jeudi 14 mars 2019

En signant... Don Montfort de Lassus, La douceur est la force de Dieu



La douceur est bonté généreuse, libéralité de Dieu à l'égard de son peuple, mansuétude de Jésus-Christ envers les hommes. Le Seigneur redouble d'attention bienveillante envers le fautif pour l'aider à se convertir, il soigne à la manière du bon Samaritain. Bon pasteur, il s'échine à retirer les épines de la brebis perdue. En contraste, loin de la douceur voulue par les Béatitudes, confessons notre fermeture d'esprit, notre dureté de cœur envers le prochain quand la douceur est bienveillance foncière envers lui, soucis affectueux, délicatesse et service. On est loin des « feintes douceurs, des douceurs dédaigneuses, pleines d'une fierté cachée ; ostentation et affectation de douceur, plus désobligeante, plus insultante que l'aigreur déclarée » (Bossuet), dont le chrétien peut s'enticher. Ce style compassé porte préjudice car il manque de naturel, de grandeur d'âme et d'humilité propres à la douceur.
En effet l'humilité est la source de la véritable douceur. Aussi le modèle du maître doux et humble préfiguré par Moïse, « le plus doux des hommes », a-t-il profondément marqué les disciples ; non une humilité douceâtre mais l'humilité forte du roi « humble et monté sur un ânon ». Car la douceur est la force même de Dieu, force qui, voulant nous éviter d'enfler comme un bœuf, nous fait devenir « comme cet âne sur lequel le Seigneur était assis et qui ne prenait pas pour lui les hosanna qui s'adressaient au Fils de Dieu » (St Augustin). La douceur est donc d'abord humble reconnaissance de soi, complaisance en Dieu plus qu'en soi. « Fleur de la charité » (St François de Sales), la douceur remédie à l'orgueil.
 « Il faut tout faire par amour et non par force ». La douceur apparaît alors comme maîtrise de soi. C'est elle qui domine les instincts d'agressivité, modère, permet prudence et compassion à l'égard d'autrui. Pour réduire un fond orgueilleux et colérique, rien ne vaut la prière, en ondes douces, envers les proches ou envers soi-même, pour cesser de se dépiter des imperfections. Loin de la complaisance relativiste, la douceur de Dieu est sans faiblesse. Elle est le fait d'un amour fort et exigeant conformé à la douceur du Christ. C'est celle de saint Étienne parlant sans colère ni arrogance à ses bourreaux qui reconnaissent en lui le visage d'un ange. Vertu chrétienne qui conforme au Christ, la douceur devient la parure de l'Église-épouse qui trouve son égalité d'âme dans une vie spirituelle tournée vers la contemplation.
Enfin, la douceur apparaît missionnaire. Elle permet d'affronter les loups. Elle se déploie dans un cœur magnanime qui ne craint pas de se donner jusqu'à l'héroïsme. Vertu énergique en liaison avec l'audace de la prédication évangélique, elle est liée au martyre. Elle prend la défense du prochain sans revendication personnelle tel saint Maximilien Kolbe. Indice d'une grande force d'âme, elle commande la vie apostolique. C'est pourquoi, à l'image de l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde, les apôtres sont eux-mêmes envoyés « comme des agneaux au milieu des loups ».
Don Montfort de Lassus, in Sub Signo Martini n°62