jeudi 17 juillet 2014

En illuminant... Joseph Ratzinger, Le relativisme en théologie

Conférence présentée durant la réunion de la Congrégation de la Doctrine de la Foi en présence des présidents des commissions doctrinales de la conférence épiscopale d'Amérique Latine (Guadalajara, Mexique, mai 1996).
Dans les années 80, la théologie de la libération apparut, sous ses formes les plus radicales, comme le défi le plus pressant lancé à la foi de l'Eglise, défi qui réclamait une réponse et une clarification. Car elle offrait une réponse nouvelle, plausible et en même temps pratique à la question fondamentale du christianisme : la question de la Rédemption. Le mot libération devait exprimer d'une manière différente, plus compréhensible, ce que le langage traditionnel de l'Eglise appelait Rédemption. En fait, en arrière-plan, c'était toujours la même question : nous faisons l'expérience d'un monde qui ne correspond pas à un Dieu de bonté. La misère, l'oppression, le règne d'injustices de toutes sortes, la souffrance du juste et de l'innocent sont les signes du temps — de tous les temps —. Et chacun souffre : nul ne peut dire de ce monde et de sa propre vie : « arrête-toi, tu es si beau ». La théologie de la libération, à partir de notre expérience, intervenait en disant : cette situation, qui ne doit plus durer, ne peut être surmontée que par une transformation radicale des structures de notre monde, qui sont des structures de péché et de mal. Si donc le péché exerce son pouvoir sur les structures, et que par elles la montée de la misère est programmée d'avance, alors on ne saurait le renverser par la conversion individuelle, mais seulement par le combat contre les structures d'injustice. Mais ce combat, est-il dit, doit être un combat politique, car c'est grâce à la politique que les structures peuvent être consolidées et préservées. Ainsi, la Rédemption devient un processus politique, dont la philosophie marxiste montre le chemin. Elle devient une tâche, mieux encore, un devoir pour les hommes de se prendre en main eux-mêmes, et par là elle se transforme en une espérance tout à fait pratique : la foi passe de la théorie à la praxis, et devient action concrète, rédemptrice, dans le processus de libération.
La chute des systèmes politiques européens inspirés par le marxisme fut une sorte de crépuscule des dieux pour cette théologie d'une praxis politique rédemptrice : c'était précisément là où l'idéologie marxiste de la libération avait été appliquée dans toutes ses conséquences, que s'était développée cette radicale privation de liberté dont les horreurs sont devenues visibles au grand jour dans toute leur crudité. Là où la politique se veut être rédemption, elle promet trop. Là où elle veut faire le travail de Dieu, elle ne devient pas divine, mais démoniaque. Les événements politiques de 1989 ont aussi modifié le scénario théologique. Jusqu'alors, le marxisme avait été la dernière tentative d'élaboration d'une action dans l'histoire se voulant de portée universelle. Il croyait savoir comment s'élabore l'histoire du monde et par là pensait pouvoir montrer comment cette histoire pouvait être mise définitivement sur la bonne route. Le fait qu'il se soit fondé sur des méthodes apparemment strictement scientifiques, remplaçant la foi par la connaissance et la connaissance par l'action, lui conférait son extraordinaire fascination. Toutes les promesses non tenues des religions semblaient enfin remplies grâce à cette praxis politique scientifiquement fondée. La chute de cette espérance devait entraîner une immense désillusion qui est loin d'être acceptée. On peut donc penser que de nouvelles formes d'images du monde inspirées par le marxisme se présenteront encore à nous. Pour le moment, nous ne pouvons que rester dans l'expectative : l'échec du seul système scientifique proposant une solution aux problèmes de l'homme ne peut que justifier le nihilisme ou du moins un relativisme total.
Le relativisme, philosophie dominante
C'est ainsi que le relativisme est devenu maintenant de fait un problème central pour la foi. Il ne se manifeste pas seulement comme une sorte de résignation devant l'immensité de la vérité, mais il se définit également de manière positive par les concepts de tolérance, de liberté et de reconnaissance par le dialogue, concepts qui resteraient limités si l'on supposait une vérité valables pour tous. Le relativisme apparaît en même temps comme le fondement philosophique de la démocratie, reposant sur le fait qu'il n'est permis à personne de prétendre connaître le juste chemin de la vérité ; la démocratie fonde son existence sur la reconnaissance mutuelle de toutes les voies, qui sont autant de fragments d'expériences en vue d'un monde meilleur, et sur la recherche d'une communauté de dialogue, qui va jusqu'à englober les rivalités de connaissances contradictoires. Dans ce cadre, un système de vérité serait essentiellement un système de positions qui se comprennent d'autant mieux qu'elles sont davantage relativisées, qui de surcroît dépendent de circonstances historiques et qui doivent demeurer ouvertes à de nouveaux développements. Une société libérale serait une société relativiste ; ce n'est qu'à cette condition qu'elle pourrait rester libre et ouverte vers l'avenir.
