne. Les chrétiens ne
sont pas tous d'accord sur l'importance à accorder à ces vues, et ma propre
Église, l'Église Anglicane, ne soutient pas l'une d'entre elles plus qu'une
autre. L'Église Catholique Romaine va plus loin. Je pense néanmoins qu'elles
conviennent toutes deux que le fait lui-même est infiniment plus important que
toutes les explications des théologiens. Ces Églises admettent probablement
qu'aucune explication ne sera jamais conforme à la réalité. Mais, comme je
l'écris au début de mon livre, je ne suis qu'un laïc, et sur ce point, j'avance
en eau profonde. Je puis seulement vous exposer – vaille que vaille ! –
comment personnellement je conçois cette question.
À mon avis, on ne nous demande pas
vraiment d'accepter les théories. Sans doute certains d'entre vous ont-ils lu
des ouvrages scientifiques. Quand les savants veulent expliquer l'atome par
exemple, ils vous donnent une description vous permettant de vous le
représenter. Ils vous préviennent cependant que cette image n'est pas ce qu'ils
admettent. Ils croient plutôt en une formule mathématique. Les images sont
seulement là pour nous aider à comprendre la formule. Elles ne sont pas vraies
au même titre que la formule, et elles vous donnent seulement une idée de la
réalité. Si elles ne vous sont d'aucun secours, laissez-les tomber. La chose
elle-même ne saurait être représentée ; on ne peut l'exprimer que
mathématiquement. Nous sommes tous logés à la même enseigne. Nous croyons que
la mort du Christ est exactement cet instant dans l'Histoire où quelque chose
d'absolument inconcevable, extérieur à nous, s'est révélé dans notre monde. Si
nous ne pouvons nous représenter les atomes composant notre propre monde, à
combien plus forte raison sommes-nous incapables d'imaginer ce mystère. En
vérité, si nous étions aptes à l'appréhender complètement, ce serait justement
la preuve que l'action du Christ n'est pas ce qu'elle professe être :
l'inconcevable, l'incréé, une manifestation de l'au-delà se précipitant, aussi
rapide qu'un éclair, dans notre monde. Peut-être vous demandez-vous à quoi sert
la mort du Christ si on ne la comprend pas. La réponse est aisée : comme
un homme peut prendre un repas sans savoir exactement comment les aliments le
nourrissent, il peut accepter l'œuvre du Christ à la croix sans savoir comment
elle fonctionne. En fait, il ne pourra jamais savoir comment elle fonctionne à
moins de l'accepter.
On nous dit que le Christ a été
immolé pour nous, que son sacrifice a ôté nos péchés et qu'en mourant, Il a mis
hors de combat la mort elle-même. Voilà la formule. Voilà le christianisme.
Voilà ce qu'il faut croire. Toutes les théories expliquant comment la mort du
Christ a fait tout ceci sont, à mes yeux, tout à fait secondaires, de simples
schémas à délaisser s'ils ne nous aident pas. Même s'ils nous aident, il ne
faut pas les confondre avec la chose elle-même. Cependant, il vaut la peine de
considérer quelques-unes de ces théories.
La théorie mentionnée précédemment –
selon laquelle nous sommes mis hors de cause parce que le Christ s'est porté
volontaire pour subir le châtiment à notre place – semble à première vue une
théorie très sotte. Si Dieu était prêt à nous absoudre, pourquoi donc ne
l'a-t-Il pas fait ? À quoi rimait le fait de punir un suppléant innocent ?
À rien, autant que je sache, si l'on considère la punition d'un point de vue
juridique.
Cependant, si l'on prend l'idée de
dette, on conçoit tout à fait qu'une personne, disposant de liquidités, règle
la dette à la place d'un débiteur insolvable. Enfin, le fait de payer la rançon, non dans le sens de
subir une punition mais au sens plus général de payer les pots cassés ou de régler
la note, est une affaire de la vie courante. Lorsqu'un individu s'est mis
dans le pétrin, c'est habituellement un ami bienveillant qui va le tirer de là.
Or, dans quel pétrin l'homme s'est-il
mis ? Il a essayé de se rendre autonome, de se comporter comme étant son
propre maître. En d'autres termes, l'homme déchu n'est pas simplement une
créature imparfaite qui a besoin d'amélioration, mais un rebelle qui doit
déposer les armes. Déposer les armes, se livrer, dire que l'on regrette, se
rendre compte que l'on a suivi la mauvaise voie, être prêt à recommencer sa vie
à zéro, c'est la seule manière de sortir du pétrin. Ce processus de
capitulation – cette rapide marche arrière – les chrétiens l'appellent la
repentance. Or, se repentir n'est pas drôle. C'est beaucoup plus difficile que
de faire simplement amende honorable. C'est oublier toute l'obstination et la
suffisance que nous cultivons depuis des milliers d'années, détruire une partie
de soi-même et subir une sorte de mort. En fait, seul un homme bon peut faire
cette démarche. Voilà le problème. Seul un individu mauvais a besoin de se
repentir, mais seule une personne portée au bien peut se repentir parfaitement.