Dans le domaine politique, cette conception est très largement justifiée. Il n'y a pas de vérité unique en matière d'option politique. Ce qui est relatif, la construction d'une communauté humaine organisée librement, ne peut être absolu ; penser de cette façon, c'est là l'erreur du marxisme et des théologies politiques. À vrai dire, on ne peut guère arriver à grand-chose, dans le domaine politique, avec un relativisme total : il existe une injustice qui ne peut devenir la justice (par exemple tuer des innocents, refuser à des individus ou à des groupes le droit à la dignité humaine et aux conditions de vie correspondantes) ; il y a une justice qui ne peut devenir injustice. On ne peut donc dénier un certain droit du relativisme dans le domaine politique et sociologique, mais le problème se pose quand il s'établit lui-même sans limitations. Mais ce relativisme s'applique également, de manière tout à fait consciente, au domaine de la religion et de l'éthique. Je ne peux souligner que par quelques allusions les développements qui déterminent aujourd'hui le dialogue théologique. La théologie pluraliste des religions s'était déjà développée progressivement depuis les années 50, mais elle se trouve maintenant entraînée au centre de la conscience chrétienne 1. Dans un certain sens, elle occupe — en termes de pression exercée par sa problématique et de présence dans les espaces culturels les plus divers — la place de la théologie de la libération dans les décennies précédentes ; de plus, elle présente avec cette dernière de nombreux points communs et tente de lui donner une forme actuelle et renouvelée. Elle présente de nombreuses nuances, il n'est donc pas possible de la définir par une formule brève et d'en résumer l'essentiel. D'un côté, elle est un enfant typique du monde occidental et de ses modes de pensée philosophiques, mais de l'autre elle touche aux intuitions philosophiques et religieuses de l'Asie, particulièrement du sous-continent indien d'une manière étonnante, au point que le contact entre ces deux mondes lui donne actuellement une impulsion particulière.
Le relativisme en théologie - la christologie revue et corrigée
Ces traits sont clairement visibles chez l'un de ses fondateurs et représentants éminent, le presbytérien américain J. Hick, dont le point de départ philosophique se trouve dans la distinction kantienne entre le phénomène et le noumène : nous ne pouvons jamais voir la vérité ultime en elle-même, mais seulement sa manifestation dans notre mode de perception, à travers différents prismes. Tout ce que nous percevons n'est pas la réalité véritable, qui existe en soi, mais en est un reflet à notre mesure. Ce concept que Hick avait d'abord tenté de formuler dans un contexte christologique, il le transforma, après un séjour d'un an en Inde, en une nouvelle forme de théocentrisme, par le jeu, selon ses dires, d'une « révolution copernicienne » de la pensée. L'identification d'une figure historique unique, Jésus-Christ, avec le Réel en soi, le Dieu vivant, est désormais rejetée comme une régression vers le mythe. Jésus est consciemment relativisé comme un génie religieux parmi d'autres. L'Absolu ne peut advenir dans l'histoire, il ne peut y avoir que des modèles, des formes idéales, qui nous mettent sur une toute autre voie, selon laquelle rien dans l'histoire ne peut être saisi en soi. Il est clair que l'Église, les dogmes, les sacrements doivent sans tarder perdre leur caractère inconditionnel. Faire un absolu de ces moyens si limités, les considérer comme rencontres véritables avec la vérité, valables pour tous, d'un Dieu qui se révèle, cela signifie que le particulier est érigé en absolu et que par là on manque le caractère infini du Dieu tout autre.
De ce point de vue, qui s'étend bien au-delà des théories de Hick, croire qu'il existe réellement une vérité, qui s'impose et demeure valide dans l'histoire elle-même, de la figure de Jésus-Christ et de la foi de l'Eglise, est considéré par la pensée dominante comme une sorte de fondamentalisme, qui apparaît comme le véritable agresseur de l'esprit de la modernité et la menace fondamentale contre ses bienfaits suprêmes, la tolérance et la liberté.
C'est ainsi que la notion de dialogue, qui avait une signification très importante dans les traditions platonicienne et chrétienne, a pris un sens tout à fait différent. Elle est devenue à la fois la quintessence du Credo relativiste et l'antithèse de la conversion et de la mission : le dialogue, dans sa signification relativiste, revient à placer l'opinion particulière, c'est-à-dire la foi personnelle, au même niveau que les convictions des autres, et à lui refuser par principe d'être plus vraie que les opinions des autres. Ce n'est que si je présuppose fondamentalement que l'autre pourrait avoir autant ou davantage raison que moi, qu'un véritable dialogue peut avoir lieu. Le dialogue devrait être un échange entre des positions placées par principe au même niveau et donc mutuellement relatives, le but étant de parvenir à un point culminant dans la coopération et l'intégration entre les différentes formes de religion 2. La dissolution relativiste de la christologie et encore plus de l'ecclésiologie devient alors un commandement central de la religion. Et pour en revenir à Hick : la foi dans une divinité unique, nous dit-il, conduit au fanatisme et au particularisme, à la dissociation de la foi et de l'amour ; c'est cela précisément qu'il faut vaincre 3.
Le recours aux religions de l'Asie
Dans la pensée de J. Hick, que nous considérons ici comme un représentant éminent du relativisme religieux, se rejoignent d'une façon tout à fait remarquable la philosophie post-métaphysique européenne et la théologie négative de l'Asie, pour laquelle le divin ne peut jamais se dévoiler dans le monde des apparences dans lequel nous vivons : il se montre toujours dans des reflets relatifs et demeure lui-même au-delà de tous les discours, au-delà de tous les concepts, dans une transcendance absolue 3. Les deux philosophies sont en elles-mêmes fondamentalement différentes depuis leur point de départ jusqu'à l'orientation qu'elles proposent à l'existence humaine. Cependant, elles semblent se confirmer mutuellement dans leur relativisme métaphysique et religieux. Le relativisme a-religieux et pragmatique de l'Europe et de l'Amérique peut emprunter à l'Inde une sorte de consécration religieuse, dont le renoncement aux dogmes semble mieux respecter la dignité du secret de Dieu et de l'homme. Inversement, le recours des pensées européenne et américaine à la vision théologique et philosophique de l'Inde renforce le relativisme et les multiples formes religieuses qui appartiennent à son héritage. Il semble donc nécessaire à la théologie chrétienne en Inde d'ôter à l'image du Christ sa singularité, qui relève d'une vision typiquement occidentale, et d'y placer au même niveau les mythes indiens de rédemption : le Jésus historique (c'est ainsi que l'on pense aujourd'hui) est somme toute aussi peu le Logos que n'importe quelle autre figure historique de salut 5. La revendication du relativisme d'être le signe de la rencontre des cultures, en tant que véritable philosophie de l'humanité, lui donne une force de pénétration, à l'Est et à l'Ouest, qui ne semble permettre, comme on l'a déjà indiqué plus haut, aucune résistance. Quiconque s'y oppose se place en adversaire non seulement de la démocratie et de la tolérance, mais aussi des commandements fondamentaux de la réciprocité entre les hommes ; il persiste obstinément à donner la prééminence à sa propre culture occidentale et se refuse à la réciprocité des cultures, qui est manifestement l'impératif de l'heure. Qui veut en rester à la foi de la Bible et de l'Eglise, se voit en premier lieu poussé dans un no man's land culturel ; il doit d'abord redécouvrir la « folie de Dieu » (1 Corinthiens 1, 18) pour reconnaître en elle la véritable sagesse.
Orthodoxie et orthopraxie
Pour pénétrer la sagesse qui se trouve dans la folie de la foi, il est utile, si nous cherchons au moins à nous assurer de son commencement, de voir à quoi sert la théorie relativiste des religions de Hick et sur quelle voie elle conduit les hommes. En dernière analyse, la religion, pour Hick, signifie que l'homme passe de l'état centré sur lui-même du vieil Adam à l'existence centrée sur la réalité de l'homme nouveau, et sortant du Soi propre pour rejoindre le Tu du prochain 6. Cela sonne bien, mais à l'examen le contenu est creux et sans signification, tout autant que l'appel à l'authenticité lancé par Bultmann, et qu'il avait emprunté à Heidegger. De ce fait, on n'a plus besoin de la religion. Ressentant cette lacune, l'ancien prêtre catholique P. Knitter a essayé de surmonter la vacuité d'une théorie religieuse réduite en fin de compte à un impératif catégorique par une synthèse concrète, nouvelle et plus consistante entre l'Asie et l'Europe 7. Il propose de donner à la religion une expression plus concrète en reliant la théologie pluraliste des religions aux théologies de la libération. Le dialogue inter-religieux devrait par là être radicalement simplifié et en même temps devenir plus efficace, en se fondant sur un présupposé unique : « le primat de l'orthopraxie sur l'orthodoxie »8. Placer la praxis au-dessus de la connaissance relève certes d'un bon héritage marxiste, mais le marxisme se contente de concrétiser seulement ce qui résulte logiquement du silence de la métaphysique : là où la connaissance est impossible, il ne reste plus qu' à agir. Mais Knitter affirme : On ne peut atteindre l'absolu, mais seulement agir. La question est : Pourquoi en fait ? Comment puis-je agir de manière juste, si je ne sais absolument pas ce qui est juste ? La chute du régime communiste repose précisément sur le fait que l'on a transformé le monde sans savoir ce qui était bon ou mauvais pour lui ; sans savoir dans quelle direction on devait le changer pour qu'il devienne meilleur. La pratique pure n'est pas la lumière.
C'est le moment ici d'examiner de façon critique le concept d'orthopraxie. L'histoire des religions avait établi que les religions de l'Inde ne connaissent aucune orthodoxie, mais seulement une orthopraxie ; on suppose que c'est par là que ce concept est entré dans la théologie moderne. Mais dans la description des religions de l'Inde, il avait un sens tout à fait précis : on voulait dire par là que ces religions n'avaient pas à connaître un enseignement de foi obligatoire et de portée générale, et que l'appartenance à ces religions n'était pas définie par l'acceptation d'un credo déterminé. Cependant ces religions connaissent un système d'actes rituels qui sont considérés comme nécessaires au salut et qui sépare les croyants des non-croyants. Le croyant ne se reconnaît pas à un contenu de foi précis, mais par l'observance scrupuleuse d'un rituel qui embrasse toutes les dimensions de la vie. Ce que signifie l'orthopraxie, ce qui est également l'agir juste, est déterminé très précisément : un code de rituels. D'autre part, le mot orthodoxie avait presque la même signification dans l'Église primitive et dans les Églises d'Orient. Car dans le suffixe doxie, la doxa n'était bien sûr pas entendue dans le sens d'une opinion — pour les Grecs les opinions sont toujours relatives — . La doxa était comprise essentiellement comme gloire, glorification. Être orthodoxe, cela signifie connaître et pratiquer la véritable manière dont Dieu veut être glorifié. C'est aussi le culte et, à partir du culte, la vie elle-même. Il s'agit là d'un pont solide qui pourrait permettre un dialogue fructueux entre l'Est et l'Ouest.