Donc, plus vous êtes mauvais, plus vous avez besoin de vous repentir et moins
vous le pouvez. Le seul être humain qui pourrait le faire parfaitement serait
un être parfait, mais alors il n'en aurait pas besoin.
Souvenez-vous, cette repentance –
cette soumission volontaire à l'humiliation et à une sorte de mort – n'est pas
ce que Dieu exige de nous pour nous ramener à Lui et dont Il pourrait nous
dispenser s'Il le voulait. C'est uniquement une description de ce retour à Lui.
Si nous demandons à Dieu de nous ramener à Lui sans la repentance, nous Lui
demandons en fait de nous permettre ce retour sans toutefois revenir. Ce n'est
pas possible.
Il nous faut donc passer par la
repentance. Mais qu'est-ce qui nous rend alors incapables de le faire ?
C'est notre méchanceté. Pourrions-nous le faire avec l'aide de Dieu ? Oui,
mais qu'entendons-nous quand nous parlons de l'aide de Dieu ? C'est pour
ainsi dire vouloir que Dieu intervienne et mette en nous un peu de Lui-même ;
qu'Il nous prête un peu de son pouvoir de raisonnement pour mieux penser ;
qu'Il mette un peu de son amour en nous pour que nous nous aimions vraiment les
uns les autres. Lorsqu'on apprend à un enfant à écrire, on lui tient la main
pendant qu'il forme les lettres ; autrement dit, il forme les lettres
parce qu'on l'aide à les former. Nous aimons et raisonnons parce que Dieu aime
et raisonne et tient notre main pendant que nous agissons. Si nous n'étions pas
déchus, cela irait tout seul. Mais, malheureusement, nous avons besoin de
l'aide de Dieu afin d'entrer dans une démarche que Lui, en raison de sa nature,
ne fait jamais : capituler, souffrir, se soumettre, mourir. Rien dans la
nature de Dieu ne correspond à ce processus, si bien que cette voie unique dans
laquelle nous avons besoin d'être guidés par Dieu est une route qu'Il n'a
jamais foulée. Dieu ne peut partager que ce qu'Il possède. Cet élément, dans sa
propre nature, Il ne l'a pas.
Mais supposons que Dieu devienne un
homme – que notre nature humaine capable de souffrir et de mourir soit unie
avec la nature de Dieu en un seul individu – alors cet individu pourrait nous
aider. Il renoncerait à sa propre volonté, Il souffrirait et mourrait parce
qu'Il serait homme ; et Il pourrait le faire parfaitement parce qu'Il serait
Dieu. Vous et moi, pouvons passer par ce processus seulement si Dieu l'opère en
nous. Mais Dieu ne peut le faire que s'Il devient homme. Par ailleurs, nos
tentatives pour subir cette mort à nous-même ne réussiront que si nous
participons à la mort de Dieu, tout comme notre entendement n'est qu'une goutte
de l'océan qu'est son intelligence. Mais nous ne pouvons partager la mort de
Dieu que s'Il meurt. Ce n'est qu'en devenant homme que Dieu peut mourir. Voilà
dans quel sens il paie notre dette et souffre pour nous ce qu'il n'a nul besoin
de souffrir.
J'ai entendu certains rétorquer que
si Jésus était homme et Dieu à la fois, ses souffrances et sa mort perdraient
toute valeur, « parce que ce serait facile pour Lui ! »
D'autres, à juste titre, blâment l'ingratitude et l'indélicatesse d'une telle
objection ; ce qui me consterne, c'est l'incompréhension qu'elle trahit.
En un sens, ceux qui la soulèvent ont raison. Ils ont même sous-estimé la force
de leurs propres arguments. La soumission parfaite, la souffrance parfaite et
la mort parfaite n'étaient pas seulement plus faciles à Jésus parce qu'Il était
Dieu, mais elles ne pouvaient être possibles que parce qu'Il était Dieu. Voilà
pourtant un bien curieux prétexte pour ne pas les accepter ! Le maître est
capable de former les lettres à la place de l'enfant parce qu'il est un adulte
et sait écrire. Ces conditions, bien entendu, rendent tout plus facile au
maître ; et, parce que c'est plus facile pour lui, il peut aider l'enfant.