Mais revenons à la signification du terme orthopraxie dans la théologie moderne. Personne ne pensait ici à l'observance d'un rituel. Le mot a pris un sens nouveau, qui n'a rien à voir avec les représentations authentiques de l'Inde. Une chose reste : si l'exigence d'orthopraxie doit avoir un sens et ne point dissimuler un refus de l'obligation, alors il doit exister une pratique commune, connaissable par chacun, qui dépasse le discours général du centré sur soi et du tourné vers le prochain. Si l'on exclut le sens rituel que lui donne l'Asie, alois la praxis peut être comprise dans un sens éthique ou politique. Dans le premier cas, l'orthopraxie devrait présupposer un ethos dont le contenu soit clairement défini. Il est clair que cela serait complètement exclu dans un débat éthique relativiste : il n'y a tout simplement pas de bien ou de mal en soi. Si au contraire l'on comprend l'orthopraxie dans un sens sociopolitique, alors se pose de nouveau la question de ce qu'est une action politique juste. Les théologies de la libération, qui sont animées par la conviction que le marxisme nous dit clairement ce qu'est la juste praxis politique, peuvent utiliser la notion d'orthopraxie dans son véritable sens. Ici la question n'est pas de savoir ce qui est facultatif, mais de connaître une forme adaptée à tous de la praxis juste ; c'est là la vraie orthopraxie, qui peut rassembler la communauté et se séparer de ceux qui rejettent la juste manière d'agir. C'est dans cette mesure que les théologies de la libération imprégnées de marxisme étaient, d'une certaine manière, logiques et conséquentes. Comme on le voit, cette orthopraxie repose cependant sur une orthodoxie (au sens moderne) précise, un système de théories obligatoires concernant la voie vers la liberté. Knitter reste proche de ce principe quand il dit que le critère de distinction entre l'orthopraxie et la pseudopraxie, c'est la liberté 9. Cependant on se doit de nous expliquer, de manière convaincante et pratique, ce qu'est la liberté et quel est le but de la véritable libération de l'homme : ce n'est sûrement pas l'orthopraxie marxiste, comme nous venons de le voir. Une chose pourtant est claire : les théories relativistes débouchent vers le facultatif et se rendent elles-mêmes superflues, sinon elles prétendent donner des règles absolues, qui désormais s'identifient à la praxis et établissent un absolutisme où en fait elles ne peuvent trouver leur place. De fait, il est vrai qu'aujourd'hui en Asie les concepts de la théologie de la libération sont visiblement proposés comme des formes de christianisme qui correspondent davantage, du moins le suppose-t-on, à la spiritualité asiatique, et situent le noyau de leur action dans la sphère politique. Là où le mystère ne compte plus, c'est la politique qui devient religion. Et cela est sans aucun doute profondément opposé à la vision religieuse originelle de l'Asie.
Le New Age
Le relativisme de Hick, Knitter et des théories apparentées est basé, en fin de compte, sur un rationalisme qui affirme que la raison — au sens kantien — est incapable d'une connaissance métaphysique 10. La nouvelle fondation de la religion ne peut réussir que d'une manière pragmatique avec une connotation plus éthique ou plus politique. Cependant, il existe aussi une réponse consciemment anti-rationaliste à l'expérience du tout est relatif, qui se rassemble dans les multiples strates du New Age 11. La sortie du dilemme du relativisme n'est désormais plus cherchée dans une nouvelle rencontre du Moi avec le Tu ou le Nous, mais dans la subversion du Sujet, dans le retour extatique dans le ballet cosmique. Semblable en cela à la gnose antique, ce chemin se prétend en harmonie totale avec tout ce qu'enseigne et revendique la science, et exploite les connaissances scientifiques de toute nature (biologie, psychologie, sociologie, physique). Mais en même temps il offre en arrière-plan un modèle entièrement anti-rationaliste de la religion, une mystique moderne : l'Absolu n'est pas à croire, mais à expérimenter. Dieu n'est pas une personne qui se tient en face du monde, mais l'énergie spirituelle présente dans le Tout. La religion signifie l'harmonie de mon Moi avec la totalité cosmique, la victoire sur toute séparation. K.H. Menke caractérise de façon très juste ce retournement spirituel de l'histoire qui se produit par là, quand il dit : « Le sujet qui voulait tout soumettre à soi-même, désire désormais s'élever dans le Tout » 12. La raison objectivante — comme nous le dit le New Age — nous ferme le chemin vers le mystère de la réalité ; le être-moi nous isole de la plénitude de la réalité cosmique, il détruit l'harmonie du Tout et est la cause véritable de notre non-rédemption. La rédemption se trouve dans la limitation du Moi, dans l'immersion dans la plénitude du vivant, dans le retour au Tout. On recherche l'extase, l'ivresse de l'infini, qui peut se trouver dans la musique enivrante, dans le rythme, la danse, la frénésie de la lumière et des ténèbres, dans la masse humaine. Ici ce n'est plus seulement la voie de la modernité vers la domination du moi qui est rejetée ; pour être racheté, c'est l'homme lui-même qui doit se laisser rejeter. Les dieux sont de retour. Ils sont devenus plus crédibles que Dieu. Les rites primitifs doivent être renouvelés, en eux le Moi est initié aux mystères du Tout et libéré de lui-même.
Il existe plusieurs causes à ce renouveau des religions et cultes pré-chrétiens qui aujourd'hui sont recherchés de diverses manières. S'il n'y a pas de vérité commune qui soit valable précisément parce qu'elle est vraie, alors le christianisme n'est qu'une importation de l'extérieur, un impérialisme spirituel, qu'il est de notre devoir de renverser, au même titre que ses équivalents politiques. Si le contact avec le Dieu vivant de tous les hommes ne se trouve pas dans les sacrements, alors ce sont des rituels vides, qui ne nous disent et ne nous donnent absolument rien, au mieux ils nous font sentir le numineux qui existe dans toutes les religions. Il semble alors plus sensé de chercher l'origine, plutôt que de se laisser imposer ce qui est étranger et périmé. Et avant tout, si la « sobre ivresse » du mystère chrétien ne peut nous faire goûter à Dieu, alors la véritable ivresse des extases réelles doit nous saisir, sa passion nous emporter et au moins pour un moment nous transformer en dieux, pour ressentir dans l'instant le désir de l'infini et nous faire oublier la misère de la finitude. Plus la vanité des absolutismes politiques devient évidente, plus puissante devient l'attraction de l'irrationnel, le renoncement à la réalité de la vie quotidienne 13.
Le pragmatisme dans le quotidien de l'Église
À côté de ces solutions radicales et à côté du grand pragmatisme des théologies de la libération, il y a cependant le pragmatisme terne de la vie quotidienne de l'Église, où apparemment tout continue normalement mais où en réalité la foi s'étiole et sombre dans le mesquin. Je pense à deux phénomènes qui me préoccupent. D'abord, il y a cette tentative qui, à différents degrés, cherche à étendre le principe de majorité à la foi et aux mœurs, afin de démocratiser définitivement l'Église. Ce qui n'est pas évident pour la majorité ne peut pas être obligatoire, paraît-il. Mais quelle majorité, en fait ? Y aura-t-il demain une majorité semblable à celle d'aujourd'hui ? Une foi dont nous pouvons décider nous-mêmes le contenu n'est en aucune façon une foi. Et il n'y a aucune raison pour qu'une minorité se laisse dicter sa foi par une majorité. La foi et sa praxis, ou bien vient du Seigneur par l'Église et le ministère sacramentel, ou bien n'existe pas. L'abandon de la foi par beaucoup repose sur le fait qu'il leur semble que la foi pourrait être décidée par n'importe quelles instances, et serait une sorte de programme politique ; celui qui détient le pouvoir décide de ce qu'il y a à croire, et il ne reste plus qu'à prendre soi-même le pouvoir dans l'Église ou bien — de manière plus évidente et logique — de ne plus croire.
L'autre point sur lequel je voudrais insister touche à la liturgie. Les différentes phases de la réforme liturgique ont pu laisser croire que la liturgie pouvait être modifiée de façon arbitraire. S'il existe quelque chose qu'on ne peut changer, ce sont, dans tous les cas, les paroles de la consécration. Mais on peut changer tout le reste. L'idée suivante est logique : si une autorité centrale peut le faire, pourquoi les instances locales n'en auraient-elles pas le droit ? Et si les instances locales le peuvent, pourquoi pas en fait la communauté elle-même ? Elle devrait s'exprimer et se retrouver dans la liturgie. Après les orientations rationalistes et puritaines des années 1970 et aussi 1980, on en a assez aujourd'hui des liturgies discursives et on préférerait une liturgie de la vie, qui se rapproche très vite des tendances du New Age : on cherche l'ivresse et l'extase, et non pas la logikè latreia, la rationalis oblatio (le service divin fondé sur la raison, le Logos) dont parle Paul et avec lui la liturgie romaine (Romains 12, 1).
J'admets que j'exagère ; ce que je dis ne correspond pas à la situation normale de nos communautés. Mais les tendances sont là. Et c'est pourquoi la vigilance est recommandée, afin que nous ne recevions pas par mégarde un autre Évangile — une pierre à la place du pain — que celui que nous offre le Seigneur.
Les tâches de la théologie
Ainsi nous nous retrouvons dans une situation tout à fait unique : la théologie de la libération avait cherché à donner au christianisme, fatigué des dogmes, une nouvelle praxis, par laquelle la rédemption devait finalement se produire. Mais cette praxis a laissé derrière elle des ruines au lieu d'apporter la liberté. C'est ainsi que sont restés le relativisme et la tentative de s'arranger avec lui. Mais ce qu'il nous propose est de nouveau si vide, que les théories relativistes cherchent de l'aide du côté de la théologie de la libération, pour que nous devenions capables de le pratiquer. Enfin le New Age affirme : laissons de côté l'expérience manquée du christianisme, revenons plutôt aux dieux, nous n'en vivrons que mieux. Mais beaucoup de questions se font jour. Prenons la plus pratique : pourquoi la théologie classique s'est-elle trouvée sans défense devant ces processus ? Où se trouvent les points faibles par lesquels elle a perdu sa crédibilité ?
Je voudrais citer deux points qui s'imposent dans les écrits de Hick et Knitter. Les deux en appellent à l'exégèse pour justifier leur éloignement de la foi chrétienne : ils disent que l'exégèse a prouvé que Jésus lui-même ne se considérait pas comme le Fils de Dieu, comme un Dieu incarné, mais qu'il fut progressivement considéré comme tel par ses disciples 14. Pour aller plus loin, les deux — Hick plus clairement que Knitter — en appellent à l'évidence philosophique. Hick nous assure que Kant avait prouvé de manière incontestable que l'absolu ne peut pas être connu dans l'histoire et que rien de tel ne peut se présenter tel quel dans l'histoire. À cause de la structure de notre connaissance, ce qu'affirme la foi chrétienne ne peut pas exister, selon Kant. En conséquence, les miracles, les mystères et les moyens de salut sont superstition, comme Kant nous l'explique dans son ouvrage La Religion dans les Limites de la Raison pure 15. En fait, il me semble que la question de l'exégèse et des limites et possibilités de notre raison, d'après les présupposés philosophiques de la foi, indiquent le point critique de la théologie contemporaine, où se trouve engagée la foi — et de plus en plus la foi des simples.