Si l'enfant récusait son maître en voyant la facilité évidente avec laquelle
une main adulte écrit, et s'il préférait le concours d'un autre enfant
inexpérimenté (et donc dépourvu de tout avantage « déloyal »), il ne
progresserait pas vite. Si j'étais en train de me noyer dans une rivière tumultueuse
et qu'un homme sur la rive me tendait une main secourable, devrais-je lui crier
tant bien que mal : « Non, ce n'est pas juste ! Vous êtes
avantagé ! Vous gardez un pied sur la terre ferme ! » Cette
supériorité (appelez-la déloyale si
le cœur vous en dit) est précisément ce qui lui permet de me porter secours.
D'où nous viendra le secours si nous ne voulons pas faire appel à plus fort que
nous ?
Telle est ma façon de considérer ce
que les chrétiens appellent l'Expiation. Mais je vous le rappelle, ce n'est
qu'une nouvelle image. Ne la confondez pas avec l'expiation elle-même, et si
cette image ne vous est d'aucun secours, laissez-la tomber.
Conclusion
d’ordre pratique
Le Christ a subi l'humiliation et le
renoncement parfaits : parfaits parce qu'Il était Dieu ; renoncement
et humiliation parce qu'Il était homme. Or la croyance chrétienne est que, si
de quelque façon nous partageons l'humilité et les souffrances du Christ, nous
partageons aussi sa victoire sur la mort et, par conséquent, nous jouirons
d'une vie nouvelle. Nous deviendrons alors des créatures parfaites et
parfaitement heureuses. Ceci va bien au-delà de toutes nos tentatives pour
suivre l'enseignement du Christ. Les gens demandent souvent quand la prochaine
étape de l'évolution va se produire – l'étape après l'homme. Or, du point de
vue chrétien, elle s'est déjà produite. En Christ une nouvelle espèce d'homme
est apparue ; et ce nouveau type de vie qu'il a lui-même inauguré doit
être mis en nous.
Comment cela se fera-t-il ?
D'abord, souvenez-vous comment nous avons acquis notre vie naturelle, ordinaire
celle-ci. Nous la tenons, sans notre consentement, d'autres individus, père et
mère, et de tous nos ancêtres, et par un procédé très curieux qu'on n'aurait
jamais deviné, qui comporte jouissance, douleur et danger. La plupart d'entre
nous passent de longues années de leur enfance à essayer de deviner comment ils
sont venus à la vie, et quelques enfants, quand on le leur révèle, ne le
croient pas. Pour ma part, je ne saurais les en blâmer car ce processus est
vraiment bizarre. Or, le Dieu qui l'élabora est le même Dieu qui décida comment
cette vie nouvelle – la vie du Christ – se répandrait. Attendons-nous à ce que
ce processus nous paraisse bizarre lui aussi. Dieu ne nous a pas davantage consultés
quand il a inventé la sexualité qu'il ne l'a fait quand il a inventé ce
processus.
C'est par trois choses que la vie du
Christ est répandue en nous : le baptême, la foi et cet acte mystérieux
que les chrétiens appellent de noms divers : Cène, Eucharistie ou Repas du
Seigneur. Tout au moins, ce sont les trois méthodes habituelles. Je ne dis pas
qu'il ne puisse exister des cas particuliers où cette vie se répand sans l'une
ou l'autre de ces choses. Je ne dispose pas du temps nécessaire pour traiter
ces cas particuliers, et d'ailleurs je n'en ai pas la compétence. Si vous
vouliez, en quelques minutes, expliquer à quelqu'un comment gagner Bordeaux,
vous lui conseilleriez le train. Il pourrait, il est vrai, s'y rendre en bateau
ou en avion, mais vous n'auriez pas l'idée de lui parler de ces moyens de
locomotion. Je ne prends pas parti pour dire laquelle de ces trois choses est
essentielle. Mon ami méthodiste aimerait que j'insiste davantage sur la foi,
mais je ne m'y laisserai pas entraîner. Quiconque professe de vous enseigner la
doctrine chrétienne vous dira, en fait, d'utiliser ces trois choses, ce qui
suffit à notre but présent.