Je voudrais simplement ici essayer de souligner les tâches qui sont devant nous. D'abord, en ce qui concerne l'exégèse, on peut dire que Hick et Knitter ne sont absolument pas compétents dans ce domaine, dont ils présentent pourtant des résultats comme s'ils étaient sûrs et acceptés par tous. Il est impossible, dans la recherche historique, d'avoir de telles certitudes. C'est encore plus impossible quand il s'agit d'une question qui n'est pas purement historique ou littéraire, mais qui implique des choix de valeurs qui vont au-delà d'une pure vérification du passé et d'une simple interprétation des textes. Mais il est exact qu'un coup d'œil général à travers l'exégèse moderne peut donner une impression qui se rapproche du point de vue de Hick et de Knitter.
De quelle sorte de certitude s'agit-il ? Supposons que la majorité des exégètes pensent de la sorte (ce qui peut être mis en doute). Alors demeure la question : sur quoi est fondée l'opinion de cette majorité ? Ma thèse est la suivante : le fait que beaucoup d'exégètes pensent comme Hick et Knitter et reconstruisent l'histoire de Jésus de manière aberrante, repose sur le fait qu'ils partagent la même philosophie. Ce n'est pas l'exégèse qui justifie la philosophie, mais la philosophie qui produit l'exégèse 16. Si je sais a priori (pour parler avec Kant) que Jésus ne peut pas être Dieu, que les miracles, les mystères et les sacrements sont trois formes de superstition, alors je ne peux pas découvrir comme faits ce qui est tiré des Écritures Saintes, puisqu'ils ne peuvent pas être des faits. Alors je peux découvrir seulement pourquoi et comment on en est arrivé à de telles affirmations, et comment elles se sont progressivement formées.
Regardons cela plus précisément. La méthode historico-critique est un instrument exceptionnel pour lire les sources historiques et interpréter les textes. Mais elle possède sa propre philosophie qui, en général — par exemple lorsque j'essaye de connaître l'histoire des empereurs médiévaux — joue un rôle important. Et c'est parce que je veux par là connaître le passé, rien de plus. Mais cela ne se passe pas de manière absolument neutre, et là se trouvent les limites de la méthode. Si on l'applique à la Bible, deux facteurs remarquables apparaissent clairement : la méthode connaîtra le passé en tant que passé. Elle voudra, autant que possible, saisir une époque dans son propre contexte, au point où elle se trouvait alors. Et elle pose a priori que l'histoire, par principe, est uniforme : l'homme dans toutes ses différences, le monde dans toute sa variété sont déterminés par les mêmes lois et les mêmes limites, de façon que je peux décider de ce qui est impossible. Ce qui aujourd'hui ne peut en aucune façon se produire, ne pouvait pas non plus arriver hier et n'arrivera pas non plus demain.
Si l'on applique ce principe à la Bible, cela veut dire qu'un texte, un événement, une personne est fixé définitivement dans son passé. On exprimera ce que l'auteur de l'époque a dit, ou éventuellement ce qu'il a pu penser. Là est l'historique, le passé. C'est pourquoi, avec l'exégèse historico-critique, la Bible ne se communique pas au temps présent, à mon existence d'aujourd'hui. Cela est exclu. Au contraire, elle l'éloigne de moi et la montre solidement installée dans le passé. Sur ce point, Drewermann conteste avec raison l'exégèse historico-critique, dans la mesure où elle se prétend auto-suffisante. De par son essence même, elle ne parle pas d'aujourd'hui, elle ne parle pas de moi, mais de l'hier, mais des autres. C'est pourquoi, si elle est fidèle à elle-même, elle ne peut jamais montrer que le Christ d'hier, et non celui d'aujourd'hui, de demain et dans les siècles des siècles.
Vient ensuite la seconde hypothèse, la similarité du monde et de l'histoire, et donc ce que Bultmann appelle la vision moderne du monde. M. Waldstein a montré, dans une analyse très détaillée, que la théorie de la connaissance de Bultmann est totalement conforme au néo-kantisme de Marburg 17. À partir de là il savait ce qui pouvait ou ne pouvait pas exister. Chez d'autres exégètes, la conscience philosophique est moins présente, mais ils se fondent toujours, implicitement, sur la théorie kantienne de la connaissance, et l'admettent comme un accès herméneutique à la critique qui va naturellement de soi. S'il en est ainsi, l'autorité de l'Église ne peut plus simplement imposer de l'extérieur ; or, l'Église se fonde sur une christologie de la filiation divine qui peut et doit inviter à examiner de manière critique la philosophie de cette méthode particulière. La Révélation est irruption du Dieu vivant et vrai dans notre monde, elle nous libère des geôles de nos théories, dont les grilles veulent nous protéger contre l'irruption de Dieu dans notre vie. Grâce à Dieu, dans la crise de la philosophie et de la théologie que nous vivons aujourd'hui, une nouvelle réflexion sur les fondements se met en marche dans l'exégèse, et qui ne se limite pas aux connaissances atteintes par une lecture historique détaillée du texte 18. Ces travaux sont d'un grand secours pour abattre la prison de nos décisions philosophiques antérieures qui paralyse l'interprétation : la pleine dimension du verbe s'ouvre de nouveau.
Le problème de l'exégèse, on l'a vu, va de pair avec celui de la philosophie. La misère de la philosophie, c'est-à-dire la misère dans laquelle la raison positiviste s'est précipitée, est devenue misère de notre foi. Celle-ci ne peut être libérée si la raison ne s'ouvre pas à la nouveauté. Si la porte de la connaissance métaphysique demeure fermée, si les frontières du savoir humain telles qu'elles sont fixées par Kant sont infranchissables, alors la foi ne peut que dépérir : le souffle lui manque. Certes, la tentative d'une raison autonome — qui ne veut rien savoir de la foi — de se sortir du marécage du doute en se tirant soi-même par les cheveux, n'a finalement guère réussi. Car la raison humaine n'est absolument pas autonome. Elle vit toujours dans un contexte historique, qui, nous le voyons, voile son regard. C'est pourquoi elle a besoin de l'aide de l'histoire pour dépasser ses barrières historiques 19. Je pense que le rationalisme néo-scolastique a échoué, en raisonnant de manière complètement indépendante de la foi, à reconstruire les Preambula Fidei avec une certitude purement rationnelle. Toutes les tentatives de ce genre finissent de la même façon. Dans cette perspective, Barth avait raison, quand il rejetait la philosophie en tant que fondement de la foi indépendamment de celle-ci : cela reviendrait, en fin de compte, à fonder notre foi sur des théories philosophiques interchangeables. Mais Barth se trompait, quand pour cette raison il expliquait la foi en termes de pur paradoxe qui ne pourrait exister qu'en opposition avec la raison et complètement indépendamment d'elle. Car ce n'est pas la moindre fonction de la foi que de proposer la sanctification de notre raison en tant que raison, elle ne lui fait pas violence, elle ne lui est pas extérieure, mais elle la ramène à elle-même. L'instrument historique de la foi peut de nouveau libérer la raison en tant que telle, de façon que désormais, ainsi mise sur la voie, elle puisse de nouveau se contempler elle-même. Nous devons nous efforcer d'établir de nouvelles relations de ce genre entre la foi et la philosophie, car chacune a besoin de l'autre. La raisons ne sera pas sauvée sans la foi, mais la foi sans la raison devient inhumaine.
Perspectives
Si l'on considère la situation culturelle présente, sur laquelle j'ai essayé de donner quelques éléments, il faut considérer comme un miracle que malgré tout, il y ait encore une foi chrétienne, qui ne soit pas réduite aux formes de substitution de Hick, Knitter et des autres, mais qui demeure la foi entière et sereine du Nouveau Testament et de l'Église de tous les temps. Pourquoi donc la foi a-t-elle encore une chance ? Je dirais : parce qu'elle correspond à l'être de l'homme. Car l'homme possède une toute autre dimension que celle où veulent l'enfermer Kant et les différentes philosophies post-kantiennes. Kant lui-même a dû le concéder d'une certaine manière avec ses postulats. Dans l'homme brûle, inextinguible, l'aspiration vers l'infini. Aucune des réponses proposées n'est suffisante ; seul Dieu, qui lui-même s'est rendu fini pour nous arracher à notre finitude et nous conduire dans l'immensité de son infini, répond à la question de notre existence. C'est pourquoi, même aujourd'hui, la foi chrétienne rencontrera de nouveau l'homme. Notre devoir est de la servir avec un humble courage, avec toute la force de notre intelligence et de notre cœur.
Joseph, cardinal Ratzinger, Où en est la théologie ?
 in Communio XXII-1 (1997)
Traduit de l'allemand par Isabelle Ledoux

1. Un panorama des auteurs les plus importants de la théologie pluraliste est proposé par P. Schmidt-Leukel : Das Pluralistische Modell in der Theologie des Religionen. Ein Literaturbericht, dans Theologische Revue, 89, 353-370 (1993). Pour l'analyse, voir M. von Brück et J. Werbick, Der einzige Weg zur Heil ? Die Herrausforderung des christlichen Absolutheitsanspruch durch pluralistische Religionstheologien (QD 143, Freiburg 1993). K-H. Menke, Die Einzigheit Jesu Christi im Horizont der Sinnfrage (Freiburg, 1995), en particulier pp. 75-176. Menke présente une excellente introduction à la pensée de deux représentants majeurs de ce courant : J. Hick et P.F. Knitter, sur laquelle je m'appuierai dans ce qui suit. L'analyse que fait Menke de cette question dans la deuxième partie de son ouvrage contient beaucoup d'éléments importants et pertinents, mais pose également quelques problèmes.
Une tentative intéressante et systématique d'aborder la question des religions de façon nouvelle, à partir de la christologie, est proposée par B. Stubenrauch, Dialogisches Dogma. Der christliche Auftrag zur interreligiösen Begegnung (QD 158, Freiburg 1995). La question est également abordée par un document que prépare actuellement la Commission Théologique internationale.
2. Voir à ce sujet l'éditorial particulièrement instructif du cahier 1, pp. 107-120 de Civiltà Cattolica : Il cristianesimo e le altre religioni. L'éditorial aborde en particulier les pensées de Hick, Knitter et R. Panikkar.
3. Voir par exemple : J. Hick, An Interpretation of Religion. Human Responses to Transcendent, Londres, 1989. Menke, op. cit., p. 90.
4. Cf. E. Frauwallner, Geschichte der indischen Philosophie, 2 vol., Salzbourg, 1953 et 1956. H. von Glasenapp, Die Philosophie der Inder, Stuttgart, 1985. S.N. Dasgupta, History of Indian Philosophy, 5 vol., Cambridge, 1922 — 1955. K.B. Ramakrishna Rao, Ontology of Advaita with special reference to Maya, Mulki, 1964.