Moi-même, je ne vois pas pourquoi
elles devraient être conducteurs de
la vie nouvelle. Mais si l'on ne m'avait pas expliqué le mystère de la
procréation, je n'aurais jamais vu la relation entre un plaisir physique
particulier et la venue au monde d'un être humain. Il nous faut accepter la
réalité telle qu'elle se présente à nous. À quoi sert-il de palabrer sur ce
qu'elle devrait être ou que nous aurions voulu qu'elle soit ? Mais, bien
que je ne voie pas pourquoi il en est ainsi, je peux vous dire pourquoi j'y
crois fermement. Je vous ai expliqué pourquoi je dois croire que Jésus était
(et qu'Il est) Dieu. Et n'est-ce pas un fait historique que Jésus a enseigné à
ses disciples que la vie nouvelle est communiquée ainsi ? En d'autres
mots, je Le crois sur parole. Ne vous effrayez pas de cette expression. Croire
une personne sur parole signifie
simplement admettre ce qu'elle dit parce qu'elle est digne de foi.
Quatre-vingt-quinze pour cent des choses que vous savez, vous les avez crues
sur parole. Je crois qu'il existe une ville appelée New York. Je ne l'ai pas
vue de mes propres yeux et je ne pourrais prouver par un raisonnement abstrait
qu'elle existe vraiment. Je le crois parce que des gens dignes de foi me l'ont
assuré. L'homme, en général, croit sur parole au système solaire, aux atomes, à
l'évolution et à la circulation du sang parce que les scientifiques le
certifient. Toute affirmation historique est fondée sur une parole digne de
confiance. Aucun de nous n'a vu la prise de la Bastille ou le sacre de
Napoléon. Aucun de nous ne pourrait prouver ces faits par pure logique comme on
prouve une vérité en mathématiques. Nous les croyons simplement parce que des
témoins les ont vus et ont laissé des écrits les relatant. En fait, nous les
croyons sur parole. Un homme qui regimberait en général devant les paroles
dignes de confiance, comme certains le font en matière de religion, devrait se
contenter de ne rien savoir toute sa vie.
Ne pensez pas que j'érige le baptême,
la foi et la Cène en éléments qui se suffisent à eux-mêmes et se substituent à
nos propres tentatives d'imiter le Christ. Vous tenez votre vie naturelle de
vos parents, mais cela ne signifie pas qu'elle durera si vous n'en prenez pas
soin. Vous pouvez la perdre par négligence, ou la supprimer par le suicide. Il
vous faut la nourrir et l'entretenir ; mais souvenez-vous toujours que
vous n'en êtes pas l'auteur. Vous entretenez seulement une vie reçue de
quelqu'un d'autre. De même, un chrétien peut perdre la vie nouvelle qui a été
mise en lui et il doit faire des efforts pour la conserver. Même le meilleur
chrétien qui ait jamais vécu n'agit sur sa propre impulsion vitale. Il nourrit
ou protège simplement une vie qu'il n'aurait jamais pu acquérir par ses propres
efforts. Ceci entraîne des conséquences pratiques. Aussi longtemps que la vie
naturelle anime notre corps, elle agira sans arrêt pour réparer ce corps.
Faites-vous une blessure, et jusqu'à un certain point, contrairement au
cadavre, ce corps guérira. Un corps vivant n'est pas un corps qui jamais ne se
blesse mais qui, jusqu'à un certain point, se répare tout seul. De même, un
chrétien n'est pas un homme qui ne fait jamais le mal, mais plutôt un homme
apte à se repentir, à se relever et à se remettre en route après chaque
faux-pas. Et ceci parce que la vie nouvelle habite en lui, le guérissant
constamment, lui permettant de réitérer (jusqu'à un certain point) la sorte de
mort volontaire que le Christ lui-même a soufferte.
Les gens essaient d'être bons pour
plaire à Dieu si jamais Il existe ou, s'ils sont athées, pour mériter
l'approbation des hommes de bien. Mais le chrétien est dans une situation
différente. Il croit plutôt que tout ce qu'il fait de bien émane de la vie
nouvelle qui est en lui. Il ne conçoit pas que Dieu nous aime parce que nous
sommes bons, mais plutôt qu'Il nous rendra bons parce qu'Il nous aime ;
comme le toit d'une serre n'attire pas le soleil parce qu'il est brillant, mais
qu'il brille parce que le soleil darde sur lui ses rayons.
Soyons clairs : quand les
chrétiens disent que la vie nouvelle est en eux, ils n'évoquent pas simplement
un phénomène mental ou moral. Quand ils parlent d'être en Christ, ou du Christ en
eux, cela ne signifie pas simplement qu'ils pensent au Christ ou qu'ils
L'imitent. Ils veulent dire que le Christ opère réellement à travers eux ;
que l'ensemble des chrétiens est l'organisme physique au travers duquel le
Christ agit – nous sommes ses doigts, ses muscles, les cellules de son corps.