5. Un auteur relevant typiquement de cette rendance est B.F. Beyond settled foundation. The journey of Indian Theology, Madras, 1993 ; Same tentative reflections on the language of Christian unique ness : an Indian perspective, dans Pont. Cons. pro Dialogo inter Religiones, Pro Dialogo Bulletin 85-86 (1994/1), 40-57.
6. J. Hick, Evil and the God of Love, Norfolk, 1975, 240 ss ; An Interpretation of Religion, 236-240. Comparer Menke, op. cit., 81 ss.
7. L'ouvrage principal de Knitter, No Other Name ! A critical Survey of Christian Attitudes toward the World Religions, New York, 1985, a été traduit en plusieurs langues. Voir aussi à ce sujet Menke, ibid., pp. 94-110. A. Kolping en présente une appréciation finement critique dans sa recension dans Theologische Revue, 87 (1991), 234-240.
8. Cf. Menke, op. cit., 95.
9. Cf. Menke, 109.
10. Knitter comme Hick fondent leur refus de l'absolu sur l'histoire de la pensée de Kant ; voir Menke, 78 et 108.
11. Le concept de New Age ou d'ère du Verseau fut introduit vers le milieu de notre siècle par Raoul Le Cour (1937) et Alice Bailey (elle a parlé de messages reçus en 1945 concernant un nouvel ordre du monde et une nouvelle religion mondiale). Entre 1960 et 1970 apparut également en Californie l'Institut Esalen. Aujourd'hui Marilyn Ferguson est la porte-parole la plus connue du New Age. Michael Fuss (New Age : Supermarkt des Zusammenstömens alternativer Spiritualität, dans Communio (Edition allemande) 20, 148 (1991) considère le New Age comme le résultat d'une confluence entre des éléments judéo-chrétiens, le processus de sécularisation, des courants gnostiques et des éléments (les religions orientales. Des orientations précieuses sur ce thème sont proposées dans la lettre pastorale du Cardinal Danneels, Le Christ ou le Verseau, 1990. Voir aussi Menke, op. cit., 31-36. J. Le Bar (Ed.), Cults, sects and the New Age, Huntington, Indiana.
12. Op. cit., 33.
13. Il faut remarquer à ce sujet que le New Age s'oriente de plus en plus clairement vers deux directions : une tendance gnostico-religieuse, qui cherche l'Etre transcendant et transpersonnel et par là le Soi véritable, et une orientation écologico-moniste, qui fait appel à la matière et à la Terre-Mère, et qui est liée au féminisme dans l'éco-féminisme.
14. Voir citations chez Menke, op. cit., pp. 90 et 97.
15. Ce climat spirituel issu de cette philosophie et demeuré jusqu'il aujourd'hui très influent est décrit très clairement, d'après sa propre exrience, par M. Kriele, Anthroposophie und Kirche. Erfahrungen eines Grenzgängers, Freiburg, 1996.
16. On le voit très clairement dans la confrontation entre A. Schlatter et A. von Harnack à la fin du siècle dernier, présentée avec beaucoup de soin d'après les sources par W. Neuer, Adolf Schlatter. Ein Leben für Theologie und Kirche, Stuttgart, 1996, pp. 301 et ss. Schlatter explique dans une lettre : « Nous avons défini la différence religieuse : cela signifie que la parole du prophète « ah, tu as déchiré les cieux » (Isaïe 64, 1) ne serait pas accomplie ; nous en serions encore au niveau psychologique, au niveau de la croyance... (pp. 306). Comme Harnack l'expliquait au cercle du Collège de son Université : « La seule chose qui me sépare de mon collègue Schlatter, c'est la question des miracles ! » Schlatter répondit : « Non, c'est la question de Dieu ! ». Schlatter voyait concrètement la différence fondamentale dans la christologie : « Si Jésus nous fut montré tel qu'il est... ou si le Nouveau Testament a disparu derrière notre « science », là était la question.. ». (p. 307). Cette question n'a pas changé un siècle plus tard. Voir aussi chez Kriele, op. cit., le chapitre : « la théologie fait perdre la foi », pp. 21-28. J'ai essayé de présenter ma vision du problème dans la Questio Disputata que j'ai éditée : Schriftauslegung im Widerstreit, Freiburg, 1989. Voir aussi les mélanges d'I. de La Poterie, R. Guardini — J. Ratzinger — G. Colombo — E. Bianchi, l'exsegesi cristiana oggi, Piemme, 1991.
17. M. Waldstein, The foundations of Bultmann's work, Communio (Ed. américaine), 1987, pp. 115-145.
18. Voir par exemple l'ouvrage collectif édité par C.E. Braaten et R.M. Jenson, Reclaiming the Bible for the Church, Cambridge, USA, 1995, et en particulier la contribution de B.S. Childs, On Reclaiming the Bible for Christian Theology, pp. 1-17.
19. Même si l'on peut trouver, dans la pensée de H.J. Verweyen, Gottes letztes Wort (Düsseldorf, 1991) beaucoup d'éléments importants et justes, pour moi son erreur philosophique essentielle consiste dans le fait d'essayer d'offrir un fondement rationnel à la foi indépendamment d'elle-même, tentative qui cependant ne peut être convaincante dans sa rationalité purement abstraite. La pensée de Verweyen est également mentionnée par K.H. Menke, op. cit. pp. 111-176. À mon sens, la position de J. Pieper (Schriften zum Philosophiebegriff, Hambourg, 1995) présente des fondements plus solides et est plus convaincante d'un point de vue historique et objectif.