Peut-être est-ce la raison pour laquelle cette vie nouvelle se développe non
seulement par des actions purement mentales comme la foi, mais aussi par des
actes physiques comme le baptême et la Cène. Il ne s'agit pas seulement de
répandre une idée ; il s'agit plutôt d'une évolution – un fait biologique
ou supra-biologique. Il ne sert à rien d'essayer d'être plus spirituel que
Dieu. Dieu n'a jamais voulu que l'homme soit une créature purement spirituelle.
C'est pourquoi Il se sert d'éléments matériels tels que le pain et le vin pour
répandre la vie nouvelle en nous. Ceci nous paraît peut-être bassement
matériel, sans spiritualité, mais nous nous trompons. Dieu a inventé le boire et le manger et Il aime la
matière qu'Il a créée.
Un autre mystère m'intriguait
autrefois : n'est-ce pas terriblement injuste que cette nouvelle vie soit
l'apanage de ceux qui ont entendu parler du Christ et ont pu croire en Lui ?
Or Dieu ne nous a pas fait part de ses dispositions relatives aux autres
individus. Nous savons parfaitement qu'aucun homme ne peut être sauvé si ce
n'est par le Christ. Mais nous ne savons pas si seuls ceux qui Le connaissent
sont sauvés. Alors que vous vous inquiétez à propos des personnes du dehors,
l'attitude la plus déraisonnable que vous puissiez adopter est de rester
vous-même en dehors. Les chrétiens sont le corps du Christ, l'organisme au
travers duquel Il agit. Toute adjonction à ce corps Lui permet d'œuvrer
davantage. Si vous voulez intervenir auprès de ceux qui restent en dehors, il
faut ajouter votre pauvre petite cellule au corps du Christ qui, seul, peut
leur venir en aide. Sectionner les doigts d'un homme serait une bien curieuse
façon de l'entraîner à travailler davantage.
Une autre objection est parfois émise :
pourquoi Dieu est-il descendu d'une manière si discrète – en ce monde occupé
par l'ennemi – et a-t-Il créé une sorte de société secrète pour saper l'action
du diable ? Pourquoi n'est-il pas venu en force envahir cette terre ?
Manquerait-Il de puissance ? Eh bien, les chrétiens croient qu'Il va venir
en force. Nous ne savons pas quand Il viendra, mais nous pouvons deviner
pourquoi Il n'est pas encore venu. Il veut donner à chacun l'occasion de se
ranger à son bord en toute liberté. Vous n'auriez sans doute pas beaucoup
d'estime pour un Français qui attendrait que les Alliés pénètrent en Allemagne
pour se déclarer de leur côté. Dieu va revenir. Mais ces personnes qui veulent
que Dieu intervienne ouvertement et directement dans notre monde, se rendent-elles
compte de ce qu'il adviendra quand Il le fera effectivement ? Ce sera la
fin du monde, la fin du spectacle ! Mais à quoi servira-t-il, ce jour-là,
de dire qu'on est de son côté au moment-même où l'univers s'évanouit comme un
rêve et où quelque chose d'absolument inimaginable y pénètre avec fracas,
quelque chose de si beau pour certains et si terrible pour d'autres, qu'aucun
n'aura plus la possibilité de choisir ? Dieu se manifestera alors
ouvertement, avec une telle force que chacun sera frappé soit d'un amour, soit
d'une horreur irrésistibles. Trop tard alors pour choisir son camp ! Il ne
sert à rien de dire qu'on choisit de rester couché quand il est devenu
impossible de se lever. Le temps du choix sera passé. Ce sera plutôt le temps
de découvrir pour quel camp nous avions vraiment opté, consciemment ou non.
C'est donc aujourd'hui, à cet
instant-même, que l'occasion nous est donnée de faire le bon choix. Dieu
retarde l'accomplissement de son dessein pour nous donner encore cette
possibilité. Elle ne saurait durer éternellement. Il nous appartient de saisir
cette occasion ou de la laisser passer.
Clive Staple Lewis, in Les fondements
du christianisme
1. Un auditeur s'est plaint du mot damné comme étant un juron mal placé.
Mais c'est bien ce que je veux dire : une sottise qui est damnée est maudite par Dieu et (sauf si
la grâce de Dieu opère) conduira ceux qui y croient à la perdition éternelle.
2. Aristote et Saint-Thomas ont déjà
dit que Dieu était « le premier moteur de l'univers ».